II. LA CODIFICATION DES RÈGLES INTÉRESSANT LE MONDE RURAL
A. LES DIFFICULTES D'ELABORATION D'UN VERITABLE CODE RURAL
Dès l'Ancien régime, la nécessité
de rassembler en un corps de règles unique les dispositions
régissant le monde rural s'est manifestée. C'est ainsi que la
révolte bretonne des " bonnets rouges " a
réclamé en 1675, un " code paysan ", dont un
exemplaire, aujourd'hui perdu, a été adressé à
Colbert
7(
*
)
.
Le projet, fortement inspiré par les physiocrates majoritaires dans les
huit comités qui ont participé à sa rédaction, est
présenté le 13 août 1790 par son rapporteur
Heurtaut de Comerville. Soumis à l'examen de l'Assemblée
constituante en juin et août 1791, le premier projet de code rural est
finalement abandonné. Un décret en date du 28 septembre 1791
concernant les biens et usages ruraux et la police rurale, version très
réductrice du projet de 1790, est cependant pris. Ce texte énonce
des principes qui allaient constituer les fondements du droit rural
post-révolutionnaire
8(
*
)
.
La Convention manifeste la plus grande méfiance à l'égard
de la codification des règles intéressant l'agriculture, allant,
dans un décret du 18 mars 1793, jusqu'à punir de mort tout
conventionnel qui proposerait une loi agraire
9(
*
).
!
Le Consulat reprend l'idée de cette codification et constitue le
10 août 1801 une commission de rédaction du code rural.
Cependant, la création du code civil qui, dans son souci
d'universalisme, règle le droit de la propriété terrienne
et des baux dans son titre VIII (du contrat de louage), puis du code
pénal qui cantonne le champ de la police rural à une série
de polices spéciales, rend moins nécessaire l'édition
d'une code agraire autonome. Le code rural est ainsi le seul code prévu
par Napoléon qui n'ait pas vu le jour. Le projet de code rural, comptant
près d'un millier d'articles, établi par Joseph
Verneilh-Puyrasseau, présenté le 23 août 1814, est
abandonné.
Tout au long du XIXe siècle, le code rural fera l'objet d'enquêtes
successives, de consultations des conseils généraux, de rapports
parlementaires, de projets et de rapports au Conseil d'État (projets de
Lalouette, Brun de Villeret, Duchatel...).
L'idée d'un code rural réapparaît sous le Second Empire. En
1858, le Sénat en définit le contenu et en confie la
rédaction au Conseil d'État, mais les travaux seront interrompus
en 1870, alors que le Conseil d'Etat en était parvenu à la
troisième partie de ce code, sous l'impulsion de Ladoucette.
La Troisième République reprend le projet et fait voter entre le
21 juillet 1881 et le 25 juin 1902, onze lois sur le code
rural, destinées à être rassemblées pour constituer
le code attendu depuis un siècle.
Ce dispositif, complété par un certain nombre de " lois
spéciales ", sur les eaux utiles et nuisibles à
l'agriculture (lois du 29 avril 1845, du 11 juillet 1847 et
du 10 juin 1854), sur la pêche fluviale (lois du
15 avril 1829, du 6 juin 1840 et du 31 mai 1865),
sur la chasse (loi du 3 mai 1844) et sur l'équipement rural
(lois du 28 juillet 1860 et du 21 juin 1865), couvre dans
sa totalité ou presque le champ du droit rural, tel qu'il avait
été défini près de cinquante ans plus tôt, au
début du Second Empire.
Les travaux de codification qui étaient sur le point d'aboutir sont
interrompus brutalement en 1903 et il n'est plus question de rédiger un
Code rural pendant près d'un demi-siècle.
Pendant la première moitié du XXème siècle, le
droit rural s'est diversifié et a affirmé sa
spécificité, le plus souvent en prenant le contre pied des
principes libéraux qui avaient guidé les premiers codificateurs.