2. Les conséquences sur l'économie de l'audiovisuel
Après ce rappel très sommaire des
évolutions globales de l'audiovisuel, il est intéressant
d'insister sur quelques aspects particulièrement significatifs des
perspectives du secteur.
Première constatation, le financement de l'audiovisuel va sans doute
connaître une profonde évolution. La ressource publicitaire
devrait en effet, sinon se raréfier, croître à un rythme
plus modéré. En 1996, les chaînes hertziennes ont
réalisé un chiffre d'affaires de 22 milliards de francs, en
augmentation de 7,6 % par rapport à 1995, ce qui représente
une hausse très éloignée des taux à deux chiffres
connus dans les années 1980. La part de marché de la
télévision dans
l'ensemble des cinq grands médias
s'est ainsi élevée à 33,5 % contre 33 % en 1995,
31,9 % en 1994, 31,2 % en 1993, mais le marché pourrait se
stabiliser à terme si l'on se réfère à la situation
des autres pays européens. En Angleterre, par exemple, il semble que la
part du marché publicitaire détenue par la
télévision soit en régression. Ajoutons que si le
média télévision bénéficie de la
réputation des instruments de mesure quotidienne de l'audience,
certaines études commencent à donner à penser que
l'efficacité des campagnes s'analyse parfois plus en termes de
notoriété des marques qu'en termes de progression des ventes. Il
s'agit naturellement de prospective à moyen terme plus que d'analyse des
évolutions en cours, dans la mesure où les chiffres
français les plus récents montrent la bonne santé du
média télévision. Il n'en reste pas moins que les
dirigeants de l'audiovisuel ne semblent pas tabler sur le marché
publicitaire pour dégager les nouvelles ressources nécessaires
à leur croissance.
C'est donc dans une large mesure à la télévision payante
que l'avenir appartient, comme paraît le confirmer la progression
constante de son chiffre d'affaires. Une étude récente indique
que celui-ci dépassera 15 milliards de francs en 1997 et qu'en
1999, les recettes de la télévision payante dépasseront
20 milliards de francs, les recettes des bouquets satellitaires
dépassant celles des réseaux câblés. Dernière
prévision tirée de cette étude, en 2001, les chaînes
payantes dépasseraient le chiffre d'affaires de 23 milliards de
francs, montant équivalant au chiffre d'affaires actuel des
chaînes hertziennes en clair. Voilà qui ouvre la perspective de
profonds bouleversements même si les chaînes hertziennes existantes
seront au coeur du mouvement en raison des capacités financières
encore faibles des chaînes thématiques.
Ceci conduit à évoquer l'évolution prévisible des
structures du secteur, un sujet qui devra particulièrement retenir
l'attention du législateur. On discerne dans l'adaptation des
opérateurs à la nouvelle donne du numérique un mouvement
vers
l'intégration verticale
dont il conviendra en effet
d'analyser les conséquences sur les conditions de la concurrence dans le
secteur de la télévision. Qu'en est-il ? La diffusion
numérique, en permettant le développement de formats
différents et en augmentant la demande de programmes, transforme
profondément l'équilibre de la filière
éditeur-producteur-diffuseur. Des métiers nouveaux sont apparus
ou ont pris une importance accrue, notamment dans le domaine de la
distribution, avec la vente et la gestion d'abonnements, ainsi qu'avec la vente
et la gestion de catalogues de droits. Une chaîne de
télévision ne peut plus rester cantonnée dans le
métier de diffuseur-éditeur éventuellement producteur pour
son seul compte, sauf à entrer dans une logique de récession,
sauf à perdre des ressources compte tenu des évolutions qui se
profilent en matière de financement, sauf à perdre de l'audience
compte tenu de la montée des chaînes thématiques, sauf
à perdre l'accès aux marchés des programmes que les
alliances entre les autres acteurs auront rendus captifs. D'où la
constitution de groupes et d'alliances susceptibles de déboucher sur
l'émergence de groupes médiatiques intégrés
contrôlant les différentes étapes de la production et de la
diffusion des oeuvres audiovisuelles à travers différents
médias et différents pays.
C'est l'évolution que nous voyons s'esquisser en France et dont une des
manifestations les plus évidentes est la courses aux catalogues de
droits de diffusion à laquelle se livrent les opérateurs
engagés dans le mouvement vers la numérisation.
Toutes ces évolutions ont naturellement des conséquences sur la
manière dont les pouvoirs publics appréhendent et
infléchissent le secteur audiovisuel, tentent d'y insuffler une dose
d'intérêt public qui peut ne pas correspondre aux attentes
immédiates des opérateurs.
Or, il ne semble pas que le gouvernement ait réellement pris conscience
du hiatus de plus en plus manifeste entre la législation existante et le
contexte nouveau de l'audiovisuel.