PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE N° 367 PRÉSENTÉE LE 12 JUILLET 1995 PAR M. JACQUES OUDIN
tendant à renforcer le contrôle du Parlement sur les comptes des régimes obligatoires de sécurité sociale, ainsi que sur les concours de l'État à leur financement
N°367
SÉNAT
TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1994-1995
Annexe au procès-verbal de la séance du 12 juillet 1995.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
tendant à renforcer le contrôle du Parlement sur les comptes des régimes obligatoires de sécurité sociale, ainsi que sur les concours de l'État à leur financement,
PRÉSENTÉE
Par M. Jacques OUDIN,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Parlement - Sécurité sociale.
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
Initialement conçu sur la base d'une solidarité professionnelle, le système français de protection sociale étend aujourd'hui le bénéfice de ses prestations à la quasi-totalité de la population, tandis qu'une part croissante de son financement fait appel à la solidarité nationale.
Son adaptation, son évolution et son avenir sont désormais devenus l'affaire de tous.
Il est donc nécessaire de réaffirmer solennellement la vocation du peuple français à exercer, par l'intermédiaire de ses représentants élus, le contrôle des régimes obligatoires de sécurité sociale.
Or les prérogatives du Parlement dans ce domaine sont constitutionnellement limitées. En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi « détermine les principes fondamentaux de la sécurité sociale ». Le Parlement ne détermine donc ni les taux de cotisations ni le montant des prestations, ces responsabilités incombant au pouvoir réglementaire.
Ce partage des compétences fait obstacle à une bonne information du Parlement en matière de sécurité sociale. Celui-ci est amené à débattre des mesures d'ordre social sans pouvoir en mesurer pleinement les conséquences financières. De même, il est appelé à voter les concours budgétaires de l'État à la sécurité sociale sans maîtriser leurs paramètres d'évolution, ni même en avoir une vue globale.
En 1987, les deux Chambres avaient cherché à remédier à cette situation peu satisfaisante en adoptant, à l'initiative de M. Michel d'Omano, une loi organique relative au contrôle du Parlement sur les finances des organismes de protection sociale. Mais le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 87-234 du 7 janvier 1987, l'a invalidée, considérant qu'elle ne s'inscrivait pas dans le cadre de l'article 34 de la Constitution.
Toutefois, l'information du Parlement en matière de finances sociales a été considérablement améliorée l'an dernier par la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.
Tout d'abord, cette loi légalise la commission des comptes de la sécurité sociale, qui n'avait qu'une existence réglementaire depuis sa création en 1979, et donne plus de régularité à ses réunions.
Par ailleurs, elle institue un rapport spécial de la Cour des comptes au Parlement analysant les comptes de l'ensemble des organismes de sécurité sociale.
Enfin, elle fait obligation au Gouvernement de présenter chaque année au Parlement un rapport relatif aux principes fondamentaux qui déterminent l'évolution des régimes de base de sécurité sociale. Cette disposition a été appliquée dès l'automne 1994 : au cours de la dernière session budgétaire, un débat sans vote a été organisé devant chacune des deux assemblées sur la base du rapport gouvernemental.
Il apparaît aujourd'hui opportun d'aller au-delà de cette disposition de valeur simplement législative, et d'inscrire directement dans la Constitution le principe d'un débat parlementaire annuel sur les comptes de la sécurité sociale.
En 1992 déjà, tirant les conséquences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1987, j'avais déposé une proposition de loi constitutionnelle tendant à réaffirmer les principes démocratiques devant présider au contrôle de l'effort social de la Nation (n° 190, première session extraordinaire de 1992-1993), qui prévoyait d'organiser chaque année un débat parlementaire sur les recettes et les dépenses des organismes concourant à l'effort social de la Nation.
En 1993, le comité consultatif pour la révision de la Constitution, mis en place par le Président de la République et présidé par le doyen Georges Vedel, avait à son tour préconisé, parmi bien d'autres propositions de réformes constitutionnelles, d'institutionnaliser un débat annuel au Parlement sur les comptes prévisionnels des régimes obligatoires de base de sécurité sociale {Journal officiel du 16 février 1993, page 2545).
La présente proposition de loi constitutionnelle reprend pour l'essentiel le texte proposé par le « comité Vedel ». Elle s'en distingue toutefois sur deux points :
- d'une part, le rapport présenté par le Gouvernement au Parlement porte sur les comptes prévisionnels de tous les régimes obligatoires de sécurité sociale, et non pas des seuls régimes de base ;
- d'autre part, un lien est établi avec la discussion budgétaire, le Parlement devant délibérer au vu du rapport avant l'adoption définitive de la loi de finances de l'année. Ainsi, le débat relatif à la sécurité sociale pourra utilement éclairer le débat budgétaire, et le Parlement se prononcera en parfaite connaissance de cause sur les concours financiers de l'État aux régimes de sécurité sociale.
Ainsi que l'a rappelé le Président de la République dans son message aux Assemblées du 19 mai dernier, l'une des vocations essentielles du Parlement est de veiller à la bonne gestion et au meilleur emploi possible des fonds publics.
La présente proposition de loi constitutionnelle, qui entend renforcer le contrôle exercé par le Parlement sur les comptes des régimes de sécurité sociale, s'inscrit dans le droit fil de cette vocation fondamentale.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique.
Après l'article 47 de la Constitution, il est inséré un article 47-1 ainsi rédigé :
« Art. 47-1. - Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles le Gouvernement présente au Parlement, avant l'adoption définitive de la loi de finances de l'année, un rapport sur les comptes prévisionnels des régimes obligatoires de sécurité sociale.
« Au vu de ce rapport, le Parlement délibère sur les objectifs de ces régimes, les conditions de leur équilibre financier et sur les ressources consacrées à leur financement provenant du budget de l'État et de contributions fiscales affectées. »