II. EXAMEN DU RAPPORT
Le mercredi 24 septembre 1997, sous la présidence de
M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a
procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur
le
projet de loi n° 423 relatif au développement
d'activités pour l'emploi des jeunes.
Après avoir cité les chiffres du chômage des jeunes -plus
de 600.000 jeunes sont inscrits comme demandeurs d'emploi et leur taux de
chômage est de 25,1 %-
M. Louis Souvet, rapporteur,
a
rappelé que l'objectif du projet de loi était de créer
350.000 emplois destinés aux jeunes dans les secteurs public et
associatif. Ces emplois devront avoir un caractère d'utilité
sociale et répondre à des besoins émergents ou non
satisfaits. Il a cependant ajouté que les élus locaux n'avaient
pas attendu le projet de loi pour créer ce type d'emplois, la liste des
22 nouveaux métiers n'étant que le recensement de ce qui avait
été fait par les collectivités territoriales
jusqu'à présent.
Le rapporteur a ensuite retracé les évolutions récentes de
la politique de l'emploi, caractérisées par une
déconcentration, voire une décentralisation des mesures, le
projet de loi ne faisant que poursuivre dans cette voie. Il a
résumé la philosophie du texte en disant que l'Etat cherchait
à inciter les collectivités locales à se transformer en
pépinières d'activités nouvelles.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a ensuite présenté les
principales dispositions du projet de loi ; il a indiqué que l'Etat
contribuerait au financement des activités nouvelles en versant une aide
correspondant à 80 % du montant du salaire minimum interprofessionnel de
croissance (SMIC) avec les charges sociales par emploi créé, que
les bénéficiaires devraient avoir entre 18 et 25 ans et,
exceptionnellement, moins de 30 ans, les employeurs étant
obligatoirement les collectivités territoriales ou leurs groupements,
les autres personnes morales de droit public et les personnes morales de droit
privé chargées de la gestion d'un service public ; l'Etat et le
service privé marchand sont exclus du dispositif sauf, en ce qui
concerne l'Etat, dans le cadre de l'article 2 instituant les adjoints de
sécurité.
Il a précisé que l'aide de l'Etat s'élèverait en
moyenne à 92.000 F par poste et par an pour un coût de 10
milliards en 1998 et de 35 milliards par an, lorsque les emplois auront
été tous créés.
Le rapporteur a ajouté que ces emplois avaient vocation à
être professionnalisés et pérennisés. Il a
également indiqué que le projet de loi innovait en instituant un
contrat de droit privé à durée déterminée de
cinq ans, susceptible d'être rompu chaque année.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a alors présenté son analyse
du projet de loi, estimant que celui-ci était dangereux pour les
collectivités locales et susceptible de générer une
profonde désillusion chez les jeunes et au sein du corps social dans son
entier.
Il a tout d'abord souligné la grande ambiguïté du texte
quant à la nature des activités envisagées. Pour lui, les
métiers de l'environnement ou ceux qui sont liés à
l'entretien et à la maintenance des logements, relèvent à
l'évidence de la sphère privée ; cela aura pour
conséquence de concurrencer les petites entreprises du secteur
privé, notamment dans le cadre des gestions
déléguées, et d'entraîner d'importantes destructions
d'emplois.
Il a également souligné que certains de ces métiers ne lui
semblaient pas adaptés aux jeunes de moins de 26 ans sans
expérience professionnelle ni expérience humaine, et a
cité la médiation familiale, la réinsertion des
détenus ou encore la prévention de la violence. Les risques
d'échec sont donc grands.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a encore indiqué que les annonces
des différents ministères de créer des emplois jeunes
accentuaient l'ambiguïté du dispositif en laissant supposer que
l'on créait une fonction publique bis. Il a ajouté que le projet
de loi n'abordait pas les vrais problèmes de l'exclusion des jeunes du
marché du travail, liés notamment à la médiocre
qualité ou à l'inadaptation aux besoins des entreprises de la
formation initiale. Il a en outre observé que le dispositif ne
s'articulait pas avec la question de l'exclusion générale du
marché du travail, alors que ce lien aurait permis, par exemple, de
profiter de l'expérience des cadres au chômage pour encadrer ces
activités nouvelles.
