B. EXAMEN DU PROJET DE LOI
1. Discussion générale
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du mercredi 19 février 1997.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Bertrand Delanoë est revenu sur la nécessité d'engager une réforme substantielle de notre outil de défense, et de ne pas aborder celle-ci avec la nostalgie du système ancien. Il a toutefois fait observer que cette réforme était mise en oeuvre dans un contexte d'incertitudes stratégiques et de contraintes budgétaires susceptible de compromettre, selon lui, les réformes engagées.
M. Bertrand Delanoë a ensuite estimé que le projet de loi proposé créait, à bien des égards, l'illusion. Il a notamment souligné les difficultés susceptibles d'être posées par la diversité des objectifs fixés au rendez-vous citoyen. Il a douté que celui-ci parvienne, en cinq jours, à faire vivre le sentiment de défense parmi les citoyens. M. Bertrand Delanoë a également relevé le coût du rendez-vous citoyen, alors même que l'hypothèse du service militaire court avait, lors du débat sur le service national, été rejeté pour des motifs tenant à un coût jugé inabordable.
M. Bertrand Delanoë a particulièrement souligné l'incohérence d'une démarche tendant à affirmer la nécessité d'une identité européenne de défense, sans toutefois prévoir les conséquences de celle-ci dans le cadre du service national. Il s'est également félicité de la prudence des propositions formulées par le rapporteur par rapport à certaines modifications apportées par l'Assemblée nationale, notamment à l'égard des binationaux. Il a déploré les fondements d'un projet de loi qui, selon lui, reposait sur l'illusion que le futur service national sera universel et égalitaire alors qu'il supprimait en fait le service national. Dans ce contexte, M. Bertrand Delanoë a estimé le projet de loi globalement impossible à améliorer.
M. Pierre Biarnès a alors critiqué la grave confusion qui caractérisait, selon lui, le projet de loi. Il a estimé que celui-ci ne conduirait pas à un meilleur système que le service national actuel, dont il a déploré les dérives antirépublicaines. Il s'est prononcé en faveur d'une armée de métier intégrale.
Puis M. Jean Clouet , après avoir rappelé son opposition à la démarche proposée par le projet de loi, s'est interrogé sur la pertinence du maintien du recensement au regard d'une éventuelle mobilisation.
M. Philippe de Gaulle a estimé illusoire que le rendez-vous citoyen parvienne à assurer la formation civique des jeunes en cinq jours. Il a jugé que le simple maintien du recensement aurait suffi à assurer l'identification et l'évaluation des classes mobilisables, sans que soit pour autant nécessaire la création d'un système aussi lourd à gérer que le rendez-vous citoyen. Il s'est également déclaré défavorable à l'extension de l'obligation du rendez-vous citoyen aux jeunes filles, au motif que la contribution des femmes à la défense avait toujours, dans les périodes de crise, été fondée sur le volontariat, sans qu'il soit nécessaire d'étendre aux jeunes filles l'obligation du service national.
M. Michel Caldaguès s'est félicité de la sagesse des propositions du rapporteur. Il s'est interrogé sur la possibilité de trouver une autre dénomination que celle de " rendez-vous citoyen ", qui privilégierait de préférence l'adjectif " civique ". Il a estimé que la justification majeure du rendez-vous citoyen était la nécessité de préserver un contact privilégié entre l'armée et la jeunesse. Il a rappelé les obstacles, notamment financiers, qui s'opposeraient à l'extension de la durée du rendez-vous citoyen au-delà de cinq jours. M. Michel Caldaguès a également commenté la double motivation des volontaires, qui tient à la fois à la volonté de se dévouer à la collectivité, et au souci de favoriser leur accès à l'emploi. A cet égard, il s'est interrogé sur le risque d'inégalité sur le marché du travail entre ceux qui auront accompli un volontariat, et ceux dont la candidature n'aurait pas été agréée par un organisme d'accueil. Enfin, M. Michel Caldaguès a estimé que les binationaux ne résidant pas en France, et les Français ayant récemment acquis la nationalité française, tireraient le plus grand profit, même s'ils ont accompli le service national dans un autre pays, de l'obligation du rendez-vous citoyen dont il convenait, selon lui, de ne pas les exonérer.
M. Nicolas About a alors souligné l'intérêt que présentait, selon lui, le rendez-vous citoyen, en tant que manifestation solennelle d'accès à la citoyenneté. Dans ce contexte, le rendez-vous serait l'occasion d'une rencontre indispensable entre la nation et sa jeunesse : il serait donc très inopportun d'en exclure les jeunes filles. Il a, par ailleurs, estimé que l'objet du rendez-vous citoyen était indépendant de toute contribution à la défense nationale, et que ces cinq journées devaient aussi constituer l'occasion d'une présentation aux jeunes des opportunités offertes par le service volontaire européen.
