ANNEXES

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 20 décembre 1995, sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission a procédé, sur le rapport de M. Jean-Pierre Tizon, à l'examen du projet de loi n° 105 (1995-1996) adopté par l'Assemblée nationale, relatif au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers.

M. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, a tout d'abord rappelé que le Sénat avait examiné au mois de juin dernier le projet de loi relatif aux services d'incendie et de secours, sur le rapport de M. René-Georges Laurin.

Après avoir rendu hommage à l'action des sapeurs-pompiers volontaires, le rapporteur a indiqué que la crise actuelle du volontariat des sapeurs-pompiers avait conduit le Gouvernement à préparer un projet de loi afin d'organiser leur disponibilité dans des conditions plus satisfaisantes. Il a précisé que ce texte avait, dans un premier temps, fait l'objet d'un vote négatif de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, mais qu'à la suite d'une seconde délibération de cette commission, il avait été adopté avec modifications par l'Assemblée nationale le 29 novembre.

Retraçant la situation actuelle des sapeurs-pompiers volontaires, au nombre de 203.000, soit plus de 85 % du nombre total des sapeurs-pompiers, M. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, a constaté qu'ils devaient faire face à des interventions de plus en plus nombreuses et diversifiées avec des effectifs en stagnation globale, très variables selon les départements, et bien moins importants que dans les pays voisins. Il a expliqué que cette évolution préoccupante, conjuguée à une réduction de la durée moyenne d'engagement, conduisait de nombreux centres de secours à fonctionner avec des effectifs inférieurs aux effectifs réglementaires.

Le rapporteur a relevé que les sapeurs-pompiers volontaires exerçaient très majoritairement une activité professionnelle et qu'ils éprouvaient de plus en plus de difficultés à concilier leur engagement avec leurs obligations professionnelles, ces difficultés étant accrues par l'éloignement croissant entre le lieu de résidence et le lieu de travail, ainsi que par la désertification rurale.

Il a ensuite noté qu'aucune disposition législative ne régissait aujourd'hui la situation des sapeurs-pompiers volontaires, à l'exception d'une loi du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service.

Le rapporteur a souligné que cette situation faisait apparaître la nécessité et l'urgence de doter les sapeurs-pompiers volontaires d'un statut législatif adapté. Il a estimé que le projet de loi soumis au Sénat constituait une première réponse à la crise actuelle du volontariat.

Présentant ensuite les principales dispositions de ce texte, M. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, a indiqué qu'au-delà de la reconnaissance des missions accomplies par les sapeurs-pompiers volontaires, ce texte comportait deux volets essentiels : le premier concernant l'organisation de leur disponibilité et le second consacrant leur droit à percevoir des vacations horaires et, après la cessation de leur activité, une allocation de vétérance.

S'agissant de la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires, le rapporteur a précisé que le projet de loi reconnaissait le droit du sapeur-pompier volontaire à s'absenter de son travail pour des missions opérationnelles ou de formation et le faisait bénéficier d'un certain nombre de mesures protectrices, tout en ajoutant que les modalités de l'organisation de la disponibilité pourraient être précisées dans le cadre d'une convention conclue entre l'employeur et le service départemental d'incendie et de secours (SDIS). Le rapporteur a en outre expliqué que l'Assemblée nationale avait cherché à assouplir le régime des autorisations d'absence en prévoyant l'institution d'un seuil fixé par décret en Conseil d'État, en-deçà duquel les autorisations d'absence ne pourraient être refusées et au-delà duquel elles seraient soumises à un accord de l'employeur et pourraient faire l'objet d'une compensation financière dans des conditions prévues par convention.

M. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, a également précisé qu'en contrepartie de la reconnaissance du droit d'absence des sapeurs-pompiers volontaires, certaines compensations étaient prévues en faveur des employeurs, à savoir une subrogation dans la perception des vacations en cas de maintien de la rémunération, une prise en compte de cette rémunération au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle, ainsi que des abattements sur leurs primes d'assurance-incendie (cette dernière disposition résultant d'une initiative de l'Assemblée nationale).

S'agissant de la reconnaissance du droit des sapeurs-pompiers volontaires à percevoir des vacations horaires et une allocation de vétérance, M. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, a indiqué que le projet de loi prévoyait la généralisation du versement de l'allocation de vétérance aux sapeurs-pompiers volontaires ayant atteint la limite d'âge de leur grade, après avoir effectué au moins vingt ans de services, afin de marquer la reconnaissance par la Nation des services rendus par les sapeurs-pompiers volontaires, tout en remédiant à la très grande disparité des pratiques actuelles et en clarifiant les conditions de financement de l'allocation.

