2. Arte et La Cinquième
a) Panorama budgétaire pour 1998
Qualifiées par le ministre de
" références majeures du secteur public audiovisuel "
lors de la conférence de presse de présentation du projet de
budget, comme votre rapporteur le notait précédemment, la
Sept-Arte et La Cinquième voient leur budget de 1998 porté
respectivement à 1,8 milliard de francs (+ 7,3 %) et à
781 millions de francs (+ 6,7 %).
Les ressources de la Sept-Arte sont d'origine essentiellement publique :
956,5 millions de francs de redevance et 40,8 millions de francs de
crédits budgétaires. Il en est de même pour La
Cinquième qui perçoit 710,9 millions de francs de redevance
et 40,85 millions de francs de crédits budgétaires.
Les deux chaînes bénéficieront d'un montant significatif de
mesures nouvelles, 17 millions de francs pour les programmes de La
Cinquième et 28,6 millions de francs pour ceux d'Arte qui
bénéficiera, en outre, de 16,3 millions de francs non
reconductibles pour la reconstitution de ses stocks.
De son côté, La Cinquième bénéficiera de
22,5 millions de francs pour la banque des programmes et des services.
b) Quelques remarques
L'évolution globale des crédits
L'objectif du projet de budget est, comme l'a indiqué le ministre et
comme M. Jérôme Clément, président commun des
chaînes l'a explicité au cours de son audition par votre
commission, d'effectuer "
un rattrapage partiel des importantes
amputations de crédits opérées en 1997, en particulier sur
les budgets de programme et sur les budgets de communication des deux
chaînes. Les crédits prévus pour 1998 permettront la
reconstitution des stocks de programmes et le développement de la banque
de programmes et de services de La Cinquième
".
De fait, un programme d'économies tout à fait significatif avait
été demandé aux deux chaînes dans le budget de 1997.
Il s'élevait globalement à 185,6 millions de francs dont
93,2 millions de francs pour la Sept-Arte et 93,4 millions de francs
pour La Cinquième. La fusion, prévue dès
l'élaboration du projet de budget, devait permettre une économie
de 65,8 millions de francs pour la Sept-Arte et de 76,4 millions de
francs pour La Cinquième.
Il semble que le processus de fusion effectivement engagé avec la
nomination de M. Jérôme Clément à la tête de
La Cinquième, même si sa concrétisation juridique a
été retardée, ne donnera pas les résultats
escomptés, en dépit d'un effort de recomposition des structures
qui s'est traduit par la nomination de responsables de la Sept aux postes
clés de La Cinquième.
Cette rationalisation dont les modalités suscitent parfois la surprise
de l'observateur extérieur
2(
*
)
, semble avoir produit l'essentiel de
ses effets : M. Jérôme Clément a indiqué
lors de son audition par votre commission qu'il n'y aurait pas de diminution
des emplois compte tenu de la faiblesse des effectifs de chaque chaîne.
En ce qui concerne les économies attendues d'une meilleure circulation
des programmes entre les deux antennes, il faudra encore attendre... Un effort
est cependant entrepris en faveur d'une articulation des grilles de programmes.
M. Jérôme Clément a cité, lors de son audition,
les émissions diffusées à l'occasion du centenaire
d'Aragon, des émissions sur le rôle des hommes politiques, un
programme sur la collaboration. En revanche, aucune allusion n'a
été faite à la nécessaire synergie entre l'ensemble
des chaînes publiques. On continue à se demander pourquoi des
émissions de France Télévision telles que "
un
siècle d'écrivains
" ne trouvent pas leur place dans les
programmes d'Arte et de La Cinquième.
Le maximum n'a donc manifestement pas été fait pour
exécuter les prescriptions du législateur en 1997.
Ce constat fait, votre rapporteur ne méconnaît pas
l'utilité de reconstituer la capacité d'investissement des deux
chaînes dans les programmes. Le rapport Bloch-Lainé, qui reste une
référence pertinente pour l'analyse de la politique de
l'audiovisuel public, avait constaté la diminution constante depuis 1983
du budget des programmes d'Arte : - 16 % de 1993 à 1996
alors que le coût unitaire des achats et des coproductions augmentait
régulièrement. Le même rapport avait aussi noté la
diminution des stocks de programmes inédits d'Arte, la valeur du stock
inscrite à l'actif du bilan passant de 471 millions de francs
à la fin de 1992 à 378 millions de francs à la fin de
1995.
