2. La technique de codification
a) Une institution spécifique
La Commission supérieure de codification existe depuis
1948 mais elle a été rénovée par le décret
n° 89-647 du 12 septembre 1989.
C'est désormais le Premier Ministre qui préside la Commission.
Cela contribue à accroître le prestige de la Commission qui peut
s'appuyer sur l'autorité politique du Premier Ministre.
Cette institution dont le vice-président est choisi parmi les
présidents de section au Conseil d'État, est composée de
16 membres.
La réforme a traduit également la volonté d'associer plus
étroitement les parlementaires à la préparation des codes.
C'est pourquoi la Commission comprend un député et un
sénateur : c'est notre collègue Michel Rufin, représentant
de la Commission des Lois, membre de l'ancienne commission qui siégeait
auprès de Conseil d'État, qui est devenu un membre permanent de
la Commission supérieure.
On doit noter que nos collègues Adrien Gouteyron,
Hubert Haenel, Pierre Laffitte, Philippe Marini,
Jacques Oudin, Jean-Jacques Robert et votre rapporteur ont
été désignés, respectivement pour l'examen de
plusieurs codes (communication, consommation, code rural...).
b) Une procédure particulière
La codification peut s'effectuer selon
trois
méthodes
6(
*
)
:
La première méthode
, rarement utilisée, consiste
à employer la technique législative ordinaire : le Parlement vote
un texte de loi se présentant sous une forme codifiée. Les
dispositions du code qui peuvent modifier les règles existantes ou
créer des règles nouvelles, ont alors ipso facto force de loi et
les dispositions anciennes sont abrogées, implicitement ou explicitement.
La deuxième méthode
, la plus employée, consiste en
ce que le pouvoir exécutif procède, en application, sous la
IVe République, -d'une loi d'habilitation-, à la
codification des textes en vigueur. Les administrations compétentes
collationnent les textes concernés qui sont soumis à une
commission de codification. Un décret en Conseil d'État rend
ensuite publiques les dispositions ainsi codifiées. Enfin, le Parlement
est appelé à donner force de loi à la partie
législative des codes ainsi établis.
C'est selon cette procédure qu'a été élaboré
le code rural, de nature purement législative issu des décrets
n° 55-433 du 16 avril 1955 et n° 55-1265 du
27 septembre 1955, auquel la loi n° 58-346 du
3 avril 1958 a donné force de loi, et c'est selon cette
même procédure qu'est établi, livre par livre, le
" nouveau " code rural ayant déjà fait l'objet des
décrets n° 80-560 du 11 juillet 1980,
n° 81-276 du 18 mars 1981 et n° 83-212 du
16 mars 1983.
Or cette méthode soulève de sérieuses
difficultés
car elle interdit de procéder à des
modifications dans le domaine de la loi et ne permet pas d'abroger les
dispositions anciennes. De plus, il est nécessaire que la partie
législative des codes, bien qu'elle ne fasse que reprendre, sous une
forme codifiée, des textes votés par le Parlement et, de ce fait,
appliqués, soit soumise à la ratification de celui-ci. C'est donc
bien le Parlement qui donne force de loi à la codification formelle.
L'éventuelle absence d'approbation du législateur crée un
état de droit peu satisfaisant.
Les modifications apportées, fussent-elles formelles, ne peuvent entrer
en vigueur que lors de la validation législative. En son absence, en cas
de divergence entre le texte codifié et l'ancien texte, c'est ce dernier
qui prévaut. La validité d'une disposition législative ou
réglementaire n'est pas liée à son inscription dans un
code. L'abrogation d'une telle disposition n'est jamais tacite, mais doit
être expresse, c'est-à-dire énoncée dans un texte de
même nature. Aussi, en l'absence de loi de ratification, il convient de
faire application du principe suivant : les modifications de fond introduites
dans la partie législative (d'un code) sont dénuées de
toute portée.
Coexistent ainsi le texte d'origine, lois ou codes (ancien) et les dispositions
reprises sous une forme codifiée. Une interrogation peut donc se poser
sur la valeur juridique d'éventuelles modifications ultérieures.
Certains auteurs considèrent que, tant que la partie législative
du code n'aura pas reçu la sanction du Parlement, des dispositions
législatives nouvelles ne pourront en principe la modifier directement.
