CHAPITRE III
1998-2000 : TROIS ANNEES CRUCIALES POUR L'AMENAGEMENT DU
TERRITOIRE
I. LA REFORME DE LA LOI D'ORIENTATION DOIT PRESERVER LES ACQUIS DU TEXTE DE 1995.
Le ministre de l'aménagement du territoire a décidé de procéder à la révision de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Votre rapporteur déplore que cette décision intervienne avant que la loi n'ait pu porter l'ensemble de ses fruits, mais prend acte du fait que le débat s'articule désormais autour du nouveau texte que présentera le gouvernement.
A. CERTAINS OUTILS CRÉES PAR LA LOI D'ORIENTATION NE SONT PAS PLEINEMENT EXPLOITES.
1. Le schéma national d'aménagement du territoire
Le gouvernement n'a pas repris à son compte
l'avant-projet de schéma national d'aménagement du territoire
présenté à Auch en avril 1997. Pour autant, il ne remet
pas en cause le principe d'un schéma national tel que contenu dans
l'article 2 de la loi d'orientation du 4 février 1995.
Le ministre de l'aménagement du territoire a annoncé que le
schéma ne ferait pas l'objet d'un document séparé et
serait réexaminé dans le cadre de la révision de la loi
d'orientation. Cette loi devrait contenir "
un certain nombre de
grandes orientations et de prescriptions d'aménagement ayant vocation
à devenir l'armature conceptuelle d'un schéma national, sans pour
autant constituer un schéma national défini
géographiquement. La discussion de ce projet de loi portera sur
les grands principes qui seront ultérieurement déclinés
dans les schémas sectoriels et les schémas de service.
"
Un comité interministériel d'aménagement et de
développement du territoire devrait, à la mi-décembre de
1997, préciser les orientations du projet de loi, qui serait
présenté en conseil des ministres au début de
l'année 1998 et présenté au Parlement après les
élections régionales du mois de mars.
Votre rapporteur souhaite que le Parlement soit associé à
l'élaboration de la nouvelle loi, de la même façon qu'il
l'avait été en 1995.
2. Le FNDE n'est toujours pas doté
Prévu par l'article 43 de la loi d'orientation, le
fonds national de développement des entreprise répond à
une nécessité au regard de l'aménagement du territoire. En
effet, il permettrait de distribuer des aides aux entreprises désireuses
d'investir dans les régions défavorisées
4(
*
)
et qui ne rencontrent pas le
soutien des banques, peu intéressées par les projets de petite
taille. Le FNDE constitue une nécessité au regard de
l'équilibre de la politique d'aménagement du territoire car il a
été conçu comme étant aux entreprises
l'équivalent du FNADT pour les projets des collectivités locales.
Le FNDE a fait l'objet de l'ouverture d'un compte auprès de la banque de
développement des petites et moyennes entreprises (BDPME). Il a
également été décidé qu'il serait
doté d'un milliard de francs sur deux ans à partir de recettes de
privatisation.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur, il semblerait que
cette éventualité soit abandonnée. La DATAR
considère que cette somme est disproportionnée par rapport aux
besoins des très petites entreprises, qui tendent à diminuer du
fait du développement d'autres mécanismes de soutien, tels que le
programme de la Caisse des dépôts et consignations en faveur des
petites entreprises ou les plates-formes d'initiative locale. Ces
dernières sont des associations loi de 1901 fondées par acteurs
économiques locaux qui distribuent des prêts d'honneur en faveur
des très petits projets. La DATAR finance ces plates-formes par le biais
du fonds national d'aménagement et de développement du territoire.
Le besoin de financement du FNDE est aujourd'hui chiffré à 200 ou
300 millions de francs. Des négociations sont en cours avec le
ministère des finances.
3. La gestion des autres fonds n'est pas optimales
a) La dérive du FITTVN
Annoncé comme un levier pour rééquilibrer
la politique des transports en faveur des modes fluvial et ferroviaire, le
fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables, finance
essentiellement des programmes routiers et autoroutiers.
La gestion de ce fonds a été détournée de son
objectif initial. Créé par la loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire, le FITTVN ne
fait pas l'objet de la gestion interministérielle envisagée par
la loi. Le ministère de l'aménagement du territoire est tenu
à l'écart de l'utilisation de ses ressources, confiée au
seul ministère de l'équipement, des transports et du logement.
La gestion des ressources du FITTVN ne semble pas guidée par des
impératifs d'aménagement du territoire. En effet, ce fonds sert
essentiellement à financer des projets qui préexistaient à
la loi d'orientation et dont le financement se trouve ainsi
débudgétisé. Par conséquent, il est difficile
d'affirmer que la création du FITTVN a abouti à une augmentation
significative des investissements en matière de transports. En outre,
pour la première fois en 1998, les ressources du FITTVN serviront,
à hauteur de 83 millions de francs, à financer des
dépenses d'entretien du réseau routier.
b) Le lancement raté du FGER
Le fonds de gestion de l'espace rural (FGER),
géré par le ministère de l'agriculture, a
été institué par l'article 38 de la loi d'orientation afin
de financer des opérations en zones rurales en voie de
désertification. Il a pour objet de soutenir, en leur apportant une
contribution financière, les actions concourant à l'entretien et
à la réhabilitation d'espaces agricoles en voie d'abandon,
d'éléments naturels du paysage et d'espaces où
l'insuffisance d'entretien est de nature à aggraver les risques
naturels. En revanche, sont exclus de son champ d'intervention les espaces
bâtis, les infrastructures et les terrains constructibles ainsi que les
terrains appartenant à l'Etat et aux collectivités territoriales,
à l'exception des communes.
