ARTICLE 8 - Régime fiscal des sociétés anonymes de crédit immobilier
Commentaire : Le présent article permet aux sociétés anonymes de crédit immobilier (SACI) de rester exonérées d'impôt sur les sociétés si elles distribuent l'avance sans intérêt à l'accession à la propriété créée le 29 septembre dernier. La date d'échéance de ce dispositif, initialement Prévue au 31 décembre 1999, a été repoussée d'un an par l'Assemblée nationale.
I. LE DROIT EN VIGUEUR
Les sociétés anonymes de crédit immobilier sont des établissements de crédit spécialisés dans le crédit à l'habitat. D'un statut très particulier, elles relèvent à la fois de la loi du 24 juillet 1966 comme sociétés anonymes, du code de la construction et de l'habitation, en tant qu'organismes d'habitation à loyer modéré (HLM) et de la loi bancaire, comme établissements de crédit. Elles ont fait l'objet d'une réforme en 1991. Leur régime fiscal est également Particulier.
A. LE STATUT DE 1991
Les SACI présentent la particularité de pouvoir être dotées d'un objet social, qui tout en concernant toujours l'habitat, recouvre trois types d'activité de natures très différentes :
- une activité de prêts réglementés aux particuliers (prêt ouvrant droit à l'APL, PAP) ;
- une activité de promotion et de construction de logements en accession sociale, financée éventuellement à l'aide des mêmes prêts ;
- une activité de financement et de promotion libres, mais à titre accessoire ou au travers de filiales soumises au droit commun du commerce et de l'industrie.
Ce troisième type d'activité, apparu avec la loi de 1991, amorçait la banalisation des SACI.
La loi de 1991 dotait en outre les SACI d'un réseau de type mutualiste (à l'instar du Crédit mutuel ou du Crédit agricole), composé d'un organe central reconnu comme tel par la loi bancaire (la chambre syndicale, accompagnée d'un fonds de garantie) et d'une caisse centrale dont le capital est détenu par les SACI, et qui est l'organe de refinancement.
LES SACI EN CHIFFRES (1994)
Nombre : 109 (143 en 1991)
2.838 salariés (1993)
14,1 milliards de francs de prêts distribués (9,5 en 1993)
114,2 milliards de francs d'encours géré
820 millions de francs de résultat consolidé (853 en 1993)
Les SACI font partie du mouvement HLM, et sont représentées par l'Union nationale des fédérations d'organismes HLM (UNFOHLM). Elles sont spécialisées dans une clientèle d'accédants modestes et leur savoir-faire est illustré par la faiblesse de leur contentieux, malgré des débiteurs réputés fragiles dont le système bancaire généraliste se méfie. Elles jouent ainsi un rôle efficace et rentable d'auxiliaire des pouvoirs publics dans le logement social.
La diversification de 1991 avait pour but de pallier la décrue continue des PAP, dont elles détenaient un contingent de 22 % (le reste étant délivré par le Crédit foncier de France). La réforme de l'accession à la propriété va les pousser dans le même sens.
B. UN RÉGIME FISCAL PARTICULIER
Le régime fiscal des SACI est prévu par le 4° ter du 1 de l'article 207 du code général des impôts. Elles sont exonérées d'impôt sur les sociétés dès lors qu'elles exercent uniquement leur activité sociale, à savoir :
- d'une part, une activité de prêts d'accession à la propriété (PAP), ou de prêts aux organismes HLM ;
- d'autre part, une activité de construction et de promotion de logements en accession sociale.
Bien qu'autorisées à titre accessoire à effectuer des opérations de Promotion et de crédit dans le secteur libre, ou réglementé non aidé par l'État (prêts conventionnés, prêts d'accession sociale), les SACI ne le peuvent qu'au travers de filiales si elles veulent continuer à bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés. Cette exonération s'attache en effet au caractère exclusif de l'activité réalisée : une SACI dont l'activité serait diversifiée ne pourrait plus bénéficier de l'exonération pour ses opérations relevant du acteur social.
II. LE DISPOSITIF PROPOSE
Il modifie le droit en vigueur en deux temps :
- dans un premier temps, les SACI voient leur activité de prêts sans intérêt assimilée au secteur social ;
- dans un second temps, elles seront amenées à se banaliser complètement.
A. UN DISPOSITIF TRANSITOIRE
Le présent article autorise les SACI à distribuer l'avance à taux nul prévue par l'article R 317-1 du code de la construction et de l'habitation tout en continuant à rester exonérées de l'impôt sur les sociétés jusqu'au 31 décembre 2000 (25 ( * )) . Implicitement, ce régime d'exonération transitoire s'étend à la taxe professionnelle, conformément à l'article 1461 du code général des impôts qui fait référence à l'article 207 que modifie le présent article.
