TITRE II
DISPOSITIONS AYANT POUR OBJET DE PRÉVENIR ET DE
RÉPRIMER LES INFRACTIONS SEXUELLES, LES ATTEINTES À LA
DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE ET DE PROTÉGER LES MINEURS
VICTIMES
Art. 21
Prise en charge à 100 % des
soins dispensés aux mineurs victimes d'infraction sexuelle
Cet article établit la liste des cas dans lesquels la
participation de l'assuré, aux soins donnés aux mineurs de moins
de quinze ans victimes d'atteinte sexuelle, peut être limitée ou
supprimée dans les conditions fixées par décret en Conseil
d'Etat. Le Gouvernement s'est engagé à ce que la prise en charge
réglementaire par l'assurance maladie couvre à 100 % les
frais au titre de l'assurance maladie.
Il est à noter qu'à l'Assemblée nationale un amendement,
déposé par la commission et étendant le
bénéfice de la gratuité des soins aux frères,
soeurs et ascendants au premier degré, n'a pas été repris
par le Gouvernement.
Votre Commission vous propose d'adopter
un amendement
qui a pour objet
de permettre la prise en charge à 100 % par la
sécurité sociale, non seulement des mineurs de quinze ans ayant
subi des sévices sexuels, mais également des mineurs entre quinze
et dix-huit ans.
Dans la mesure où le texte prévoit des soins pour les
délinquants sexuels, il n'est pas illégitime de se
préoccuper du sort de leurs victimes. Les atteintes sexuelles aux
mineurs sont suffisamment graves pour que le législateur évite de
donner le sentiment qu'il accorde plus d'importance aux violences subies par un
garçon ou une jeune fille de quinze ans qu'à celles
endurées par un jeune âgé de seize ans.
Votre Commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES ET DE COORDINATION
Art. 32 bis
Création d'une commission
chargée de donner un avis sur la sortie définitive d'un
établissement psychiatrique d'une personne jugée
pénalement irresponsable et internée
Cet article additionnel, introduit par l'Assemblée
nationale en première lecture, modifie l'article L. 348-1 du code de la
santé publique afin de prévoir qu'il ne peut être mis fin
à l'hospitalisation d'office d'une personne reconnue pénalement
non responsable que sur l'avis conforme d'une commission composée de
deux médecins, dont un psychiatre n'appartenant pas à
l'établissement, et d'un magistrat.
Le dispositif actuel de l'article L. 348-1 précité permet de
lever la mesure d'hospitalisation d'office sur
" décisions
conformes de deux psychiatres n'appartenant pas à
l'établissement "
et choisis par le préfet, sur une
liste établie par le procureur de la République après avis
de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale. La
décision doit résulter de
" deux examens
séparés et concordants "
établissant que
l'intéressé
" n'est plus dangereux ni pour lui-même
ni pour autrui ".
Avant de revenir sur l'origine de cet amendement, il est utile de rappeler les
conditions dans lesquelles intervient une hospitalisation d'office au titre de
l'article L. 348-1 précité.
Cette procédure concerne toutes les personnes inculpées et
incarcérées et qui ont bénéficié, au terme
de leur procès, d'un
non-lieu
, d'une
décision de
relaxe
ou d'un
acquittement
en raison de leur état mental
conformément à
l'article 122-1 du code pénal.
Cet article dispose que la personne qui était atteinte, au moment des
faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique
" ayant aboli son
discernement ou le contrôle de ses actes "
n'est pas
considérée comme pénalement responsable.
La jurisprudence applique cette disposition aux personnes en état de
démence, c'est-à-dire affectées de toutes formes
d'aliénation mentale qui entraînent des troubles ou des maladies
de l'intelligence. Il peut s'agir d'un défaut de développement
des facultés mentales (crétinisme, idiotie,
imbécillité, débilité, faiblesse d'esprit) aussi
bien que de folie (affaiblissement des facultés mentales, surexcitation
des facultés intellectuelles et affectives).
Si l'autorité judiciaire estime que la remise en liberté de la
personne en cause pourrait, compte tenu de son état mental,
" compromettre l'ordre public ou la sûreté des
personnes "
, elle avise alors immédiatement le préfet
ainsi que
la commission départementale des hospitalisations
psychiatriques
.
Pour mémoire, cette commission est composée d'un psychiatre, d'un
magistrat et de deux personnalités qualifiées
désignées l'une par le préfet, l'autre par le
président du conseil général, dont un psychiatre et un
représentant d'une organisation représentative des familles de
personnes atteintes de troubles mentaux
(article L. 332-3 du code de la
santé publique).
Seul l'un des psychiatres doit exercer dans un
établissement psychiatrique.
Cette commission, qui est informée de toute hospitalisation sans
consentement d'un malade mental, examine en tant que de besoin la situation des
personnes hospitalisées et peut proposer au président du tribunal
de grande instance d'ordonner la sortie immédiate de toute personne
hospitalisée sans son consentement.
