b) La partie facultative du nouveau service national : le volontariat
Le projet de loi crée une modalité totalement inédite d'accomplissement du service national, à travers la mise en place du volontariat.
(1) Trois catégories de volontariats
Le projet de loi définit, rappelons-le, les trois grandes familles de volontariat.
- Le volontariat " Défense, sécurité et prévention " permet de participer " aux missions des forces armées, aux missions civiles de protection des personnes et des biens ou à la protection de l'environnement ". Une modalité particulière d'accomplissement de ce volontariat dans les départements et territoires d'outre-mer ainsi que dans la collectivité territoriale de Mayotte est le service militaire adapté , qui " inclut une formation professionnelle ".
- Le volontariat " cohésion sociale et solidarité " vise à participer à des " missions d'utilité sociale concourant notamment à aider les personnes en difficulté ". L'aide technique dans les départements et territoires d'outre-mer ainsi que dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon [12] est une modalité particulière du volontariat " cohésion sociale et solidarité ".
- Le volontariat " coopération internationale et aide humanitaire " a pour objet de contribuer à l'" action de la France dans le monde, en matière économique, technique, scientifique, culturelle, humanitaire et sanitaire ".
(2) Conditions d'accès au volontariat
Le projet de loi subordonne l'accès au volontariat à des conditions qui excluent l'existence d'un droit au volontariat.
Le volontariat ne constitue un droit ni pour les volontaires, ni pour les organismes d'accueil.
- Pour les volontaires, l'accès au volontariat est subordonné à des conditions d'âge, d'aptitude, et à la présentation du " brevet du rendez-vous citoyen ".
. Le volontariat concerne les jeunes gens et jeunes filles entre dix-huit ans, limite d'âge inférieure d'accomplissement du rendez-vous citoyen, et trente ans. Cette limite supérieure a été définie afin de permettre aux personnes ayant suivi des études longues (médecins pour l'essentiel) d'effectuer un volontariat, et pour ouvrir celui-ci le plus possible aux personnes en difficulté souhaitant bénéficier des possibilités d'insertion professionnelle liées au volontariat.
. L'admission d'un candidat au volontariat par l'organisme d'accueil est soumise à des conditions d'aptitude aux activités offertes.
. La condition relative à l'accomplissement préalable du rendez-vous citoyen ne vaut que pour les personnes qui ne sont pas soumises à cette obligation : jeunes filles pendant la période de transition et étrangers accédant à la nationalité française après l'âge de vingt-cinq ans, limite au-delà de laquelle nul ne peut être convoqué au rendez-vous citoyen.
- Pour les organismes d'accueil, l'accès à la ressource volontaire est subordonné à un agrément et à la nature des fonctions susceptibles d'être confiées aux volontaires.
. La délivrance des agréments ne concerne que les organismes d'accueil autres que l'Etat (associations, entreprises, Organisations non gouvernementales), ainsi que les collectivités locales (rappelons, en effet, que certains départements conduisent des actions de coopération susceptibles de justifier le recours, par certains conseils généraux, à des volontaires du service national).
A cet égard, le projet de loi met en place une nouvelle instance, le Haut conseil du service national, dont la mission consiste, pour l'essentiel, à rendre des avis sur le programme du rendez-vous citoyen, sur les conditions générales d'accomplissement du volontariat, et sur les conditions d'agrément des organismes d'accueil des volontaires. Notons que, d'après le projet de décret en Conseil d'Etat auquel renvoie le projet de loi sur le Haut conseil du service national, celui-ci pourrait être composé de deux parlementaires [13] (à raison d'un membre par assemblée), d'un membre du Conseil économique et social, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un magistrat de l'ordre judiciaire, d'un représentant du Médiateur de la République et de six personnalités qualifiées appartenant aux principales familles philosophiques ou spirituelles.
. La possibilité d'accueillir des volontaires est subordonnée à la nature des activités offertes à ceux-ci. Le projet de loi exclut, en effet, que l'activité des volontaires relève d'un emploi permanent ou d'un poste " nécessaire au fonctionnement normal de l'organisme d'accueil ", qui pourrait être pourvu dans le cadre d'un contrat de travail.
(3) Une activité spécifique régie par un statut original
- Le volontariat fait l'objet d'un accord entre le volontariat et l'organisme d'accueil. Il s'agit d'une nouvelle catégorie d'acte juridique qui se distingue d'un contrat de travail en raison de la nature particulière des activités offertes.
Le projet de loi se borne à préciser le régime de ces " accords " de volontariat (de droit public quand l'organisme d'accueil relève du droit public et n'appartient pas à la catégorie des établissements publics industriels et commerciaux ; de droit privé dans les autres cas ).
- Le statut des volontaires peut déroger au code du travail et au statut de la fonction publique, en fonction des règles applicables par l'organisme d'accueil en matière statutaire et de droit du travail. Ces dérogations concernent la rémunération, les sanctions, la protection sociale et les modalités d'interruption du volontariat.
. C'est ainsi que l'activité des volontaires ne donne pas lieu au versement d'un salaire (ou d'une rémunération) susceptible de rapprocher ces missions d'un véritable travail. Les volontaires perçoivent, en effet, une indemnité identique quelles que soient les activités qui leur sont confiées, sous réserve d'aménagements liés aux conditions particulières d'accomplissement (prise en charge du logement et de la nourriture, et gratuité des transports liés au service).
. Les sanctions susceptibles d'être infligées aux volontaires devront être cohérentes avec les spécificités du statut de ces derniers. En effet, une sanction telle que la rétrogradation dans la fonction publique n'a aucun sens dans le contexte du volontariat.