Il a précisé que cette allocation serait désormais divisée en deux parts : une part forfaitaire financée par les contributions des autorités d'emploi, et une part variable modulée en fonction des services accomplis et financée pour la moitié au moins par les contributions des autorités d'emploi et, pour le surplus, par les contributions des sapeurs-pompiers volontaires en activité, prélevées sur les vacations.

Le rapporteur a toutefois expliqué que l'Assemblée nationale avait cherché à atténuer la charge financière qui pourrait résulter de la généralisation de cette allocation pour certaines collectivités, en limitant son versement à la seule part forfaitaire pour les sapeurs-pompiers volontaires ayant déjà cessé leur activité, et en reportant son entrée en vigueur au 1er janvier 1998.

Il a enfin noté que le projet de loi prévoyait la création d'une allocation de réversion au profit des veuves de sapeurs-pompiers volontaires décédés en service et comprenait en outre un certain nombre de dispositions diverses.

A l'issue de cet exposé, M. Michel Dreyfus-Schmidt a questionné le rapporteur sur les mesures prévues en faveur des sapeurs-pompiers volontaires dans les autres pays européens. Il s'est demandé si ces comparaisons internationales faisaient apparaître une relation entre le montant des primes versées aux sapeurs-pompiers volontaires et l'importance du volontariat.

M. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, a alors fourni à la commission quelques données statistiques concernant les effectifs respectifs de sapeurs-pompiers volontaires et de sapeurs-pompiers professionnels dans différents départements français ainsi que dans d'autres pays européens.

M. André Bohl a indiqué que le champ des missions des sapeurs-pompiers volontaires était variable selon les pays, précisant que par exemple dans la Sarre les compétences des sapeurs-pompiers étaient limitées à la lutte contre les incendies et qu'ils ne percevaient pas de vacations.

M. Jean-Jacques Hyest a, pour sa part, souhaité que ce projet de loi ne décourage pas les entreprises, en instituant des contraintes supplémentaires, d'embaucher des sapeurs-pompiers volontaires.

Il a estimé que la crise du volontariat ne s'expliquait pas uniquement par le problème de l'organisation de la disponibilité, mais également par une certaine désaffection à l'égard du bénévolat. Il a par ailleurs souligné les difficultés, en zones urbaines, d'organisation des gardes, liées à la distance croissante entre la résidence et le lieu de travail des sapeurs-pompiers volontaires. Il a considéré que les formations devaient être organisées prioritairement en fin de semaine, afin de ne pas gêner le fonctionnement des entreprises.

Il a enfin rappelé que ce texte était lié au projet de loi relatif aux services d'incendie et de secours, déjà examiné en première lecture par le Sénat.

M. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, a approuvé les propos tenus par M. Jean-Jacques Hyest, considérant lui aussi que le bénévolat était aujourd'hui en voie de disparition.

Il a estimé que la possibilité d'une subrogation dans la perception des vacations constituait une mesure intéressante, quoique modeste, pour les entreprises. Il a souligné la nécessité d'encourager le volontariat, rappelant le coût très élevé d'une professionnalisation généralisée des sapeurs-pompiers.

M. Daniel Hoeffel a estimé que les intentions du projet de loi étaient louables. Il a cependant craint qu'en instituant des dispositions trop contraignantes, on parvienne à un résultat contraire à celui qui était recherché. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'uniformisation proposée, considérant qu'elle risquait de transformer la nature de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires en le faisant dériver dans le sens du professionnalisme, au détriment de l'engagement civique. Enfin, il a marqué l'importance de la charge financière qui, pour les collectivités locales, s'ajouterait à celle de la départementalisation prévue par le projet de loi sur les services d'incendie et de secours.

M. Jacques Larché, président, a alors souligné que la décentralisation avait pour conséquence inévitable une grande diversité des situations locales dans les départements. Il s'est par ailleurs interrogé sur le bien-fondé de l'accroissement des dépenses des collectivités locales qui pourrait résulter de ce projet de loi.

M. François Giacobbi a également émis quelques réserves devant la perspective de la mise en place d'un cadre unique pour régir la situation des sapeurs-pompiers volontaires. Il a souhaité que l'on n'aboutisse pas à créer un corps de «  fonctionnaires camouflés  » et que le sens civique reste la motivation principale de l'engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire.

