II. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE CATÉGORIE DE LOIS : LES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
1. Le rappel des catégories législatives prévues par la Constitution de 1958
La Constitution de la Vème République distingue trois catégories de lois : les lois constitutionnelles, régies par l'article 89 de la Constitution, les lois organiques (article 46) et les lois communément qualifiées « lois simples » ou « lois ordinaires » qui, pour l'essentiel, relèvent de l'article 34 de la Constitution.
Au sein de la catégorie des lois simples, les deux avant-derniers alinéas de l'article 34 établissent deux sous-catégories particulières :
- les lois de finances, qui déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ;
- les lois de programme, qui interviennent notamment pour déterminer les objectifs de l'action économique et sociale de l'État.
L'article premier du projet de loi constitutionnelle propose d'insérer dans l'article 34 de la Constitution un alinéa créant une nouvelle catégorie de lois simples, dites « lois de financement de la sécurité sociale » , dont il indique le contenu : la détermination des conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale et la fixation, compte tenu de leurs prévisions de recettes, des objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Si la procédure législative est, dans ses grandes lignes, régie par les articles 39 à 45 de la Constitution, on relève que la procédure d'examen des lois de finances fait l'objet de dispositions particulières prévues par la Constitution elle-même (article 47) et par une loi organique (l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances).
Comme dans le cas des lois de finances, une procédure particulière d'examen des lois de financement de la sécurité sociale serait introduite dans la Constitution par les articles 2 et 3 du projet de révision.
Ce rappel conduit à examiner successivement le contenu même des lois de financement de la sécurité sociale puis la procédure particulière proposée pour leur examen.
2. Un nouveau type de lois : les lois de financement, qui permettront au Parlement de se prononcer sur certains aspects proprement financiers du fonctionnement de la sécurité sociale
Selon l'article premier du projet de loi constitutionnelle, les lois de financement détermineront « les conditions générales de l'équilibre financier » de la sécurité sociale et fixeront « compte tenu de leurs prévisions de recettes » « des objectifs de dépenses » , dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
On note que d'un point de vue strictement juridique, cette loi organique ne sera pas « relative au Sénat » au sens de l'article 46, alinéa 4, de la Constitution, contrairement à la seconde loi organique prévue à l'article 3 du projet de révision. Mais le Gouvernement a clairement annoncé son intention de réunir toutes les dispositions organiques d'application de la présente révision dans un seul texte et d'en organiser l'examen de telle sorte que l'intégralité de la loi organique soit votée dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Pour évaluer aussi précisément que possible le contenu des lois de financement, c'est-à-dire l'objet du vote du Parlement, il convient de s'interroger sur les différentes notions auxquelles se réfère cet article : que recouvrent les termes de « sécurité sociale » ? Que représentent des « prévisions de recettes » , des « objectifs de dépenses » ? etc...
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Le problème du champ des lois de
financement
Déterminer les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale conduit en premier lieu à circonscrire le « périmètre » de la sécurité sociale.
En fait, il semble qu'un élément de réponse puisse être déduit du texte actuel de l'article 34 de la Constitution. La « sécurité sociale » y est déjà visée sans être délimitée ; il est seulement prévu que la loi en détermine les principes fondamentaux.
Ainsi qu'il a été constaté dans la première partie du présent rapport, le Conseil constitutionnel a retenu une conception extensive du domaine d'intervention du législateur, incluant en particulier dans la « sécurité sociale » non seulement le régime général mais encore les différents régimes particuliers de prévoyance (décision du 8 juillet 1960, précitée). De même range-t-il sous ces termes, la sécurité sociale agricole, les assurances sociales et le régime des pensions des professions non salariées, les prestations familiales, la couverture des accidents du travail, etc...
En l'absence d'une autre définition proposée par le projet de révision, il faudrait en déduire que la « sécurité sociale » concernée par les lois de financement couvrirait le même champ que la sécurité sociale au sens de l'actuel article 34 de la Constitution.
Les lois de financement détermineraient donc les conditions générales de l'équilibre financier prévisionnel de l'ensemble des régimes dont les principes fondamentaux sont du domaine législatif.
Dans cette interprétation extensive, le projet de révision irait au-delà de certaines des propositions antérieurement formulées en vue d'accroître le rôle du Parlement en matière de sécurité sociale, comme par exemple la loi organique issue de la proposition de loi de M. Michel d'Ornano. Celle-ci ne concernait en effet que les régimes obligatoires de base de sécurité sociale visés par le code de la sécurité sociale ou le code rural (la mutualité sociale agricole).
Pour autant, les débats de l'Assemblée nationale et les indications recueillies par votre rapporteur, confirmées par le Garde des Sceaux lors de son audition le mardi 30 janvier 1996, établissent sans aucune ambiguïté que pour le Gouvernement, les lois de financement ne concerneront que les régimes obligatoires de base (et non les régimes complémentaires, fussent-ils obligatoires).
