II. LA PROGRESSION DES INVESTISSEMENTS RESTE CONDITIONNÉE À UN ENGAGEMENT PLUS RÉSOLU DE LA ROUMANIE SUR LA VOIE DE L'ÉCONOMIE DE MARCHÉ
A. LA STABILISATION ÉCONOMIQUE NE S'EST PAS ENCORE ACCOMPAGNÉE DES RÉFORMES DE STRUCTURES SUFFISANTES
1. Une politique de rigueur
A la suite des recommandations faites par le Fonds monétaire international (FMI), dans le cadre du mémorandum négocié et signé à la fin de l'année 93 avec la Roumanie, ce pays s'est engagé dans une politique de rigueur qui porte aujourd'hui ses fruits.
La fin de l'année 1993 marque un tournant par rapport au relatif laxisme qui prévalait dans les domaines de la politique budgétaire et de la politique monétaire.
a) Une meilleure maîtrise des dépenses et recettes budgétaires
Après la chute du régime de Ceaucescu, la Roumanie avait privilégié une transition douce vers l'économie de marché. En particulier, les complexes industriels continuaient à bénéficier de subventions de l'Etat. Cette aide destinée à compenser les pertes de parts de marché a permis de limiter la progression du chômage. Cependant, elle a retardé l'adaptation pourtant inéluctable des structures industrielles. Par ailleurs, conjuguée au maintien de subventions à la consommation allouées aux ménages, l'augmentation des subventions aux entreprises a également déséquilibré le solde du budget de l'Etat, caractérisé pourtant au cours des années 80 par un excédent traditionnel lié à une politique d'austérité intérieure.
A partir de 1993 toutefois, le gouvernement roumain a décidé de mieux contrôler les dépenses publiques. Parallèlement, l'élargissement de la base fiscale, la mise en place de nouveaux impôts (et notamment l'introduction de la TVA en juillet 1993) ont favorisé une amélioration des recettes fiscales. Ainsi le déficit budgétaire a pu être réduit à 3,5% du PIB en 1994.
b) Une politique monétaire sous contrôle
Des taux d'intérêt inférieurs à ceux de l'inflation, un endettement excessif des entreprises auprès du système bancaire, tels sont les deux termes d'une logique inflationniste qui, encouragée par le laxisme des autorités monétaires, a porté la hausse des prix entre 1990 et 1993 bien au dessus des taux d'inflation des autres pays d'Europe centrale et orientale.
Le souci de ne pas se couper des circuits financiers internationaux a toutefois obligé la Roumanie à composer avec les orientations fixées par le Fonds monétaire international (FMI). Ce retour à l'orthodoxie monétaire s'est manifesté d'une part par un relèvement du taux de base de la Banque nationale de Roumanie (immédiatement répercuté sur le taux prêteur des banques commerciales) et, d'autre part, par une réglementation plus stricte des réserves obligatoires constituées par les banques.
Ces mesures ont permis de ramener le taux d'inflation de 300% en 1993 à 60% en 1994 et sans doute 30 % en 1995 et de rétablir la confiance des Roumains dans leur monnaie, le leu. En conséquence, la demande de dollars considérés comme la monnaie refuge a diminué : le leu a pu ainsi se redresser face à la devise américaine.
Le retour de la confiance a permis aux autorités monétaires de s'en remettre au marché des changes interbancaire pour déterminer le taux de change, sans que cette mesure se traduise par une dépréciation du leu.
c) L'encouragement de la communauté internationale
Ses efforts ont permis en premier lieu à la Roumanie de bénéficier de nouveau des financements internationaux. D'avril 1994 à fin 1995, les organisations de Bretton Woods ainsi que le groupe des 24 pays les plus industrialisés auront prêté 2 milliards de dollars. L'endettement extérieur s'élève à 6,4 milliards de dollars en 1995. Il reste très en deçà du niveau atteint par les autres pays d'Europe centrale et orientale.
En second lieu, les exportations de la Roumanie ont su tirer parti, d'une part, de la signature de l'accord d'association commerciale avec la Communauté et, d'autre part, de la reconduction par les Etats-Unis de la clause de la nation la plus favorisée au profit de la Roumanie. Cette double ouverture a stimulé les exportations roumaines en direction des pays de l'Union européenne (+ 42% entre 1993 et 1994), et surtout des Etats-Unis (un triplement sur cette même période). Dès lors, la réduction de moitié du déficit de la balance commerciale entre 1993 et 1994 (de - 1 630 à - 858 millions de dollars) s'est accompagnée d'une profonde réorientation des échanges vers l'Ouest (qui représentent désormais 55,6% des exportations et 63,4% des importations roumaines - 80% du total de ces échanges concernant les pays de l'Union européenne). Les échanges des pays d'Europe centrale et orientale et de la Russie n'intéressent plus que 19% des exportations et 24,5 % des importations roumaines, après avoir représenté la moitié du commerce extérieur roumain.
Conjuguée à l'ouverture vers l'Ouest, la politique de rigueur a commencé à produire ses premiers résultats. Ainsi en 1994 le PIB aura progressé de 3,4%.
Le taux de chômage reste contenu à 11% de la population active après avoir augmenté de façon inquiétante en 1991 et 1992.
2. Les réformes de structure marquent le pas
Sans doute, à la fin de l'année 1994, 864 entreprises sur 6 500 sociétés commerciales privatisables aux termes de la loi sur la grande privatisation (1991) ont-elles été transférées au secteur privé. Celui-ci ne concerne cependant que 35% du PIB (contre 65% en République tchèque, 55% en Hongrie, Pologne et République slovaque et 40% pour la Bulgarie). Le processus apparaît ainsi loin d'être achevé. En 1995 les autorités roumaines devaient procéder à la transformation des certificats de propriété, distribués gratuitement à la population en 1992, en actions nominatives concernant plus de 3 000 entreprises.
