2. Les nuages sur la croissance des partenaires et l'insertion de l'économie française dans l'environnement international

L'insertion de l'économie française dans l'environnement économique international est certes devenue plus satisfaisante depuis un peu plus d'une décennie, mais moyennant des conditions que les orientations données à la politique économique et sociale de notre pays pourraient altérer.

a) Les aléas pesant sur la croissance dans le monde

Dans son dernier rapport sur l'économie mondiale, le Fonds monétaire international prévoit une croissance de l'ordre de 4 % en 1997 et 1998 allant donc s'accélérant. Toutefois, le Fonds rappelle que les épisodes récents de croissance rapide ont tous été suivis d'un ralentissement sévère et même, pour certains pays, de récessions.

Or, les facteurs expliquant les prévisions du Fonds, à savoir la poursuite d'une expansion solide et non inflationniste aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, l'amplification de la reprise en Europe continentale, l'expansion des pays en développement d'Asie paraissent pour la plupart incertains.

(1) L'environnement international de l'Europe pourrait être moins bien orienté

A cet égard, le cycle américain et ses aspects inhabituels est évidemment au centre des débats et des inquiétudes.

On ne saurait trop insister sur certains éléments de fragilité comme la faiblesse du taux d'épargne des ménages, l'importance de leur endettement -qui rend essentielle la contribution au dynamisme de l'économie américaine des effets de richesse favorables aux ménages issus de l'appréciation des marchés financiers-, l'écart de production positif, indicateur avancé de tensions inflationnistes...

Dans ces conditions, si un atterrissage en douceur de l'économie américaine, tant prévu mais jamais advenu au cours de ces dernières années, n'est pas à exclure, il est indispensable de se souvenir que la croissance américaine a connu dans un passé proche de vraies déconvenues. Ainsi, après une croissance de 3,4 et 1,3 % en 1989 et 1990, l'année 1991 s'était traduite par une récession, le produit intérieur brut reculant de 1 %.

(2) La demande intérieure en Europe reste sous contraintes

Ayant rappelé les dangers qui entourent les économies des pays d'Asie du Sud-Est et du Japon, il faut encore se demander si les perspectives de croissance de l'Europe continentale sont vraiment solides

Plusieurs facteurs ont stimulé la croissance en Europe mais, jusqu'à présent, il s'est agi principalement de facteurs extérieurs comme l'orientation de l'activité dans le reste du monde, l'appréciation du dollar et la vivacité de l'activité économique dans certains pays européens, le Royaume-Uni et les pays d'Europe centrale et orientale en particulier.

Or, ces soutiens pourraient, on l'a vu, ne pas perdurer. Deux exemples significatifs des effets d'une telle interruption peuvent être trouvés :

dans l'effet sur l'économie européenne de l'appréciation du dollar, le PIB européen étant supérieur de 1 % à la suite d'une dépréciation de l'euro par rapport au dollar de 10 % ;

et dans la part prise par les importations polonaises dans les exportations allemands qui s'élève à 10 % des exportations de l'Allemagne, moyennant une croissance de 30 % des importations de la Pologne, peu soutenable à terme.

En tout état de cause, la demande intérieure n'a pas encore redémarré en Europe continentale.

De ce point de vue, des perspectives pour 1997 et 1998 peuvent paraître optimistes au regard des trois caractéristiques majeures des économies continentales européennes que sont la nécessité d'entreprendre une politique budgétaire restrictive, le maintien de taux d'intérêt réels supérieurs aux prévisions de croissance et la persistance d'un chômage élevé.

La gestion des finances publiques demeurera en effet restrictive
compte tenu de la situation atteinte en 1996 et des objectifs fixés par le traité de Maastricht et le pacte de stabilité et de croissance en Europe. Les besoins d'ajustement peuvent être approchés à partir du tableau ci-dessous, rappelant la situation de capacité de financement des administrations publiques dans les principaux pays européens.

Capacité ou besoin de financement
des administrations publiques en Europe

(En % du PIB)

1996

France

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Belgique

Pays-Bas

Espagne

UE

- 4,1

- 3,4

- 4,9

- 6,8

- 3,4

- 2,8

- 4,5

- 4,7

Source Rapport économique, social

et financier pour 1998.


Quant aux taux d'intérêt , la détente significative des taux d'intérêt à court terme n'empêche pas les taux à long terme d'excéder les perspectives de croissance économique.

