CHAPITRE II
DES RÈGLES SPÉCIFIQUES D'ÉLIGIBILITÉ
DES RESSORTISSANTS
D'UN ETAT MEMBRE DE LA COMMUNAUTÉ
EUROPÉENNE
AUTRE QUE LA FRANCE.
Ce chapitre a pour objet d'introduire dans le code
électoral les dispositions organiques permettant aux citoyens de l'Union
résidant en France d'être éligibles aux conseils municipaux
et précisant, en ce qui les concerne, les conditions spécifiques
susceptibles de leur être imposées.
Votre commission des Lois propose au Sénat de viser dans cet
intitulé les Etats membres de
" l'Union
européenne
" plutôt que ceux de la
"
Communauté européenne
".
Article 2
(Article L.O. 228-1 du code
électoral)
Conditions générales de
l'éligibilité des ressortissants communautaires comme conseiller
municipal
Cet article a pour objet d'insérer dans le code
électoral un nouvel article L.O. 228-1 fixant les conditions
générales de l'éligibilité au conseil municipal des
ressortissants d'un Etat de l'Union européenne autre que la France.
A cette fin, les intéressés devront :
- soit être inscrits sur la liste électorale complémentaire
de la commune, ce qui implique qu'ils satisfont aux conditions prévues
par l'article L.O. 227-2, alinéa 2, précité
(résidence en France et jouissance de la capacité
électorale dans leur Etat d'origine, notamment) ;
- soit remplir les conditions légales autres que de nationalité
pour être électeurs et inscrits sur une liste électorale
complémentaire d'une autre commune française et être
inscrits au rôle d'une des contributions directes de la commune ou
justifier qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de
l'année de l'élection.
La portée de ce dispositif, calqué sur les règles
d'éligibilité applicables aux citoyens français ( article
L. 228 du code électoral), mérite d'être
précisée :
· En premier lieu, l'éligibilité des ressortissants
communautaires suppose tout d'abord qu'ils soient inscrits sur une liste
électorale complémentaire ou qu'ils remplissent les conditions
pour y être inscrits.
Cette inscription, on l'a vu, est elle-même subordonnée au fait
que l'étranger réside en France. Cette résidence pourra se
situer dans la commune où il présente sa candidature ou bien dans
une autre commune mais elle devra en tout état de cause répondre
au critère posé par l'article L.O. 227-1 (domicile réel ou
résidence à caractère continu). En conséquence, un
ressortissant communautaire qui se contenterait de posséder en France
une résidence secondaire où il ne résiderait
qu'épisodiquement ne sera pas éligible comme conseiller
municipal, ni dans la commune où est établie sa résidence
secondaire, ni dans aucune autre commune française.
· En second lieu et en outre, ce ressortissant communautaire pourra,
à l'instar des nationaux, se présenter à l'élection
municipale :
- soit dans la commune sur la liste électorale complémentaire de
laquelle il est inscrit ;
- soit dans une commune où il est inscrit (ou devrait l'être) au
rôle d'une des contributions locales directes, au titre d'une
résidence secondaire, par exemple.
Ainsi, et pour s'en tenir à trois exemples pris au hasard des
nationalités :
- un Espagnol ayant sa résidence principale en Espagne et une
résidence secondaire en France ne pourra être inscrit sur la liste
électorale complémentaire d'aucune commune française et ne
sera donc ni électeur ni éligible en France, même dans la
commune de sa résidence secondaire ;
- un Hollandais ayant sa résidence principale dans une commune
française mais n'ayant pas de résidence secondaire en France
pourra, s'il s'inscrit sur la liste électorale complémentaire,
être élu dans sa commune de résidence ;
- un Italien résidant en France, même s'il n'est pas inscrit sur
la liste électorale complémentaire dans sa commune de
résidence, pourra être élu dans toute commune où il
serait inscrit au rôle des contributions locales directes, au titre d'une
résidence secondaire par exemple.
· Comme pour le droit de vote, votre commission des Lois relève
que l'article 88-3 de la Constitution pose deux conditions essentielles
à l'éligibilité des ressortissants communautaires :
- la réciprocité,
- la résidence en France.
Afin de tenir pleinement compte de la clause de réciprocité
prévue par l'article 88-3 de la Constitution, votre commission des Lois
propose de préciser clairement que le droit d'éligibilité
ne sera reconnu qu'aux ressortissants communautaires dont l'Etat d'origine
accorde aux citoyens français qui y résident un droit
équivalent, dans les conditions prévues par le Traité sur
l'Union européenne et selon sa législation nationale propre.
· S'agissant de la condition de résidence, en revanche, le texte
du projet de loi organique n'appelle pas d'adjonction particulière,
puisqu'il réserve l'éligibilité aux ressortissants
communautaires dûment inscrits sur la liste électorale de la
commune ou remplissant les conditions légales pour être inscrits
sur une liste électorale complémentaire en France. Or,
l'article L.O. 227-1 pose la résidence en France comme une
condition
sine qua non
pour pouvoir être inscrit sur une liste
électorale complémentaire.