En fait, ce point sera précisé par la loi organique à laquelle revoie l'article premier du projet de révision, ainsi que l'a souligné M. Pierre Mazeaud : « j'estime que la notion de sécurité sociale est déjà définie dans l'article 34 de la Constitution : inutile d'y revenir. Il appartiendra d'ailleurs à la loi organique de préciser le champ de la loi d'équilibre »
Tel est très précisément l'objet de la formulation de l'article premier du projet de révision, selon laquelle les lois de financement détermineraient les conditions générales de l'équilibre et fixeraient les objectifs de dépenses dans les conditions « et sous les réserves » prévues par une loi organique.
Ces « réserves » permettraient en effet de passer du domaine très général de la sécurité sociale au domaine précis assigné pour le moment aux lois de financement par la loi organique, en l'occurrence les seuls régimes obligatoires de base. Il ne s'agit donc, par ces réserves, que de délimiter le domaine exact des lois de financement, et non d'établir des règles de procédure dérogatoires à la procédure législative ordinaire (lesquelles seront précisées par les dispositions organiques auxquelles renvoie, non pas l'article premier, mais l'article 3 du projet de révision).
Bien entendu, rien n'interdira, le moment venu, au législateur organique d'assouplir ces réserves, notamment s'il se révélait souhaitable d'inclure dans le champ des lois de financement d'autres régimes de sécurité sociale que les régimes obligatoires de base stricto sensu.
En définitive, ne pas circonscrire d'emblée la portée de la révision constitutionnelle à tel ou tel régime présente un avantage certain. Un texte « ouvert » permettra en effet, sans nouvelle révision constitutionnelle, d'adapter le domaine d'intervention du Parlement aux évolutions structurelles que la sécurité sociale viendrait à connaître dans les prochaines années.
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La détermination des
«
conditions générales de l'équilibre
financier »
, un concept encore imprécis dont il
appartiendra à la loi organique de préciser les contours
exacts
Appliquée ici à la sécurité sociale, l'expression « conditions générales de l'équilibre financier » est empruntée à l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, dont l'article premier dispose :
« Les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent » .
L'article 31 de cette ordonnance organique précise que la première partie de la loi de finances « arrête les données générales de l'équilibre financier » , opération qui prend la forme, dans chaque loi de finances, d'un « article d'équilibre » figurant généralement dans un titre spécifique consacré aux « Dispositions relatives à l'équilibre des ressources et des charges » .
Dans la loi de finances pour 1996, par exemple, l'article d'équilibre se présente de la façon suivante :
« Pour 1996, les ressources affectées au budget évaluées dans l'état A annexé à la présente loi, les plafonds des charges et l'équilibre qui en résulte sont fixés aux montants suivants : ... » [suit un tableau de données chiffrées en deux parties -ressources et charges- faisant apparaître, in fine, un « solde général » ].
L'équilibre ainsi défini résulte donc du rapprochement des ressources affectées au budget et des plafonds des charges, le solde pouvant être excédentaire ou déficitaire.
Peut-il en aller de même pour l'équilibre financier de la sécurité sociale ?
Le Garde des sceaux, ministre de la Justice, a certes indiqué que la notion d'équilibre ne devait pas être interprétée dans un sens purement comptable et qu'elle faisait référence à un équilibre économique et financier général au sens de l'article d'équilibre de la loi de finances.
Pourtant, la transposition du système de la loi de finances aux lois de financement de la sécurité sociale paraît difficilement concevable.
A cet égard, les travaux de l'Assemblée nationale en première lecture ont clarifié la notion d'équilibre en faisant figurer dans le texte même du projet de révision, non seulement les objectifs de dépenses, mais également des prévisions de recettes.
En effet, dans sa rédaction initiale, le projet de révision, s'il donnait bien au Parlement la possibilité de fixer des objectifs de dépenses, ne lui reconnaissait pas explicitement celle de connaître des recettes de la sécurité sociale.
La définition d'un solde d'équilibre aurait donc risqué d'être un exercice très problématique.
Pour reprendre l'expression de M. Bruno Bourg-Broc, Président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, on voit mal comment le Parlement pourrait « voter un équilibre entre des dépenses et... des silences » .
En dépit de l'adjonction opérée en première lecture par l'Assemblée nationale, la notion de « conditions générales de l'équilibre financier » demeure difficile à cerner.
Dans l'exposé des motifs, il est en particulier indiqué que la loi d'équilibre pourrait « comporter toutes dispositions de nature législative nécessaires à l'équilibre de la sécurité sociale » .
