b) Service national et insertion professionnelle
La contribution du service national -et, plus particulièrement, du service militaire- à la formation et à l'insertion professionnelle des jeunes a également joué un rôle dans le cadre du débat sur l'avenir du service national.
La loi autorise, en effet, qu'une formation professionnelle soit dispensée aux jeunes à l'occasion du service militaire, sur la base de l'article L.75 du code du service national. L'accès des appelés aux ressources éducatives des armées se manifeste à travers le service militaire adapté , destiné aux jeunes en difficulté des départements et territoires d'outre-mer, et à travers le dispositif de formation professionnelle proposé par l'Armée de terre. Celle-ci permet à certains appelés d'acquérir sous les drapeaux des formations qualifiantes susceptibles d'être validées dans le civil. De plus, deux formules de volontariat service long ("préqualification", réservé aux jeunes à la limite de l'exclusion, et "spécialisé", destiné à acquérir une formation du niveau du CAP) ont été mises en place en 1994 afin d'élargir l'accès aux ressources éducatives de l'armée à l'occasion du service militaire.
Le développement des ressources éducatives des armées, et la crainte, exprimée dans le cadre du débat, que disparaisse avec le service national une contribution non négligeable à l'insertion professionnelle des jeunes, montrent le souci que puisse être proposée à la jeunesse, après l'école, une dernière chance en matière d'accès à l'emploi . Si cette dernière chance n'a pas, selon votre rapporteur, à être fournie par la Défense, dans le cadre du service national obligatoire, il importe néanmoins de tenir compte de cette volonté d'offrir un "rattrapage" aux jeunes qui en auraient le plus besoin.
c) Service national, liens armées-Nation et esprit de défense
La contribution du service national à l'esprit de défense et au lien armées-Nation a également été un temps fort du débat sur l'avenir du service national.
Votre rapporteur s'est, à cet égard, efforcé de relativiser le rôle du service national dans ce domaine, en montrant que l'esprit de défense [4] revêt aujourd'hui une signification trop large pour demeurer lié à la conscription, et que la défense des intérêts de notre pays peut s'étendre, dans une perspective plus générale, à la conquête de marchés extérieurs, au maintien d'emplois vulnérables, à la défense d'une langue menacée par la culture anglo-saxonne, à la sauvegarde de l'environnement ou à la transmission aux générations futures des valeurs républicaines. L'esprit de défense est donc une affaire de société : il peut être renforcé au sein de la famille, à l'école ou, dans certains cas, dans l'entreprise.
Il n'est pas pertinent de subordonner l'existence de l'esprit de défense à l'accomplissement du service national, sauf à supposer que les quelque 30 % de chaque classe d'âge qui n'effectuent aucune forme de service en sont dépourvus.
Quant au lien armées-Nation, les cas britannique et américain confirment que la professionnalisation n'exclut pas l'attachement sincère d'une nation à son armée , et que les forces de réserve peuvent, dans le cadre de l'armée de métier, offrir une occasion de rapprocher milieux civils et militaires .
La relation entre service national, d'une part, esprit de défense et liens armées-Nation, d'autre part, paraît donc en réalité plus ténue que ne l'affirment les partisans de la conscription. Il est toutefois nécessaire de prendre en considération le souci, exprimé lors du débat sur l'avenir du service national, que le passage à l'armée professionnalisée ne se traduise pas par une rupture entre l'armée et le peuple français, et que notre jeunesse soit informée des aspects multiformes (militaires, culturels, économiques, écologiques, ...) que peut à notre époque revêtir la défense de la France.
Les réticences qui se sont très largement exprimées, à l'occasion du débat sur l'avenir du service national, à l'encontre de la suppression de toute forme de service national, ont montré que le passage à l'armée de métier ne saurait, dans notre pays, s'inspirer totalement des exemples britannique et américain, mais qu'une "professionnalisation à la française" ferait cohabiter armées professionnalisées et maintien d'une forme de service national .
A cet égard, deux formules n'ont pas semblé pertinentes à votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : il s'agit, d'une part, de l'hypothèse d'un service militaire court et véritablement universel, et, d'autre part, de la création d'un service obligatoire à dominante civile.