B. LE VOLONTARIAT : UNE NOUVELLE FORME D'ENGAGEMENT AU SERVICE DE LA NATION
La création du volontariat, forme d'engagement nouvelle fondée sur une démarche strictement personnelle, ne peut s'appuyer sur aucun précédent, et pose de ce fait des difficultés que, seule, l'expérience sera en mesure d'atténuer.
1. Une logique renouvelée par rapport au service national obligatoire
Qu'il s'agisse des secteurs ouverts à l'activité des futurs volontaires, des motivations de ceux-ci ou de la nature des missions susceptibles de leur être confiées, le service volontaire ne saurait être abordé en référence à l'actuel service national obligatoire , mais impose un regard neuf.
a) Une reformulation complète des secteurs d'activité ouverts aux volontariats
L'actuel code du service national s'appuie sur une grande diversité de types de service :
- service militaire (comprenant le service dans la gendarmerie),
- service dans la police et dans la sécurité civile,
- coopération et aide technique,
- service des objecteurs de conscience.
La création du volontariat procède d'un nouveau découpage des différentes formes de service , fondé sur trois grandes catégories qui regroupent des types de service actuellement étrangers les uns aux autres.
- Selon les informations transmises à votre rapporteur, le volontariat " Défense, sécurité et prévention " rassemblerait finalement des types de service très disparates , qui en ferait un mode d'accomplissement du volontariat très différent de ce qu'avait annoncé M. le Ministre de la défense, en février 1996, lors du lancement du débat sur l'avenir du service national, à une époque où le volontariat "Défense, sécurité et prévention" était censé rassembler l'ensemble des volontariats accomplis en uniforme (armées, gendarmerie, police, eaux et forêts, sécurité civile...).
Il est, en effet, question d'élargir la vocation du volontariat "Défense, sécurité et prévention" à la protection du patrimoine culturel, scientifique et technique.
L'extension du volontariat "Défense, sécurité et prévention" à la protection de l'environnement peut, à la rigueur, se concevoir dans une logique de prévention des risques.
Mais votre rapporteur s'interroge sur la logique d'une démarche qui consisterait à faire cohabiter, sous le même label "Défense, sécurité et prévention", des affectations aussi différentes que des volontariats accomplis dans les armées et la gendarmerie, et des volontariats accomplis sous l'égide du Ministère de la culture ou d'associations écologistes.
- Au volontariat " cohésion sociale et solidarité " sont impartis deux objectifs : d'une part, fournir une aide bénévole aux plus démunis (personnes âgées, personnes dépendantes, jeunes en difficulté ...) et contribuer au développement social urbain ; d'autre part, permettre aux jeunes en voie d'exclusion l'occasion d'acquérir un début ou un complément de formation à des fins d'insertion sociale et professionnelle.
Le volontariat "cohésion sociale et solidarité" pourrait donc regrouper certains types de services qui existent déjà. Ainsi l'aide technique au profit des départements et territoires d'outre-mer, alignée dans la législation actuelle sur le régime de la coopération, deviendrait une modalité d'accomplissement du volontariat " cohésion sociale et solidarité ". Celui-ci pourrait également hériter de l'expérience acquise par le service des objecteurs de conscience, effectué par certains auprès d'organismes et d'associations qui intéressent le secteur de l'aide sociale aux plus démunis (rappelons que, dans le contexte d'un service volontaire, la raison d'être de l'objection de conscience tombe d'elle-même, en même temps qu'une obligation légale fondée principalement sur le service militaire). Enfin, certaines fonctions confiées actuellement aux appelés dans le cadre du protocole Ville et Handicapés peuvent, dans une certaine mesure, constituer un aspect du futur volontariat " cohésion sociale et solidarité ".
En dépit de ces liens de parenté évidents, le contenu qu'il est envisagé de donner au volontariat " cohésion sociale et solidarité " semble toutefois différent de celui des précédents susceptibles d'être évoqués.