Or, il ne serait pas souhaitable que les lois de financement comportent trop de « dispositions diverses » analogues à celles qui émaillent la seconde partie de la loi de finances, compte tenu d'une procédure d'examen qui représente une contrainte pour les deux assemblées et qui, de surcroît, ne reconnaît pas au Sénat des compétences identiques à celles de l'Assemblée nationale.
Pour reprendre l'expression usuelle applicable aux lois de finances, les lois de financement ne devront pas être surchargées de « cavaliers sociaux »
Le contenu des lois de financement devra au contraire demeurer limité et ne pas inclure de dispositions de fond, quand bien même elles seraient de nature à avoir une incidence sur l'équilibre financier (création d'une nouvelle prestation ou élargissement d'une catégorie de bénéficiaires, par exemple).
En effet, en insérant dans des lois de financement des dispositions de nature législative non directement liées à l'objet même de ces lois, on amènerait les deux assemblées à devoir se prononcer dans des délais stricts et on permettrait au Gouvernement de mettre ces dispositions en vigueur par ordonnance pour peu que le Parlement n'ait pas statué dans les délais requis. En outre, on consacrerait une priorité d'examen par l'Assemblée nationale puisqu'elle sera toujours saisie la première.
Ce système aboutirait à une restriction de fait des droits des deux assemblées à l'égard de dispositions pouvant parfaitement être adoptées par la procédure législative ordinaire, laquelle ne comporte pas de telles contraintes.
A cet égard, la session unique de neuf mois permet de mieux répartir dans l'année l'examen des textes législatifs. Elle a fait disparaître le « butoir » constitutionnel de la fin de la session budgétaire qui, trop souvent, a servi de prétexte pour faire adopter précipitamment en fin d'année des dispositions auxquelles il aurait été souhaitable d'accorder un examen plus attentif.
Aussi serait-il préférable que les « dispositions diverses » évoquées dans l'exposé des motifs du projet de révision figurent dans des lois séparées examinées selon la procédure ordinaire, quitte à en différer la discussion de quelques jours ou de quelques semaines.
Pour le reste, il appartiendra à la loi organique de préciser le contenu des lois de financement de la sécurité sociale, le texte constitutionnel devant demeurer assez concis et assez général pour permettre au Parlement d'exercer en aval son plein pouvoir d'appréciation sans risquer de se voir opposer des limites trop étroites par le Conseil constitutionnel, saisi de droit des lois organiques.
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La référence explicite aux
prévisions de recettes
Alors que le projet initial de révision exprimait en toutes lettres le rôle du Parlement en matière de dépenses, les recettes de la sécurité sociale y étaient traitées par prétérition : elles apparaissaient seulement en filigrane dans la détermination d'un équilibre qui, par définition, implique non seulement des dépenses mais aussi des ressources.
Sur ce point, le projet initial restait nettement en deçà de beaucoup des propositions formulées jusqu'à présent, pour lesquelles le Parlement devrait se prononcer d'une façon ou d'une autre sur les ressources de la sécurité sociale.
Aussi n'est-il pas surprenant que ce problème ait fait l'objet d'une ample réflexion lors des débats de l'Assemblée nationale, tant en commission qu'en séance publique.
Lors de son audition par votre commission des Lois, M. Jacques Toubon, Garde des sceaux, ministre de la Justice, a justifié le silence du projet initial sur les recettes en considérant qu'elles relevaient, soit de la compétence du Gouvernement (par la fixation des taux de cotisations), soit de celles qu'exerce déjà le Parlement dans le cadre de la loi de finances (ressources fiscales affectées et subventions d'équilibre). Dans ces conditions, il avait semblé au Gouvernement que les ressources de la sécurité sociale ne devaient pas faire l'objet de décisions prises à l'occasion de la loi d'équilibre.
Le problème ne se poserait effectivement pas si toutes ces ressources provenaient de l'État car dans ce cas, c'est au Parlement qu'il appartiendrait de se prononcer au moment de l'examen de la loi de finances.
Mais tel n'est pas le cas, les recettes de cotisations représentant encore près de 70 % des ressources totales de la sécurité sociale.
Donner au Parlement la compétence de fixer des objectifs de dépenses et les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale tout en faisant totale abstraction des recettes de cotisations pouvait donc sembler paradoxal.
Sans doute pourrait-on estimer difficile que législateur fixe lui-même les taux de cotisations, sauf à modifier radicalement le partage actuel des compétences entre le Parlement et le Gouvernement. Le « comité Vedel » avait d'ailleurs noté en 1992 que cette formule conduirait à multiplier les interventions du Parlement sans lui fournir, pour autant, une vision globale du financement de la sécurité sociale.
