B. LE BILAN MITIGÉ DE DIX ANNÉES D'APPLICATION DE LA RÉGLEMENTATION EN VIGUEUR

Les informations manquent, malheureusement, pour établir un bilan précis et exhaustif de l'application du surloyer depuis 1986.

On peut cependant citer un rapport de juin 1994 ( ( * )3) de la Cour comptes qui, s'appuyant sur des chiffres provenant de l'Union nationale fédérations d'organismes HLM (UNHLM), estimait qu'en 1989, 46% organismes représentant 59 % des logements appliquaient un surloyer, ce mécanisme concernant 300.000 locataires sur les 900.000 dépassant le plafond.

Il résulte de cette enquête -qui porte sur 50 organismes- que 44 % des organismes contrôlés appliquent un surloyer, mais de façon très restrictive, avec un rapport variant entre 0.2 et 2.5 % de la masse des loyers. La Cour des comptes estime que « les organismes répugnent à pratiquer le surloyer, et, quand ils le font, les taux retenus ne sont pas suffisants pour inciter les locataires concernés à déménager et produire un supplément de recettes appréciable ».

Le Gouvernement évalue, quant à lui. à 55 % le pourcentage des organismes d'HLM axant instauré le surloyer, tout en observant que l'application de ce dispositif a été réalisée de façon très inégale. En 1991. il évaluait à 50 % le pourcentage des organismes mettant en oeuvre le supplément de loyer (75 % en Île-de-France). 10% des locataires de ces organismes l'acquittant pour un montant moyen de 190 francs par mois, soit environ 15% du loyer moyen pratiqué dans l'ensemble du parc concerné.

La ressource complémentaire tirée du surloyer par ces organismes peut être estimée à 400 millions de francs, soit moins de 1 % du montant total des loyers perçus.

Ces différentes informations montrent que le surloyer est appliqué très timidement par les organismes d'HLM, pour des raisons tenant à la fois au coût enquête élevé par rapport au gain financier, au niveau élevé des loyers PLA ou des loyers conventionnés et au souhait d'assurer une mixité et une solvabilité minimale des occupants. Au-delà, il faut souligner les difficultés que rencontrent des responsables locaux pour mettre en oeuvre une mesure forcément impopulaire dont l'instauration est davantage une décision d'ordre politique qu'un acte de gestion. Par ailleurs, il faut rappeler que l'insuffisance du parc locatif intermédiaire et le recul de l'accession sociale à la propriété ont rendu très problématique la sortie du parc locatif social des locataires dépassant les plafonds de ressources.

Enfin il faut relever que la faible revalorisation des plafonds de ressources donnant accès à un logement locatif social a mécaniquement amené de nombreux foyers à se retrouver au dessus de ces plafonds. Les chiffres avancés par l'UNHLM sont éclairant à cet égard. 11 apparaît, en effet, qu'entre 1980 et 1990 ces plafonds sont passés de 4,4 fois le SMIC à 2,3 fois et. qu'en francs constants, ils ont été augmentés de 42 % alors que les prix ont augmenté de 84 % pendant la même période. 11 en résulte, par exemple, qu'une famille avec deux enfants entrée en 1980 dans un logement HLM avec un revenu inférieur de 13 % plafonds, se retrouve, en 1992. 12% au dessus de ces plafonds avec un revenu identique. Il a. par ailleurs, été calculé en avril 1993 que les 23 % de locataires HLM dépassant alors les plafonds de ressources, n'auraient plus été que 3 % si ces plafonds avaient été normalement actualisés.

Le bilan d'application du surloyer apparaît donc à ce jour pour le moins mitigé. Le principe du surloyer se justifie pourtant. C'est donc bien le dispositif en lui-même qui mérite d'être réformé.

Plusieurs arguments plaident en faveur du principe du surloyer.

Le maintien dans les lieux de personnes dépassant les plafonds de ressources augmente les besoins de construction de logements locatifs sociaux, notamment dans les zones où le marché du logement est tendu.

Or, le logement social bénéficie d'un fort effort de solidarité nationale, qui doit être réservé à ceux dont les revenus sont les plus modestes, dans la mesure où il est nécessairement soumis à des contraintes budgétaires.

La construction de logements HLM bénéficie, en effet, d'importants crédits publics : chaque logement fait l'objet du versement d'une subvention d'environ 50.000 francs et d'un prêt à taux préférentiel (5,8 % sur 32 ans) adosse sur la ressource du Livret A. qui représente un avantage de l'ordre de 150.000 francs.

Dans ces conditions, on peut dire que les locataires dépassant les plafonds bénéficient d'une sorte de « rente de situation », souvent importante. On peut, à cet égard, citer un rapport de M. François Geindre, réalisé dans le cadre de la préparation du XIè plan ( ( * )4) , qui s'appuie sur une enquête déjà un peu ancienne (1988), mais dont les résultats n'en sont pas moins instructifs. Il indique que si les logements HLM étaient loués aux prix du marché, les organismes percevraient une recette supplémentaire de 23,3 milliards de francs, ce qui représenterait une hausse de loyer moyenne de 57 % par logement (+ 156 % en zone I bis, + 85% en zone I, + 51 % en zone II et + 26 % en zone III). Cette rente représenterait un peu plus de 5 milliards de francs pour les 22 % de locataires HLM dépassant les plafonds de ressources.

Dans ces conditions, il apparaît normal et équitable que des personnes qui dépassent de manière significative les plafonds HLM et qui, grâce à un effort de la collectivité, profitent d'un avantage non négligeable se voient demander un complément de loyer, que le présent projet de loi qualifie, à juste titre, de « supplément de loyer de solidarité ».

Le principe du surloyer est d'ailleurs largement admis. Lors des auditions auxquelles le rapporteur a procédé, seule une association de locataires s'est déclarée opposée aux surloyers.

C'est pourquoi, le présent projet de loi s'est inspiré de la proposition du rapport précité de M. François Geindre de « rendre le surloyer obligatoire de par la loi, tout en laissant une marge d'appréciation locale pour ses modalités d'application ».

* (3) Enquêtes sur le logement II Les organismes d'habitations à loyer modéré

* (4) « Le logement, une priorité pour le XIe plan ». François Geindre, janvier 1993

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page