Il n'en reste pas moins que l'effort de restauration des comptes de l'Etat
entrepris l'année dernière reste l'intérêt public
prééminent auquel il convient que se plient des organismes en
faveur du refinancement desquels on ne saurait avancer l'argument du contexte
concurrentiel de l'audiovisuel, puisqu'il s'agit d'une télévision
" d'offre " essentiellement financée par des ressources
publiques
. La " logique d'entreprise " qui impose de
comparer
l'évolution relative des ressources de France Télévision
et de ses concurrents privés, ne s'applique pas à la Sept-Arte et
à La Cinquième qu'il convient d'orienter, à l'exemple
d'Arte Deutschland, vers la mobilisation systématique des programmes du
véritable pôle du service public, France Télévision.
A cet égard, votre rapporteur conteste l'analyse avancée lors de
la conférence de presse de présentation du budget pour justifier
la situation privilégiée faite à la Sept-Arte et à
La Cinquième : "
il s'agit pour les deux chaînes de
rendre plus attractive encore une offre qui les place déjà au
coeur de la mission du service public de la
télévision
". Il ne faut pas se tromper de cible, c'est
France Télévision qui est au coeur de cette mission. Il est bon
de donner à la chaîne des
happy few
3(
*
)
les moyens de ses ambitions si les
conditions économiques générales le permettent, il serait
en revanche indispensable de donner à France Télévision
les moyens d'une stratégie de qualité plus dynamique. Votre
rapporteur revient dans la suite de ce rapport sur l'impératif d'une
meilleure définition de la personnalité propre de l'audiovisuel
public.
L'innovation
Dans ce domaine se manifestent aussi les priorités contestables du
projet de budget. Celui-ci budget prévoit une dotation de
22,5 millions de francs en faveur de la montée en puissance et du
passage à la phase de commercialisation des services de la banque de
programmes et de services de La Cinquième.
L'initiative de constituer cette banque avait été prise par
M. Jean-Marie Cavada et traduit une orientation avancée dans le
rapport présentée en 1993 par la mission du Sénat sur la
télévision éducative dont M. Pierre Laffitte
était le président et M. René Trégouët le
rapporteur. La mission avait proposé la création d'une
télévision éducative diffusant des produits
éducatifs et de formation non seulement sur le réseau hertzien
terrestre qui lui serait attribué, mais par de multiples autres canaux
et grâce à de multiples partenariats. La constitution d'une banque
de programmes accessibles par téléchargement était un
élément essentiel de cette stratégie visant à
fournir au secteur éducatif et à celui de la formation un
accès très souple aux produits vidéo.
Mais un projet aussi crucial pour le développement de
l'éducation et de la formation à distance ne doit pas être
mené à bien sans préparation, sans ligne directrice, sans
stratégie. Le flou, l'impréparation, et au bout du compte
l'échec, seraient désastreux compte tenu du caractère
nécessairement exemplaire d'un projet qui doit absolument convaincre de
la pertinence pédagogique des nouvelles technologies un monde enseignant
traditionnellement réservé.
Or, comment l'important développement de la banque de programmes et de
services est-il envisagé en 1998 ? L'audition de
M. Jérôme Clément par votre commission a
suscité des doutes chez votre rapporteur. Le président de La
Cinquième a en effet indiqué qu'il s'agissait d'un projet majeur,
mais encore en phase expérimentale, n'ayant pas encore atteint un
degré de sécurité industrielle et technologique suffisant.
Il a estimé qu'il fallait bâtir l'économie de ce projet en
déterminant son marché, son mode de financement, les modes
d'utilisation des contenus. Il a enfin précisé que le budget de
la banque, passant à 43 millions de francs, permettrait de faire
face à la nécessité prioritaire de recruter une
équipe (de fait, le responsable de ce programme vient d'être
remplacé, ce qui ne garantit pas l'accélération de sa mise
en place).
M. Jérôme Clément a enfin précisé qu'il
faudrait dans un second temps constituer une filiale avec des partenaires
publics.
On est assez loin de la montée en puissance et du passage à la
phase de commercialisation évoqués par le ministre pour expliquer
l'octroi d'une mesure nouvelle de 22,5 millions de francs. Où est
l'erreur ?
Votre rapporteur rappelle que par ailleurs le développement de France
Télévision dans le numérique, indispensable au maintien du
rôle de la télévision publique dans le nouveau paysage
audiovisuel, et porté par le succès du satellitaire TPS, ne
bénéficie d'aucune mesure nouvelle.
Emballement contestable d'un côté, abstention regrettable de
l'autre, la politique du ministère de la communication est difficile
à comprendre !