Enfin, le rapporteur
a insisté sur la perte d'autonomie des
collectivités locales et sur la charge financière qui leur sera
imposée. Pour lui, le problème majeur du projet de loi est en
effet la sortie du dispositif, non organisée, et dont on voit bien que
la charge incombera aux collectivités locales contraintes à
financer elles-mêmes la pérennisation de ces emplois,
imposée par la pression sociale. Pour lui, à terme, ce dispositif
débouchera sur une augmentation de la pression fiscale, et par
conséquent, sur des destructions d'emplois.
Après avoir souligné que l'Assemblée nationale avait eu
conscience de ces problèmes mais n'avait, pour des raisons de discipline
majoritaire, pu les résoudre, le rapporteur s'est interrogé sur
la conduite à tenir à l'égard de ce texte. Il a
rejeté l'idée de recourir à une question préalable,
d'une part parce que l'annonce des emplois jeunes avait suscité de
nombreux espoirs, d'autre part parce que lui-même considérait que
la recherche d'emplois nouveaux n'était pas une solution à
rejeter a priori. En conséquence, pour lui, la seule solution
était d'amender fortement le texte afin d'en corriger les défauts
les plus criants.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a alors précisé les grandes
orientations de ses amendements.
Il a tout d'abord proposé de mieux cerner les activités à
créer en confiant un rôle de conseil et de suggestion au conseil
départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale
et de l'emploi. Il a souligné que cette instance interviendrait avant la
signature de la convention avec l'Etat, puis au cours de son exécution
afin d'évaluer les activités et les emplois créés
et de déterminer les conditions de leur éventuel transfert au
secteur privé. En pareille hypothèse, le préfet pourra
décider de supprimer l'aide de l'Etat et de subventionner de
façon limitée le repreneur privé.
Le rapporteur a également indiqué qu'il souhaitait donner la
possibilité aux partenaires sociaux de participer financièrement
au dispositif par l'intermédiaire du fonds paritaire d'intervention en
faveur de l'emploi. Le dispositif serait également ouvert aux cadres au
chômage ou en préretraite afin de favoriser l'encadrement des
activités.
Le rapporteur a ensuite proposé d'adosser la professionnalisation de ces
activités à un dispositif d'apprentissage au sein des
collectivités locales et des entreprises partenaires.
Enfin, pour éviter de grever trop fortement les finances des
collectivités locales et de créer une fonction publique de l'Etat
bis, le rapporteur a proposé de sortir les emplois annoncés par
le ministre de l'éducation nationale du dispositif emploi-jeunes et de
les transférer dans un dispositif analogue à celui de l'article 2
pour les agents de sécurité.
En conclusion,
M. Louis Souvet, rapporteur
a souligné que le
projet ainsi amendé confiait aux collectivités locales, avec
l'aide de l'Etat, un rôle de pépinière d'activités
nouvelles, celles-ci ayant vocation après consolidation, à migrer
vers le secteur privé marchand. Il a alors invité la commission
à adopter le projet de loi ainsi amendé.
Au cours de la discussion générale,
M. Jean-Pierre Fourcade,
président,
s'est félicité de la position du rapporteur
refusant l'alternative du tout ou rien.
M. Jean Chérioux
a approuvé l'orientation du rapport qui
consistait à organiser la migration des activités vers le secteur
marchand, tout en soulignant que cette démarche rejoignait les
déclarations du ministre du travail. Il s'est inquiété de
la création d'une fonction publique bis. Il a approuvé la mise en
place de passerelles entre différents dispositifs emploi et a
souhaité que les conventions mentionnent la possibilité de faire
payer une partie du coût de ces activités nouvelles directement
par l'usager afin de faciliter leur passage vers le secteur marchand. Il a
également proposé d'élargir la liste des employeurs
potentiels.
