B. LE CHARBON

La subvention à Charbonnages de France qui avait déjà été réduite de 2 milliards de francs en 1995 est à nouveau diminuée dans le projet de budget pour 1997.

Elle s'établit à 2,94 milliards de francs, en baisse de 1,6 milliard et de 35,2 % par rapport à la subvention votée pour 1996.

Cette évolution s'inscrit dans le cadre plus général du "Pacte charbonnier" signé le 20 octobre 1994 et qui prévoit la fin de l'extraction charbonnière en France en 2005.

1. Une situation structurellement déficitaire

- Une production peu compétitive

En dix ans, la production nationale de charbon a diminué de près de moitié, passant de 16,3 millions de tonnes en 1985 à environ 8,5 millions de tonne cette année. Or, malgré cette rationalisation, marquée notamment par l'arrêt de toute production dans le bassin du Nord-Pas-de-Calais à la fin de 1990, le coût d'extraction demeure très supérieur au prix moyen des charbons importés.

Cette différence de coût s'est en outre brutalement aggravée à partir de 1994. Ainsi, en 1995, sur l'ensemble des houillères, le coût moyen des charbons nationaux s'élevait à 705 francs la tonne, contre 230 francs, pour le charbon importé. La perte moyenne à la tonne atteignait 412 francs, au lieu de seulement 211 francs en 1993.

Par ailleurs, deux bassins présentent des coûts particulièrement élevés: La Mure avec 2.143 francs la tonne extraite et Carmaux avec 1.929 francs.

On rappellera que dans son rapport public de 1994, la Cour des comptes relevait le caractère très déficitaire de l'exploitation de "la Grande Découverte" de Carmaux et "l'absence totale d'espoir de rentabilité de cet investissement effectué en pure perte". La Cour ajoutait : "décidée sur la foi d'études non pertinentes, son exploitation est financièrement désastreuse ; en l'arrêtant en 1991, l'État aurait économisé 4 milliards de francs au cours des quinze années suivantes".

Dans sa réponse à la Cour, le gouvernement indiquait qu'il partageait cette analyse et que "l'intérêt général réclamait la fin d'une telle situation".

Aussi, apparaît-il plus que raisonnable d'avoir prévu la fermeture des sites de la Mure et de Carmaux en 1997. Devrait en outre s'y ajouter l'arrêt de l'exploitation du site de Forbach en Lorraine.

- Une situation structurellement déficitaire

Depuis le début des années 1980, à la seule exception de 1985 (et de 1995 pour des raisons strictement comptables), le résultat final après subvention de Charbonnages de France a été déficitaire.

Ce déficit a atteint un maximum de 5,4 milliards de francs en 1991 et a ensuite connu une légère amélioration. En 1996, il devrait dépasser 4,5 milliards de francs.

Principaux indicateurs chiffrés sur la situation
de Charbonnages de France

1991

1992

1993

1994

1995 (1)

1996 (1)

Investissements en millions de francs courants HT

487

370

359

332

253

220

Effectifs actifs totaux en fin de période

19.836

18.077

16.732

15.751

14.961

13.688

Endettement à long et moyen terme au 31 décembre en millions de francs courants :

-francs

-devises

Total

16.751

1.522

18.273

19.077

1.513

20.590

20.617

991

21.608

20.079

461

20.540

23.683

373

24.056

25.939

270

26.209

Chiffre d'affaires total en millions de francs

7.440

5.650

6.639

6.248

4.271

4.015

Charges financières

- en millions de francs courants

- en % du chiffre d'affaires HT

2.255

30

2.366

42

2.189

33

1.943

31

1.544

36

1.644

41

Résultat d'exploitation avant subvention de l'État en millions de francs

- 1.407

- 2.005

- 1.716

- 1.771

-3.153

- 2.920

Résultat final après subvention de l'État en millions de francs courants

- 5.417

- 1.399

-2.971

- 651

1.652 (2)

-4.568

(1) Pour 1995 et 1996, les données excluent le pôle électrique.

(2) Y compris une plus-value de 6.378 millions de francs au titre de l'apport de l'activité électrique des Houillières au nouveau pôle électrique.

Cette situation provient de la dégradation des pertes d'exploitation, désormais proches de 3 milliards de francs par an, mais également du poids des charges financières, reflet de l'endettement important de Charbonnages de France.

De fait, l'endettement à long et moyen terme de Charbonnages de France s'est beaucoup accru depuis 2 ans. Il est aujourd'hui supérieur à 26 milliards de francs, les charges financières représentant plus de 40 % du chiffre d'affaires de l'entreprise.