Il a principalement été utilisé pour des actions de
débroussaillage, d'entretien des haies, de restauration du bocage et de
réhabilitation des zones humides.
Les crédits affectés au FGER sont dans leur quasi totalité
répartis auprès des départements. Les orientations
générales pour l'utilisation de ce fonds sont
arrêtées au niveau départemental par le préfet
après avoir recueilli l'avis de la commission départementale de
la gestion de l'espace (CODEGE).
Votre rapporteur déplore l'évolution et la gestion des
crédits de ce fonds depuis sa mise en place en 1995. La proportion de
crédits reportés et le montant des annulations témoignent
d'un biais qu'il importe de corriger d'urgence. A cet égard,
l'annulation de 96,6% des crédits ouverts en loi de finances au cours de
l'exercice 1997 est exemplaire. Ce dysfonctionnement est attribué
à des lourdeurs de procédure retardant la déconcentration
des crédits, ainsi qu'à la lenteur du processus de
décision au sein des départements.
Les crédits relatifs au FGER
(en millions de francs)
Dans le projet de loi de finances pour 1998, le FGER est
doté de 140 millions de francs.
Votre rapporteur considère que le FGER correspond à un besoin
dans le monde rural, et souhaite que son mode de fonctionnement soit
normalisé.
L'amendement portant article additionnel après l'article 49 du projet de
loi de finances pour 1998 adopté en première lecture à
l'Assemblée nationale pourrait constituer une occasion
d'améliorer à la fois le taux de consommation des crédits
du FGER et l'aménagement de l'espace rural. Il consiste en effet
à ne plus limiter le bénéfice des subventions du FGER aux
seuls projets auxquels "
les agriculteurs ou leurs groupements sont
parties prenante
", mais d'offrir la possibilité d'accorder des
subventions aux projets d'entretien des paysages ruraux effectués par
d'autres acteurs que des exploitants agricoles.
4. Les dispositions relatives aux services publics en milieux ruraux ne sont pas appliquées.
Le maintien du moratoire opposable aux fermetures ou
suppressions de services publics en zone rurale décidé le 10 mai
1993 témoigne du faible degré de mise en oeuvre des dispositions
relatives à ce sujet contenues dans la loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire du
4 février 1994.
L'article 28 de la loi assigne aux commissions départementales
d'organisation et de modernisation des services publics, créées
en 1985, le soin de proposer au préfet et au président du conseil
général des dispositions tendant à améliorer
l'organisation et la présence, sur le terrain, des services publics. Par
services public, on entend les services des établissements, organismes
publics et entreprises nationales sous tutelle de l'Etat, mais
également, avec leur accord, les services des collectivités
territoriales et leurs groupements, ainsi que les services d'associations ou
d'organismes assurant des missions de service public ou d'intérêt
général.
Une note de méthode transmise aux préfets le 10 avril 1997
indique que ces commissions examineront en particulier les
réorganisations de services publics de proximité.
L'article 29 établit que la conclusion de contrats de services publics
ou de contrats de plan d'entreprise constituent un préalable à la
levée du moratoire. Ces contrats doivent fixer, d'une part, les
obligations en matière de services rendus et d'aménagement du
territoire que l'Etat entend donner aux entreprises ou organismes publics
placés sous sa tutelle et, d'autre part, les compensations
financières éventuellement dues par l'Etat pour les
surcoûts susceptibles de résulter de ces obligations. Toute
décision de réorganisation ou de fermeture d'un service doit
faire l'objet d'une étude d'impact contrôlant que
l'opération n'est pas en contradiction avec le contrat signé par
l'entreprise.
Le décret d'application de cet article est en cours
d'élaboration. Le ministre de l'aménagement du territoire a
estimé devant votre commission des finances que, compte tenu du rejet
répété des projets de décret par le Conseil d'Etat,
cet article pourrait se révéler inapplicable.
EDF et GDF ont cependant déjà incorporé des contrats de
service public dans les contrats de plan que ces entreprises ont conclu avec
l'Etat. Ces documents précisent les engagements de l'entreprise pour
permettre l'égalité d'accès et de traitement des usagers.
Contrats de service publics : les exemples d'EDF et de GDF
Le contrat de service public entre l'Etat et EDF
prévoit le maintien de la péréquation des tarifs sur le
territoire et une recherche du meilleur service pour l'usager au moindre
coût. EDF s'engage sur la qualité des services rendus :
intervention dans les quatre heures en cas de coupure sur tout le territoire,
réponse à une demande écrite sous huit jours.
Toute réorganisation de l'entreprise devra être
accompagnée d'une amélioration de la qualité des
prestations aux clients en utilisant éventuellement les moyens modernes
de télécommunication.
L'entreprise poursuivra sa politique d'accès à
l'électricité pour des usagers défavorisés,
notamment grâce à des accords avec les services sociaux
concernés. Elle s'engage aussi à renforcer le
développement des services rendus dans les zones prioritaires
d'aménagement du territoire (en particulier dans les zones de
redynamisation urbaine et dans les zones de revitalisation rurales).
De la même manière,
le contrat de service public
intégré au contrat de plan signé par l'Etat et GDF
vise à améliorer les diverses formes de service au client et
insiste sur la garantie des services, de qualité identique, en tous
points du territoire desservi par GDF. Il prévoit l'extension de la
desserte à environ deux cents nouvelles communes chaque année, et
des mesures d'accompagnement pour favoriser le développement local. Il
indique aussi comment GDF accompagnera ses chantiers de grandes infrastructures
et son action pour la sécurité domestique par des mesures de
formation, d'insertion et d'assistance technique à la sous-traitance,
favorable à l'emploi local.