En effet, le service " cohésion sociale et solidarité " ne se limiterait pas, dans l'esprit de la réforme que le présent projet de loi tend à mettre en oeuvre, à l'action des volontaires soucieux de contribuer à la réduction de la " fracture sociale ". Il constituerait aussi, pour les jeunes en voie d'exclusion, une nouvelle chance d'insertion sociale et professionnelle , dans la logique du " rendez-vous citoyen " et du " rendez-vous spécialisé ". Ainsi serait-il proposé à ces jeunes de participer à une période de deux mois dite " engagement citoyen ", pendant laquelle ils bénéficieraient d'une remise à niveau des savoirs élémentaires (essentiellement lutte contre l'illettrisme), tout en prenant part à des activités d'utilité sociale (samu sociaux, secourisme ...) au sein d'associations de proximité. Puis ces jeunes pourraient, dans le cadre du service "cohésion sociale et solidarité", accomplir un volontariat selon des modalités particulières, faisant alterner formation professionnelle et activités d'utilité sociale .
Les volontaires du service " cohésion sociale et solidarité " qui n'auraient pas besoin de bénéficier d'une aide à l'insertion n'accompliraient pas les mêmes tâches que les appelés affectés, sous l'empire du code actuel du service national, aux protocoles Ville et Handicapés ou au service des objecteurs de conscience. Comme l'a souligné M. Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat à l'aide humanitaire d'urgence, lors de son audition par notre Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, le 23 janvier 1997, l'accent serait mis sur les actions de proximité ayant une utilité sociale directe, et sur les contacts avec les populations en difficulté . Ainsi peuvent d'ores et déjà être envisagés plusieurs types d'action pour les volontaires :
. "îlotage social " au sein d'associations de terrain, afin de résoudre des problèmes ponctuels (écrivain public, aide aux démarches administratives ...),
. contribution à l'action des associations en vue de répondre aux besoins des populations en difficulté (aide aux personnes dépendantes, soutien scolaire, alphabétisation, animation culturelle et sportive, aide à la recherche d'emploi, renfort des systèmes de secours humanitaire et d'urgence sociale du type " samu sociaux ", participation à l'insertion des jeunes en difficulté à travers l'encadrement du " service national alterné " que l'on pourrait proposer aux plus démunis).
- Le volontariat " coopération internationale et aide humanitaire " hériterait de l'expérience du service actuel de la coopération, qui peut s'accomplir dans des cadres variés, sous l'égide du ministère de la Coopération, du ministère des Affaires étrangères (ambassades, centres culturels, établissements scolaires français à l'étranger relevant du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger...), du ministère de l'Economie (postes d'expansion économique), et, enfin, dans un cadre privé (Organisations non gouvernementales et autres associations humanitaires, organismes de recherche, entreprises ...).
Les objectifs du volontariat " coopération internationale et aide humanitaire " devraient concerner , d'une part, l'aide au développement , mais aussi la contribution au rayonnement culturel et économique de notre pays . Cette dualité mettra un terme à la fiction sur laquelle repose l'actuel service de la coopération, que l'article L. 96 du code du service national définit comme la participation des jeunes Français au développement de pays étrangers, même lorsque le coopérant est affecté à une entreprise française établie dans un pays d'Europe occidentale, d'Amérique du Nord ou du Japon. L'article L. 96 dispose, en effet, en vertu d'une modification introduite dans le code du service national par la loi n° 92-9 du 4 janvier 1992), que les coopérants " peuvent être affectés dans les entreprises françaises concourant au développement de ces pays ". Le deuxième volet du volontariat " coopération internationale et aide humanitaire ", consacré au rayonnement de la France à l'étranger, permettra donc de mieux cerner la réalité des affectations des volontaires.
Ces trois grandes familles de volontariat laissent certes apparaître certaines filiations par rapport au système actuel : il est, en effet, difficile d'éviter toute comparaison entre l'actuel service de la coopération et le futur volontariat " coopération internationale et aide humanitaire ", en dépit de nuances évidentes entre les deux, de même que les protocoles villes et handicapés paraissent s'insérer, dans une certaine mesure, dans le futur volontariat " cohésion sociale et solidarité ".
En dépit de ces filiations, le volontariat constitue une forme originale et inédite d'accomplissement du service national.