CHAPITRE III :
LES CREDITS DE LA POLICE NATIONALE
I. L'EVOLUTION DES CREDITS DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998
Les crédits de la police nationale s'établissent
à 28,28 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour
1998, en hausse de 1,12 %.
Le ministère de l'intérieur n'évalue plus
l'évolution de ses crédits à l'aune de la loi
d'orientation pour la sécurité de 1995. En effet, le
ministère des finances n'a jamais considéré les
dispositions de cette loi comme impératives, et le retard
accumulé par rapport aux objectifs budgétaires est de deux
à trois ans. Un bilan de la mise en oeuvre de la loi figure dans l'avis
présenté par notre collègue Paul Masson au nom de la
commission des lois.
Evolution des crédits de la police nationale en 1998
1997 |
1998 |
Volume |
% |
|
Dépenses ordinaires |
27.063 |
27.434 |
371 |
1 % |
1. Personnel |
23.111 |
23.617 |
506 |
2 % |
2. Fonctionnement, dont : |
3.951 |
3.816 |
- 135 |
- 3 % |
Fonctionnement globalisé (34-41) |
3.577 |
3.483 |
- 94 |
- 3 % |
Informatique (34-82) |
286 |
244 |
- 42 |
- 15 % |
Autres |
88 |
89 |
1 |
1 % |
Dépenses en capital |
902,5 |
848,7 |
- 53,8 |
- 6 % |
1. Immobilier |
398,5 |
377,5 |
- 21 |
- 5 % |
2. Equipement lourd |
75 |
75 |
0 |
0 % |
3. ACROPOL et transmissions |
273 |
267 |
- 6 |
- 2 % |
4. Logement social des policiers |
129 |
129 |
0 |
0 % |
TOTAL |
27.966 |
28.282 |
316 |
1 % |
La part relative des trois grands postes de dépense évolue en 1998 en faveur des dépenses de personnel, qui passent de 82,6 % à 83,5 % tandis que les dépenses de fonctionnement baissent de 14,1 à 13,4 et les dépenses d'investissement sont ramenées de 3,2 % à 2,9.
A. LA PRIORITÉ AUX DEPENSES DE PERSONNEL
Les dépenses de personnel représentent
83,5 % des crédits de la police nationale. Elles augmentent de
2,1 % par rapport à 1997 et s'établissent à
23,6 milliards de francs, soit 506 millions de plus qu'en 1997.
Trois facteurs expliquent les évolutions constatées en 1997 :
- la valeur du point de la fonction publique, qui a été
revalorisé de 1 % en 1997. Le vieillissement de la pyramide des
âges renchérit le coût budgétaire de cette
revalorisation ;
- les évolutions des régimes indemnitaires ;
- les mouvements des effectifs.
1. La revalorisation des régimes indemnitaires
Les "
Indemnités et allocations
diverses
" de la police nationale figurent au chapitre 31-42 du
fascicule budgétaire. Elles progressent de 271,6 millions de francs
par rapport à 1997, soit 5,5%, et s'établissent à
5,16 milliards de francs. Quatre mesures expliquent cette évolution
favorable.
La réforme des "
Frais de police
". Les frais de
police sont une enveloppe, dont le montant s'élevait en 1997 à
157 millions de francs, inscrite au chapitre 34-41 des moyens de
fonctionnement globalisés et qui permet principalement de verser des
indemnités aux inspecteurs de police. La fusion des corps des
inspecteurs et des officiers de paix (dont les indemnités sont
versées sous la forme d'une prime de commandement) a conduit à la
nécessité d'harmoniser les régimes indemnitaires
applicables à ces personnels afin de permettre la fluidité des
carrières au sein de ce nouveau corps. A cet effet, 135,7 millions
de francs sont transférés du chapitre 34-41 vers l'article 10
"
Personnels actifs
" du chapitre 31-42.
L'année 1998 sera celle du versement de la dernière tranche de
l'extension du complément de l'indemnité spécifique aux
personnels du SGAP de Paris soumis à des sujétions
exceptionnelles aux fonctionnaires du SGAP de Versailles. Le coût de
cette mesure est de 12,15 millions de francs.
Le régime indemnitaire des attachés de police, corps
créé par la loi d'orientation de 1995, bénéficie
d'une mesure globale de 400 000 francs afin d'accroître son
attractivité.