M. Roland Huguet
a trouvé excessives les critiques
formulées par le rapporteur à l'encontre du projet de loi, tout
en admettant que certaines améliorations pouvaient être
apportées. Il a regretté que ces critiques n'aient pas
été exposées directement au ministre qui aurait pu y
répondre.
M. Serge Franchis
s'est déclaré très favorable
à la séparation opérée entre les emplois de la
fonction publique de l'Etat et ceux qui ont vocation à migrer vers le
secteur marchand ou à rester dans la fonction publique territoriale. Il
s'est demandé pourquoi limiter les emplois de l'Etat à la police
et à l'éducation nationale. Il a également indiqué
sa préférence pour un système de type emploi-ville, plus
souple, qui permettrait, à enveloppe constante, d'embaucher davantage de
personnes et d'ouvrir ainsi le dispositif sans condition d'âge.
M. André Jourdain
a trouvé les propositions du rapporteur
satisfaisantes, mais a suggéré de souligner davantage le
caractère économique des activités à créer,
afin de favoriser leur transfert au secteur privé.
M. Alain Gournac
s'est félicité de l'approche du
rapporteur qui évitera aux jeunes certaines désillusions. Il a
approuvé le principe d'une séparation nette des emplois publics
et des emplois ayant vocation à passer dans le secteur privé et a
souhaité que l'on accentue l'aspect professionnel de ces emplois,
notamment au travers de la formation et du tutorat.
M. Guy Fischer
a rappelé que l'examen du texte à
l'Assemblée nationale avait permis de prendre en considération
certaines des préoccupations évoquées. Il a
souhaité cependant que des dispositions soient prises afin de
pérenniser les emplois liés à la police et à
l'éducation nationale. Il a évoqué la mise à jour
nécessaire des grilles de qualification, les niveaux de
rémunération et les problèmes posés par
l'articulation de ces emplois avec les statuts des personnels. Il a
également souligné l'importance des attentes de la jeunesse qui
posaient la question de la sortie des dispositifs. Enfin, il s'est
félicité du caractère novateur du projet de loi.
M. Jean Madelain
a approuvé les propositions du rapporteur qu'il
a jugées constructives et adaptées au problème
posé.
Mme Joëlle Dusseau
a rappelé que le projet de loi devait
être complété par un plan de création de 350.000
emplois jeunes dans le secteur privé. Après avoir regretté
que la commission ait une approche de l'économie qu'elle a jugée
trop traditionnelle et avoir souligné l'importance du secteur tertiaire,
elle a observé que le secteur marchand était également
aidé. Elle a déclaré partager les réserves du
rapporteur sur les embauches dans la fonction publique et sur certains
métiers qui requéraient une forte expérience humaine. Elle
a rappelé qu'aujourd'hui, pour un jeune, un contrat de cinq ans
était loin de correspondre à un emploi précaire. Elle a
contesté l'opportunité d'ouvrir le dispositif aux employeurs
privés n'appartenant pas au secteur du logement social. Elle s'est
déclarée en désaccord avec le rôle confié au
comité départemental de la formation professionnelle, de la
promotion sociale et de l'emploi (CODEF), instance qu'elle a
considérée comme inadaptée.
M. Gérard Roujas
a rappelé les espoirs que suscitait le
projet de loi et a jugé que les amendements du rapporteur n'avaient pas
pour but d'améliorer le texte, mais au contraire de le dénaturer.
M. Jean-Louis Lorrain,
après avoir rappelé l'absence de
perspectives d'avenir pour beaucoup de jeunes, s'est inquiété de
voir les rapports entre citoyens régis dans le cadre de
l'économie marchande, ce qui excluait ceux qui n'avaient pas les moyens
de recourir à ces emplois. Il a donc souhaité une grande
vigilance dans la sélection des activités. Enfin, il a
réclamé une meilleure protection des jeunes en emplois
précaires.
