CHAPITRE IV
LA POLITIQUE DE LA MEMOIRE
I. LA MISSION DE CONTRÔLE ET D'INFORMATION SUR LA POLITIQUE DE LA MÉMOIRE
Au cours du premier semestre 1997, votre rapporteur a
effectué un contrôle, sur pièces et sur place, de
l'utilisation des crédits affectés à la
Délégation à la Mémoire et à l'Information
Historique (D.M.I.H).
En effet, depuis plusieurs années, le Parlement est
systématiquement sollicité, lors de l'examen du budget, pour
voter des crédits exceptionnels non reconductibles à la D.M.I.H.
Ce contrôle devait donc permettre de vérifier si cette
administration disposait des crédits nécessaires pour accomplir
ses missions. Dans cette perspective, votre rapporteur a été
conduit à évaluer la politique de la mémoire menée
par le ministère, c'est-à-dire à en apprécier le
coût, à travers une étude quantitative, mais
également le sens et les objectifs.
Dans le cadre de cette mission, votre rapporteur s'est rendu sur
13 nécropoles nationales réparties dans
7 départements et en Belgique. Il a également visité
le camp d'internement des Milles près d'Aix-en-Provence, le
Mémorial du Débarquement de Provence au Mont-Faron, le
Mémorial des guerres en Indochine de Fréjus, le Mémorial
de la Déportation de Natzweiler-Struthof et le Mémorial des
Martyrs et de la Déportation à l'Ile de la Cité.
Or, l'analyse de la politique de la mémoire menée par la D.M.I.H
conduit à un bilan mitigé : si l'administration du
secrétariat des anciens combattants semble en mesure, notamment
grâce au dévouement de ses fonctionnaires, d'entretenir
correctement les nécropoles nationales et les lieux de mémoire,
les actions de célébration et de promotion de la mémoire
pêchent par un manque de vision globale et à long terme.
Pourtant, la mémoire collective constitue un ciment puissant pour chaque
société puisqu'elle véhicule son histoire et transmet ses
valeurs d'une génération à l'autre. Il s'agit donc d'un
patrimoine qu'il faut savoir à la fois protéger, entretenir et
partager, surtout avec les jeunes.
C'est pourquoi votre rapporteur avait conclu son rapport par une série
de propositions pour favoriser des améliorations ponctuelles, mais
également des réformes de plus grande envergure visant à
redonner à la politique de la mémoire la place centrale qu'elle
mérite.
Ainsi, inquiet devant le ralentissement des travaux de rénovation des
sépultures de guerre depuis 1996, votre rapporteur se prononçait
pour le respect de ce programme de travaux dont la durée était
étalée jusqu'en 2000 par le ministère des anciens
combattants et pour le versement effectif des 50 millions prévus
pour leur financement.
Il rappelait également la nécessité de construire les
bases inscrites dans le plan de modernisation de l'entretien des
nécropoles nationales mis en place en 1992.
Par ailleurs, il plaidait pour la revalorisation de l'indemnité
forfaitaire versée par l'Etat aux communes et bloquée à 8
francs par tombe depuis 1981 afin de l'adapter au coût réel de
l'entretien des tombes dans les carrés communaux évalué
à 36 francs par tombe.
En ce qui concerne les réformes structurelles, votre rapporteur
insistait sur la nécessité de donner à la politique de la
mémoire vis-à-vis des jeunes une vision globale et à long
terme par l'établissement de relations permanentes avec les
collèges et les lycées et l'organisation, chaque année,
d'une manifestation sur un thème lié à la mémoire
des conflits (exposition, documentaire, témoignage,
conférence...).
Enfin, votre rapporteur dénonçait les restrictions
budgétaires systématiques touchant l'intervention en faveur de
l'information historique et l'organisation des cérémonies et
exigeait l'inscription de crédits suffisants pour mettre fin à
cette précarité financière qui nuit à la
qualité du travail de ces deux départements.
Or, le projet de budget pour 1998 présenté par le
secrétaire d'Etat aux anciens combattants est en complète
contradiction avec les conclusions du rapport de votre rapporteur.
II. UN PROJET DE BUDGET EN OPPOSITION AVEC LES CONCLUSIONS DE LA MISSION D'INFORMATION
A. UNE DIMINUTION INACCEPTABLE DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA MÉMOIRE
Ainsi, les crédits traditionnellement consacrés
aux fêtes nationales et aux cérémonies publiques (chapitre
41.91) diminuent de 4,26 % et s'élèvent à
2,2 millions de francs. Certes, le gouvernement affirme que les
manifestations envisagées pour la célébration du
quatre-vingtième anniversaire de l'armistice de 1918 ne seront pas
remises en cause et seront financées par des crédits
exceptionnels, dans le cadre d'une action interministérielle. Toutefois,
le montant de ces crédits sont encore à l'étude. En tout
état de cause, cette baisse des crédits traduit le manque
d'ambition du gouvernement en ce qui concerne la politique de la mémoire.
Ce sentiment est confirmé par l'évolution des crédits
consacrés aux interventions en faveur de l'information historique
(chapitre 43.02), qui enregistrent une baisse très sensible (- 42,8
%) pour se limiter à 3,9 millions de francs. Certes, en 1997, ils
avaient bénéficié d'une contribution non reconductible de
2 millions de crédits votés par le Parlement. Pour autant,
la réduction va bien au-delà de cette non reconduction et
correspond à une diminution de 19,1 % des services votés.
Non seulement les actions prônées par votre rapporteur dans son
rapport d'information ne pourront pas être mises en oeuvre faute de
crédits suffisants, mais la pratique dénoncée par votre
rapporteur, qui consiste à sous-estimer
délibérément les crédits en faveur de l'information
historique en comptant sur le vote par le parlement de crédits non
reconductibles pour boucler le budget se perpétue.
B. LA REMISE EN CAUSE DES TRAVAUX DE RÉNOVATION DES SÉPULTURES DE GUERRE
Les crédits consacrés à la remise en état des nécropoles nationales (chapitre 57.91, crédits de paiement) chutent de 60 % et passent à 3,2 millions de francs. Cette réduction drastique des crédits empêche la poursuite du programme de travaux 1996-2000 pour les sépultures de guerre, pourtant indispensable. En effet, les sépultures de guerre concernées par la rénovation datent de la première guerre mondiale et se trouvent la plupart du temps dans un état de délabrement critique.