La décision d'hospitalisation concernant un irresponsable pénal
est prise par
le préfet
seul habilité à prendre une
mesure d'hospitalisation d'office sur la base d'un certificat médical
circonstancié pris par un psychiatre qui n'exerce pas dans
l'établissement accueillant le malade
13(
*
)
.
L'article L. 348 du code de la santé publique précise que le
certificat médical doit porter sur
" l'état
actuel "
du malade, ce qui signifie que les expertises
psychiatriques
réalisées en vue du procès ne peuvent motiver la
décision d'hospitalisation d'office.
La procédure fondée sur l'avis concordant de deux psychiatres est
actuellement la seule susceptible de permettre à la personne
hospitalisée sur la base de l'article L. 348 de quitter
l'établissement psychiatrique où elle est internée.
Le dispositif proposé par cet article additionnel est issu de l'adoption
en séance publique d'un amendement, sous-amendé par le
Gouvernement, et qui avait été déposé
individuellement par Mme Frédérique Bredin, MM. Pierre
Mazeaud et Jean-Luc Warsmann. Un amendement très proche de celui des
auteurs précités avait également été
déposé par M. Philippe Douste-Blazy.
Il convient de rappeler que M. Pierre Mazeaud avait déposé sur le
bureau de l'Assemblée nationale, une proposition de loi (n° 2868)
proposant de subordonner la décision de sortie à l'avis d'une
commission composée d'un représentant de l'autorité
administrative, du médecin traitant de l'établissement où
la personne est internée et d'un magistrat désigné par le
premier président de la Cour d'appel compétente.
Le contenu de cette proposition de loi avait reçu, en mars 1997, un avis
favorable de la commission des lois constitutionnelles, de la
législation et de l'administration générale de la
République, qui avait décidé de l'intégrer en
article additionnel au projet de loi sur la répression et la
prévention des atteintes sexuelles présenté par M. Jacques
Toubon, alors Garde des Sceaux.
L'amendement déposé sur le présent projet de loi s'inspire
très largement de la proposition de loi précitée ; il a
obtenu un avis favorable du Gouvernement, sous réserve de deux
sous-amendements déposés par celui-ci et adoptés par
l'Assemblée nationale.
S'agissant de la composition de la commission, celle-ci est composée de
deux médecins, dont un psychiatre n'appartenant pas à
l'établissement, et d'un magistrat ; pour mémoire, l'amendement
de Mme Frédérique Bredin et M. Pierre Mazeaud prévoyait
" un représentant de l'autorité administrative, le
médecin traitant de l'établissement, un psychiatre n'appartenant
pas à l'établissement et un magistrat "
14(
*
)
.
Concernant la procédure, le Gouvernement a souhaité que la
commission entende, non seulement la personne internée, son
représentant, assisté éventuellement de son avocat, -comme
l'avait prévu les auteurs de l'amendement- mais également
" le médecin traitant "
. Cette formulation exclut
a
contrario
que le psychiatre traitant du malade puisse être membre de
la commission de sortie.
S'agissant du dispositif, il convient de noter que l'avis de la commission est
un avis
" conforme "
.
De manière analogue au dispositif actuel, la procédure
prévue dans cet article est la seule susceptible de s'appliquer à
la personne internée après que son irresponsabilité
pénale a été prononcée.
Par ailleurs, le dispositif proposé dans cet article rend beaucoup plus
formelle la procédure de passage devant la commission.
Tout d'abord l'intéressé, son représentant et son
médecin traitant sont obligatoirement entendus par la commission. Cette
disposition permet à l'intéressé de se défendre et
d'ouvrir un débat contradictoire. L'intéressé ou son
représentant peuvent se faire assister d'un avocat. De plus, la
commission peut faire procéder à toutes les expertises
nécessaires.
En outre, il est prévu expressément que ses
délibérations sont secrètes. Il est indiqué qu'en
cas de partage des voix, la
voix du magistrat est
prépondérante
: le magistrat acquiert ainsi un pouvoir de
décision important en cas de doute de la part de l'un des
représentants du corps médical. Si un psychiatre est favorable
à la sortie du malade et qu'un autre médecin s'abstient, la voix
du magistrat décidera de la sortie ou non de l'intéressé.
Cet article peut soulever une interrogation : la levée de la mesure
d'hospitalisation d'office va dépendre de l'avis conforme d'une
commission à laquelle appartient un magistrat alors que la personne
déclarée pénalement irresponsable en application de
l'article 122-1 du code pénal a, en droit,
bénéficié d'un non-lieu et d'un abandon des poursuites.
Il n'est pas inutile de rappeler à cet égard que le dispositif
actuel de
l'article L. 348-1 du code de la santé publique
est
issu de la
loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et
à la protection des personnes hospitalisées en raison de leurs
troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation.
