CHAPITRE PREMIER LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES COMPTES SPÉCIAUX POUR 1996
L'an prochain, et après les modifications votées par l'Assemblée nationale, les 44 comptes spéciaux du Trésor du budget de l'État peuvent se résumer en trois données essentielles :
- une prévision de recettes représentant globalement 423,1 milliards de francs ;
- une estimation de dépenses égale à 434,2 milliards de francs ;
- une charge nette de 10,7 milliards de francs qui correspond à 3,72 % du déficit prévisionnel de l'État.
On notera d'emblée que les deux premières données diffèrent sensiblement des chiffres figurant dans le tableau d'équilibre de la loi de finances. On retrouve ainsi des singularités des comptes spéciaux. L'écart provient en effet des comptes de commerce, qui font l'objet de prévisions purement indicatives mentionnées dans le fascicule budgétaire, mais sur lesquelles le Parlement n'a pas à se prononcer.
Au-delà de ce constat, la comparaison entre les données retenues pour 1996 et celles figurant dans la loi de finances initiale de 1995 s'avère cependant extrêmement délicate, compte tenu des ajustements importants opérés par le collectif budgétaire du 4 août dernier.
En effet, à cette occasion :
- la totalité des recettes tirées des privatisations a été orientée vers les comptes d'affectation spéciale, suscitant un fort gonflement du volume des opérations transitant par ces structures ;
- deux nouveaux comptes ont été ouverts ayant respectivement pour objet d'isoler la part du produit des privatisations consacrée au désendettement de l'État et de participer au financement de la réforme de l'accession à la propriété ;
- deux ajustements significatifs ont permis d'actualiser les prévisions de recettes du compte d'avances aux collectivités locales et les évaluations de dépenses du compte de prêts pour la consolidation de dettes envers la France.
Le tableau suivant met en évidence les perturbations que suscitent ces modifications dans l'analyse des flux transitant par les comptes spéciaux.
Appréciées en terme de charge nette, les inflexions liées au collectif sont également sensibles et se traduisent de la manière suivante :
Décomposition de la charge nette des comptes spéciaux
Votre rapporteur se propose donc de retenir le collectif comme référence. Sur cette base, les données des comptes spéciaux pour 1996 se caractérisent par trois grandes tendances :
- un dégonflement global du volume des comptes d'affectation spéciale, mouvement qui traduit essentiellement le ralentissement du programme de privatisation, et qui masque des progressions sensibles dans d'autres domaines ;
- une lente dérive des comptes d'avances, en dépit des mesures de correction prises en matière de plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée ;
- une réduction significative de la charge nette des comptes de prêts, qui permet d'atténuer de façon sensible le poids global des comptes spéciaux dans l'ensemble du déficit de l'État.
I. UN DÉGONFLEMENT SENSIBLE DU VOLUME DES COMPTES D'AFFECTATION SPÉCIALE
Globalement, les flux qui transitent par ces 18 comptes totalisent 44,7 milliards de francs en recettes et 44,6 milliards de francs en dépenses, marquant ainsi une décroissance de 26,7 % par rapport au collectif d'août 1995.
Ce repli traduit toutefois exclusivement un ralentissement du programme de privatisation qui se répercute mécaniquement sur les sommes encaissées par les deux comptes d'affectation spéciale directement concernés. En revanche, les 16 autres structures enregistrent une progression de 7,7 % du volume de leurs opérations.
A. UN RALENTISSEMENT DU PROGRAMME DE PRIVATISATION QUI S'ACCOMPAGNE D'UN RENFORCEMENT DES DOTATIONS EN CAPITAL AUX ENTREPRISES DU SECTEUR PUBLIC
1. Des réalisations décevantes pour 1995
Initialement estimé à 55 milliards de francs, le montant attendu des privatisations pour l'année en cours a déjà été ramené à 40 milliards de francs à l'occasion du collectif.
Or, il est désormais probable que cette prévision rectifiée ne sera sans doute pas réalisée. Résultat de la vente de la SEITA (février 1995) et d'Usinor Sacilor (juillet 1995), les recettes effectivement perçues à ce jour s'élèvent en effet à 17,4 milliards de francs. Actuellement en cours, la privatisation de Péchiney va certes permettre de franchir une nouvelle étape, mais dans l'ensemble, l'objectif affiché reste hors d'atteinte dans le délai prévu.
