N° 306
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 15 avril 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de M. Jacques LARCHÉ, relative à la validation de certaines admissions à /'examen d' entrée à un centre de formation professionnelle d' avocats,
Par M. Pierre FAUCHON,
Sénateur.
1 Cette commission est composée de MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Michel Charzat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Turk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir le numéro :
Sénat : 284 (1996-1997).
Examens et concours.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le 15 avril 1997 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, la commission des Lois, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, a adopté sans modification la proposition de loi de M. Jacques Larché relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats (CRFPA).
L'article premier valide les dispenses d'épreuves pour l'accès aux CRFPA accordées aux titulaires d'un DEA en sciences juridiques ou politiques sur la base des dispositions de l'arrêté du 7 janvier 1993 annulées par le Conseil d'État.
L'article 2 modifie l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques pour préciser qu'à l'avenir de telles dispenses pourront être accordées aux titulaires d'un diplôme universitaire d'enseignement supérieur en sciences juridiques ou politiques.
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi (Sénat n° 284 - 1996-1997) reprend les articles 38 et 39 du projet de loi portant diverses dispositions relatives à la justice (Sénat n° 278 - 1996-1997) dont l'examen est apparu particulièrement urgent à notre président M. Jacques Larché.
Il s'agit en effet d'assurer la sécurité des transactions et procédures juridiques auxquelles ont participé ou participent certains avocats car cette sécurité pourrait être mise en cause en raison de l'annulation par le Conseil d'État d'une modalité de leur formation professionnelle.
Aux termes de l'article 12 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, la formation professionnelle exigée pour l'exercice de la profession d'avocat, sauf cas particuliers précisés par cette même loi, comprend :
1°) Un examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle d'avocat (CRFPA) ;
2°) Une formation juridique et pratique d'une année dans un CRFPA, sanctionnée par le certificat d'aptitude à la profession d'avocat ;
3°) Un stage de deux ans, sanctionné par un certificat de fin de stage.
Les docteurs en droit accèdent directement aux épreuves du certificat d'aptitude à la profession (article 12-1 de la même loi) et sont donc dispensés de l'examen d'accès et de la formation du CRFPA, qu'ils peuvent néanmoins suivre en auditeurs libres.
Par ailleurs le 11°) de l'article 53 de la même loi, dans sa rédaction issue de la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, a ouvert la possibilité de prévoir par décret en Conseil d'État des dispenses de tout ou partie de la formation professionnelle au bénéfice des détenteurs d'un diplôme universitaire d'enseignement supérieur à « finalité professionnelle » .
Le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (article 54) renvoie à un arrêté conjoint du Garde des Sceaux et du ministre chargé des universités pris après avis du Conseil national des barreaux la fixation de la liste des diplômes permettant d'être dispensé de tout ou partie de l'examen d'accès au CRFPA.
L'arrêté du 17 février 1993 fixant la liste des diplômes universitaires à finalité professionnelle permettant d'être dispensé de tout ou partie de l'examen d'accès au CRFPA, dans ces articles premier et 2, a donc prévu des dispenses partielles pour les titulaires d'un diplôme d'études approfondies (DEA) ou d'un diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en sciences juridiques.
Pendant plusieurs années les détenteurs d'un DEA en sciences juridiques, ont ainsi bénéficié d'une dispense de certaines épreuves de l'examen d'accès aux CRFPA. Selon les indications données à votre rapporteur, quatre à cinq mille personnes auraient été concernées.
Or, le Conseil d'État, dans sa décision du 8 novembre 1995, Association française des avocats conseils d'entreprise et M. Theimer, a annulé la partie de cet arrêté concernant les dispenses au bénéfice des titulaires de DEA. Il a en effet estimé « que le DEA constituant la première étape des études doctorales ne saurait être regardé comme constituant un diplôme universitaire d'enseignement supérieur à finalité professionnelle au sens des dispositions du 11° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 » .
Ce faisant, le Conseil d'État a privé de base juridique la dispense accordée à ces futurs avocats.
