B. DES ADAPTATIONS PONCTUELLES A LA RÉVOLUTION DU MULTIMÉDIA
Le groupe de travail reste prudent en présentant ses propositions. Il estime que légiférer a priori « comporterait de nombreux risques d'erreur voire de blocage » et que les adaptations doivent s'effectuer progressivement.
1. Favoriser l'accès de la presse au marché multimédia
Trois mesures sont proposées pour atteindre cet objectif :
Ø La participation de la presse aux expérimentations lancées par le Gouvernement doit être encouragée.
La création d'une « cellule de suivi » au sein du SJTI est préconisée, afin de donner la meilleure information aux éditeurs de presse sur ces expérimentations. De plus, des places devraient être garanties à la presse sur ces plates-formes, afin de compenser le risque d'inégalité de moyens techniques et financiers entre les concurrents.
Ø La création pour la presse d'un « cercle multi professionnel d'observation du multimédia et la réalisation d'études d'accompagnement ».
Ø L'encouragement et le soutien des investissements dans le multimédia constituent un chapitre important de cette partie du rapport.
Sont avancées des mesures « financières spécifiques et temporaires », destinées à aider la presse, qui souffre d'une « insuffisance chronique de fonds Propres ». Cependant, les formes d'incitation susceptibles d'être mises en oeuvre ne doivent pas occulter ni empêcher la sanction du marché, ni supprimer la sélection que celui-ci doit légitimement exercer.
Les opérations dont le financement est à encourager sont les suivantes :
- numérisation des fonds d'informations écrites et iconographiques ;
- acquisition d'équipements ;
- développement, assemblage ou adaptation de logiciels ;
- recherches marketing ;
- - investissements de lancement commercial.
2. L'encadrement juridique des activités multimédia de la presse
Les entreprises et activités multimédia relèvent du régime de liberté applicable à la presse écrite et, depuis 1986, aux services télématiques. Elles ne sont donc soumises à aucun contrôle administratif préalable et ne sont tenues qu'à une obligation de déclaration.
Pour respecter la transparence, imposée aux entreprises de communication audiovisuelle et aux services télématiques, le rapport propose, -en soulignant la difficulté d'appliquer ces règles sur le service lui-même, une procédure d'affichage de numéro d'identification facilitant la référence à un registre spécifique comportant toutes les indications nécessaires. Celui-ci pourrait être accessible par voie télématique et sur papier, à l'image, par exemple, du registre du commerce.
Dans le domaine du pluralisme et de la concentration, le rapport s'interroge sur l'opportunité de conserver un dispositif anti-concentration monomédia et plurimédia sur les futurs réseaux car le cadre national risquerait de se révéler trop étroit. Dans l'hypothèse où une réglementation de ce type serait conservée, l'opportunité d'un observatoire européen, voire mondial, des concentrations devrait être étudiée. Le rapport estime impossible d'appréhender ce problème sous l'unique angle des sociétés de communication, en raison de la pluridisciplinarité des entreprises qui entreront sur le marché du multimédia.
En revanche, la multiplication des intermédiaires (dans le multimédia) impliquera une claire délimitation des responsabilités et sans doute l'obligation de les préciser par voie contractuelle, ce qui reviendra à prévoir dans les contrats des clauses obligatoires. Après dix ans de pratiques télématiques, plusieurs clarifications s'imposent, notamment sur le pouvoir conventionnel de sanction qui peut se traduire par la suspension ou la résiliation du contrat. Il est difficile d'imaginer le maintien de ce pouvoir régalien dès lors que l'opérateur ne sera ni public, ni unique.
Les rapporteurs soulignent également que les responsabilités respectives des divers acteurs des services multimédia gagneront à être clarifiées, y compris celle de l'usager qui, dans un système interactif, n'est plus passif, mais devient acteur. Concernant « la preuve de la faute », les services multimédia exigeront aussi une grande précision des principes et conditions du stockage des informations et des transactions qui devront être conciliés avec les principes de liberté et de confidentialité.
Le rapport soulève également le problème de l'instance de contrôle estimant, qu'à terme, les instances existantes devront logiquement être rapprochées, voire fusionnées.
Toutefois, en l'état actuel des techniques et du marché, le groupe de travail propose de maintenir, à court terme, des instances séparées en les rationalisant et en veillant à établir des correspondances entre elles. De plus, l'autorité et l'indépendance matérielle du CTA (Comité de la télématique anonyme) devraient être rapidement renforcées en raison de l'arrivée prochaine des services multimédia. Sa composition et ses conditions de fonctionnement pourraient être mieux équilibrées.