Il est cependant souhaitable que le Parlement, appelé à se prononcer sur un niveau d'équilibre, puisse au moins connaître et se prononcer au vu de prévisions globales de recettes selon des modalités qu'il appartiendrait à la loi organique de déterminer.
En pratique, d'ailleurs, on voit mal comment il pourrait en être autrement une fois que le Parlement aura déterminé les conditions de l'équilibre à partir d'objectifs de dépenses, sauf à considérer que la loi d'équilibre serait purement indicative et n'aurait aucune valeur normative, même à l'égard du Gouvernement.
C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que les lois de financement fassent référence à « des prévisions de recettes » . Mais dans son esprit comme dans celui du Gouvernement il ne s'agirait bien que de prévisions retracées alors que pour les dépenses, la loi fixera des objectifs.
Ces prévisions n'auront pas le caractère d'une autorisation au sens budgétaire mais elles donneront un sens à la notion d'équilibre.
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La fixation d'« objectifs de
dépenses »
S'agissant de l'assurance-maladie, la notion d'objectifs de dépenses n'est pas entièrement nouvelle même si, jusqu'à présent, la méthode d'élaboration de ces objectifs est loin d'être harmonisée.
Ainsi, pour l'hôpital, le code de la santé publique prévoit, dans son article L. 714-7, qu'un taux directeur de l'évolution des dépenses hospitalières est fixé, chaque année, par voie réglementaire.
De même, tous les dispositifs de maîtrise médicalisée concernant les professions de santé (médecins, directeurs de laboratoires d'analyses, masseurs-kinésithérapeutes, infirmières libérales...) ou les établissements privés de santé, prévus par le code de la sécurité sociale, comportent la publication d'un arrêté portant approbation d'une annexe tarifaire annuelle, signée par les partenaires conventionnels, qui détermine un objectif d'évolution des dépenses pour l'année n+1. Selon les cas, cet objectif est directement opposable à la profession (directeurs de laboratoires d'analyses) ou demeure largement prévisionnel (médecins).
Enfin, l'accord cadre conclu entre l'État et le syndicat national de l'industrie pharmaceutique comporte lui aussi un objectif d'évolution des dépenses pharmaceutiques.
Pourtant, alors que les dépenses engendrées par certains secteurs (par exemple les soins de ville) influent directement sur les dépenses liées à d'autres (par exemple les prescriptions pharmaceutiques et les analyses de biologie), les objectifs correspondants sont fixés séparément.
Certes, l'État est toujours impliqué dans le processus de fixation des objectifs. Cette implication est directe (Convention des directeurs de laboratoires d'analyses, accord cadre État - SNIP) ou indirecte, par la tutelle qu'il exerce sur la Caisse nationale d'assurance maladie qui est toujours signataire des annexes annuelles aux conventions.
Surtout, juridiquement, le contenu des conventions n'acquiert de valeur juridique qu'à compter de l'approbation de la convention par arrêté.
Mais la coordination entre les objectifs ainsi assurée par l'État -et c'est une différence très importante avec la situation qui prévaudrait après l'adoption du présent projet de loi de réforme constitutionnelle- n'est pas affichée et ne repose pas sur des objectifs sanitaires et sociaux. On peut dire sans trop forcer le trait que, s'il existe aujourd'hui des mécanismes de régulation de l'évolution des dépenses de protection sociale, il n'existe pas de politique de protection sanitaire et sociale faisant l'objet d'un débat public et qui en serait le support.
Mais appliqués à l'ensemble de la sécurité sociale, que représentent exactement les « objectifs de dépenses » visés par le projet de loi constitutionnelle ? Cette expression pourrait en effet être entendue soit comme des objectifs à atteindre, soit comme des objectifs à ne pas dépasser.
En dépit de l'ambiguïté des termes, les indications fournies par le Garde des sceaux, ministre de la Justice et les débats de l'Assemblée nationale montrent qu'en l'occurrence, il s'agirait de plafonds, probablement exprimés en pourcentages de croissance d'une année sur l'autre.
Là encore, le texte constitutionnel n'a pas à entrer dans un trop grand niveau de détail car à l'expérience, il pourrait se révéler souhaitable d'affiner les objectifs de dépenses fixés par les lois de financement.
Il n'est pas exclu qu'à terme, le législateur juge nécessaire de passer d'objectifs généraux exprimés au plan national à des objectifs mieux focalisés, par type de dépenses, par exemple (hôpitaux, professions médicales et paramédicales, médicament, etc...), ou à des objectifs définis au plan régional.
De même, il paraîtra peut être logique, le moment venu, d'inscrire certains objectifs annuels dans la perspective plus large d'une programmation pluriannuelle, notamment pour les équipements lourds (scanners, imageurs à résonance magnétique nucléaire, etc...).