· Pour les motifs exposés dans la première partie du
présent rapport, votre commission des Lois propose au Sénat de
compléter cet article par un alinéa disposant que les membres du
Conseil de Paris qui n'ont pas la nationalité française ne
pourront siéger à ce conseil lorsque qu'il se réunit en
qualité de conseil général.
Article 3
(Article L.O. 230-2 du code
électoral)
Inéligibilité en France des ressortissants
communautaires
déchus du droit d'éligibilité dans leur
Etat d'origine
Comme l'a prévu l'article L.O. 227-2 en ce qui concerne
le droit de vote proprement dit, cet article prévoit, à propos de
l'éligibilité, que les ressortissants communautaires
résidant en France "
déchus du droit
d'éligibilité
" dans leur Etat d'origine perdront du
même coup le droit d'être élus en France.
Ce mécanisme, qui découle naturellement du principe
d'unicité de la citoyenneté européenne, a d'ailleurs
expressément été prévu par la directive du 19
décembre 1994 : "
eu égard à l'importance
politique de la fonction d'élu municipal, il convient que les Etats
membres puissent prendre les mesures nécessaires pour éviter
qu'une personne déchue de son droit d'éligibilité dans son
Etat membre d'origine soit réintégrée dans ce droit du
seul fait de sa résidence dans un autre Etat membre ".
Il convient néanmoins de souligner que cet article vise uniquement les
cas de déchéance proprement dite de l'éligibilité
dans l'Etat d'origine, par suite d'une condamnation pénale, par exemple.
Pour le reste, l'éligibilité des ressortissants communautaires
s'appréciera, non par rapport à la législation nationale
de leur Etat d'origine, mais par rapport aux dispositions légales
françaises.
Ainsi, plusieurs Etats de l'Union européenne accordent le droit de vote
à 18 ans mais n'accordent le droit d'éligibilité aux
municipales qu'à un âge plus avancé. Cette circonstance ne
saurait faire échec à l'éligibilité dès
18 ans de leurs ressortissants résidant en France, puisque
l'âge d'éligibilité aux municipales y est fixé
à 18 ans révolus (article L. 228, alinéa premier, du code
électoral).
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve d'un
amendement terminologique ("
l'Union européenne
" du
lieu de la "
la Communauté européenne
"), votre
commission des Lois propose au Sénat d'adopter cet article.
Article 4
(Article L.O. 236-1 du code
électoral)
Démission d'office des conseillers municipaux
ressortissants communautaires en cas d'inéligibilité dans leur
Etat d'origine
En vertu de l'article L. 236 du code électoral, les
conseillers municipaux qui, pour certaines causes survenues
postérieurement à leur élection, se trouvent dans un cas
d'inéligibilité sont immédiatement déclarés
démissionnaires par le préfet, sauf réclamation
auprès du tribunal administratif et sauf recours au Conseil d'Etat (ce
recours est non suspensif lorsque la déclaration de démission
d'office résulte d'une condamnation pénale devenue
définitive). C'est le cas, notamment, des conseillers municipaux
privés du droit électoral en cours de mandat.
Le présent article a pour objet d'instituer un mécanisme
équivalent de démission d'office à l'encontre des
conseillers municipaux ressortissants d'un autre Etat de l'Union
européenne qui, pour une cause survenue postérieurement à
leur élection, se trouveraient déchus de leur droit
d'éligibilité dans leur Etat d'origine.
Outre un amendement terminologique (référence à
"
l'Union européenne
" plutôt qu'à la
"
Communauté européenne
"), votre commission des
Lois propose au Sénat de supprimer à la fin de l'article la
référence au représentant de l'Etat "
dans le
territoire
", à partir du moment où elle
considère que la loi organique ne doit pas être rendue applicable
dans les territoires d'outre-mer.
Article 5
(Article L.O. 265-1 du code
électoral)
Formalités applicables aux candidats ressortissants
communautaires
(communes de 3500 habitants et plus)
· Cet article du projet de loi organique propose
d'introduire dans le code électoral un nouvel article L.O. 265-1 fixant
les formalités spécifiques applicables aux citoyens de l'Union
candidats aux élections municipales en France. Trois formalités
spécifiques sont ainsi prévues :
1. La liste des candidats, chaque fois qu'elle comportera la candidature d'un
ressortissant de l'Union européenne autre que la France, devra porter,
en regard du nom du candidat étranger, l'indication de sa
nationalité.
Pas plus que la mention de la nationalité des personnes inscrites sur
les listes électorales complémentaires, cette mesure n'a rien de
discriminatoire car s'il est vrai que l'indication de nationalité n'a
jamais été exigée des candidats français, elle se
déduisait d'elle-même du simple fait que seuls les Français
étaient jusqu'à présent éligibles.