Taux d'intérêt à long terme
dans l'Union européenne (août 1997)

Allemagne

France

Italie

Royaume-Uni

Espagne

Pays-Bas

Belgique

Suède

Autriche

Danemark

Finlande

Grèce

Portugal

Irlande

Luxembourg

UE

5,7

5,6

6,6

7,1

6,2

5,5

5,7

6,5

5,7

6,2

5,8

9,6

6,3

6,3

6,0

6,2

Source : Fonds monétaire international

Mais, c'est le niveau de chômage qui apparaît encore comme la contrainte permanente la plus sévère qui engendre un certain pessimisme quant à la croissance européenne . Tous les pays sont concernés mais la situation allemande est plus particulièrement préoccupante.

L'Allemagne n'a en effet pas achevé son processus d'unification économique si bien que les restructurations industrielles qui restent indispensables sont fortement créatrices de chômage. On rappelle que les gains de productivité sont de l'ordre de 12 % par an dans l'industrie allemande.

La situation de chômage en Europe pèse à deux titres sur les perspectives de croissance en altérant les conditions d'un redémarrage de la demande intérieure et en limitant les possibilités de production du fait de l'inemploi d'une part toujours plus grande des facteurs disponibles.

b) La bonne insertion de l'économie française dans son environnement est remise en cause

La prévision de croissance pour 1998 fait apparaître un décalage entre la France et ses partenaires : notre pays connaîtrait une activité plus soutenue qu'ailleurs comme le montre le tableau qui suit.

Produit intérieur brut des pays industrialisés

(évolution en %)

1997

1998

France

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Belgique

Pays-Bas

Espagne

UE

Etats-Unis

Canada

Japon

OCDE

2,2

2,5

3,2

1,0

2,1

2,9

3,2

2,5

3,5

3,0

1,0

2,7

3,0

2,9

2,7

2,2

2,7

3,6

3,3

3,0

2,5

2,7

2,5

2,7

Source : Rapport économique social et financier pour 1998.

A cette situation est, en général, associée une dégradation des performances du commerce extérieur. La prévision du gouvernement ne retient pas un tel phénomène . Le solde du commerce extérieur s'améliorerait encore même si cette amélioration, étant moins forte que lors de l'année en cours, la contribution du commerce intérieur à la croissance du PIB serait un peu plus basse (0,6 point contre 0,7 point en 1997). Ce résultat suppose que la compétitivité-prix de la France continue de s'améliorer, c'est-à-dire que la valeur du franc contre monnaies tierces soit moins élevée qu'en 1997 et que les prix nationaux évoluent moins vite que ceux des concurrents. Il suppose aussi que la compétitivité structurelle de notre pays soit bien adaptée à l'évolution de notre économie et de celle de nos partenaires.

S'agissant de la compétitivité structurelle , on sait que, en période de forte reprise de l'investissement, l'offre étrangère profite davantage du supplément de demande interne que l'offre nationale. Ainsi, la reprise de l'investissement entre 1987 et 1989 s'était-elle traduite par une forte dégradation du solde des produits manufacturés. Il n'est donc pas certain qu'une cohérence marque la prévision pour 1998, pour l'investissement et le commerce extérieur, si l'on se réfère au passé.

Mais, il faut aussi s'interroger sur les perspectives relatives à la compétitivité-prix . Le redressement des soldes extérieurs de l'économie française, autrement dit le desserrement de la contrainte extérieure, s'est bâti en effet sur une politique de désinflation compétitive dont l'efficacité, de ce point-de-vue, n'a été remise en cause que du fait des dévaluations compétitives des monnaies de certains pays européens. Or, il entre dans les intentions du gouvernement d'abandonner cette politique. C'est en tout cas ce qui résulte du jugement formulé dans le rapport économique, social et financier selon lequel le partage de la valeur ajoutée, socle de la politique de désinflation compétitive, aurait été défavorable à la consommation et à l'emploi. C'est aussi ce qui apparaît au vu des orientations données par le gouvernement à sa politique fiscale, avec l'alourdissement des prélèvements sur les entreprises, et à sa politique sociale, la réduction du temps de travail devant se traduire par un alourdissement des coûts salariaux unitaires.

Ces diverses décisions remettent en cause l'insertion de l'économie française dans son environnement international . C'est évidemment préoccupant, d'autant plus que le gouvernement devrait avoir pleine conscience de l'inopportunité d'une gestion économique et sociale isolée de celle des partenaires, c'est-à-dire non coordonnée avec eux.

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