Le rapport consacre un chapitre à la publicité et au parrainage, jugeant notamment que la plupart des règles générales relatives au contenu de la publicité doivent pouvoir s'appliquer directement dans les services multimédia, tout en notant qu'il sera progressivement nécessaire de renforcer certaines obligations et d'en assouplir d'autres.
Pour les petites annonces, la promulgation d'un véritable régime juridique est souhaitée, prenant en compte leur diversité tout en aménageant des distinctions selon leur nature. Ce régime devrait, notamment, veiller à la transparence des annonces pour empêcher la diffusion de messages frauduleux ou mensongers ou encore pour protéger le consommateur en évitant les abus de position dominante de l'annonceur, en vérifiant la validité de l'offre et en offrant une capacité de rétractation.
3. Le problème des droits d'auteur et des droits voisins
Face à ce dossier très complexe, le rapport demeure prudent.
Les difficultés tiennent pour l'essentiel à la confrontation de l'univers de l'informatique avec les activités culturelles traditionnelles d'une part, et, d'autre part, à l'exploitation mondiale des oeuvres, favorisée par la numérisation. Des évolutions seront donc nécessaires, mais elles ne paraissent pas pouvoir être définies sans une pratique plus avancée des services multimédia. La sagesse recommande donc d'éviter l'établissement a priori de règles théoriques nouvelles et d'appliquer le droit actuel en l'adaptant progressivement en fonction des leçons de l'expérience.
Le rapport note cependant que la multiplication des acteurs et l'interactivité risquent de modifier la position de l'auteur.
Il peut être difficile de délimiter la part respective de l'inventeur du logiciel, du créateur ou de l'utilisateur qui peut créer sa propre oeuvre à partir des éléments fournis. De plus, le regroupement sur un même support d'oeuvres d'origines différentes conduira à l'application d'un système mixte utilisant les règles du droit d'auteur et des droits voisins. Enfin, pour les rapporteurs, la facilité de copie et de manipulation d'oeuvres appelle une réflexion sur les moyens de protection nécessaires.
Le rapport rappelle à ce propos, qu'un projet de directive communautaire est en cours d'élaboration, sur la protection des bases de données, visant deux objectifs : le choix ou la disposition des données qu'il appartiendrait aux législations nationales de protéger par le droit d'auteur ; et le contenu de la base de données qui, s'il ne correspond pas déjà à des oeuvres protégées par le droit d'auteur ou un droit voisin, devrait faire l'objet d'un droit spécifique permettant au créateur d'en interdire l'extraction et la réutilisation déloyale.
4. L'accès aux données publiques
Le rapport aborde ensuite le problème de la commercialisation par les administrations des données publiques.
La Fédération nationale de la presse française avait présenté, en novembre 1992, aux pouvoirs publics un mémorandum revendiquant la gratuité de l'information pour les prestations que l'administration effectue dans le cadre de sa mission de service public. A ce propos, elle estime que la circulaire du Premier ministre du 14 février 1994 n'a pas fait taire toutes les préventions, ce texte s'appliquant aux administrations, à l'exception des établissements publics industriels et commerciaux et son objet étant limité à la diffusion de ces données et non au droit d'accès à celle-ci.
Pour le rapporteur, la circulaire a « incomplètement » répondu à des questions qui ne peuvent pas être analysées seulement à la lumière du droit public, mais aussi à celles des règles de la concurrence, tant en droit interne qu'en droit communautaire puisqu'une directive européenne est en préparation sur ce sujet.
La circulaire n'a pas mis fin à des situations existantes et fortement contestées notamment en ce qui concerne le prix de certaines données publiques. Ainsi, l'ouverture rapide d'une concertation spécifique sur ce sujet n'est pas seulement souhaitable pour dissiper les conflits et malentendus présents, c'est aussi l'une des conditions nécessaires pour encourager la multiplication des initiatives commerciales en ce domaine et favoriser le développement des marchés du multimédia.
5. Les propositions fiscales
Le groupe de travail propose :
Que l'article 39 bis du CGI puisse s'appliquer aux réalisations multimédia y compris lorsque celles-ci sont réalisées dans une filiale contrôlée majoritairement par une entreprise de presse ;
- l'ouverture, aux opérations multimédia, de l'un des fonds de garantie de la SOFARIS, auquel la presse a accès depuis mars 1993 ;
- l'ouverture, également, d'un « guichet » spécifique à la presse, à l'image de l'IFIC (Institut de financement des industries du cinéma) pour la production audiovisuelle ;
- l'application à la presse de la procédure du crédit d'impôt-recherche afin de favoriser la recherche-développement dans les PME-PMI ;
- le bénéfice des aides régionalisées au développement technologique des entreprises ;
- l'alignement de la TVA des produits et services multimédia d'information sur celle de l'édition, à savoir 5,5 %.