En conséquence, le résultat final, après subvention de Charbonnages de France, devrait être de - 4,57 milliards de francs en 1996.

- Une subvention budgétaire très allégée

En 1994, la dotation accordée à Charbonnages de France atteignait 6.490 millions de francs, dont 2.433 millions au titre de la subvention d'exploitation et 4.057 millions au titre de la couverture des charges spécifiques de l'entreprise.

En 1995, ces crédits ont été regroupés sur un seul chapitre, le chapitre 45-12 intitulé "Subvention à Charbonnages de France", et leur montant a été réduit de 2 milliards de francs .

En contrepartie, l'État donnait l'autorisation à Charbonnages de France d'emprunter 3 milliards de francs pour couvrir ses besoins de trésorerie. En outre, EDF entrait de façon minoritaire (19 %) au capital d'une société nationale assurant la représentation du pôle électrique de Charbonnages de France (9 centrales assurant 2 % de la production d'électricité nationale et 26 % de la production d'origine thermique).

Il était alors prévu que cette économie de 2 milliards pour le budget de l'État restait ponctuelle , ainsi que cela avait été souligné à votre rapporteur :

"Cette contribution spécifique à l'allégement des charges de l'État, qui s'inscrit dans le cadre d'un exercice budgétaire exceptionnellement rigoureux, n'a pas vocation à être reconduite au cours des exercices ultérieurs. Par ailleurs, elle n'aura aucune conséquence sur le fonctionnement des Charbonnages de France qui seront autorisés à emprunter les crédits nécessaires pour équilibrer leur trésorerie".

En 1996, la subvention à Charbonnages de France n'a cependant pas été accrue de 2 milliards de francs et est restée pratiquement stable par rapport à 1995.

Dans le projet de loi de finances pour 1997, la subvention est à nouveau réduite, à hauteur de 1,6 milliard de francs .

Toutefois, il est prévu qu'une dotation en capital de 2,45 milliards de francs sera versée en 1997 à Charbonnages de France, à partir du compte d'affectation spéciale alimenté par le produit des cessions de titres appartenant à l'État.

Votre rapporteur souligne le caractère relativement aléatoire de ce nouveau type de financement qui dépendra étroitement du produit et du rythme des privatisations qui seront effectuées en 1997, ainsi que des priorités qui seront définies pour l'attribution de ce produit.

En tout état de cause, il ne serait pas sain que Charbonnages de France soit contraint d'accroître encore son endettement pour remédier à cette débudgétisation, et cela même et surtout s'il est d'ores et déjà acquis que la dette de Charbonnages de France -bientôt 30 milliards de francs- deviendra d'ici quelques années une dette de l'État.

Votre rapporteur souligne en outre que s'ajoutent à cette dette quelque 60 milliards de francs d'engagements hors bilan imputables aux engagements vis-à-vis du personnel actif et en retraite titulaire du statut du mineur.

Dans ces conditions, il est impératif que les pouvoirs publics mettent en oeuvre une gestion du déclin des activités minières aussi rationnelle et maîtrisée que possible, avec le souci d'économiser les crédits publics, à court comme à moyen ou long terme.

2. Un effort de reconversion débudgétisé et en retrait

Depuis 1988, le chapitre 62-01 "Reconversion des zones minières" permet de couvrir les actions menées par les fonds d'industrialisation des bassins miniers.

Les programmes soutenus ne sont pas des aides directes aux entreprises mais ils visent à une action en profondeur pour créer ou améliorer les conditions d'environnement pour les activités nouvelles. Ainsi, dans les régions principalement bénéficiaires de ces crédits -la Lorraine et le Nord Pas-de-Calais-, ils ont permis d'aider à la constitution de l'immobilier d'entreprise, à la formation et à la recherche et d'assister la création d'entreprises et la mise en place d'actions collectives.

Pour 1996, les dotations consacrées à la reconversion des zones minières s'élevaient à 190 millions de francs en autorisations de programme et à 94 millions de francs en crédits de paiement, ce qui représentait des diminutions respectives de 10 et de 46% par rapport aux crédits votés pour 1995.

Dans le projet de budget pour 1997 , aucun crédit n'est inscrit . Toutefois, comme pour la subvention à Charbonnages de France, il est prévu d'attribuer une dotation en capital à l'activité des fonds d'industrialisation des bassins miniers. Cette dotation serait de 160 millions de francs et viendrait s'inscrire en dépense du compte d'affectation spéciale alimenté par le produit des cessions d'actifs appartenant à l'État.

Votre rapporteur ne peut que regretter une nouvelle fois le recours à cette "technique" budgétaire qui donne un caractère aléatoire aux dépenses concernées .

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