On doit d'autre part s'interroger sur la valeur normative -ou plus exactement, sur la force contraignante- de ces objectifs de dépenses. Par exemple, le respect des objectifs de dépenses fixés pas le Parlement en matière de retraites imposerait-il au Gouvernement de réduire le taux des pensions, dans l'hypothèse où les prévisions initiales se révéleraient insuffisantes ?
Le Gouvernement considère quant à lui que les lois de financement auront une « normativité spécifique » ou une « normativité différée » , selon l'expression employée par le Garde des Sceaux lors de son audition par votre commission des Lois.
Sans s'attarder outre mesure sur ces nuances sémantiques, votre rapporteur considère pour sa part que ces lois, tant par leur contenu que par les mécanismes destinés à assurer le respect après-coup des objectifs de dépenses, auront en fait une « normativité aléatoire » .
En droit, les plafonds déduits d'objectifs de dépenses exprimés en pourcentages d'augmentation n'auront pas un caractère strictement limitatif au sens de l'article 11 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances (« .... les dépenses sur crédits législatifs ne peuvent être engagées et ordonnancées que dans la limite des crédits ouverts ; ceux-ci ne peuvent être modifiés que par la loi de finances... » ).
Les objectifs de dépenses s'apparenteront plutôt aux crédits évaluatifs de la loi de finances (article 9 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959), qui résultent de dispositions législatives spéciales et pour lesquelles les dépenses « s ' imputent, au besoin, au-delà de la dotation inscrite aux chapitres qui les concernent » ).
Par ailleurs, la portée décisionnelle des objectifs définis dans le projet de loi de financement pourra être variable selon les branches, compte tenu des facteurs propres déterminant l'évolution de leurs dépenses.
En matière d'assurance vieillesse, il est clair qu'il existe des tendances lourdes résultant de l'allongement de l'espérance de vie et du mouvement continu de généralisation et d'amélioration des retraites. A l'avenir, le législateur pourra être amené à fixer de nouvelles règles quant au mode de revalorisation des pensions ou sur certaines conditions générales d'attribution (par exemple, régime du cumul entre revenus d'activité et pensions) au regard des orientations qui auront été au préalable débattues et approuvées.
Dans le domaine des prestations familiales, si les paramètres démographiques constituent également des facteurs prépondérants de l'évolution des dépenses, le législateur doit pouvoir redéfinir des objectifs clairs à la politique familiale, alors que ceux-ci ont eu tendance à se multiplier au cours des deux dernières décennies, -redistribution sociale, conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, lutte contre le chômage, notamment-et se prononcer sur les moyens correspondants, en particulier quant à l'évolution des prestations familiales qui en constituent le noyau dur.
Au contraire, en matière d'assurance maladie, les prescripteurs d'actes médicaux et les mécanismes conventionnels ont une influence déterminante sur le montant des dépenses. La notion d'objectifs de dépenses fixés par le Parlement y prend tout son sens car il appartiendra à chaque intervenant de se conformer au cadre assigné par le Parlement et doté de cette « normativité spécifique » évoquée par le Gouvernement.
Comme l'a exposé le Garde des Sceaux, la chaîne des responsabilités serait la suivante :
« Il appartiendra en premier lieu au Parlement de voter les objectifs nationaux de l'évolution des dépenses. Ceux-ci se traduiront d'abord par des conventions d'objectifs et de moyens conclues entre le Gouvernement et les caisses nationales, ensuite par des conventions entre ces caisses et les différents professionnels de la santé, trouvant elles-mêmes leur traduction au niveau régional ».
En cas de dépassement des objectifs, il appartiendra au Gouvernement de faire jouer l'année suivante les « mécanismes correcteurs » institués par la législation en vigueur ou par les ordonnances prévues dans le cadre de l'actuel plan de réforme de la sécurité sociale, de manière à ne pas sortir du cadre assigné par le Parlement ou, plus exactement, de manière à y revenir.
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Le texte élaboré par
l'Assemblée nationale ouvre de façon explicite la
possibilité d'adopter des lois de financement rectificatives
Ainsi qu'il a été noté, le projet de révision proposait de créer une nouvelle catégorie de loi, à placer sur le même plan juridique que la catégorie des lois ordinaires, des lois de finances ou des lois de programme. Mais du texte même proposé pour le nouvel alinéa de l'article 34 de la Constitution, il apparaissait que cette catégorie n'aurait été composée que d'un seul élément, « la » loi d'équilibre votée chaque année, alors que le même article vise « les » lois de finances ou « des » lois de programme.
On sait que l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 range sous la catégorie des lois de finances, non seulement la loi de finances de l'année, mais encore les lois de règlement et les lois de finances rectificatives.
Devait-on en déduire que l'utilisation au singulier du terme « la » loi d'équilibre de la sécurité sociale interdirait l'adoption en cours d'année d'une ou plusieurs lois d'équilibre rectificatives ?