Par ailleurs, le cadre juridique indispensable au développement d'une économie de marché tarde à se mettre en place malgré l'adoption d'une loi sur la faillite, d'une loi sur la concurrence, d'une loi sur la propriété intellectuelle.
Le FMI et la Banque mondiale n'ont pas manqué de relever ces retards, imputables en partie à la mauvaise volonté du parlement roumain, et ont menacé de suspendre le versement de certains prêts.
B. UNE PRÉSENCE ÉCONOMIQUE FRANÇAISE ENCORE MESURÉE
1. Un rééquilibrage des échanges commerciaux en faveur de la Roumanie
L'excédent de nos échanges avec la Roumanie en 1992 (+ 1,5 milliards de francs) et en 1993 (1 milliard de francs) s'expliquait principalement par la livraison d'Airbus et de fourniture de céréales. En 1994, les exportations françaises se sont contractées de 26,5% (1,91 milliards de francs) alors que nos achats en Roumanie ont progressé de 16,1% (1,81 milliard de francs).
La France se classe ainsi au 5ème rang des fournisseurs de la Roumanie (derrière l'Allemagne, l'Italie, la Russie et les Etats-Unis) et au troisième rang de ses clients (derrière l'Allemagne et l'Italie).
D'après les informations fournies par le ministère des affaires étrangères, les principaux contrats en cours concernent Alcatel, de Dietrich, Feal, Bouygues. Par ailleurs, à la suite des appels d'offres lancés par la Banque mondiale, GEC-Alsthom Energie a été choisi pour la réhabilitation du réseau routier.
Enfin, parmi les contrats en projet, certains concernent le secteur militaire (vente d'ATR42 et 72 par la société ATR, de deux Falcon par Dassault, de missiles par Matra).
2. Le développement de la coopération bilatérale
Dans le domaine économique, la France prête son concours à la Roumanie principalement sous trois formes :
- le programme de coopération conduit avec le ministère roumain des finances et la Banque nationale concernant le plan comptable, les statistiques, la fiscalité ;
- la présence d'experts français pour assister la mise en oeuvre du fonds de la propriété privée de Craiova ;
- l'octroi d'aides financières, en 1994, dans le cadre du fonds des pays de l'Est au profit de plusieurs projets dans le domaine agricole (filière avicole et filière sucrière) et touristique (développement de la station de sports d'hiver de Sinaïa).
3. Les investisseurs français encore réticents
Les Français continuent d'occuper la quatrième position parmi les investisseurs étrangers en Roumanie. Au total, les investissements extérieurs en Roumanie ont dépassé le seuil du milliard de francs et s'élevaient en 1995 à 1,3 milliard de francs. Une importante promesse d'investissement de l'entreprise coréenne DAEWOO dans l'usine d'automobiles de Craiova a permis de classer en 1994 la Corée du Sud au premier rang des investisseurs étrangers, avec 158 millions de dollars investis, devant les Etats-Unis (111 millions de dollars), l'Allemagne (109 millions de dollars) et enfin la France (108 millions de dollars).
Les investissements français ont pour leur part surtout porté sur le bâtiment et l'hôtellerie (Centre d'affaires international-Sofitel construit par Bouygues, rénovation de l'hôtel Athénée-Palace par Feal International), les télécommunications (production de centraux téléphoniques par Alcatel, transport de données par Transpac), la métallurgie (groupe Genoyer Vilmar), le transport ferroviaire (société mixte avec GEC-Alsthom transport et Faur). Depuis 1994, plusieurs entreprises se sont installées en Roumanie : Compagnie générale des eaux, Schlumberger pétrole, Schlumberger compteurs, Salomon, Parizot...
Les Roumains regrettent souvent la timidité manifestée par les Français à l'endroit de la Roumanie. La lenteur du processus de privatisation, les difficultés pratiques rencontrées par certains investisseurs alors même que le dispositif législatif paraît plutôt favorable, expliquent sans doute les réticences de nos compatriotes.
Deux exemples témoignent ainsi des obstacles plus pratiques que juridiques qui entravent le développement de nos investissements.
Les autorités de tutelle n'ont toujours pas permis à l'entreprise roumaine OTELINOX de s'associer avec Ugine, qui comptait investir 20 millions de dollars dans les laminages à froid de tôles inoxydables.
De même, la décision des Sucreries de Corbeille, à la suite des actions d'assistance et de modernisation de la filière betteraves à sucre conduites par la France, d'investir dans l'une des principales sociétés roumaines dans ce secteur, la sucrerie d'Urziceni, reste suspendue à la décision du ministère de l'économie roumaine de débloquer le problème des dettes accumulées par cette entreprise.
La façon dont ces deux dossiers seront résolus par les pouvoirs publics constituera certainement un signal fort pour nos entreprises.
Les investissements étrangers sont aujourd'hui soumis aux cinq principes suivants :
- taux d'imposition sur les bénéfices de 38 % (25 % pour les sociétés agricoles) ;
- rapatriement des bénéfices sans limite après paiement de l'impôt sur les bénéfices ;
- retenue à la source de 10 % pour tout transfert de dividendes ;
- exonération des droits de douane à l'importation de matériels, équipements représentant un apport en nature dans le capital ou un acquis par le numéraire ;
- exonération pendant deux ans des droits de douane sur l'importation de biens consommables.
Par ailleurs tous les investisseurs étrangers doivent prendre contact avec l'Agence roumaine de développement qui centralise les dossiers et en assure le suivi.