M. Jean-Claude Peyronnet a souligné le paradoxe de la décentralisation de l'organisation des services d'incendie et de secours, l'État restant maître d'oeuvre sur le plan opérationnel alors que le financement était assuré par les collectivités locales.

Il s'est déclaré favorable aux mesures prévues par le projet de loi, tout en notant le risque d'un alourdissement des charges financières des collectivités locales.

M. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, a alors indiqué que le montant de l'allocation de vétérance était actuellement extrêmement variable selon les départements. Il a en outre fait part à la commission d'une évaluation effectuée par le ministère de l'intérieur, selon laquelle le coût supplémentaire global de la généralisation de l'allocation de vétérance se limiterait à une trentaine de millions de francs pour les collectivités locales.

M. Charles Jolibois a pour sa part approuvé les propos tenus par M. Jean-Jacques Hyest et M. Daniel Hoeffel.

M. René-Georges Laurin a souligné que ce projet de loi répondait à une vive attente des sapeurs-pompiers volontaires. Il a estimé que beaucoup d'entre eux espéraient en fait évoluer vers le professionnalisme et il s'est déclaré préoccupé par cette déviation du bénévolat. Enfin, il a considéré que la mission essentielle des sapeurs-pompiers était de lutter contre les incendies et non de procéder à des opérations de secours médical.

M. François Blaizot a également constaté que ce projet de loi était très attendu par les sapeurs-pompiers volontaires. Il a cependant mis l'accent sur les importantes transformations ayant affecté les corps de sapeurs-pompiers volontaires du fait de la désaffection à l'égard du bénévolat. Il a par ailleurs regretté que les frais d'intervention des sapeurs-pompiers pour secourir les victimes des accidents de la route ne puissent pas être remboursés par les assurances.

M. Robert Pagès s'est déclaré favorable à l'encouragement du civisme recherché par ce projet de loi, soulignant par ailleurs la technicité croissante des missions des sapeurs-pompiers, appelés à faire face à des exigences de plus en plus importantes de la population. Tout en approuvant le dédommagement matériel des sapeurs-pompiers, particulièrement appréciable pour les chômeurs, il a souhaité que l'État prenne en charge les dépenses nouvelles.

M. Christian Bonnet a indiqué qu'il déposerait un amendement tendant à supprimer la limitation du nombre des sapeurs-pompiers auxiliaires à 10 % des sapeurs-pompiers professionnels. Il a par ailleurs souligné les difficultés actuelles de recrutement des sapeurs-pompiers volontaires et les réticences des entreprises à embaucher des sapeurs-pompiers.

Enfin, M. Germain Authié a constaté le coût croissant du financement des secours pour les collectivités locales, tout particulièrement en ce qui concerne les secours en montagne et la lutte contre les incendies de forêt. Il a regretté qu'il soit extrêmement difficile d'obtenir le remboursement de ces frais par les compagnies d'assurance.

La commission a alors procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.

A l'article 2 (programmation des gardes), la commission a adopté un amendement tendant à prévoir que la programmation des gardes serait systématiquement communiquée aux employeurs de sapeurs-pompiers volontaires, sans qu'ils soient obligés d'en faire la demande.

A l'article 3 (autorisations d'absence), elle a adopté un amendement précisant que les actions de formation n'ouvriraient droit à autorisation d'absence que dans la limite de la durée minimale fixée à l'article 5.

Elle a également adopté un amendement tendant à rétablir le principe -qui figurait initialement dans le projet de loi - selon lequel les autorisations d'absence ne pourraient être refusées que pour des raisons tenant aux nécessités de fonctionnement de l'entreprise ou du service public, tout en prévoyant la possibilité de déroger à ce principe en fixant un seuil par la voie conventionnelle.

M. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, a en effet expliqué que la rédaction retenue par l'Assemblée nationale pour l'article 3 était susceptible d'entraîner des contraintes importantes pour les employeurs qui ne pourraient en aucun cas s'opposer aux absences du sapeur-pompier volontaire en-dessous d'un seuil fixé par décret en Conseil d'État, et que l'amendement proposé avait pour objet de remédier à cet inconvénient. Cette proposition a recueilli l'approbation de M. Jean-Jacques Hyest et de M. Patrice Gélard, qui s'est déclaré opposé à l'intervention du Conseil d'État.