Votre rapporteur souhaite connaître les intentions du gouvernement en
matière de soutien aux services publics en milieu rural si les
dispositions de la loi devaient se révéler véritablement
inapplicables.
5. Où va la politique des pays ?
a) La mise en oeuvre de la LOADT
Le nouveau gouvernement a choisi de reprendre à son
compte la politique des pays, en insistant sur le caractère souple et
non institutionnel de cette structure. Officiellement, les pays
"
ont
vocation à devenir le référentiel territorial pour la
conduite des opérations de développement local, l'organisation
des services d'intérêt public, dans une démarche qui
associe aux pouvoirs publics des acteurs privés
".
L'article 2 de la loi d'orientation du 4 février 1995 prévoyait
un cadre souple afin de susciter l'émergence spontanée des pays.
Une étude de la DATAR a d'abord porté sur 42 pays test.
Aujourd'hui, plus de 250 territoires ont choisi de constituer un pays.
Le gouvernement annoncera des mesures en faveur de la politique des pays lors
du prochain comité interministériel d'aménagement du
territoire et cette notion figurera au centre du projet de loi visant à
réviser la loi d'orientation de 1995.
b) L'avenir des pays
L'association des présidents de conseils
généraux (APCG) a mis en garde contre une conception des pays qui
pourrait conduire à les institutionnaliser et à créer un
nouvel échelon administratif qui concurrencerait le département.
Le rapport de mission de M. Michel Kotas remis au Premier ministre au mois de
mars 1997 exclut l'éventualité d'un "
toilettage du
maquis des cartes administratives
". Il estime que ce sont les
cantons
qui seront le plus pénalisés par le développement des pays
car, s'ils demeurent une circonscription électorale, ils sont
déjà largement exclus des dispositifs participant à la
politique d'aménagement du territoire.
Ce rapport affirme à plusieurs reprises que les pays n'ont pas vocation
à s'institutionnaliser, ni à remplacer les structures existantes.
Pourtant, les pays sont décrits comme ayant vocation de devenir les
interlocuteurs privilégiés des instances européennes et
préconise leur forte implication dans les procédures de
contractualisation.
A ce sujet, il envisage "
d'orienter plus clairement le
département de manière plus lisible vers les missions de gestion
et de mise en oeuvre de l'action sociale. La région serait alors
recentrée sur l'aménagement du territoire et ses missions les
plus stratégiques (formation supérieure, recherche, prospection,
veille technologique, infrastructures lourdes. Le pays serait de fait un
territoire en interaction constante avec les deux échelons territoriaux
supérieurs
". Cette rédaction peut laisser entendre que
le pays aurait un rôle, sinon de conception, du moins de coordination,
tandis que les régions et, surtout, les départements
conserveraient les tâches d'exécution.
Votre rapporteur préconise le maintien du caractère souple des
pays. Il souligne que la possibilité d'une remise en cause de
l'échelon départemental par les pays n'a pas entièrement
été écartée par le ministre de l'aménagement
du territoire lors de son audition par la Commission des finances du
Sénat.
B. LE SENAT DOIT VEILLER A PRESERVER LES ACQUIS DE LA LOI D'ORIENTATION DU 4 FEVRIER 1995.
1. Agir en faveur du monde rural
a) Les intentions du nouveau gouvernement
Les orientations du gouvernement en matière d'aide au
monde rural sont floues. Elles ont été exposées par le
ministre de l'aménagement du territoire dans une réponse à
une question écrite du député Georges Colombier parue au
Journal officiel du 13 octobre 1997. Le gouvernement envisage trois axes :
"
- l'organisation du territoire avec la constitution progressive
des
pays et en confortant la fonction de bourg-centre d'un certain nombre de
petites villes rurales ;
- l'amélioration de la compétitivité de ces zones à
travers la valorisation de leurs ressources, qu'il s'agisse de patrimoine
bâti ou naturel ;
- l'adaptation des politiques sectorielles à la faible
densité.
"
Par ailleurs, le gouvernement avait annoncé son intention de ne pas
poursuivre l'application du " Plan pour l'avenir du monde
rural "
décidé au comité interministériel d'Auch en avril
1997. Il avait également annoncé que la loi d'orientation
révisée ne comporterait pas de mesures spécifiques en
faveur du monde rural et que, si une initiative devait intervenir, elle serait
intégrée au projet de loi d'orientation agricole qui pourrait
être présenté au Parlement au printemps prochain. Pourtant,
le ministre de l'aménagement du territoire a déclaré
à l'Assemblée nationale, lors des débats relatifs aux
crédits de son ministère le 4 novembre 1997, la constitution
d'une enveloppe de "
88 millions pour mettre en place le plan
pour
le monde rural et le plan Massif central
". Votre rapporteur
s'interroge sur le contenu du plan auquel se réfère le ministre
et sur la manière dont le FNADT va le financer.
b) La continuité de l'action gouvernementale n'est pas garantie
La loi d'orientation du 4 février 1995 marquait la
volonté du gouvernement de prendre des mesures en faveur du
développement de l'espace rural à travers deux dispositions :
La création des zones de revitalisation rurales (ZRR)
Créées au sein des territoires ruraux de développement
prioritaire (TRDP), les ZRR sont entrées en vigueur avec la publication
du décret du 14 février 1996 les délimitant. Elles
font l'objet de mesures spécifiques d'exonérations fiscales et de
charges sociales pour les entreprises qui s'y installent.
