B. L'ÉTENDUE ET LES MODALITÉS DE LA TRANSPOSITION PRÉVUE PAR LE PROJET DE LOI
Tout en comprenant aisément -surtout dans le cas d'un texte dont la limpidité n'est pas la qualité dominante- le souci de transcription scrupuleuse du dispositif communautaire qui a inspiré la rédaction du projet de loi, votre commission a estimé que, d'une part, les dispositions qu'il propose procédaient d'une appréciation sans doute trop extensive des nécessités de la transposition du dispositif « satellite » de la directive n° 93/83 et que, d'autre part, la transposition des règles communautaires ne saurait exclure le souci de respecter la cohérence et la terminologie du droit national.
1. L'étendue de la transposition
Les dispositions du code de la propriété intellectuelle (CPI) relatives à la télédiffusion par satellite sont conformes au dispositif de coordination imposé par la directive : il n'est donc pas utile de leur juxtaposer la laborieuse définition communautaire de « l'acte de communication publique par satellite » qui n'ajouterait au droit en vigueur que des risques de confusion.
Les mesures de transposition indispensables se réduisent donc à l'extension explicite aux droits voisins des règles d'application de la loi nationale aux télédiffusions par satellite, et à l'incorporation dans le droit national des dispositions de la directive relatives aux émissions « délocalisées » hors de la Communauté, ainsi que de celles prévoyant les mesures transitoires applicables aux contrats en cours.
a) La conformité à la directive des dispositions du CPI définissant l'acte générateur des droits et sa localisation
Bien que tout oppose, en termes de technique de rédaction législative, la formulation lapidaire de l'article L. 122-2 CPI (ancien article 27, modifié en 1985, de la loi du 11 mars 1957) et l'entassement de définitions de l'article premier de la directive, cette dernière n'ajoute rien au texte du CPI, qui de surcroît s'applique à toutes les diffusions par satellite, cryptées ou en clair, directes ou, dans les conditions que précise le 3° de l'article L. 132-20 CPI, relayées à terre par une distribution hertzienne ou câblée.
Éclairé par les excellents travaux préparatoires de la loi de 1985, le dernier alinéa de l'article L. 122-2 CPI, qui dispose que « Est assimilée à une représentation l'émission d'une oeuvre vers un satellite » , suffit en effet à établir :
- que l'émission d'une oeuvre vers un satellite, étant assimilée à sa représentation, c'est-à-dire à sa communication au public, est l'acte qui met en oeuvre le droit d'auteur, « l'assimilation » à la représentation correspondant au fait que « l'émission n'est pas forcément suivie d'une communication au public » ( ( * )6) , -dans le cas par exemple d'un service crypté qui n'est commercialisé que dans certains pays, ou d'une émission qui n'est accessible au public que dans les endroits où elle est distribuée par un réseau terrestre hertzien ou câblé ;
- que l'émission, qui « constitue par elle-même un acte de télédiffusion » ( ( * )7) est réalisée, comme dans le cas d'une télédiffusion terrestre, dès le « point de départ » de l'oeuvre, c'est-à-dire dès son introduction dans le circuit de diffusion ;
- qu'il appartient à l'organisme émetteur, qui programme l'oeuvre et décide de la diffuser, d'obtenir l'autorisation correspondante, même si la diffusion n'est effectuée qu'après l'intervention d'un organisme tiers (car, comme le soulignait le rapporteur du Sénat, « comment imaginer que l'organisme émetteur puisse se procurer l'oeuvre autrement ? en volant la copie de celle-ci ? En corrompant son gardien ? » )
Enfin, on ne peut que déduire de ces dispositions que, lorsque l'émission sera réalisée à partir du territoire national, la représentation de l'oeuvre sera régie par le droit français : tel était d'ailleurs exactement le résultat auquel le législateur de 1985 souhaitait parvenir.
La reproduction de la définition de la directive est donc inutile pour assurer la conformité du droit national au mécanisme de coordination imposé par la directive. En revanche, la transcription dans le CPI du texte communautaire -qui ne vise que les diffusions directes- pourrait être interprétée comme restreignant la portée des dispositions nationales, et risquerait à tout le moins d'introduire une certaine confusion dans le parfait agencement des articles L. 122-2 et L. 132-20-3° du CPI, que rien n'impose de remettre en cause -au moins jusqu'à l'intervention éventuelle d'une directive coordonnant les législations nationales applicables aux diffusions satellitaires relayées par un réseau terrestre ...
b) Les mesures de transposition nécessaires
• Elles concernent en premier lieu
l'application aux droits voisins des dispositions relatives à la
diffusion par satellite.
La directive prévoit expressément (considérants n° 15 et 25, article 4) que son dispositif s'applique aux droits voisins comme au droit d'auteur, que ces droits voisins s'analysent, selon les cas, comme un droit exclusif ou un droit à rémunération.
Bien que l'article L. 122-2 CPI figure dans les dispositions du code relatives au droit d'auteur, et qu'il s'applique de surcroît au droit de représentation, notion qui ne se retrouve pas dans la définition des droits patrimoniaux reconnus aux titulaires de droits voisins, il y a, selon certains auteurs, « de bonnes raisons » de penser qu'il est également applicable aux droits voisins : ces raisons tiendraient à la fois à la nature de la controverse internationale que le législateur a entendu trancher, et dont « les protagonistes ont toujours raisonné comme si leur solution s'appliquait aux droits voisins aussi bien qu'au droit d'auteur », et au fait que « comme la représentation des oeuvres diffusées par satellite n'intéresse pas seulement le droit d'auteur mais aussi les droits voisins, le fait que ce texte ait été inclus dans les dispositions relatives au droit de représentation ne paraît pas suffisant pour en réserver l'application au droit d'auteur » ( ( * )8) .
Il semble que cette interprétation doctrinale soit aussi celle qui prévaut dans la pratique, c'est-à-dire pour la négociation des conditions d'autorisation ou de rémunération des diffusions par satellite ( ( * )9) .
Quoi qu'il en soit, la transposition de la directive impose désormais de trancher explicitement cette question, et le projet de loi respecte cette obligation.
• Les mesures de transposition nécessaires
concernent également
les dispositions de la directive permettant
le rattachement au droit français d'émissions
réalisées
à partir d'un État tiers, aucune
disposition actuelle du CPI ne permettant actuellement ce rattachement.
• Elles concernent enfin les
mesures
transitoires
relatives aux contrats en cours d'exploitation ou de
coproduction.
* (6) Rapport en deuxième lecture de la commission spéciale du Sénat (n° 350 - 1994-1995) p. 14.
* (7) Rapport de M. Charles Jolibois au nom de la commission spéciale du Sénat( n° 212 Sénat 1984-1985). T. 11 p. 39.
* (8) A. et H.J. Lucas « Traité de la propriété littéraire et artistique » (Litec - Paris - 1994), n° 1010.
* (9) à titre d'exemple, on peut citer les accords passés en 1994 par TV5 avec les artistes interprètes.