L'allocation de service perçue par le corps de conception et de
direction, qui correspond aux anciennes vacations funéraires, est en
principe financée par fonds de concours. Cependant, le recours par les
huissiers aux officiers de police diminue d'année en année, et un
complément budgétaire est nécessaire pour financer cette
allocation. En 1998, le complément sera de 65 millions de francs.
2. L'évolution des effectifs
Le projet de loi de finances indique que 611 emplois
budgétaires seront supprimés en 1998. Le ministère de
l'intérieur fournit le détail de cette évolution. D'une
part, 500 emplois de policiers auxiliaires jamais pourvus seront
supprimés, ainsi que 183 emplois administratifs gelés.
D'autre part, 70 attachés de police seront recrutés pour
décharger les policiers de certaines tâches administratives, de
même que 10 psychologues et 5 ingénieurs.
Parallèlement, le repyramidage des effectifs prévu par la
réforme des corps et des carrières se poursuit et conduit
à la transformation de 664 emplois relevant des deux corps les plus
élevés en 664 emplois de maîtrise et d'application.
Ces évolutions ont un impact sur la structure des
rémunérations, mais sont gagées. En revanche, la
rémunération des 8.250 adjoints de sécurité dont le
recrutement est prévu en 1998 entraîne la création d'un
chapitre budgétaire nouveau, le chapitre 31-96 "
Emplois de
proximité. Dépenses de personnel
", doté de
117,15 millions de francs.
B. LES DEPENSES DE FONCTIONNEMENT PRESERVÉES
Les dépenses de fonctionnement constituent la variable
d'ajustement du budget de la police nationale. En effet, compte tenu de la
structure de son budget et de l'importance des facteurs humains dans
l'activité policière, le ministère de l'intérieur
privilégie les mesures en faveur des personnels. Les dépenses
d'investissement viennent au deuxième rang des priorités.
Les dépenses de fonctionnement diminuent de 3,4 % dans le projet de
loi de finances pour 1998, passant de 3,95 à 3,81 milliards de
francs. En réalité, la baisse est sans doute moins importante,
même si elle est difficile à chiffrer.
1. La diminution apparente des moyens de fonctionnement globalisés
a) L'enveloppe opaque des crédits de fonctionnement globalisés
Les moyens de fonctionnement globalisés de la police
nationale (chapitre 34-41) accusent une baisse de 94 millions de francs
pour s'établir à 3,48 milliards de francs. Cette baisse
s'explique par le transfert de 135,7 millions de francs de
"
Frais
de police
" vers le chapitre 31-42 des indemnités.
Il serait cependant hâtif de conclure que, à structure constante,
ces crédits augmentent en réalité d'environ
40 millions de francs. En effet, ce chapitre accueille un nouvel article
80 "
Emplois de proximité
", auquel sont inscrites
les
dépenses de fonctionnement des adjoints de sécurité. Cet
article est doté de 113 millions de francs, dont 87,5 de mesures
nouvelles et 25,5 financés par économies interne. Par
conséquent, en tenant compte des économies
réalisées au profit des adjoints, le surplus n'est plus que de
15 millions de francs.
Il est difficile d'aller plus loin dans l'analyse, et donc de déterminer
avec certitude si les moyens de fonctionnement de la police nationale vont
augmenter en 1998, car les documents budgétaires transmis par le
ministère des finances comportent une répartition arbitraire des
crédits entre les différents articles. Le ministère de
l'intérieur n'est pas en mesure de fournir la véritable
ventilation des crédits entre les différents services de la
police nationale (CRS, police judiciaire, renseignements
généraux, etc.) car celle-ci est établie en début
d'exercice par un " programme d'emploi des crédits "
décidé par le ministre.
Votre rapporteur déplore que le Parlement ait à se prononcer sur
une enveloppe de 3,5 milliards de francs sans savoir quelle affectation va
être donnée à ces crédits, et sans pouvoir
déterminer avec certitude le sens de leur évolution. Il semble
néanmoins que l'enveloppe reste insuffisante au regard des besoins car,
selon les informations recueillies par votre rapporteur, aucune mesure nouvelle
n'est prévue pour financer l'augmentation du prix de l'essence et le
coût pour la police nationale de la surveillance de la coupe du monde de
football, évalué à 50 millions de francs.
b) La globalisation des crédits se poursuit
Le processus de globalisation des dépenses de
fonctionnement, initié dans le cadre de la réforme de l'Etat,
permet plus de souplesse dans la gestion des enveloppes et une
responsabilisation des services. Toutefois, il limite le contrôle du
Parlement sur l'affectation des crédits.
