III. ANALYSE RAPIDE D'UN ACCORD AU CONTENU CLASSIQUE
L'accord franco-sud-africain du 11 octobre 1995 ne s'écarte que très marginalement des dispositions habituellement retenues dans ce type d'accord. On y retrouve les éléments essentiels de notre doctrine en matière de protection des investissements : traitement juste et équitable, libre transfert des revenus et du capital investi, indemnisation en cas de dépossession, recours éventuel à une procédure d'arbitrage international en cas de différend entre l'investisseur et le pays d'accueil.
A. UN CHAMP D'APPLICATION LARGEMENT DEFINI
L'accord du 11 octobre 1995 ne fait pas exception en prévoyant une définition extensive des investissements et des revenus protégés, afin de limiter les éventuels contentieux.
La volonté d'élargir le champ d'application du présent accord se manifeste, comme il est de coutume dans ce type de convention, par le caractère non limitatif des énumérations exposées à l'article 1. C'est ainsi que le terme d'investissement renvoie notamment, mais non exclusivement, aux biens meubles et immeubles, aux actions et obligations, ainsi qu'aux concessions. Une modification de leur forme juridique n'affecterait pas leur qualification. De manière classique, le seul critère véritablement posé par le présent accord est que les investissements aient été réalisés "conformément à la législation de la Partie contractante sur le territoire de laquelle" est effectué l'investissement.
Par ailleurs, l'article 1 du présent accord précise la distinction entre les deux catégories d'investissements que sont les personnes physiques ou nationaux, et les personnes morales, désignées par le terme de sociétés.
Enfin, les revenus protégés par le présent accord sont "toutes les sommes produites par un investissement" parmi lesquelles bénéfices, redevances ou intérêts.
B. OBLIGATIONS SOUSCRITES PAR LES PARTIES
1. Le principe d'un traitement juste et équitable
• de manière générale, chaque Partie s'engage à admettre et encourager les investissements effectués par les nationaux et sociétés de l'autre Partie sur son territoire et dans sa zone maritime (article 2). L'accord proscrit donc toute discrimination à l'encontre de projets d'investissements originaires de l'autre Partie.
• L'article 3 pose le principe du "traitement juste et équitable" assuré aux investissements des nationaux et sociétés de l'autre Partie. Cet engagement exclut notamment "toute restriction à l'achat et au transport de matières premières", et recouvre l'obligation d'examiner avec bienveillance les demandes d'entrée et d'autorisation de séjour, de travail et de circulation introduites par les nationaux d'une Partie au titre d'un investissement réalisé sur le territoire de l'autre Partie.
• Les investissements se voient appliquer "un traitement non moins favorable" que celui accordé aux nationaux ou sociétés du pays d'accueil, "ou le traitement accordé aux nationaux ou sociétés de la Nation la plus favorisée, si celui-ci est plus avantageux" (article 4).
Contrairement à la clause-type retenue par le modèle de l'OCDE auquel se réfèrent tous les accords de même objet conclus par la France, l'accord franco-sud-africain exclut du bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée les institutions financières de développement (article 4-4). Cette exception vise à permettre au gouvernement sud-africain de réserver à certaines institutions dont les activités sont non lucratives, comme la Caisse Française de Développement, des avantages qui ne seraient pas accordés à d'autres investisseurs ou institutions similaires.
2. Les garanties protectrices
• L'article 5 assure aux investissements une protection et une sécurité pleines et entières , y compris contre les risques non commerciaux , ce qui proscrit toute mesure de dépossession ou d'expropriation, et implique, en cas de pertes subies du fait d'une guerre ou de tout autre conflit armé (révolution, révolte ou état d'urgence nationale), l'engagement de faire bénéficier la Partie lésée du traitement accordé aux nationaux ou à la nation la plus favorisée.
• Le libre transfert des avoirs détenus par les investisseurs est prévu par l'article 6. Il concerne les revenus courants (intérêts, dividendes, bénéfices...), les redevances, les remboursements d'emprunts, les éventuelles indemnités de perte et de dépossession ainsi que le produit de la liquidation de l'investissement.
• Le protocole joint au présent accord, signé à la demande du gouvernement sud-africain, vise à prendre en compte l'existence d'un contrôle des changes en Afrique du Sud. Jusqu'à la suppression définitive de celui-ci, les nationaux français qui résident depuis cinq ans en Afrique du Sud sont assimilés aux nationaux sud-africains en ce qui concerne les mesures d'expropriation et de libre transfert de flux financiers liés à un investissement. En revanche, tous les autres investisseurs français ont droit au libre transfert de tous les flux financiers liés à un investissement. Cette garantie va, comme le soulignent les informations transmises à votre rapporteur, au-delà de l'état actuel de la législation sud-africaine en matière de contrôle des changes.
C. UN DOUBLE SYSTEME DE REGLEMENT DES DIFFERENDS
L'accord prévoit, de manière classique, deux types de procédure de règlement des différends selon qu'ils opposent un investisseur à un Etat, ou les deux Etats entre eux.
- Les différends entre Etats sont réglés, dans la mesure du possible, par la voie diplomatique ou, en cas d'échec, sont soumis à un tribunal d'arbitrage éventuellement relayé par le secrétaire général de l'ONU.
- Les différends pouvant surgir entre un investisseur et un Etat sont réglés à l'amiable ou, si nécessaire, sont renvoyés à un tribunal d'arbitrage ad hoc, tant que l'Afrique du Sud n'est pas partie à la Convention de Washington du 18 mars 1965 instituant le CIRDI (Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements) et ratifiée à ce jour par plus de 120 pays. Mentionnons que depuis sa création, trente cas seulement ont été soumis pour arbitrage au CIRDI.