M. Bernard Seillier
a souhaité que les missions locales pour
l'emploi, plus proches du terrain, soient associées à
l'élaboration des avis demandés au CODEF.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
s'est félicité
de la séparation faite entre les emplois dits publics et les emplois
jeunes. Il a manifesté le souci que les emplois créés
soient intégrés dans les meilleurs délais au secteur
marchand. Il s'est demandé si l'incitation ne pourrait pas consister en
une aide dégressive. Il a rappelé qu'en France les emplois
publics étaient beaucoup plus nombreux que dans le reste de l'Union
européenne et qu'il n'était pas opportun d'y affecter la
moitié des 700.000 emplois annoncés par le Gouvernement en faveur
des jeunes. Il a indiqué que d'après les déclarations du
ministre de l'intérieur, il n'était pas sûr que les
collectivités locales ne seraient pas amenées à financer
indirectement les emplois de sécurité dans la mesure où il
pourrait être fait appel à des emplois-jeunes, partiellement
financés par les communes, en complément des postes d'agent de
sécurité. Selon lui, cela justifiait donc pleinement de
disjoindre ces deux types d'emplois.
M. Paul Vergès
a rappelé la situation de l'emploi à
la Réunion, qu'il a qualifiée d'explosive, et a insisté
sur la spécificité de ce département d'outre-mer.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a répondu aux différents
commissaires, en précisant les orientations qu'il avait retenues dans
ses amendements et en proposant d'y intégrer certaines des suggestions
formulées.
Après avoir repoussé l'idée de recourir à une
motion de procédure conduisant à ne pas examiner le texte, la
commission a procédé à l'examen des articles.
A l'article premier
(aide à la création d'activités
d'utilité sociale pour l'emploi des jeunes), la commission a
examiné cinq amendements proposés par le rapporteur sur l'article
L. 322-4-18 à insérer dans le code du travail. Après un
long débat portant notamment sur la notion d'utilité sociale
finalement remplacée par celle d'intérêt
général, au cours duquel sont intervenus
Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Jean Chérioux, Roland Huguet, Serge Franchis,
André Jourdain, Jean-Pierre Fourcade, président, Mme Joëlle
Dusseau, MM. Paul Blanc, Jean Madelain, Georges Mazars, Guy Fischer et Bernard
Seillier
, la commission a adopté le premier amendement, qui vise
à clarifier la liste des employeurs et des activités
concernés par le dispositif emploi-jeunes.
La commission a précisé la portée du deuxième
amendement du rapporteur, qui vise à énumérer le contenu
des conventions, afin d'une part d'y inclure la mention d'une éventuelle
participation financière de l'usager, et d'autre part de permettre au
CODEF de déléguer le soin de formuler son avis aux missions
locales pour l'emploi.
Elle a adopté sans modification les trois autres amendements
rédactionnels ou de précision.
Elle a adopté, après un débat sur la professionnalisation
des emplois au cours duquel sont intervenus
MM. Roland Huguet, Jean-Pierre
Fourcade, président, Jean Chérioux, Guy Fischer et Mme
Joëlle Dusseau,
deux amendements du rapporteur à l'article L.
322-4-19 relatifs à l'encadrement et à la possibilité de
recourir à l'apprentissage sur proposition de
M. Louis Souvet,
rapporteur
. Elle a adopté un amendement portant sur l'article
L. 322-4-20 précisant le régime juridique des contrats puis
deux amendements visant à insérer deux articles nouveaux, L.
322-4-21 et L. 322-4-22, le premier pour organiser le transfert éventuel
de l'activité vers le secteur privé en confiant un rôle
d'évaluation au CODEF, le deuxième pour permettre au
préfet de subventionner dans certaines limites l'entreprise qui aura
repris l'activité.