L'année 1998 marque une nouvelle étape dans la modernisation de
la présentation budgétaire avec l'inscription au chapitre 34-41
d'un nouvel article 70 "
Secrétariats généraux
pour l'administration de la police
" qui permettra de
différencier les crédits restant gérés par
l'administration centrale de ceux, déconcentrés, qui sont
appelés à devenir la règle et seront inscrits à
l'article 70.
2. La politique du ministère de l'intérieur en matière informatique
a) Les dépenses d'informatique et de télématique diminuent
Les dépenses d'informatique et de
télématique, qui s'établissent à
244,5 millions de francs, connaissent une réduction de
42 millions de francs, soit 14,6 %.
Les crédits affectés aux transmissions et aux grands programmes
du ministère de l'intérieur progressent mais, du fait de la forte
révision des services votés qui intervient chaque année en
matière de dépenses informatiques, les dépenses de
fonctionnement courant de l'informatique de la police nationale diminuent de
70%, de 222 à 156 millions de francs. Il n'est pas exclu que, du
fait de la globalisation en cours, cette forte réduction s'explique par
un transfert de crédits vers les moyens de fonctionnement
globalisés. L'opacité de la répartition des crédits
à l'intérieur du chapitre 34-41 interdit de l'affirmer avec
certitude.
b) L'informatique et les transmissions
Les grands programmes informatiques
Aujourd'hui, la présentation du fascicule budgétaire ne
sépare pas les dépenses d'entretien et les dépenses de
renouvellement ou de programmes, et par conséquent ne distingue pas
entre les crédits affectés à l'un ou l'autre des grands
programmes (à l'exception des dépenses liées aux accords
de Schengen). Le nouveau schéma directeur pour la période
1999-2003, qui va être établi au cours de l'année 1998,
devrait prendre en compte ces évolutions.
Le ministère de l'intérieur développe principalement trois
grands programmes informatiques :
-
le système de traitement de l'information criminelle (STIC),
qui regroupera l'intégralité des fichiers judiciaires de la
Police nationale. Le coût total de cette opération est
estimé par la direction de la programmation, des affaires
financières et immobilières à 150 millions de francs
sur la période 1994-2001. En 1998, il bénéficiera de
18,39 millions de francs.
Le STIC est appelé à remplacer le mode de fonctionnement actuel
au sujet duquel la loi d'orientation et de programmation de 1995 indiquait que
"
les services de documentation criminelle régionaux et centraux
exploitent de nombreux fichiers manuels, non exhaustifs et qui ne
répondent pas aux besoins des enquêteurs des services de la police
ou de la gendarmerie : absence d'un fichier des antécédents des
malfaiteurs, fichier de recherches criminelles obsolète et peu
disponible, système de collecte de la statistique non satisfaisant,
gestion manuelle des archives criminelles
".
-
le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED),
qui est
un outil à la disposition des policiers afin de permettre
l'identification de personnes mises en cause dans le cadre de procédures
judiciaires. Il est commun à la police nationale et à la
gendarmerie nationale. Son coût est estimé à
400 millions de francs pour la période 1992-2000. En 1998, il sera
doté de 23 millions de francs.
-
le système d'information Schengen (SIS)
est le seul grand
programme à faire l'objet d'un article dans le fascicule
budgétaire. Sa dotation pour 1998 s'établit à
23,7 millions de francs et augmente de 65 % par rapport à la
loi de finances pour 1998. Les dépenses au titre du SIS résulte
d'une quote-part dont le montant est décidé au niveau
européen. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le
ministre de l'intérieur a décidé d'être attentif
à l'augmentation non maîtrisée des versements au titre de
Schengen ou d'Europol, ainsi qu'à leur utilisation.
L'effort en faveur des transmissions
Le développement limité du système de transmission
numérique ACROPOL sur le territoire conduit à la
nécessité d'entretenir les équipements analogiques
existants.
Le budget pour 1998 accroît de 75% ces dépenses, qui
s'élèvent à 34 millions de francs.
