II. LES RECETTES DU PROJET DE BUDGET POUR 1996
Répartition des recettes du projet de budget des
Communautés européennes pour 1996
Le montant total des ressources propres s'élève à 1,1889 % du PNB communautaire.
Il est inférieur au plafond de ressources actuellement en vigueur : 1,20 % et, "a fortiori" au plafond de ressources arrêté par la nouvelle décision portant sur les ressources propres en cours de ratification.
Cependant, si l'on ajoute les recettes diverses le montant total des recettes représente 1,197 % du PNB communautaire.
On peut observer que, si la croissance du PNB communautaire était moins vive de 1 %, le plafond des ressources propres serait dépassé.
Il est vrai, toutefois, que dans cette hypothèse, un ajustement automatique pourrait éviter cette entorse aux règles communautaires ; la progression de la ressource assise sur le PNB étant, mécaniquement, contenue.
Évolution de la structure des ressources des Communautés européennes
La structure des ressources des Communautés se déforme.
La part des ressources traditionnelles - prélèvements agricoles et sucre" et droits de douane - diminue, ce qui traduit les effets du désarmement douanier de l'Union européenne consécutif aux accords du GATT (voir infra).
Le taux uniforme d'appel de la ressource PNB est de 0.3855 %.
Part relative de chaque État membre dans le financement du budget communautaire
(1) Cour des Comptes européenne
(2) Compte de gestion et bilan financier de la Commission
(3) BRS n° 1/95
(4) A PB 1996 en tenant compte de la nouvelle décision ressources propres
Dans la répartition du financement du budget européen entre les États membres, il faut rappeler que l'Allemagne est, de loin, le premier contributeur du budget communautaire. Sa part augmente, en 1996, 29,9 % contre 29,3 % en 1995. A elle seule, en 1996, l'Allemagne finance le budget communautaire Presque autant que la France et l'Italie réunies (30 %) et plus que la France et le Royaume-Uni réunis (28,5 %).
Cependant, la France est, elle-même, de loin, le deuxième contributeur. L'examen des recettes ne serait pas complet si n'était pas dénoncé le défaut d'informations précises sur les recettes provenant de la gestion en trésorerie du budget européen. Compte tenu des masses en jeu, il y a là une anomalie qu'il convient de corriger.
III. LES DÉPENSES DU PROJET DE BUDGET POUR 1996
Projet de budget des Communautés européennes pour 1996
Par rapport à ce qu'elles étaient dans l'avant-projet de budget, les dépenses figurant au projet de budget pour 1996 sont en repli de 1,6 %.
On peut se plaire à penser qu'un certain nombre des observations faites par le Parlement à l'occasion de l'examen de l'avant-projet de budget expliquent cette modération relative.
Il n'en reste pas moins que, par rapport au budget de 1995, la Progression des dépenses est vive.
Elles s'accroissent de 7,85 % en crédits de paiement.
L'observation faite au moment de l'examen de l'avant-projet de budget aux termes de laquelle M. Erkki Likanen, commissaire chargé du budget, ayant jugé que l'avant-projet de budget était placé "sous le signe de la rigueur", le mot rigueur n'a pas le même sens à Bruxelles et dans les États membres, doit dont être réitérée.
Il en va ainsi également du voeu que soit recherchée une meilleure cohérence entre les évolutions budgétaires en Europe et celle du budget des Communautés.
Car, s'il est bien vrai que les dépenses prévues pour 1996 restent inférieures aux plafonds résultant des perspectives financières, et il ne pouvait en aller autrement compte tenu du retard pris dans la ratification de la décision relative aux ressources propres, l'augmentation des crédits de paiement, très élevée, témoigne d'un manque de considération pour les efforts conduits par les États pour maîtriser leurs dépenses publiques.
S'il est vrai que l'accroissement des dépenses obligatoires explique, en partie, la progression des dépenses des Communautés, il est non moins vrai que l'augmentation, d'ailleurs plus grande, des dépenses non obligatoires démontre l'absence d'une volonté de maîtrise de la dépense européenne par l'adaptation du niveau des dépenses non obligatoires aux contraintes budgétaires des États.
L'ensemble des dépenses obligatoires augmente de 7,54 %.
a) Les dépenses agricoles
L'accroissement des dépenses agricoles est de 10,66 %.