M. Philippe de Gaulle a alors proposé de substituer le terme de " recensement national " à celui, d'après lui inadapté, de rendez-vous citoyen.
M. Xavier de Villepin, président , a alors rappelé que le projet de loi constituait la conséquence logique à la fois du rapport présenté par la commission en mai 1996 sur " l'avenir du service national ", de la loi de programmation pour les années 1997-2002, et de la loi sur la professionnalisation. Doutant que la dénomination du rendez-vous citoyen puisse être modifiée, en raison de la médiatisation de ce terme depuis l'annonce de la réforme, M. Xavier de Villepin, président , a souligné l'importance de l'amendement proposé par le rapporteur en vue de permettre, le cas échéant, de réduire la durée du rendez-vous citoyen. Il s'est également déclaré favorable, non seulement à la participation des jeunes filles au rendez-vous citoyen, mais aussi à la faculté d'organiser, pour les Français de l'étranger, un rendez-vous citoyen adapté à leur situation particulière. Avec le rapporteur, il a insisté sur la nécessité d'éviter de figer dans la loi des aspects encore expérimentaux du futur service national.
S'agissant des charges sociales dues par les associations au titre du recours à des volontaires, M. Xavier de Villepin, président , a jugé opportun de laisser à l'Etat la faculté d'assumer le coût de ces charges sociales, à condition de ne pas introduire de rupture du principe d'égalité, au regard de la couverture sociale, entre les volontaires.
Revenant enfin sur les difficultés posées par la définition des activités susceptibles d'être confiées aux volontaires, et à la tentation du ministère des affaires étrangères de recourir, si des obstacles juridiques s'opposaient au recours aux volontaires pour les tâches actuellement accomplies par des appelés, à des recrutés locaux, M. Xavier de Villepin , président , a rappelé que certaines fonctions ne sauraient être confiées à ceux-ci, et notamment la délivrance de visas aux étrangers.
M. Serge Vinçon, rapporteur, a alors, en réponse à ces différentes interventions, apporté les principales précisions suivantes :
- certes, l'objet du rendez-vous citoyen ne saurait être de pallier toutes les carences de l'éducation nationale ou de la santé publique. Cette nouvelle forme de service national devait être préparée dans le cadre de l'enseignement de l'instruction civique et de l'enseignement de l'histoire, afin de contribuer au renforcement de l'esprit de défense. A cet égard, le rendez-vous citoyen devrait être, selon le rapporteur, l'occasion d'un contact indispensable entre la jeunesse et l'armée ; il permettrait aussi de solenniser l'accession à la citoyenneté. Dans ce contexte, il serait regrettable d'en exclure les jeunes filles, ne serait-ce que parce que le rendez-vous citoyen pourrait éventuellement contribuer à aider les jeunes en difficulté. Parmi les informations dispensées aux appelés à l'occasion du rendez-vous citoyen, devraient figurer, a poursuivi M. Serge Vinçon , les conséquences de notre engagement dans l'Union européenne, ce qui correspondait aux souhaits exprimés par M. Bertrand Delanoë.
- Le recensement devrait permettre à la fois de préparer le rendez-vous citoyen et d'identifier les classes d'âge susceptibles d'être appelées en cas de menace et, en cas de crise internationale, de procéder à la remontée en puissance de la conscription.
- La question des charges sociales dues par les associations recourant à des volontaires devrait, selon le rapporteur, être résolue au prix d'une modification des dispositions introduites par l'Assemblée nationale, en offrant à l'Etat la possibilité de prendre en charge la couverture sociale de ces volontaires dans les conditions prévues pour l'ensemble des volontaires.
- Le rendez-vous citoyen devrait certes être obligatoire pour les binationaux qui vivent en France, mais pour ceux qui vivent dans un autre pays, l'accomplissement du rendez-vous citoyen sur des bases volontaires permettrait d'assurer le respect des conventions bilatérales relatives aux obligations du service national des binationaux. En effet, a souligné M. Serge Vinçon, rapporteur, le rendez-vous citoyen constituant l'essentiel du futur service national obligatoire en France, il serait conforme aux conventions bilatérales d'en dispenser les binationaux qui ne résident pas en France.
En réponse aux objections formulées par M. Pierre Biarnès, le rapporteur a fait observer que le projet de loi portant réforme du service national tirait les conséquences des regrettables dérives constatées dans le système actuel, en procédant à un renouvellement total des modalités d'accomplissement du service national. Il a, par ailleurs, relevé que le volontariat ne saurait être critiqué au motif qu'existeraient des inégalités entre les différentes affectations, puisque celles-ci auront été choisies par les volontaires.
M. Xavier de Villepin, président , a alors rappelé que la commission procéderait à l'examen des articles du projet de loi qui lui était soumis au cours de sa prochaine réunion, le mercredi 26 février 1997.