La commission a ensuite adopté sur proposition du rapporteur un article
additionnel avant l'article premier bis afin d'autoriser le fonds paritaire
d'intervention en faveur de l'emploi à financer les postes d'encadrement
et les postes transférés dans le secteur marchand, puis un
article additionnel avant l'article premier bis, de simple coordination.
Aux articles premier ter
(quota d'emplois réservés aux
handicapés) et
premier quinquies
(aide à la
création d'entreprise), elle a adopté un amendement
rédactionnel.
A l'article 2
relatif aux emplois d'adjoints de sécurité,
elle a porté la limite d'âge à 30 ans afin de permettre le
recrutement de personnes hautement qualifiées.
Elle a ensuite adopté sur proposition du rapporteur un article
additionnel avant l'article 2 bis autorisant l'Etat à engager des
adjoints d'éducation et, après intervention de
MM. Henri de
Raincourt, Alain Gournac, Guy Fischer, Louis Souvet, rapporteur,
Jean Pierre Fourcade, président, Serge Franchis et Alain
Vasselle,
des adjoints de justice, dans les mêmes conditions que les
adjoints de sécurité
.
Après intervention de
M. Paul Vergès
qui s'interrogeait
sur les conditions d'un recours au fonds pour l'emploi dans les
départements d'outre-mer, la commission a adopté une nouvelle
rédaction de l'article 2 bis, s'inspirant de la loi de 1988 sur le
revenu minimum d'insertion (RMI).
Enfin, la commission a adopté sur proposition du rapporteur un article
additionnel après l'article 3, dont l'objet est d'inclure dans le projet
de loi le dispositif adopté par la commission à l'occasion de
l'examen de la proposition de loi relative à la promotion de
l'apprentissage dans le secteur non industriel et commercial.
Puis, après intervention de
M. Jean-Pierre Fourcade,
président,
observant que certaines des dispositions adoptées
avaient des implications financières mais que les modifications retenues
allaient dans le sens des préoccupations du ministre de l'emploi, la
commission
a approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi
amendé
.
Mesdames, Messieurs,
Attendu depuis le changement de majorité à l'Assemblée
nationale, le projet de loi relatif au développement d'activités
pour l'emploi des jeunes a été adopté par le conseil des
ministres le 20 août dernier, puis examiné par l'Assemblée
nationale les 15, 16 et 17 septembre ; celle-ci l'a adopté sans
bouleversements notables.
L'objectif annoncé, repris des promesses de campagne électorale,
est de créer 350.000 emplois pour répondre à des besoins
nouveaux ou non satisfaits présentant un caractère
d'utilité sociale. A cet effet, 22 métiers plus ou moins nouveaux
concernant le logement, la santé, la sécurité, la culture
ou l'environnement, ont été recensés. Ces
" vrais " emplois devront permettre à des jeunes d'entrer
dans
la vie active au sein des secteurs publics et associatifs. Les emplois auraient
vocation à être pérennisés.
Il s'agit de l'un des deux volets du plan visant à créer
700.000 emplois pour les jeunes en trois ans, le second volet, la
création de 350.000 emplois dans le secteur privé, restant pour
l'instant, en l'état des informations recueillies, à
l'état de projet.
Le projet de loi vise à répondre à l'angoisse sociale
générée par le fort taux de chômage des jeunes en
poursuivant dans la voie ouverte depuis plusieurs années d'une
délégation de la politique de l'emploi aux acteurs locaux.
Répondre à l'angoisse sociale générée par
le chômage des jeunes...
Sur les 8 millions de jeunes de 16 à 25 ans, plus de 600.000 sont au
chômage : ils représentent 20 % des chômeurs. 120.000 sont
au chômage depuis plus d'un an.