Modifier les prévisions initiales pourrait cependant se révéler nécessaire pour prendre en compte d'éventuels bouleversements des conditions générales de l'équilibre ou encore pour revoir à la baisse ou à la hausse certains objectifs de dépenses.
Lors de son audition par la commission des Lois de l'Assemblée nationale le 16 janvier 1996, M. Jacques Toubon, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, avait estimé que l'emploi du singulier n'interdirait nullement qu'une loi d'équilibre soit modifiée en cours d'année par un texte voté dans les mêmes conditions. Il avait cependant considéré qu'il ne devrait y être procédé qu'en cas d'absolue nécessité, faute de quoi la loi d'équilibre y perdrait une part de sa portée. Il a à nouveau développé cette analyse lors de son audition du 30 janvier 1996 par votre commission des Lois.
En dépit de cette analyse, la commission des Lois et la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ont toutes deux considéré que l'emploi du singulier pourrait soulever une difficulté d'interprétation.
Elles ont en effet observé que si l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 sur les lois de finances a pu distinguer plusieurs types de lois de finances -dont les lois de finances rectificatives- c'est que la Constitution l'y invitait, ou tout au moins ne s'y opposait pas, en employant elle-même une expression au pluriel (« les » lois de finances). S'agissant au contraire de « la » loi d'équilibre, rien n'assure que la loi organique prévue par le projet de révision pourrait opérer des distinctions analogues sur la base d'une disposition constitutionnelle rédigée au singulier.
Aussi, l'Assemblée nationale a-t-elle adopté un amendement visant « les » lois de financement (au pluriel) pour permettre explicitement le vote de lois de financement rectificatives.
Le Garde des Sceaux ne s'est pas opposé à cet amendement, ajoutant cependant : « le Gouvernement ayant l'initiative de la loi, il n'y en aura en effet qu'une si aucune rectification ne se révèle nécessaire ». Ce rappel, et l'emploi systématique des termes « projets de loi de financement » établissent sans ambiguïté qu'en ce domaine, l'initiative appartiendra exclusivement au Gouvernement, ce qui écarte la possibilité de déposer des propositions de lois de financement, tant initiales que rectificatives.
3. La procédure d'examen des lois de financement, inspirée de celle applicable à l'examen des lois de finances
• On observe que
la procédure
proposée par les articles 2 et 3 du projet de révision est en
large part calquée sur celle de l'examen de la loi de
finances.
S'agissant du dépôt, les projets de lois de financement de la sécurité sociale seraient obligatoirement soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale, comme c'est le cas des projets de loi de finances, à la différence des autres lois simples (y compris les lois fiscales) qui peuvent aussi bien être déposées sur le Bureau de l'Assemblée nationale que sur le Bureau du Sénat, selon le choix du Gouvernement.
D'autre part, les délais constitutionnels d'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale par chaque assemblée seraient fixés selon un schéma très analogue à celui de l'examen des projets de loi de finances.
Dans l'hypothèse où l'Assemblée nationale ne se serait pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt du projet de loi, le Gouvernement saisirait le Sénat qui devrait statuer dans un délai de quinze jours. Ces deux délais rappellent ceux qu'accorde la Constitution à chaque assemblée pour examiner la loi de finances en première lecture (quarante jours pour l'Assemblée nationale et quinze jours pour le Sénat).
De même, le projet de révision prévoit un mécanisme de sortie en cas d'inobservation des délais : les dispositions du projet de loi pourraient être mises en oeuvre par ordonnance si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de cinquante jours. Ce délai de cinquante jours ne serait toutefois pas un délai préfix, le Gouvernement n'étant pas tenu de recourir à la procédure de l'ordonnance s'il jugeait préférable de laisser se poursuivre la discussion parlementaire.
On retrouve là encore la même faculté que celle prévue pour les lois de finances, à cette exception notable près que pour ces dernières, le délai total est fixé à soixante-dix jours, soit vingt jours de mieux.
Toujours dans le même souci de parallélisme avec les lois de finances, l'Assemblée nationale a introduit en première lecture une disposition selon laquelle les délais d'examen des lois de financement de la sécurité sociale seraient suspendus lorsque le Parlement n'est pas en session et, pour chaque assemblée, au cours des semaines où elle a décidé de ne pas tenir séance.
L'Assemblée nationale a jugé cette disposition nécessaire à partir du moment où la possibilité d'examiner en cours d'année des lois de financement rectificative a été explicitement inscrite dans le projet de révision, faute de quoi le délai total de cinquante jours aurait pu continuer à courir durant une intersession ou pendant des semaines où l'une ou l'autre des deux assemblées déciderait de ne pas tenir en séance, ainsi qu'elles en ont la possibilité depuis la révision constitutionnelle du 4 août 1995.