Le ministre de l'aménagement du territoire rappelle fréquemment
que les exonérations de taxe professionnelle n'ont pas atteint le
montant escompté et annonce que les zones de revitalisations rurales
seront réexaminées dans le cadre de la réforme des
zonages. La concentration des critiques sur cette mesure n'apparaît pas
de bon augure quant à son avenir.
L'Assemblée nationale a ajouté un article 61
quater
au
projet de loi de finances pour 1998. Il tend à étendre
l'application des exonérations de taxe professionnelle en ZRR. Elles
sont aujourd'hui limitées aux établissements industriels ou de
recherche, ou de services de direction ou d'études. L'amendement les
étend "
aux artisans qui effectuent principalement des travaux
de fabrication, de transformation, de réparation ou des prestations de
services et pour lesquels la rémunération du travail
représente plus de 50% du chiffre d'affaire global, tous droits et taxes
compris, et qui créent une activité dans les zones de
revitalisation rurales
". Cette extension correspond mieux au type
d'entreprises susceptibles de s'installer en zone rurale et devrait permettre
de faire la preuve du caractère incitatif du dispositif des ZRR.
Le vote d'une loi sur l'espace rural
Prévu par l'article 61 de la loi d'orientation, le vote d'une loi sur
l'espace rural devait intervenir dans un délai de dix-huit mois à
compter de la publication de la LOADT. C'est dans cette optique que le
gouvernement précédent avait présenté au
comité interministériel d'Avril 1997 à Auch le projet de
" Plan pour l'avenir du monde rural ".
Le nouveau gouvernement a annoncé qu'il ne reprenait pas ce plan
à son compte. Néanmoins, d'après les informations
recueillies par votre rapporteur, il poursuivrait la mise en oeuvre de deux
mesures déjà arrêtées en partenariat avec la Caisse
des dépôts et consignations, qui auraient du figurer dans le plan
pour l'avenir du monde rural : un programme expérimental " villes
rurales " et la mise en place de 500 millions de francs de prêts
à taux privilégié.
Partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations en faveur du monde rural Le programme expérimental " villes rurales " concernera vingt-et-une villes de 10 000 à 50 000 habitants, situées au coeur des zones de revitalisation rurale ou qui animent ces espaces. L'objectif est de conforter les communes qui ont un projet global de valorisation de leur centre, traitant de tous les aspects de la vie quotidienne : la réhabilitation des logements, le redéveloppement des activités commerciales et l'amélioration des équipements et des espaces publics. |
L'Etat concentrera
ses
aides dans tous les domaines
d'intervention classiques et la Caisse des dépôts et consignations
mettra à la disposition des collectivités l'ensemble de ses
outils d'intervention, notamment sa capacité d'expertise,
d'ingénierie financière et de prêts.
|
2. Les mesures favorisant la desserte des régions isolées
a) Maintenir la garantie de l'accès de tous aux grands axes de communication
La loi d'orientation pour l'aménagement du territoire
prévoyait, dans son article 17, qu'
" en 2015, aucune partie du
territoire, en métropole (continent), ne sera située à
plus de cinquante kilomètres ou quarante-cinq minutes d'automobile, soit
d'une autoroute ou d'une route express à deux fois deux voies en
continuité sur le réseau national, soit d'une gare desservie par
le réseau ferroviaire à grande vitesse. "
Cette disposition, véritable charte du désenclavement, constitue
une sécurité pour les zones mal desservies et une assurance pour
les entreprises hésitantes à venir s'y installer. Votre
rapporteur déplore que, selon les informations obtenues par lui
auprès de la DATAR, le gouvernement ne souhaite pas reprendre cet
objectif dans la future loi d'orientation. Il s'interroge sur la pertinence du
retour sur cet objectif alors que le projet de schéma de
développement de l'espace communautaire (SDEC), adopté par les
ministres de l'aménagement du territoire de l'Union européenne en
juin 1997, comporte précisément l'objectif d'accès de
toutes les régions aux infrastructures.
b) Le bilan mitigé du fonds de péréquation des transports aériens.
Les ressources du FPTA
Le FPTA est alimenté par une taxe de 1 franc prélevée sur
les billets d'avions des passagers embarquant dans un aéroport
français. Le trafic pour 1998 étant estimé à 48,5
millions de passagers, le produit attendu de la taxe est de 48,5 millions de
francs. Le montant de la taxe a beaucoup baissé depuis la
création du fonds. Il est passé de quatre francs en 1995 à
trois en 1996 et un en 1997.
L'activité du fonds, encadrée par la réglementation
européenne, conduit au maintien des lignes existantes mais pas à
des créations de nouvelles lignes.
Le réseau aérien a été peu modifié depuis la
création du fonds. A une exception près, les lignes existantes
ont été maintenues, avec ou sans subventions publiques. Le fonds
a donc préservé les lignes non rentables d'une fermeture que la
libéralisation du ciel européen aurait pu provoquer. Votre
rapporteur note que certaines compagnies ont préféré ne
pas faire de demande de subventions afin de ne pas remettre en jeu, par la
procédure d'appel d'offre, leur exclusivité sur l'exploitation de
certaines lignes.
L'ouverture de nouvelles lignes se heurte :
- aux critères d'éligibilité du fonds, qui interdisent de
subventionner des lignes dont le trafic prévisionnel est
inférieur à dix mille passagers dès la première
année d'exploitation ;
- à la réglementation européenne, qui réserve les
subventions aux liaisons dont l'intérêt est vital pour les
régions desservies ;
- à la doctrine des services de la Commission européenne, qui
considèrent que les autorité françaises ont une conception
trop extensive de la notion d'intérêt vital. Seulement quatre
lignes ont été créées depuis la mise en place du
FPTA.