En dépit de ce contexte morose, l'État reste en mesure de mobiliser les 14,5 milliards destinés aux dotations en capital aux entreprises publiques.
Jusqu'à présent, 5,5 milliards de francs ont déjà été versés, dont 5 milliards au titre des engagements pris à l'égard d'Air France. Le solde devrait être consacré à la recapitalisation de la Compagnie générale maritime et aux apports en faveur des structures de cantonnement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs.
En revanche, l'ajustement s'opère sur les sommes affectées au désendettement de l'État. Alors que le collectif retenait, à ce titre, une prévision de 25,5 milliards de francs, le montant déjà consacré aux opérations de ce type n'excède pas 3 milliards de francs, et le montant final reste conditionné par le succès des opérations de privatisation conduites d'ici à la fin de l'année.
2. Une prévision prudente pour 1996
Le projet de loi de finances pour 1996 tire toutes les conséquences de cette évolution récente et ramène à 22 milliards de francs le produit attendu des privatisations pour l'année à venir. Par rapport au collectif, ce recul atteint donc 45 %
Interrogé sur les opérations susceptibles d'être réalisées l'an prochain, le ministère de l'économie et des finances a fourni à votre rapporteur spécial les éléments d'information suivants.
Les opérations de marché envisagées pour la fin 1995 et l'année 1996 sont les suivantes :
-A la suite du décret 95-841 du 17 juillet 1995. la privatisation de Péchiney est en préparation ainsi que celle de Renault (une première opération d'ouverture du capital avait eu lieu en novembre 1994). Ces deux opérations auront lieu lorsque les conditions de marché le permettront.
- -L'ouverture du capital de la CNP prévue à la fin de 1994 est techniquement envisageable au dernier trimestre 1995.
D'autres opérations pourraient être lancées d'ici la fin de l'année 1996 :
- La privatisation des AGF, prévue initialement à l'automne 1994, reste conditionnée à un redressement des cours de bourse.
- La privatisation du groupe Thomson pourrait être envisagée à partir du printemps 1996.
Les opérations de gré à gré :
- -La cession des parts détenues par les AGF, le Consortium de réalisation et la Caisse des dépôts et consignations dans le capital de la BFCE devrait être effectuée à l'automne 1995.
- Dans le secteur de l'audiovisuel, la cession de RMC, filiale de la SOFIRAD, pourrait avoir lieu d'ici la fin de l'année 1995.
- Deux autres opérations de ce type sont à un stade moins avancé : la privatisation de la CGM dont le transfert au secteur privé a été décidé par le décret 95-841 du 17 juillet 1995 et l'adossement de la Société Marseillaise de Crédit à un partenaire financier.
- La privatisation de la banque Hervet pourrait également être envisagée courant 1996.
Conformément à la décision de principe arrêtée à l'occasion du collectif, la totalité de ce produit figure désormais en recettes des comptes spéciaux et sera répartie entre deux structures selon la "clé" fixée par l'article 23 du projet de loi de finances.
•
En conséquence, 16,5 milliards de
francs seront orientés par priorité vers le compte n° 902-24
afin de pourvoir aux besoins en fonds propres des entreprises
publiques.
Excédent de 13,7 % celle figurant dans le collectif et représentant le double du montant initialement prévu pour 1995, cette somme consacre donc un nouvel et important effort de l'État à l'égard des entreprises dont il reste actionnaire.
Elle devrait ainsi permettre :
- d'opérer un dernier versement de 5 milliards de francs au bénéfice d'Air France, conformément aux engagements pris lors du plan de restructuration de cette entreprise ;
- le cas échéant, de consolider les fonds propres de certaines entreprises en voie de privatisation, lorsque cet apport complémentaire s'avère nécessaire pour qu'une restitution au secteur privé s'effectue dans de bonnes conditions (cas de la Société marseillaise de crédit et de la Compagnie générale maritime notamment) ;
- enfin, de recapitaliser les entreprises publiques des secteurs de l'armement et de l'aéronautique, telles la SNECMA, GIAT Industries ou l'Aérospatiale et qui présentent une situation nette particulièrement fragile du fait des pertes accumulées au cours des dernières années.
• En revanche, les sommes affectées
au compte 902-27 en vue de participer au désendettement de l'État
reviennent à 5,5 milliards de francs.