En ce qui concerne les semaines où les assemblées auraient décidé de ne pas siéger, on saisit mal l'intérêt pratique de cette précision, dans la mesure où le Gouvernement aurait toujours la possibilité de demander la tenue de séances supplémentaires.
D'ailleurs, le problème se pose théoriquement dans les mêmes termes pour les lois de finances rectificatives, mais la pratique démontre que leurs délais d'examen sont toujours assez brefs, au point que lors de la révision constitutionnelle du 4 août 1995, il n'a même pas paru nécessaire d'introduire une disposition équivalente dans l'article 47 de la Constitution (lequel ne vise donc que le seul cas où le Parlement ne serait pas en session).
Enfin, une loi organique déterminerait les conditions dans lesquelles le Parlement vote les lois de financement, ainsi qu'il est prévu pour les lois de finances par l'article 47, alinéa premier de la Constitution (la loi organique en question résulte de l'ordonnance n° 59-2 du 2 février 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, qui fixe également les « conditions et les réserves » visées par l'article 34 de la Constitution en ce qui concerne le champ des lois de finances).
En soi même, le renvoi à une loi organique n'a rien d'original et la seule comparaison utile consisterait à rapprocher les dispositions de la loi organique sur les lois de finances et celles de la loi organique sur les lois de financement.
Il faut à cet égard saluer le souci d'information du Parlement manifesté par le Gouvernement, puisque l'avant projet de loi organique a été communiqué aux Présidents des commissions intéressées.
Sans préjuger des dispositions définitives qui en résulteront après son examen par les deux assemblées, on rappellera d'ores-et-déjà que cette loi organique aura le caractère d'une « loi organique relative au Sénat » au sens de l'article 46, alinéa 4, de la Constitution.
• Les dispositions initialement prévues pour
l'article 47-1 relatif à la loi d'équilibre de la
sécurité sociale
différaient néanmoins sur
deux points
de celles de l'article 47 de la Constitution.
En premier lieu, on relève que le quatrième alinéa de l'article 47 envisage l'hypothèse où le Gouvernement n'aurait pas déposé le projet de loi de finances de l'année en temps utile pour que cette loi soit promulguée avant le début de l'exercice. En pareil cas, le Gouvernement demande d'urgence au Parlement d'autoriser la perception des impôts, les crédits se rapportant aux services votés étant ouverts par décret.
Aucune procédure équivalente n'est prévue pour les lois de financement de la sécurité sociale.
Au premier examen, il peut paraître choquant que la Constitution organise une sorte de sanction juridique en cas de retard imputable au Parlement, sans instituer un mécanisme symétrique si le retard est imputable au Gouvernement.
Ce point a fait l'objet d'une discussion lors des travaux de l'Assemblée nationale en première lecture, le Garde des Sceaux faisant néanmoins observer qu'en cas de non respect du délai par le Gouvernement, il n'y aurait « pas vraiment de sanction adéquate » . Il a pleinement confirmé ce propos lors de son audition par votre commission des Lois.
On pourrait imaginer qu'en pareille hypothèse, les objectifs antérieurs soient purement et simplement reconduits. Mais cette solution est à écarter, notamment si le contexte économique et financier de la sécurité sociale devait conduire à réduire les objectifs de dépenses de l'année précédente.
Votre rapporteur s'est également interrogé à ce sujet mais il est arrivé à la conclusion que sur le plan de la technique juridique, une telle procédure n'aurait pas d'utilité dans la mesure où les cotisations et les dépenses de sécurité sociale ne sont pas soumises à la règle de l'annualité. Partant, leur perception ou leur versement pourrait continuer en l'absence de toute autorisation légale particulière même dans l'hypothèse où le Gouvernement n'aurait pas déposé son projet en temps utile pour que la loi de financement soit promulguée avant le début de l'exercice.
Tout au plus doit-on souligner que l'article 47, alinéa 4, de la Constitution est conçu de telle sorte qu'en principe, la loi de finances doit être examinée durant le dernier trimestre de l'année civile.
En l'absence de disposition expresse dans le projet de révision, rien n'assure qu'il en ira obligatoirement de même pour la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le texte assigne en effet des délais d'examen, mais n'indique pas la période de l'année durant laquelle cet examen devra avoir lieu.
En second lieu, le projet de loi constitutionnelle n'incluait dans sa rédaction initiale aucune disposition sur le contrôle par le Parlement de l'exécution de la loi d'équilibre, alors que le principe du contrôle parlementaire de l'exécution de la loi de finances figure au dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution. Cet alinéa ajoute d'ailleurs que la Cour des Comptes assiste le Parlement dans cette fonction. Dans le cas de la loi d'équilibre, aucun concours de la Cour des Comptes n'était prévu.