Votre rapporteur souligne que les subventions, si elles évitent des
fermetures de lignes, ne permettent pas aux compagnies de pratiquer des tarifs
abordables par tous, ce qui constitue un obstacle au développement du
trafic passager sur ces lignes.
La gestion des crédits du FPTA s'assainit, mais cette
amélioration pourrait conduire à un relèvement de la
taxe.
Les crédits disponibles du FPTA au titre d'une année sont
constitués du produit de la taxe pour l'année en cours et des
crédits reportés des années précédentes. En
effet, la taxe a été prélevée dès 1995,
avant que le fonds ne soit opérationnel. Le montant de la taxe
s'élevait alors à quatre francs.
Depuis, la consommation des crédits est supérieure aux recettes,
ce qui conduit à une consommation progressive des reports. Selon les
prévisions pour 1998, les dépenses s'élèveraient en
1998 à 77,5 millions de francs. Le produit attendu de la taxe
étant de 48,5 millions de francs, 29 millions de francs de
crédits reportés (sur un stock de reports de 126,8) seront
consommés. Le montant total des reports en fin d'année
s'élèverait donc à 97,8 millions de francs.
En estimant que le montant des dépenses (77,5 millions de francs) et le
produit de la taxe (48,5 millions de francs) restent inchangés dans les
années à venir, et compte tenu du rythme de la réduction
du montant des reports, il faudrait envisager un relèvement du montant
du prélèvement dès la loi de finances pour l'an 2000 afin
de disposer des crédits nécessaires au maintien du niveau de la
dépense.
La gestion des crédits du fonds de
péréquation des transports aériens
1995 |
1996 |
1997 (prévisions) |
1998 (prévisions) |
|
Produit de la taxe |
120,50 |
142,00 |
64,00 |
48,50 |
Crédits reports de l'année précédente |
- |
120,50 |
196,96 |
126,80 |
Dépenses |
- |
65,53 |
134,14 |
77,50 |
Taux de consommation des crédits |
- |
24,97 % |
51,40 % |
44,2 % |
Le faible taux de consommation des crédits du FPTA
s'explique par le niveau très élevé des reports,
proportionnellement au produit de la taxe. Les reports représentaient
85% du produit de la taxe en 1996 et 307% en 1997.
La réduction des dépenses et du taux de consommation
prévue en 1998 par rapport à l'exercice 1997 s'explique par
l'arrivée à échéance des régimes
transitoires du fonds pour 1995 et 1996, qui avaient été
instaurés pour rembourser les déficits des compagnies
éligibles aux subventions du FPTA ayant exploité des lignes
durant la phase de mise en route du fonds.
c) L'arrêt des grands travaux
Le Sénat est actuellement saisi d'une proposition de
résolution tendant à la constitution d'une commission
d'enquête chargée d'examiner le devenir des grands projets
d'infrastructures terrestres d'aménagement du territoire. Cette
proposition est motivée par l'inquiétude que suscite parmi les
membres de notre Assemblée les annonces faites par le ministre des
transports et le ministre de l'aménagement du territoire concernant
certains programmes parmi lesquels :
- quatre projets de construction d'autoroute, qui sont interrompus : la A 24
(Lille-Amiens), la A 104 (Ile-de-France), la A 89 (Bordeaux-Clermont-Ferrand,
dans la partie concernant le contournement de Clermont-Ferrand) et la A 28
(Alençon-Tours). Ces décisions semblent contraire à
l'objectif d'amélioration de la desserte des régions
isolée car, comme l'avait souligné en son temps la mission
d'information sénatoriale chargée d'étudier les
problèmes de l'aménagement du territoire dans son rapport rendu
en avril 1994, la France vient au 9ème rang européen pour le
kilométrage d'autoroute rapporté à la superficie et au
7ème rang pour le kilométrage rapporté à la
population.
- le projet de canal Rhin-Rhône ;
- la construction de lignes de TGV, au sujet desquels les membres du
gouvernement sont évasifs (le TGV-est, le TGV Rhin-Rhône, le TGV
Bordeaux-Tours et le TGV-Méditerranée).
Votre rapporteur considère que des projets de cette nature, en
améliorant l'attractivité des territoires, contribuent à
accroître l'efficacité des aides aux entreprises ou aux
collectivités attribuées sur les crédits du budget de
l'aménagement du territoire.
3. Les zonages : perfectionner leur ciblage sans remettre en cause leur principe
Le gouvernement n'a pas pris de position arrêtée
en matière de zonage. Néanmoins, votre rapporteur a
répertorié différentes prises de positions
gouvernementales sur le sujet :
- le nouveau ministre rappelle de manière répétée
que 55% de la population de la France bénéficie des mesures
liées aux différents zonages ;
- le ministre insiste également sur le fait que les mesures de
discrimination positives, édictées dans le but de rétablir
une égalité, doivent par nature être provisoires ;
- dans sa réponse à une question écrite du sénateur
M. Michel Moreigne parue au Journal officiel du 11 septembre 1997, le ministre
de l'aménagement du territoire considère que "
la mise en
place d'un environnement porteur par le renforcement de l'information des chefs
d'entreprises, le développement du conseil et une possibilité
élargie de créer des partenariat constitue le principal facteur
de création d'activité en zone rurale "
et que
" c'est à cette tâche que le gouvernement souhaite s'atteler
avant d'élargir le champ actuel des exonérations en zones rurales
très peu denses
" ;
- le gouvernement, en réponse à une question écrite du
sénateur Michel Moreigne parue au Journal officiel du 16 octobre 1997, a
annoncé son intention de "
remettre à plat l'ensemble des
mesures de discrimination positive et des zonages existants avant la mise en
place des nouveaux contrats de plan et quand les modalités de la
réforme des fonds structurels européens auront été
arrêtées
" .