A l'article 5 (durée de la formation), la commission a adopté un amendement tendant à fixer la durée minimale de la formation à trente jours répartis au cours des trois premières années, dont au moins dix jours pour la première année, et cinq jours par an au-delà.

MM. Daniel Hoeffel et Jacques Larché, président, s'étant interrogés sur la durée envisagée pour la formation, M. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, a fait observer que la technicité des interventions exigeait des connaissances spécifiques

La commission a également adopté un amendement prévoyant l'information préalable des employeurs sur les actions de formation envisagées.

Après avoir entendu les observations de MM. Patrice Gélard, Christian Bonnet, Jean-Jacques Hyest, Germain Authié et Jean-Pierre Tizon, rapporteur, au sujet des appelés effectuant leur service national en tant que sapeurs-pompiers auxiliaires, la commission a en outre adopté un amendement rédactionnel, à l'initiative de M. Patrice Gélard.

A propos de l'article 6, prévoyant l'assimilation des absences à un temps de travail effectif, M. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, a souligné que cette disposition, qui suscitait des difficultés d'application pour les élus locaux, ne pouvait être étendue aux sapeurs-pompiers volontaires sans que soient prévues des dispositions réglementaires d'application précises. Il a émis le souhait que le ministre de l'intérieur donne en séance publique des indications précises sur ce point.

A l'article 8 (subrogation dans le droit à percevoir les vacations), la commission a adopté un amendement précisant que, à l'instar de celles perçues par les sapeurs-pompiers volontaires, les vacations versées aux employeurs seraient exonérées de tout impôt ou prélèvement social.

A l'article 9 (situation des sapeurs-pompiers volontaires au regard du financement de la formation professionnelle), elle a adopté un amendement prévoyant que les frais de formation des sapeurs-pompiers volontaires travailleurs indépendants ou membres des professions libérales et des professions non salariées, seraient pris en charge par les organismes auxquels sont versées leurs contributions au financement de la formation professionnelle.

Abordant l'article 10 bis (abattements sur les primes d'assurances dues par les employeurs), M. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, a expliqué que le dispositif prévu par l'Assemblée nationale apparaissait difficilement applicable car il constituait une atteinte à la liberté contractuelle des entreprises d'assurance, sans que sa justification technique soit évidente, d'autant qu'il risquait d'accorder un avantage excessif aux grandes entreprises.

En conséquence, il a proposé de renvoyer à une convention nationale conclue, sous l'égide des pouvoirs publics, entre les organisations représentant les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires et les entreprises d'assurance le soin de déterminer les conditions dans lesquelles serait prise en compte la contribution des sapeurs-pompiers volontaires à la prévention des risques.

Cette proposition a suscité un débat auquel ont participé MM. Jacques Larché, président, Jean-Jacques Hyest, Germain Authié, Jean-Claude Peyronnet et Patrice Gélard.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa décision sur cet article, en confiant au rapporteur la mise au point d'une nouvelle rédaction qui serait examinée lors de la réunion consacrée aux amendements extérieurs.

A l'article 10 ter (conventions entre les installations classées et le service départemental d'incendie et de secours (SDIS), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 12 (allocation de vétérance), la commission a adopté trois amendements tendant respectivement à préciser que le montant de la part variable ne pourrait excéder celui de la part forfaitaire, que la part variable serait modulée, compte tenu des services accomplis par le sapeur-pompier volontaire, suivant des critères de calcul définis par décret, et que l'allocation de vétérance serait cumulable avec tout autre revenu ou prestation sociale.

A l'article 13 (allocation de vétérance de réversion), la commission a adopté un amendement tendant, de même, à préciser que l'allocation de réversion serait cumulable avec tout autre revenu ou prestation sociale.

Après les observations de MM. Jean-Pierre Tizon, rapporteur, Jean-Claude Peyronnet et Germain Authié, elle a adopté l' article 14 sans modification.

A l'article 16 A (service national de sécurité civile pour les sapeurs-pompiers volontaires), la commission a adopté un amendement tendant à conférer une priorité d'accès à un service de sécurité civile en faveur des appelés qui ont déjà accompli plus d'une année dans un corps de sapeurs-pompiers volontaires.

Enfin, la commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle à l'article 16 (situation des sapeurs-pompiers volontaires ayant déjà cessé leur activité), ainsi qu'un amendement de cohérence à l' article 16 bis (entrée en vigueur de la loi).

Elle a alors approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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