Les crédits inscrits à ce titre reçoivent les différentes affectations suivantes :
- les aides directes au revenu s'élèvent à 23,9 milliards d'écus (58,4 % du total). Sous l'effet de la réforme de la politique agricole commune, décidée en 1992, la part des aides directes dans le budget du FEOGA s'accroît (44 % en 1996 contre 39 % en 1995) ;
- les crédits d'intervention se montent à 7,6 milliards d'écus (18,6 % du total) et diminuent, le relais étant pris les aides directes ;
- les crédits de soutien des exportations (7,1 milliards d'écus ; 17,5 % du total) se réduisent depuis 1993 en raison de la diminution de l'écart entre les prix communautaires et les prix mondiaux malgré la baisse du dollar par rapport à l'écu ;
- les mesures d'accompagnement de la réforme de la PAC (2,2 milliards d'écus) augmentent.
Comparaisons entre les prévisions des coûts de la PAC, la ligne directrice et son exécution
Lors de la réforme de la PAC, la Commission européenne a présente l'évolution prévisible des coûts de la politique agricole commune.
Il apparaît clairement qu'en exécution, les coûts de la PAC ont, dans l'ensemble, été moindres que prévu.
C'est ainsi que, compte tenu des marges financières qui devraient permettre de dégager l'exécution du budget pour 1995, il devrait être possible de financer l'excès prévisible des coûts de la PAC en 1996 par rapport à la ligne directrice agricole prévue pour l'exercice prochain (environ 910 millions d'écus).
Il n'en reste pas moins que le projet de budget pour 1996 illustre a nouveau les conséquences financières du corset pesant sur la ligne directrice agricole dont on rappelle que le montant est indexé sur les prix et 74 % du taux de croissance réelle.
La situation faite à des dépenses obligatoires des Communautés, qui en constituent par ailleurs le véritable fondement historique, est peu satisfaisante.
Ce jugement est d'autant mieux étayé que les perturbations monétaires induites par la dépréciation du dollar sont susceptibles de peser sur les dépenses agricoles.
Or, si le projet de budget comporte une réserve monétaire de 500 millions d'écus destinée à couvrir les coûts pouvant résulter d'une nouvelle appréciation de l'écu par rapport au dollar ou de l'appréciation de certaines monnaies européennes vis-à-vis de l'écu, il faut rappeler que la mobilisation de la réserve monétaire pourrait ne pas suffir et que les mesures complémentaires qui pourraient être nécessaires exigent l'unanimité du Conseil.
Connaissant les réticences de certains partenaires à l'égard des dépenses agricoles et conscient du contexte malsain qui règne à Bruxelles du fait des prétentions du Parlement tendant au déclassement des dépenses agricoles résultant des désordres monétaires de la catégorie des dépenses obligatoires vers celles des dépenses non-obligatoires, un devoir de vigilance s'impose.
L'accroissement des dépenses non-obligatoires (+ 8,2 %) est plus rapide que celui des dépenses obligatoires (+ 7,54 %). De ce fait, la part de ces dépenses dans le total tend vers 50 %.
b) Les dépenses d'actions structurelles
Les dépenses de la rubrique "Actions structurelles" augmentent de 9,67 %.
Cette évolution est la conséquence de la décision prise en 1992 de porter le montant des fonds structurels au niveau de 176,4 milliards d'écus (au prix de 1992) au cours de la période 94-99 et de la décision prise par le Conseil européen d'Edimbourg, d'inscrire d'office dans le budget le montant des plafonds résultant des perspectives financières.
Le montant des crédits s'établirait à 25.750 millions d'écus, dont 23.723 millions d'écus pour les fonds structurels (+11,68%), et 2.027 millions d'écus pour le fonds de cohésion (- 9,47 %).
L'objectif des actions structurelles est louable. Il s'agit d'assurer une correction des déséquilibres économiques et sociaux du grand marché européen en vue d'une mise en oeuvre convenable de l'Union économique et monétaire.