Votre rapporteur s'inquiète de certaines conséquences
potentielles de déclarations de ce type. Il approuve les initiatives
permettant d'améliorer la lisibilité des zonages et de mieux
cibler les aides en direction des territoires les plus en difficultés.
Ainsi, il s'associe au souhait exprimé à l'unanimité par
la commission des finances de l'Assemblée nationale de voir les
subventions du FNADT concentrées autant que possible sur les zones de
revitalisation rurale.
Votre rapporteur estime cependant que l'amélioration de l'environnement
des entreprises commence par la stabilité juridique. Il déplore
le trouble que des déclarations envisageant un possible retour sur les
mesures de discrimination positive peut susciter chez les entreprises qui
prennent des risques en effectuant des investissements dont la
rentabilité ne sera effective qu'après plusieurs années.
II. LA REFORME DES POLITIQUES COMMUNAUTAIRES
La réforme des instruments de la politique
régionale communautaire constitue un rendez-vous primordial pour la
politique d'aménagement du territoire. Les fonds européens ont
pris une part importante dans le financement de projets d'aménagement du
territoire. Les versements annuels s'élèvent à 10
milliards de francs, soit pratiquement 20% de l'effort de l'Etat.
Le gouvernement attend les résultats de la réforme des zonages
communautaires pour procéder celle des découpages nationaux. Cet
ordre chronologique est justifié par la nécessité de
renforcer la complémentarité des politiques et d'harmoniser les
zonages.
A. LA REFORME DES FONDS STRUCTURELS.
1. Le dispositif actuel
La réforme de 1989 a maintenu l'existence des trois
fonds structurels communautaires, le FEDER, le FSE et le FEOGA, mais a
substitué la programmation pluriannuelle aux subventions par projet. La
programmation associe plusieurs acteurs : la Commission, l'Etat membre, les
régions et autres collectivités.
La programmation s'effectue selon deux modalités :
- les interventions au titre de l'un des cinq objectifs définis par la
Commission
5(
*
)
. Les objectifs
1, 2 et 5b font l'objet d'un zonage.
- les interventions dans le cadre des programmes d'initiative communautaire
(PIC), institutionnalisés par la réforme de 1989, par lesquels la
Commission propose de résoudre des problèmes sectoriels ou locaux
qui ne trouvent pas de solutions adéquates dans les programmes de chaque
objectif.
La Commission répartit les montants entre les Etats membres au vu des
dossiers de candidature. En France, les programmes sont préparés
par les préfectures de région en partenariat avec les
collectivités territoriales et les organismes consulaires. Ils sont
ensuite présentés par le gouvernement à la Commission, qui
les adopte après avoir éventuellement procédé
à des modifications. Une fois le programme adopté, il est
géré par la préfecture de région en relation avec
les collectivités territoriales.
Les fonds communautaires transitent par le Trésor Public et le
ministère de l'intérieur (DGCL) pour le FEDER, le
ministère du travail pour le FSE et le ministère de l'agriculture
pour le FEOGA. Votre rapporteur souligne que ce circuit est source de
pesanteurs et souhaite que les crédits puissent être
transférés plus rapidement aux préfets de région.
Sur la période 1994-1999, la France a disposé des dotations
suivantes :
- 2,19 milliards d'écus pour l'objectif 1 (DOM, Corse et Hainaut
français) ;
- 1,765 milliards d'écus pour l'objectif 2 en première phase
1994-1996 et 2,059 milliards d'écus pour la deuxième phase
1997-1999 (toutes les régions sauf les DOM, le Limousin, l'Ile-de-France
et la Corse) ;
- 3,203 milliards d'écus pour les objectifs 3 et 4 (chômage de
longue durée, insertion professionnelle des jeunes et adaptation des
travailleurs aux mutations industrielles) ;
- 1,912 milliards d'écus pour l'objectif 5a ;
- 2,238 milliards d'écus pour l'objectif 5b (toutes les régions
sauf les DOM, l'Ile de France, la Corse, le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie) ;
- 1,6 milliards d'écus au titre des programmes d'initiative
communautaire.
2. Les propositions de la Commission européenne
La Commission a dévoilé ses projets de réforme des fonds structurels dans une communication du 16 juillet 1997 " Agenda 2000 pour une Europe plus forte et plus large ".
a) La réforme des structures
Les propositions de la Commission s'articulent autour de deux
idées, qui transposent à l'échelle communautaire des
propositions déjà formulées à l'échelle de
la France : la concentration des efforts financiers sur les zones les moins
prospères et la simplification des modalités de gestion.
La concentration des efforts financiers sur les zones les moins
prospères.
La Commission suggère une forte réduction de la population
couverte par les objectifs 1 et 2, en la portant à 35 ou 40% de la
population de l'Union contre 51% à l'heure actuelle.
Elle propose également de réduire de 7 à 3 le nombre
d'objectifs, et de 13 à 3 le nombre de programmes d'initiatives
communautaires. Ces derniers seraient consacrés à la
coopération transfrontalière, transnationale et
interrégionale, au développement rural et aux ressources humaines.
Le nouvel objectif 1, destiné aux zones en retard de
développement, sera réservé aux zones dont le PIB par
habitant est inférieur de 75% à la moyenne communautaire. Il
devrait recevoir les deux tiers des fonds structurels, en augmentation de 20%
par rapport à la répartition actuelle. Le nouveau critère
d'éligibilité aurait cependant pour conséquence d'exclure
le Hainaut français et la Corse. En revanche, les DOM
accéderaient à ces financements.