Ce chiffre contraste donc de façon assez sensible avec la prévision de 25,5 milliards de francs retenue pour l'année en cours. Toutefois, il est sans nul doute beaucoup plus réaliste, et pourra toujours être majoré en cours de gestion, si les conditions du marché boursier permettent de dépasser l'objectif retenu en terme de produit des privatisations.
B. LES AUTRES COMPTES D'AFFECTATION SPÉCIALE : QUELQUES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES SOUVENT LIÉES À DES ADAPTATIONS DE TAXE
Dans l'ensemble, les 16 autres comptes d'affectation spéciale totalisent 22,6 milliards de francs, enregistrant ainsi une progression de 7,7 % par rapport à l'année en cours.
1. Une évolution dictée par trois comptes
•
Le fonds d'investissement des transports
terrestres et des voies navigables est majoré de 50
% pour
atteindre 3,05 milliards de francs. Cette évolution traduit les
conséquences de l'article 28 du projet de loi de finances qui propose de
doubler le taux de la taxe sur les concessionnaires d'autoroutes, et de la
porter ainsi à 4 centimes par kilomètres parcourus. Cet apport
complémentaire est consacré par priorité aux
investissements routiers, pour lesquels une enveloppe de 1,65 milliards de
francs en autorisations de programme est prévue (+121 %).
Parallèlement, la part attribuée aux transports ferroviaires
s'établit à 1,12 milliard (+ 14 %) tandis que celle des voies
navigables se stabilise à 276 millions (+ 2,6 %).
ï Le fonds des haras et des activités hippiques augmente de 19,7 % en raison de l'application du protocole "course" de 1992 et de ses avenants. Financée par l'orientation, vers le compte, de l'intégralité de la part du prélèvement PMU jusqu'alors attribuée au Budget général, cette application se concrétise par une majoration de 34 % de la subvention versée au Fonds commun de l'élevage et des courses, qui atteindra ainsi 573,8 millions l'an prochain. En revanche, les moyens de fonctionnement et d'intervention du service des haras reviennent à 269 millions de francs, accusant ainsi une baisse de 2,4 %.
ï Estimées à 11,4 milliards de francs, les recettes du compte d'emploi de la redevance progressent de 4,9 %, grâce à un relèvement de 4,4 % du tarif de cette taxe parafiscale. En conséquence, les versements aux sociétés audiovisuelles du secteur public s'élèvent à 10,9 milliards de francs (+4,9%), tandis que les frais de gestion du service de la redevance (480 millions de francs) augmentent de 4,3 % sous l'effet des charges de personnel et des frais d'affranchissement.
2. Des ajustements liés au contexte économique
ï Les moyens du fonds de péréquation des transports aériens reviennent à 115 millions de francs (- 23 %), l'article 27 du projet de loi proposant en effet de réduire d'un quart le taux de la taxe due par les entreprises de transport public aérien. Créé en 1995, ce compte connaît en effet un démarrage lent, il est probable que l'essentiel des crédits ouverts au titre de l'année en cours seront, en fait, reportés sur l'exercice suivant.
ï Les recettes du fonds de soutien aux hydrocarbures sont estimées à 280 millions de francs, soit un chiffre inférieur de 7 % aux prévisions initiales de 1995, mais toutefois plus conforme aux encaissements réellement constatés, dans le passé récent. Dans le même temps, l'article 14 du projet de loi propose de consolider l'assise financière du compte. Il réduit le taux de la taxe affectée au fonds, mais en étend le champ d'application au gazole, qui est devenu la composante la plus dynamique du marché des hydrocarbures.
ï Le produit du prélèvement sur les enjeux de la Française des jeux s'avérant moindre que prévu, les recettes du fonds national pour le développement du sport, sont révisées en baisse (-7,2%) et évaluées à 820 millions pour 1996. Toutefois, en dépenses, le compte ne participera plus au financement du Grand stade (47 millions en 1995). En conséquence, les prévisions pour 1996 tablent sur une accentuation (+ 5,9 %) de l'effort vers les investissements classiques du fonds (établissements de l'État et stades de province), tandis que les subventions aux Fédérations pourront être reconduites à leur niveau réel de 1995 (- 6 % par rapport aux prévisions initiales).
ï Le fonds pour l'accession à la propriété est consolidé à hauteur de 900 millions de francs (- 10% par rapport aux prévisions 1995), l'article 16 du projet de loi lui assurant désormais une recette pérenne. En dépenses, cette structure participera au financement des prêts à taux zéro institués par le décret du 29 septembre dernier.