Plus précisément, les objectifs des fonds structurels étaient jusqu'à cette année au nombre de cinq :
Ø promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement (objectif 1) ;
Ø reconvertir les zones industrielles en déclin (objectif 2) ;
Ø combattre le chômage de longue durée et faciliter l'insertion professionnelle des jeunes et des personnes exposées à l'exclusion du marché du travail (objectif 3) ;
Ø faciliter l'adaptation des travailleurs aux mutations industrielles et à l'adaptation des systèmes de production (objectif 4) ;
Ø accélérer l'adaptation des structures agricoles et de la pêche (objectif 5a) ;
Ø faciliter le développement et l'ajustement structurel des zones rurales (objectif 5b).
Un sixième objectif a été défini consistant "à promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions connaissant une très faible densité de population" qui concerne essentiellement les régions arctiques.
Les masses financières enjeu sont considérables.
L'essentiel des crédits serait alloué à la réalisation de l'objectif n° 1 dont la dotation s'élèverait de 8.9%, soit un peu moins que révolution moyenne des actions structurelles.
L'évolution des crédits relatifs à des initiatives communautaires explique largement ce décalage puisqu'ils progresseraient de plus de 45 % par rapport à 1995.
Le mode de versement des fonds doit être rappelé.
Il est différent selon les objectifs :
Ø les objectifs à vocation sociale : objectifs 3. 4 et 5a. Les crédits sont répartis entre les États membres à charge pour les gouvernements de gérer les crédits ;
Ø les objectifs à vocation spécifiquement régionale : objectifs 1. 2. et 5b. Les crédits sont répartis entre les régions des États membres.
Les règlements adoptés en 1993 visent à concentrer les ressources et les actions, à simplifier l'exécution des programmes et à garantir le respect du principe d'additionnalité.
Les doutes portant sur l'efficacité et la bonne gestion du système sont récurrents.
Il faut d'abord relever que les experts estiment que des transferts de l'ordre de 1 % au moins du PIB de la Communauté seraient nécessaires pour réduire les disparités régionales alors qu'ils en représentent environ 0,23 %.
En outre, les progrès de la convergence réelle semblent décevants.
Ceci conduit à s'interroger sur la pertinence économique des actions favorisées et renvoie, par ricochet, au regret récurrent d'une carence de l'évaluation des programmes financés. Ce besoin d'évaluation doit impérativement être satisfait tout comme l'exigence de recentrer les interventions sur des actions économiques dynamisantes et d'éviter de financer des interventions en violation du principe de subsidiarité.
Enfin, les conditions de gestion des fonds structurels restent médiocres. Les retards dans les paiements sont excessifs ; ils cumulent, ceux qui résultent des tergiversations de la Commission et ceux qui proviennent des difficultés pour certains États membres à identifier le bénéficiaire final.
Le principe d'additionnalité est-il toujours respecté ? Il est difficile de le vérifier toujours et par conséquent légitime de s'inquiéter que le financement communautaire ne revienne finalement à permettre à certains États membres d'alléger leurs charges publiques.
c) Les politiques internes et les actions intérieures
Les politiques internes
Les politiques internes bénéficieraient de crédits de paiement pour un montant de 4.842 millions d'écus.
L'augmentation de ces dépenses serait de 7,67 %.
Parmi les politiques internes, c'est aux actions dans le domaine de la recherche et du développement technologique que revient l'essentiel des crédits. Leur montant serait de 3.228 millions d'écus en augmentation de 7,9 % par rapport à 1995.
L'évolution des dépenses de recherche est largement encadrée par le quatrième programme -cadre pour la recherche et le développement technologique pour la période 1994-1998-. L'importance des montants concernés (11.625 milliards d'écus) justifie qu'une attention particulière soit portée à ces dépenses.
Des interrogations justifiées concernent :
? la légitimité du processus de définition de la stratégie européenne avec en particulier l'absence à ce stade initial des grands opérateurs de recherche que sont les entreprises ;
? le manque d'évaluation de l'efficacité des dépenses même si le quatrième programme-cadre contient des dispositions visant à corriger cette lacune ;
? la légitimité, même de nombreuses interventions communautaires au regard du principe de subsidiarité lorsque lesdites interventions ne s'accompagnent pas d'actions concertées entre États-membres.
En augmentation de 16,8 % par rapport à 1995, les crédits prévus au titre des réseaux transeuropéens s'élèveraient à 445 millions d'écus.
L'objectif est de réaliser d'ici l'an 2.000 trente cinq projets de cette sorte.