Un nouvel objectif 2 se substituera aux précédents objectifs 2 et
5b et au programme d'initiative communautaire URBAN. Il s'adressera aux zones
en reconversion économique et sociale en regroupant l'action en faveur
des régions en proie à des difficultés structurelles
(quartiers urbains en difficulté, zones de pêche en crise, zones
rurales en déclin, etc.)
Le nouvel objectif 3 favorisera l'adaptation et la modernisation des
systèmes d'éducation, de formation et d'emploi.
La Commission envisage de simplifier les modalités de gestion et
d'améliorer leur efficacité en favorisant
:
- une plus grande coïncidence entre la carte des zonages et la
" carte de la concurrence ", c'est à dire la carte des aides
aux entreprises (en France, il s'agit de la carte d'éligibilité
à la prime d'aménagement du territoire).
- l'élaboration, dans chaque région, d'un programme pluriannuel
unique pour les zones des objectifs 1 et 2 ;
- le recours accru aux instruments financiers autres que les aides non
remboursables, tels que les prêts à taux réduit ou les
garanties sur prêt ;
- la constitution d'une réserve d'au moins 10% des fonds qui sera
attribuée aux régions ayant utilisé de manière
efficace les aides européennes déjà distribuées.
b) La pertinence discutable du nouvel objectif 2
La réforme proposée de l'objectif 2, qui
concerne les zones urbaines et rurales en difficulté, ne semble pas de
nature à remédier au problème de saupoudrage des aides. En
effet, cet objectif reprendrait, sans le modifier, le zonage trop étendu
(il s'applique à 18 régions françaises) de l'ancien
objectif 5b.
Votre rapporteur considère que c'est le ciblage des aides vers les zones
les plus en difficultés qui permettra de rétablir
l'égalité géographique entre les régions. La
concentration des financements sur les territoires qui en ont le plus besoin
garantirait leur utilisation par des acteurs locaux motivés, et
permettrait d'améliorer le taux d'exécution de ces
crédits, qui s'élève à 50% pour les objectifs 2 et
5b, contre 95% s'agissant de l'objectif 1.
c) Le cadre financier envisagé
Le Conseil européen d'Edimbourg avait prévu, en
1992, de porter à 0,46% du produit intérieur brut communautaire
l'effort en faveur de la cohésion économique et sociale. En
conséquence, ce sont 275 milliards d'écus qui seront
consacrés aux fonds structurels et au fonds de cohésion pour la
période s'étalant de 2000 à 2006, contre 200 milliards
d'écus pour la période précédente 1994-1999.
Dans ce montant total, l'élargissement est pris en compte à
hauteur de 45 milliards d'écus (38 aux nouveaux membres et 7 au titre de
la pré-adhésion).
Enfin, la Commission propose de limiter le montant des transferts à 4%
du produit national brut de l'Etat bénéficiaire.
La réforme conduira au renforcement de la position de contributeur net
de la France. Votre rapporteur n'en sera que plus vigilant quant à
l'utilisation des fonds sur le territoire national, et s'assurera que les
nouveaux zonages correspondent vraiment aux territoires qui ont le plus besoin
de recevoir des aides.
B. LA MISE EN PLACE DU SCHEMA DE DEVELOPPEMENT DE L'ESPACE COMMUNAUTAIRE (SDEC).
Lors de la réunion informelle des ministres de
l'aménagement du territoire de l'Union à Noordwijk le 9 juin
1997, la première esquisse d'un schéma de développement de
l'espace communautaire a été adoptée. L'élaboration
de ce schéma, sous forme de coopération intergouvernementale,
avait été décidée à la fin de l'année
1993.
Le document tente de relier les trois objectifs fondamentaux des politiques de
l'Union, la cohésion économique et sociale, le
développement durable et la compétitivité d'ensemble du
territoire européen, dans le but de renforcer la relation entre les
politiques destinées aux zones urbaines et celles en faveur des zones
rurales. Le projet de SDEC s'articule autour de trois axes :
- un système urbain plus équilibré, plus polycentrique, et
de nouveaux rapports ville/campagnes ;
- une parité d'accès aux infrastructures et aux connaissances :
- une gestion prudente et un développement du patrimoine naturel et
culturel.
Votre rapporteur salue la constitution progressive d'un Conseil des ministres
de l'aménagement du territoire, mais déplore le caractère
vague du document, qui s'en tient à l'affirmation de principes
généraux.
III. LA RENEGOCIATION DES CONTRATS DE PLAN.
L'échéance de la troisième génération de contrats de plan a été repoussée d'un an, jusqu'en 1999. L'année 1998 sera donc marquée par le début de l'élaboration des nouveaux contrats. Le Conseil économique et social, en adoptant en mai 1997 le rapport de M. Jean Billet intitulé Le suivi et la réalisation des contrats de plan dans le cadre de la planification , a fourni un document de qualité autour duquel le débat peut commencer de s'articuler.
A. LE CONTRAT DE PLAN EST DEVENU UN OUTIL DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE.
1. Les innovations de la troisième génération de contrats de plan
a) L'introduction de la dimension aménagement du territoire
C'est le comité interministériel à
l'aménagement du territoire (CIAT) de Mende, le 12 juillet 1993, qui a
placé l'aménagement du territoire au coeur du processus
d'élaboration des contrats de plan grâce à l'affirmation :
- d'une solidarité entre collectivités ;
- de la nécessité d'un rééquilibrage entre
régions, principalement entre l'Ile-de-France et les autres parties du
territoire national ;
- d'une volonté de mise en valeur des ressources et des
potentialités du monde rural ;
- de l'implantation des administrations et services publics dans tout l'espace
français.