Rétablissant le parallélisme des formes, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
• Le parallélisme des
procédures ainsi établi entre les lois de finances et les lois de
financement de la sécurité sociale est-il totalement
pertinent
?
Cette question mérite d'être posée car précisément, les lois de financement de la sécurité sociale ne seront pas des lois de finances sociales.
S'agissant de la priorité d'examen reconnue à l'Assemblée nationale, justifiée par la tradition des régimes parlementaires en ce qui concerne l'autorisation budgétaire, elle n'aurait pas eu de véritable fondement si l'on s'en était tenu à une loi d'équilibre de la sécurité sociale ne comportant que des objectifs de dépenses.
En revanche, votre rapporteur estime que l'inclusion opérée par l'Assemblée nationale des prévisions de recettes dans les lois de financement est susceptible d'être présentée comme rétablissant la logique de la saisine prioritaire de l'assemblée élue au suffrage direct.
Pour ce qui est des délais impératifs d'examen des lois de financement et, surtout, de la possibilité de mettre en oeuvre les dispositions du projet en cas d'inobservation de ces délais, la logique demeure moins nette.
En effet, comme le constatait « le comité Vedel », le prélèvement des cotisations et le versement des prestations de sécurité sociale procèdent de différents textes législatifs et réglementaires dont la mise en oeuvre n'est pas subordonnée à une autorisation annuelle du Parlement, contrairement aux impôts et aux dépenses de l'État.
La loi de financement de la sécurité sociale ne comportera donc pas, en ce qui concerne les cotisations, l'équivalent de l'article premier de la loi de finances : « La perception des impôts, produits et revenus affectés à l'État, aux collectivités locale, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d'être effectuée pendant l'année 1996 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi de finances » .
L'examen du projet de loi de finances dans des délais impératifs et la possibilité de le mettre en vigueur par ordonnance si le Parlement n'a pas statué dans ces délais est logique car il s'agit d'un budget qui doit impérativement être arrêté avant le début de l'exercice. Mais ces mécanismes ont-ils la même signification dans le cas des lois de financement de la sécurité sociale ?
En effet, pour la fraction du financement de la sécurité sociale assumée par l'État (le versement de subventions d'équilibre), le problème ne se pose pas car ces éléments figurent dans la loi de finances pour laquelle la Constitution prévoit déjà des délais impératifs et, s'ils ne sont pas respectés, le recours éventuel au mécanisme des ordonnances budgétaires. De surcroît, le Parlement peut à tout moment être saisi d'un projet de loi de finances rectificative lui permettant de modifier les données initiales de l'équilibre budgétaire.
Pour le reste, le risque de vide juridique ou financier au premier janvier ne se pose pas car même si la loi de financement n'était pas promulguée à cette date, les cotisations continueraient d'être prélevées et les prestations d'être servies aux assurés sociaux.
Mais votre rapporteur ne saurait s'en tenir à un seul raisonnement juridique fondé sur les normes existantes. Les « deux textes majeurs qui regroupent l'essentiel des prélèvements obligatoires », pour reprendre les termes même utilisés par le Garde des Sceaux -la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale- reposeront sur les mêmes prévisions économiques, sociales et financières pour l'année suivante et devront logiquement être en phase avec l'ensemble de la vie économique et sociale du pays, tant pour leur élaboration que pour leur application.
De même, on ne peut faire abstraction des modalités actuelles de la négociation conventionnelle, fondées sur l'annualité et calées sur l'année civile. Pareillement, l'élaboration du budget des hôpitaux a lieu au cours de l'automne de l'année précédant l'exercice, en fonction d'un taux directeur qui, à l'avenir, devra tenir compte des objectifs de dépenses fixés par la loi de financement, d'autant plus que l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996, adoptée dans le cadre du « plan Juppé », vient de donner un caractère limitatif aux crédits hospitaliers.
La réponse à toutes ces interrogations réside probablement dans la normativité « spécifique » ou « différée » (votre rapporteur optant plutôt pour la formule de « normativité aléatoire » ) que reconnaît le Gouvernement aux lois de financement, notamment en ce qui concerne la fixation d'objectifs de dépenses devant servir de cadre obligatoire aux négociations nationales puis régionales.
Quoi qu'il en soit, ce raisonnement ne vaut que pour les objectifs de dépenses et incite d'autant plus à exclure que les lois de financement comportent trop de « cavaliers sociaux », car leur examen dans des délais impératifs, la priorité de saisine de l'Assemblée nationale et, le cas échéant, leur mise en vigueur par ordonnance constitueraient autant d'atteintes aux droits du Parlement, et en particulier à ceux du Sénat.