Le Conseil "budget" du 24 juillet 1995 a abondé les crédits du chapitre "réseaux de transport" de 50 millions d'écus.
Dans le secteur des transports, parmi les quatorze projets adoptés lors du Conseil d'Essen, trois concernent la France, à savoir :
- train à grande vitesse Est,
- train à grande vitesse Sud,
- train à grande vitesse/transport combiné/France/Italie.
Quant au secteur de l'énergie, la liste des huit projets prioritaires dans l'Union européenne retient deux projets qui intéressent la France : les interconnexions électriques France/Italie et France/Espagne.
Les crédits disponibles pour les autres politiques internes seraient en repli de l'ordre de 5 % par rapport à 1995. Cette diminution affecterait en particulier les actions relatives à la formation, à l'information et l'environnement.
Nombre des programmes conduits dans ces domaines soulèvent de façon récurrente le double problème de leur conformité au principe de subsidiarité et de leur efficacité.
La proposition de décision du Parlement européen et du Conseil 94/0188 (COD) « Kaléidoscope 2000 » fournit une illustration actuelle de certaines dérives et a fait l'objet d'une résolution adoptée par la commission des affaires culturelles du Sénat.
Les actions extérieures
Les dépenses prévues au titre des actions extérieures s'élèveraient à 4.064 millions d'écus en crédits de paiement si l'on en exclut les crédits de la réserve pour aides d'urgence. Elles progresseraient de 4,94 %.
Dans ces dépenses la « part du lion » revient aux dépenses de coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale et les États indépendants de l'ancienne Union soviétique qui seraient de 1.760 millions d'écus.
Les programmes PHARE et TACIS qui abritent ces crédits font de l'Union européenne le vecteur principal de la politique à destination des pays de l'Est menée par les pays de l'Ouest du continent. On doit par exemple rappeler que la France ne disposait pour sa politique bilatérale dans ces pays que de 721,9 millions de francs en 1992 alors qu'elle consacrait 1.911,7 millions de francs au financement de l'action de l'Union européenne au bénéfice des pays de l'Est.
Ces données justifient qu'on fasse preuve d'une grande vigilance à l'égard de ces programmes d'autant qu'ils sont censés contribuer à la réussite du processus d'adhésion à l'Union européenne dont la perspective a été ouverte aux pays de l'Est signataires d'accord d'association (voir infra).
Or, force est de déplorer que tant dans leur conception que dans leur gestion, ni PHARE ni TACIS ne répondent le plus souvent à des exigences minimales d'efficacité et de bonne gestion.
L'excessive place faite à l'évaluation, la proportion importante des crédits allouées à la rémunération de cabinets d'audit, l'opacité, sinon le détournement des résultats ont été dénoncés, en particulier par le rapport que le sénateur Henri Revol a consacré, pour l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, aux enjeux des coopérations et des échanges technologiques avec les pays de l'Europe centrale et orientale.
Parmi les actions extérieures, la coopération avec les pays méditerranéens du Proche et du Moyen-Orient serait dotée de crédits d'engagement d'un montant de 900 millions d'écus, en forte hausse.
Cette forte augmentation doit être saluée. Elle autorise plus qu'un doublement des crédits du programme Meda (Mesures d'accompagnement aux réformes des structures économiques et sociales dans les pays tiers du Bassin méditerranéen).
Mais, avec 412 millions d'écus prévus à ce titre, la question du niveau des moyens reste posée. On doit y ajouter celle de l'efficacité de l'action et souhaiter que là aussi, une évaluation de ce programme vienne fonder l'évolution des crédits demandés dans l'APB.
Enfin, si la ligne de crédits relative à la politique étrangère et de sécurité commune diminuerait de 25 %, il faut se demander si les 92 millions d'écus qui restent prévus correspondent bien aux seules dépenses administratives de cette politique intergouvernementale (et non communautaire) et n'incluent pas des dépenses opérationnelles qui doivent, sauf décision contraire prise à l'unanimité, être financée par contribution des États.
d) Les autres dépenses
Les dépenses administratives, qui représentent 4,9 % des dépenses totales, progressent de 0,58 %. Elles sont donc stabilisées à un montant élevé équivalant à quelques 25,7 milliards de francs.