La modification devrait porter sur le texte original et non sur le texte
codifié. En fait de tels exemples sont rares et le législateur
intervient directement sur les dispositions législatives
codifiées pour les compléter, modifier ou abroger ce qui a pour
effet d'éviter la dispersion des règles juridiques mais aussi de
faire coexister au sein des codes non ratifiés des dispositions de
nature hétérogène. On relève enfin des cas
où des modifications tendant à la correction d'erreurs commises
lors de la codification ou à l'insertion de dispositions
législatives " oubliées " lors de cette codification
sont directement apportées par décret en Conseil d'État
(décret n° 90-879 du 28 septembre 1990 pour le code rural ;
décret n° 79-430 du 31 mai 1979 pour le code forestier).
On trouve ainsi, dans les codes non ratifiés, des dispositions
législatives codifiées mais n'ayant pas reçu force de loi,
éventuellement modifiées par la voie administrative
postérieurement à leur publication initiale par le décret
de codification et des dispositions législatives récentes prises
en forme codifiée. En outre, sont maintenues les dispositions
législatives anciennes, la mention dans les décrets de
codification de la substitution des dispositions codifiées aux
dispositions originelles ne pouvant évidemment avoir pour effet de les
abroger.
Quoiqu'il en soit, il en résulte pour le citoyen, le praticien,
l'administration et le législateur une situation confuse qui ne favorise
ni la compréhension ni la cohérence de la règle de droit
applicable.
C'est pourquoi, dans un souci de clarification, il est proposé de
régler la situation des codes édictés par la seule voie
réglementaire en donnant force de loi à leur partie
législative -tel est l'objet du présent projet pour le livre VI
du code rural- et de suivre désormais une procédure de
codification plus satisfaisante.
La commission supérieure de codification a ainsi mis en place
une
telle méthode de travail
. Sur la base du rapport
présenté par le rapporteur chargé de coordonner la
codification menée dans les différents ministères
concernés, la Commission de codification examine les projets de code qui
sont ensuite soumis au Conseil d'État. Le Parlement est alors
appelé à adopter la partie législative du code, afin de
lui " donner pleine valeur législative ".
Il s'agit donc d'une procédure qui se distingue de celle jusqu'ici
employée de " validation ",
" d'approbation " ou
" de ratification " de codes établis par décret en
Conseil d'État, n'ayant pas en eux-mêmes " force de
loi " avant leur approbation parlementaire puisqu'ils ne tirent leur
effectivité juridique que des textes dont ils sont issus.
Cette méthode permet en outre d'éviter que des codes ne soient
revêtus de l'approbation législative expresse avec retard.
Désormais, ne devraient être publiés que des codes dont la
partie législative aura immédiatement force de loi, du fait de
son adoption par le législateur.
Cette façon de procéder paraît éminemment
souhaitable
. Elle évite les inconvénients de la
procédure antérieure, aggravée par les délais
souvent fort longs entre la publication par décret et la validation
législative. Elle donne aux dispositions codifiées une valeur
législative directe et permet l'abrogation des dispositions auxquelles
elles se substituent.
Elle permet enfin au législateur de contrôler immédiatement
la codification des dispositions qui lui sont soumises.
Pour le code rural
, sur les neuf livres prévus, seuls trois
livres restent encore à adopter pour parfaire la recodification en cours.
La refonte du code rural se sera étendue sur plus de sept ans :
approbation législative des Livres II, IV et V (ainsi que du code
forestier en avril 1991), adoption du Livre premier en décembre 1992, et
des Livres III et VIII en juillet 1993.
On peut estimer sur ce point que l'adoption du code par livres successifs, et
non pas en un seul bloc, aura permis d'adopter assez rapidement après
leur élaboration, et dans des conditions d'examen parlementaire
satisfaisantes, les dispositions codifiées ou refondues.
Outre le
présent livre VI, restent à codifier
:
-
Le livre IX
(aspects vétérinaires et phytosanitaires ;
protection des animaux) a été déposé en
juillet 1994 sur le Bureau de l'Assemblée nationale et
renvoyé à la commission de la production et des échanges.
-
Le livre VII
(dispositions sociales) a été
déposé sur le Bureau du Sénat le 31 juillet 1997 et
pourrait être examiné dans le courant de la session parlementaire
de 1997-1998.