Quant à la situation des jeunes de plus de 25 ans, elle n'est
guère plus enviable. En juin 1996, 220.000 jeunes âgés de
25 à 29 ans bénéficiaient du RMI. Pour ceux qui ont un
emploi, celui-ci est le plus souvent précaire ; d'après une
enquête INSEE, le niveau de vie des moins de 25 ans a diminué de
15 % entre 1989 et 1994.
En outre, les difficultés d'accès au marché du travail
incitent les jeunes à poursuivre des études, ce qui retarde leur
entrée dans la vie active et explique pourquoi la France a un taux
d'activité des jeunes parmi les plus faibles des grands pays
industrialisés. Cette surqualification par rapport aux besoins
entraîne un allongement de la durée moyenne de chômage des
jeunes diplômés avant leur premier accès à l'emploi,
et donc une augmentation des taux de chômage.
En juin 1997, le taux de chômage des jeunes de moins de
25 ans était de 25,1 %, 22 % pour les hommes et 28,9 %
pour les femmes.
Cette situation suscite une attente forte du corps social pour que soient
prises des mesures permettant de lutter efficacement contre ce fléau.
Pour y répondre, le Gouvernement a poursuivi dans la voie, tracée
depuis quelques années, d'une délégation des instruments
de la politique de l'emploi aux acteurs les plus proches du terrain, notamment
aux élus locaux. Ceux-ci n'ont d'ailleurs pas attendu les aides du
Gouvernement en ce domaine et pour beaucoup expérimentent
déjà, depuis des années, ces nouveaux emplois de
proximité : la liste des 22 métiers proposée par le
ministre de l'emploi n'est pour partie que le recensement de ces emplois.
... En poursuivant dans la voie d'une délégation de la
politique de l'emploi
Depuis plusieurs années, l'Etat confie à d'autres,
collectivités territoriales ou partenaires sociaux, le soin de
gérer certaines actions qui relevaient jusqu'alors de sa
compétence. Il s'agit ainsi d'intervenir au plus près des
besoins, en laissant l'initiative à ceux qui ont une connaissance du
terrain ou de la réalité de l'entreprise. Les contraintes
budgétaires ne sont évidemment pas neutres, et poussent aux
transferts de financements. On citera la prise en charge partielle de
l'allocation de formation reclassement par l'UNEDIC, ainsi que le transfert de
l'inscription des demandeurs d'emploi, le financement de la préretraite
par l'UNEDIC avec l'allocation de remplacement pour l'emploi,
l'allégement du coût du travail et l'assouplissement du cadre
juridique de l'exécution du contrat de travail.
L'action gouvernementale consiste donc moins à oeuvrer directement pour
l'emploi, qu'à créer un cadre général favorable qui
facilitera la démarche des relais locaux.
Le présent projet s'inscrit pleinement dans cette démarche en
l'accentuant. Non seulement l'Etat crée un cadre favorable à
l'emploi en allégeant le coût du travail, mais il pousse en outre
à l'émulation des acteurs locaux en cherchant à
généraliser des initiatives spontanées d'élus
locaux, d'organismes publics ou d'associations.
On retrouve d'ailleurs la démarche proposée par le
Président René Monory l'année dernière d'une
politique de proximité. Mais le dispositif élaboré par le
Gouvernement souffre d'un handicap majeur : il concentre ses efforts
-volontairement ou involontairement, mais le résultat sera
celui-là- sur le secteur public, au risque de faire peser à terme
une charge insupportable sur les collectivités territoriales au premier
rang desquelles il faut placer les communes. La proposition du Président
Monory ne souffrait pas de ce vice rédhibitoire puisqu'elle
s'insérait dans le tissu économique.
Or, ce n'est là qu'une des faiblesses du projet de loi dont les
conséquences à long terme restent à établir,
notamment en matière d'augmentation des prélèvements
obligatoires. Le texte du Gouvernement avec ses défauts et ses
incohérences risque de ne pas être à la hauteur des espoirs
suscités, accentuant de ce fait encore un peu plus la détresse de
toute une partie de la jeunesse.