. Le régime de protection sociale des volontaires est défini de manière uniforme, quelle que soit l'affectation, afin de respecter l'égalité entre volontaires. Les seules exceptions prévues sont le cas des volontaires affectés à la collectivité territoriale de Mayotte et aux territoires d'outre-mer, où la protection sociale est assurée dans les conditions prévues par la réglementation locale, et le cas des volontaires servant dans un cadre militaire. A ces derniers sera appliqué le régime de protection des militaires pour toutes les maladies, infirmités ou accidents imputables au service. Les affections ou accidents non imputables au service relèveraient, en revanche, du régime général.
Sous réserve de ces deux exceptions, la totalité des volontaires relèveront du régime général : prestations en nature de l'assurance maladie et maternité, maintien de l'indemnité pendant le congé maladie ou maternité ou en cas d'incapacité temporaire liée à un accident du travail. Dans ce cas, les volontaires relèveront du livre IV du code de la sécurité sociale relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles : remboursement des prestations en nature (dans la limite du tarif de droit commun), rente en cas d'incapacité supérieure à 10 %.
. Les modalités d'interruption du volontariat telles que les définit le projet de loi tirent les conséquences de la nature particulière de celui-ci. N'étant pas un travail effectué sous l'égide du code du travail ou dans le cadre de la fonction publique, le volontaire ne saurait être ni licencié, ni mis à pied. C'est pourquoi le projet de loi prévoit différentes circonstances justifiant l'interruption d'un volontariat :
- cas de force majeure,
- faute disciplinaire grave (à l'initiative de l'organisme d'accueil),
- cas du volontaire qui trouverait un emploi (interruption du volontariat à l'initiative du volontaire, mais subordonnée à un préavis),
De surcroît est autorisée l'interruption du volontariat pendant le premier mois du volontariat (à l'initiative du volontaire ou de l'organisme d'accueil), en cas, par exemple, de différend sur les activités confiées au volontaire.
(4) Des avantages et garanties particuliers
L'accomplissement d'un volontariat est assorti d'avantages et de garanties qui renforcent l'originalité de ce type d'activité.
- Comme le service national actuel, le volontariat est pris en compte, dans la fonction publique , dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour l'avancement et pour la retraite.
- L'accomplissement d'un volontariat donne droit au recul de la limite d'âge, d'un temps égal à la durée du volontariat accompli, pour la participation aux concours de la fonction publique et, de manière générale, pour l'accès aux emplois de l'Etat, des collectivités locales, des établissements publics et des entreprises publiques dont le personnel est soumis à un statut réglementaire.
- Le principal avantage réside dans l'organisation de concours spécifiques d'accès à certains corps et cadres d'emploi de la fonction publique. Le bénéfice de cet avantage est cependant soumis à une condition de durée (le volontariat accompli doit être d'au moins neuf mois), et à la nature des activités effectuées au cours du volontariat (celui-ci doit " préparer aux emplois auxquels destinent ces corps ou cadres d'emploi ").
Notons que l'organisation de concours spécifiques permet de respecter la règle de l'équité , ce qui n'aurait pas été le cas d'avantages qui auraient pris la forme de bonifications de points au profit des volontaires. En effet, la décision n° 82-153 du Conseil constitutionnel du 14 janvier 1982 relative à la création de la troisième voie d'accès à l'ENA, rappelle que " le principe d'égal accès des citoyens aux emplois publics (...) ne s'oppose pas à ce que les règles de recrutement (...) soient différenciées pour tenir compte tant de la variété des mérites à prendre en considération que de celle des besoins des services public ".
- Le projet de loi tend à garantir l'emploi des salariés qui quitteraient leur emploi pour accomplir un volontariat : c'est ainsi que les modifications que le présent projet de loi tend à introduire dans le code du travail, visent à suspendre le contrat de travail pendant le congé auquel donne droit l'accomplissement d'un volontariat. A l'issue de ce congé, qui ne peut être imputé sur le congé annuel, l'ancien volontaire " retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ".
- Enfin, l'accomplissement d'un volontariat par un étranger , prévu par les aménagements du code civil proposés par le projet de loi, peut induire des effets acquisitifs de nationalité française, de même que l'incorporation, en qualité d'engagé, dans une formation militaire française, ou que l'accomplissement du service national actif dans ses modalités actuelles (ce dernier cas ne vaut toutefois que pour les étrangers qui seraient appelés par erreur, car les étrangers ne sont pas soumis au service national actif). C'est pourquoi le présent projet de loi propose de modifier l'article 21-11 du code civil afin d'intégrer l'accomplissement d'un volontariat de neuf mois au moins parmi les conditions acquisitives de la nationalité française.
Dans la même logique, le présent projet de loi propose de modifier l'article 21-26 du code civil relatif aux circonstances dans lesquelles un séjour à l'étranger peut valoir séjour en France quand les règles d'accession à la nationalité française comportent un temps de séjour minimal en France. Ainsi l'accomplissement d'un volontariat à l'étranger sera-t-il assimilé à la résidence en France, de même que le séjour à l'étranger effectué pour le compte de l'Etat français, ou que la présence hors de France dans une formation régulière de l'armée française, en temps de paix comme en temps de guerre.
Le projet de loi réservant les volontariats aux citoyens français, l'accomplissement d'un volontariat par un étranger ne pourrait résulter cependant que d'une erreur administrative commise lors de l'appel au rendez-vous citoyen, et dont le code civil doit tirer les conséquences.