Antérieurement, sous l'empire de l'article 64 de l'ancien code
pénal et de la loi de 1838, la personne déclarée
irresponsable pénalement était considérée comme un
malade pour lequel la levée de la mesure de placement d'office
ressortissait du régime de droit commun applicable aux personnes dont
les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sûreté des
personnes. La loi du 27 juin 1990 a instauré un régime
spécifique pour les personnes déclarées irresponsables
pénalement, prévoyant le recours à l'expertise
séparée et concordante de deux experts extérieurs à
l'établissement en sus de l'avis du psychiatre traitant de
l'établissement requis pour amorcer la sortie des personnes
hospitalisées d'office en droit commun.
Il convient de rappeler que l'article 4 de la loi du 27 juin 1990
précitée avait prévu la remise au Parlement d'un rapport
d'évaluation dans un délai de
" cinq ans "
à compter de sa promulgation. Ce rapport a été
préparé depuis deux ans par une commission présidée
par Mme Hélène Strohl, inspecteur général des
affaires sociales, en très large concertation avec tous les
professionnels, les usagers, les représentants des administrations et de
la justice, a, semble-t-il, été remis aux ministres de l'emploi
et de la solidarité, de la santé, de la justice et de
l'intérieur. Les conclusions de ce rapport ont reçu un
très large soutien, notamment du Comité consultatif de
santé mentale et de la conférence des présidents de
commissions médicales d'établissements.
Le dispositif de cet article ne concerne donc que les personnes
hospitalisées d'office à la suite d'une procédure
judiciaire qui ne constituent qu'une
" sous
catégorie "
de l'ensemble des personnes hospitalisées sans leur consentement en
raison de leurs troubles mentaux. La procédure de l'article
L. 348-1 susvisé concernerait environ 200 personnes par an sur les
50.000 hospitalisations d'office prononcées chaque année.
Seuls 15 % de ces 200 personnes pourraient être
considérées comme des délinquants sexuels.
L'article 32 bis prévoit que la décision de sortie
dépendra de l'avis conforme d'une commission comprenant deux
médecins, dont un psychiatre, et un magistrat, dont la voix serait
prépondérante.
Cet amendement, inspiré par les associations de victimes à la
suite de faits divers, soulève un problème au regard de la
responsabilité des psychiatres.
Ce texte introduit un magistrat dans la décision de sortie du malade
alors même que la justice a rendu un non lieu dans l'affaire qui le
concernait et qu'elle s'était en quelque sorte dessaisi du
prévenu pour le confier au secteur psychiatrique.
Face aux médecins qui siègent à la commission, le
magistrat peut faire valoir non pas un point de vue psychiatrique mais des
éléments tenant au dossier du prévenu. En d'autres termes,
la sortie du malade serait conditionnée, non pas par son état de
santé, mais par son dossier judiciaire.
Un malade qui serait considéré comme guéri par son
médecin traitant et un psychiatre, resterait en hospitalisation d'office
en raison de la gravité de faits qui lui sont reprochés.
L'hôpital psychiatrique devient alors un lieu de réclusion
déguisé. Il y a là une confusion des missions de
l'hôpital et de la prison.
En outre, le dispositif qui nous est proposé présente
des
imprécisions
.
Tout d'abord, on ne sait ni par qui ni comment seront désignés
les médecins.
Ensuite, il est indiqué que l'un des médecins doit être un
psychiatre. Cela signifie-t-il que l'autre médecin peut être
extérieur à la sphère psychiatrique ? Comment va-t-il
alors pouvoir donner un avis qualifié sur le patient ? Au
demeurant, il n'est pas indiqué si les médecins de la commission
sont habilités à expertiser le malade.
Enfin, la situation du magistrat est délicate : certes, si l'un des
praticiens s'abstient, il a voix prépondérante et peut alors
refuser ou accepter une sortie. Mais peut-il vraiment accepter la sortie si le
psychiatre de la commission s'est abstenu ?
Si les deux médecins sont favorables à la sortie, la voix du
magistrat ne compte plus et celui-ci est engagé dans un processus qu'il
n'a pas souhaité et qu'il ne pourrait pas influencer puisqu'il n'est pas
médecin lui-même.
Cet article soulève donc un problème de fond alors qu'il ne
concerne pas seulement des délinquants sexuels et que l'on ne dispose
pas encore de tous les éléments nécessaires pour
évaluer la procédure d'hospitalisation d'office.
C'est pourquoi votre Commission vous propose d'adopter
un amendement de
suppression
de cet article qui sera assorti d'une demande ferme de sa part
pour que le Gouvernement s'engage à communiquer les
éléments dont il dispose et à préparer une
étude sur cette question.
*
* *
Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle vous a proposés, votre Commission a émis un avis favorable à l'adoption des articles 6 et 21 du projet de loi et vous propose la suppression de l'article 32 bis .