C. LES DEPENSES D'EQUIPEMENT AJUSTÉES
Les dépenses d'investissement diminuent de 5,9 %
en 1998 et s'établissent à 848,73 millions de francs. Elles
connaissent une évolution contrastée :
- les crédits de l'équipement immobilier diminuent fortement ;
- les dépenses d'équipement lourd stagnent ;
- les dépenses d'équipement informatique,
télématique et de transmission progressent ;
- les dépenses de construction de logement sociaux pour les
fonctionnaires baissent budgétairement, mais le recours à des
techniques extrabudgétaires aboutit au succès de cette politique.
1. La diminution comptable des crédits immobiliers
L'explication de la baisse substantielle des dépenses
d'investissement immobilier a été fournie plus haut. Elle est
liée à l'existence de crédits reportés non
consommés.
Les crédits de paiement diminuent de 5,2 %, à
377,7 millions de francs. En revanche, les autorisations de programme
progressent pour la première fois depuis plusieurs années, et
s'élèvent à 601 millions de francs, en progression de
21,7 %. Toutefois, les programmes immobiliers étant
élaborés en crédits de paiement, la portée de cette
augmentation est symbolique.
Les services votés (209,4 millions de francs) serviront notamment
à la construction d'hôtels de police à Lille, à
Bordeaux et à Montpellier, à des rénovations lourdes de
casernes de CRS, au transport de l'école de Vincennes vers Draveil,
ainsi qu'au financement des programmes de location-achat, autorisés par
le précédent gouvernement, qui concernent deux sites à
Paris et un à Strasbourg.
Les mesures nouvelles (156,2 millions de francs) seront consacrées
à la construction de commissariats en zones sensibles. Par ailleurs, le
ministre de l'intérieur a annoncé la mise en place d'un plan
" Sécurité-proximité 2002 " qui permettra de
définir des partenariats avec les collectivités locales pour
accélérer la réalisation de ces investissements.
2. L'équipement matériel du ministère de l'intérieur
Les dépenses d'équipement lourd de la police
nationale, qui figurent au chapitre 57-50, sont stables et s'établissent
à 75 millions de francs en autorisations de programme et en
crédits de paiement.
Ils seront prioritairement affectés à l'achat de fourgons de
petite taille, qui permettent d'assister les missions de sécurité
publique.
3. L'augmentation de l'effort en faveur des transmissions
Le ministère de l'intérieur procède
à la mise en place progressive du système de transmission
numérique ACROPOL. L'enveloppe réservée à ce
programme pour 1998 est insuffisante au regard de l'enjeu de la modernisation
des transmissions de la police nationale. Elle augmente néanmoins de
2,8 % en 1998 et passe de 208 à 214 millions de francs.
Les dépenses d'investissement hors ACROPOL s'élèvent
à 53 millions de francs. Ce montant correspond à une baisse
de 24 %, qui peut s'expliquer par l'inutilité de procéder au
renouvellement d'équipements appelés à être
remplacés par ACROPOL.
4. Le succès de la politique en faveur du logement social des fonctionnaires de la police nationale
Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit de
consacrer 129 millions de francs à la construction de logements
sociaux pour les policiers. Ces crédits figurent au chapitre 65-51 et
diminuent de 17,3 % par rapport à 1997. Contrairement aux
apparences, ce dossier constitue une belle réussite en matière de
respect des objectifs chiffrés fixés par la loi d'orientation et
de programmation pour la sécurité de 1995.
En effet, la LOPS prévoyait la réalisation de 800 logements
par an. Les crédits du chapitre 65-51 "
Contribution aux
dépenses de construction de logements destinés aux fonctionnaires
du ministère
" ont permis de réaliser 700 logements en
1995, 430 en 1996 et 550 sont prévus pour 1997, soit un total de 1.680
logements sur trois ans.
Mais, parallèlement, le ministère de l'intérieur a
signé un accord avec l'union nationale des propriétaires
immobiliers (UNPI), qui s'engage à louer des appartements à prix
préférentiels aux policiers, avec la garantie du
ministère. A l'automne 1997, seuls deux incidents de paiement avaient
été signalés. Ce système a permis la signature de
mille baux. La direction de la programmation, des affaires financières
et immobilières étudie des possibilités de
généraliser à l'ensemble de la France ce système
appliqué uniquement en Ile-de-France.
En additionnant les logements réalisés grâce aux
constructions du chapitre 65-51 et ceux réalisés à la
suite de l'accord avec l'UNPI, ce sont 2.680 logements nouveaux qui sont
à la disposition des policiers, soit 280 de plus que l'objectif de la
loi.