2. L'intéressé devra produire en outre :
- une déclaration certifiant qu'il n'est pas déchu du droit
d'éligibilité dans son Etat d'origine (de façon à
vérifier qu'il répond bien à l'exigence posée par
l'article L.O. 230-2 examiné ci-avant) ;
- des documents officiels qui justifient qu'il satisfait bien aux conditions
d'éligibilité posées par l'article L.O. 228-1, en d'autres
termes qu'il est bien inscrit sur la liste électorale
complémentaire ou qu'il remplit les conditions pour être inscrit
sur une telle liste et, dans ce cas, qu'il figure (ou devrait figurer au 1er
janvier de l'année de l'élection) sur le rôle des
contributions locales directes de la commune dans laquelle il se
présente.
3. En cas de doute sur la déclaration produite par
l'intéressé (concrètement, si un élément ou
une information porte à penser qu'il aurait été
déchu du droit d'éligibilité dans son Etat d'origine), le
ressortissant communautaire sera tenu de présenter une attestation des
autorités compétentes de l'Etat dont il a la nationalité,
certifiant qu'il n'est pas déchu du droit d'éligibilité
dans cet Etat ou qu'une telle déchéance n'est pas connue desdites
autorités.
Ce mécanisme de contrôle est strictement le même que celui
institué par la loi du 5 février 1994 en ce qui concerne la
vérification de non-déchéance de
l'éligibilité aux élections européennes dans l'Etat
d'origine.
· A s'en tenir au texte initial du projet de loi organique,
ces
dispositions ne trouveraient cependant à s'appliquer que dans les
communes de 3 500 habitants et plus
. Votre commission des Lois
considère que dans toute la mesure du possible, la candidature des
ressortissants communautaires dans les autres communes devra être
entourée des mêmes garanties. Tel sera l'objet de l'article
additionnel qu'elle propose d'insérer immédiatement après
cet article.
Sous le bénéfice de cette observation, et sous réserve
d'un amendement terminologique (référence à
"
l'Union européenne
"), votre commission des Lois
propose au Sénat d'adopter l'article 5 du projet de loi organique.
Article additionnel après l'article 5
(Article
L.O. 256-1 du code électoral)
Extension aux communes de moins de 2
500 habitants et au-delà
des formalités spécifiques
prévues par l'article 5
Comme il vient d'être indiqué, les
formalités particulières prévues par l'article 5 pour les
candidats ressortissants communautaires ne pourraient être mises en
oeuvre que dans les communes de 3 500 habitants et plus, car le nouvel article
L.O. 265-1 serait inséré dans la section II
(déclarations de candidature) du chapitre III du titre quatrième
du code électoral, chapitre traitant uniquement des dispositions
spéciales à ces communes.
Le projet de loi organique n'a en revanche prévu aucune garantie
équivalente pour les candidats ressortissants communautaires dans les
communes de moins de 3 500 habitants
.
Le silence du projet de loi organique tient probablement à une
singularité du régime juridique des élections municipales,
où une " déclaration de candidature "
stricto sensu
n'est imposée que dans les communes de 3 500 habitants et plus
(article L. 264 du code électoral).
Si l'on rapproche cette disposition de l'article 9 de la directive du 19
décembre 1994, aux termes duquel les Etats ont la possibilité
d'exiger certaines déclarations et attestations "
lors du
dépôt de la déclaration de candidature
", une
lecture purement
a contrario
de la directive pourrait ainsi faire
conclure qu'en l'absence de "
déclaration de
candidature
", ces déclarations et attestations ne pourraient
être exigées.
Votre commission des Lois estime cependant que les termes
"
dépôt de déclaration de candidature
",
tels qu'ils figurent à l'article 9 de la directive, ne doivent pas
être pris dans une acception purement formelle. Elle considère au
contraire que la directive a visé sous cette expression
générique l'acte de candidature au sens le plus large et qu'elle
n'interdirait donc aucunement d'exiger la production des mêmes
justificatifs dans toutes les communes, quelle que soit leur population.
Encore faut-il, pour être respectée, que cette obligation soit
assortie d'une sanction.
Or, dans les petites communes, les candidatures ne sont soumises à aucun
formalisme particulier et ne font l'objet d'aucun contrôle de
recevabilité, au point que les électeurs peuvent même
valablement voter pour telle ou telle personne qui n'aurait pas
manifesté l'intention d'être candidate. Les obligations
prévues par l'article L.O. 265-1, précité, ne peuvent donc
pas y être rendues applicables.
En revanche, dans les communes à partir de 2 500 habitants, les
candidatures isolées sont interdites et les bulletins distribués
aux électeurs doivent comporter une liste complète (article L.
256 du code électoral).
Votre commission des Lois propose donc au Sénat d'adopter un article
additionnel rendant applicable à ces communes de 2 500 habitants et plus
les dispositions de l'article L.O. 265-1, précité.
Quant à la sanction en cas de manquement, il appartiendrait aux
commissions de propagande instituées par l'article L. 241 du code
électoral de ne pas assurer la diffusion des bulletins correspondants.