C'est ainsi que l'Etat a déterminé le montant de ses
interventions dans le cadre de la troisième génération des
contrats de plan en établissant une péréquation entre les
régions en fonction de trois critères, le potentiel fiscal, le
taux de chômage et la variation de l'emploi.
La reconnaissance du rôle des contrats de plan dans la politique
d'aménagement du territoire préexistait cependant au CIAT de
Mende puisque c'est la délégation à l'aménagement
du territoire et à l'action régionale (DATAR) qui est
chargée de leur gestion.
b) L'apport de la loi d'orientation du 4 février 1995
La loi d'orientation et d'aménagement du territoire a
conduit à l'intégration des contrats de plan au sein de la
logique d'ensemble de la politique d'aménagement du territoire. Ainsi,
son article 2 relatif aux modalités de l'élaboration du
schéma national d'aménagement du territoire dispose que
"
les contrats de plan Etat-région tiennent compte des
orientations ainsi arrêtées
" tandis que l'article 6
établit que "
le contrat de plan entre l'Etat et la
région (...) tient compte des orientations retenues par le schéma
régional
".
La loi renforce l'idée développée à Mende selon
laquelle les priorités dégagée pour chaque région
dans le cadre du contrat de plan devaient s'intégrer dans une logique
d'ensemble de rééquilibrage du territoire, et non de façon
autonome. Le contrat devient donc autant un instrument de redistribution des
richesses entre les régions qu'un véritable plan.
2. L'aménagement du territoire ne se réduit pas aux dispositifs contractuels
Constatant qu'en matière contractuelle, la
frontière entre les compétences du Commissariat
général du Plan, chargé de l'élaboration et de
l'évaluation des contrats de plan, et de la DATAR, chargée de
leur gestion, devenait de moins en moins précise, le Conseil
économique et social préconise le placement de ces deux
institutions sous une même autorité, celle du Premier ministre.
Votre rapporteur n'est pas favorable à un tel rapprochement. En premier
lieu, il estime que les compétences de chacun peuvent être
distinguées et qu'un retour à des pratique plus saines est
possible. A cet égard, il souligne que l'évaluation des contrats
de plan est un domaine qui pourrait être approfondi.
Un rattachement de la DATAR au Premier ministre priverait le ministère
de l'aménagement du territoire de son administration et, par là,
aboutirait à la disparition de ce département ministériel.
Or, votre rapporteur estime judicieux qu'aménagement du territoire et
environnement soient réunis au sein d'une même structure
ministérielle afin que ces deux politiques soient menées de
façon harmonieuse, en tenant compte de leurs logiques respectives.
B. LES CONCONTRACTANTS ET LEURS ENGAGEMENTS
1. Le rôle prépondérant de l'Etat.
Le poids financier de l'Etat sur la période 1994-99,
l'Etat aura engagé 77,226 milliards de francs dans la réalisation
des contrats de plan Etat-région contre 71,262 pour les régions,
soit 52% du total. Hors région Ile-de-France, la part de l'Etat passe
à 58%.
Conséquence de la logique de rééquilibrage exposée
plus haut, la part du financement de l'Etat varie selon la richesse de la
région et s'échelonne de 64% pour le contrat avec la
région Limousin à 32% pour l'Ile-de-France.
a) L'Etat impose les règles du jeu.
L'Etat exerce une pression sur les régions dans la
détermination de la destination des crédits. Selon le
précédent délégué à
l'aménagement du territoire et à l'action régionale, M.
Raymond-Max Aubert, l'Etat impose les objectifs pour environ 75% de ses
crédits, ne laissant une marge de négociation aux régions
que pour les 25% restants. Compte tenu du système des financements
croisés, un projet qui n'aurait pas l'assentiment de l'Etat a peu de
chances de voir le jour car le risque existe que l'Etat cesse de verser les
fonds nécessaires à son financement. En effet, malgré le
caractère pluriannuel des engagements pris dans le cadre des contrats de
plan, l'Etat reste au soumis au principe de l'annualité
budgétaire et rien ne l'oblige à verser chaque année les
crédits prévus.
Les financements croisés ont en outre l'inconvénient de rendre
plus difficile la réalisation de certains projets. En effet, les
financements des contrats Etat-région n'échappent pas à la
régulation budgétaire et l'Etat n'est parfois pas en mesure
d'honorer ses engagement alors que les collectivités cocontractantes
ont, elles, trouvé les crédits nécessaires.
Le rapport Kolas estime que la
"contractualisation doit progresser vers
une
déconcentration plus large et plus sincère des mécanismes
d'allocation de ressources et offrir des possibilités réelles
d'arbitrages locaux".
2. Quels partenaires pour l'Etat ?
Les régions restent le principal interlocuteur de
l'Etat dans l'élaboration des contrats. Néanmoins, les
départements et les communes sont de plus en plus nombreux à
cosigner, et par conséquent à participer au financement, des
contrats de plan Etat-région.
La presse a publié à la fin du mois d'octobre 1997 une
déclaration du ministre de l'aménagement du territoire selon
laquelle "
les agglomérations et les pays devront être
signataires des contrats de plan aux côtés des
régions
". Cette liste n'est pas exhaustive et rien ne permet
d'affirmer que le ministre de l'aménagement du territoire souhaite
exclure les départements et les communes de la signature des contrats.
En revanche, votre rapporteur note que l'association des pays à leur
élaboration pourrait constituer un premier pas vers
l'institutionnalisation de cette structure territoriale, dont le ministre a
pourtant garanti qu'elle était appelée à rester souple.