L'article premier de la proposition de loi a pour objet de remédier à cette situation en validant les examens d'entrée à un CRFPA pour les années 1993 à 1995 en tant que leur régularité pourrait être mise en cause en raison de l'annulation de la dispense. Ces années correspondent à celles au cours desquelles la dispense a été accordée aux titulaires de DEA.
Sa formulation semble répondre aux exigences posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel car elle définit avec précision le champ de la validation dans le respect des décisions de justice passées en force de chose jugée. Son objet n'est pas seulement de régler la situation particulière des intéressés ; il est également d'intérêt général dans la mesure où la sécurité des transactions juridiques auxquelles ils ont participé pourrait être dangereusement mise en cause alors même qu'en tant qu'auxiliaires de justice ils contribuent au service public de la justice.
La rédaction retenue par votre commission pour l'article premier est identique à celle de la proposition de loi. Son adoption permettrait d'apurer le passé.
L'article 2 en revanche tend à préciser la volonté du législateur pour l'avenir.
En effet, le Conseil d'État a fondé sa décision d'annulation sur la comparaison entre, d'une part, l'article 53 de la loi de 1971, dont le 11° résulte de la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, et, d'autre part, l'article premier de l'arrêté interministériel du 30 mars 1992 relatif aux études de troisième cycle.
Le 11° de l'article 53 de la loi de 1971 prévoit des dispenses pour les titulaires « d'un diplôme universitaire d'enseignement supérieur à finalité professionnelle » .
L'article premier de l'arrêté de 1992 précise :
« Le troisième cycle de l'enseignement supérieur comprend :
« - une voie à dominante professionnelle débouchant sur le diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) ;
« - une voie d'études doctorales permettant la préparation d'un doctorat après l'obtention d'un diplôme d'études approfondies (DEA) ».
L'analyse sémantique du Conseil d'État s'est focalisée semble-t-il sur une symétrie plus apparente que réelle entre « finalité professionnelle » et « dominante professionnelle ». Elle a omis de rechercher l'intention du législateur laquelle, si elle était peu explicite sur cet article dans les travaux préparatoires de 1990, était claire à la lecture de l'ensemble du dispositif. Surtout, la démonstration du Conseil d'État exagère l'opposition entre DESS et DEA : en admettant que le premier soit à finalité professionnelle, faut-il en inférer nécessairement que le second ne peut l'être ? On peut comprendre que la négation de l'utilité professionnelle d'un diplôme de troisième cycle ait surpris les intéressés.
En tout état de cause, il importe d'éviter qu'à l'avenir cette situation ambiguë ne perdure.
Or, écarter le DEA, comme le fait le Conseil d'État, au motif que, représentant la première année de la formation doctorale, il « ne saurait être regardé comme constituant un diplôme universitaire d'enseignement supérieur à finalité professionnelle au sens des dispositions» du 11° de l'article 53, ce serait méconnaître la philosophie générale de l'accès à la profession d'avocat.
En effet, à l'étape suivante, les docteurs en droit se présentent, concurremment avec les élèves des CRFPA, à l'examen d'aptitude à la profession d'avocat sans avoir été astreints à cette formation.
Autrement dit, au moment même de l'accès à la profession, leur formation « théorique » est considérée comme aussi légitime qu'une formation associant davantage théorie et pratique -car dans les deux cas, est reconnue une formation à l'exercice d'une profession, c'est-à-dire une finalité professionnelle même si elle emploie des voies différentes-.
Toutefois, puisque cette formulation a autorisé une interprétation créatrice d'insécurité juridique, il paraît préférable de la modifier pour adopter une notion de filière juridique.
Tel est l'objet de l'article 2 qui permettrait que désormais la dispense de certaines épreuves de l'examen d'accès au CRFPA puisse être prévue pour les détenteurs d'un diplôme universitaire d'enseignement supérieur « en sciences juridiques ou politiques » .
La rédaction que vous propose votre commission reprend celle de la proposition de loi.
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Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous demande d'adopter les conclusions qu'elle vous soumet pour cette proposition de loi et qui sont reproduites ci-après.