La mention explicite de l'avance sans intérêt parmi les activités exonérées est indispensable, d'une part parce que le champ d'application de l'article 207 (l-4°ter) est précis et limitatif, mais aussi parce que le nouveau prêt d'accession, bien qu'aidé par l'État, est considéré comme ressortissant au domaine concurrentiel. L'ensemble du système bancaire peut le distribuer (il suffit de signer une convention avec l'État). La nouvelle aide obéit donc à un régime hybride, mi-réglementé, mi-concurrentiel.
Ce régime expirera le 31 décembre 2000. A partir de cette date, les SACI seront soumises à l'impôt sur les sociétés sur les prêts sans intérêt nouvellement accordés, mais pas sur l'encours de prêts exonérés à cette date, ni sur les nouveaux prêts exonérés.
Cette interprétation ressort de la rédaction du présent article, qui ne codifie pas la date butoir dans le code général des impôts, de sorte qu'il apparaît que l'exonération s'applique à toute la durée de vie des prêts.
Cependant, il ressort de la rédaction de l'article 207(1.4°ter) que les SACI devront filialiser l'activité de prêts sans intérêt pour demeurer exonérées sur le reste.
B. VERS UNE BANALISATION COMPLÈTE
Bien que leur permettant de continuer à bénéficier d'un régime hérité de l'ancien système monopolistique de l'accession sociale, le présent article invite les SACI à se banaliser complètement à l'horizon 2001.
En effet, l'avance à taux nul se substitue au PAP, qui constituait l'essentiel de l'activité des SACI. A moins de se résoudre à une activité marginale, la quasi totalité d'entre elles devra distribuer la nouvelle avance, et entrer ainsi de plain-pied dans la concurrence (elles ne bénéficieront pas d'un contingent). Dès lors, dès le 1er janvier 2001, elles seront complètement banalisées : la banalisation fiscale viendra compléter la banalisation de l'activité.
Au cours de cette période transitoire, les SACI seront amenées à diversifier leur activité, puisqu'elles ne peuvent être assurées de maintenir leur part du marché de l'accession sociale.
Répartition activités réglementées/activités banalisées (1994) dans les *SACI et leurs filiales (crédit seulement)
Encours de prêts aidés : 59,5 milliards de francs
Encours de prêts banalisés : 54,2 milliards de francs
Production : Monopolistique Concurrentielle
PAP : 7,1 PAS : 2,6
"1%" :0,2 PC : 0,7
Libre : 3,5
Comme l'indiquent les chiffres ci-dessus, les SACI ont amorcé le virage de la banalisation, comme les y invitait le statut de 1991. Mais il ne s'agissait pas encore d'une véritable banalisation : l'activité concurrentielle est largement appuyée sur l'activité monopolistique et s'en nourrit. C'est ainsi que les SACI sont spécialistes des ménages modestes (2 SMICs et moins) et que cette activité peut être rentable grâce aux prêts aidés.
Bien entendu, dans la concurrence qui s'ouvre, les SACI conserveront vraisemblablement cette clientèle, que les établissements généralistes ne cherchent pas à conquérir.
Mais votre rapporteur général ne peut que rappeler les funestes exemples des banalisations ratées de la fin des années quatre-vingt, ayant abouti à des catastrophes. Les sociétés de développement régional, le Crédit d'équipement des PME, le Comptoir des entrepreneurs, poussés par les pouvoirs publics hors de leurs "spécialités originelles" se sont ruinés. La déroute de ce dernier devrait inciter le gouvernement à réfléchir aux moyens d'éviter aux SACI les mêmes déboires, alors même qu'elles sont spécialistes d'un marché, celui de l'accession à la propriété, qui est hyper concurrentiel, et dont les marges sont très faibles, voire nulles. Chacun souhaite que ce marché se développe fortement. Mais la médaille pourrait avoir son revers : la prospérité immobilière de la fin des années quatre-vingt, parce qu'elle s'est accompagnée d'une surproduction de crédit, nourrit la grave crise d'aujourd'hui.
A cet égard, le dispositif transitoire proposé par le présent article ne saurait donner toutes les garanties de réussite à cette banalisation. En effet, une des difficulté du réseau des SACI réside dans la disproportion entre le nombre de mères (109 en 1994) et celui des filiales (23 en 1994).E st H raisonnable d'annoncer aux sociétés mères, soucieuses de leur autonomie locale et du maintien de leur activité que l'une et l'autre sont condamnées à moyen terme du fait de la nécessité de filialiser l'avance à taux nul ? On peut critiquer la structure actuelle du réseau, mais elle ne l'empêche pas d'obtenir une rentabilité des fonds propres de 7,1% dans un secteur, l'immobilier, où les sinistres sont légion avec un coût pour l'État difficile à admettre.
La solution, pour permettre une transition en douceur, pourrait être de permettre aux "SACI mères" de conserver une activité d'avances sans intérêt fiscalisée. Cela ne changera rien au périmètre de la fiscalisation (26 ( * )) , n'aura pas d'incidence sur les finances publiques, et facilitera, plutôt que de l'imposer au risque de la faire échouer, la restructuration inéluctable du réseau.
Les actionnaires des SACI
. collectivités locales et organismes HLM 50%
. entreprises et collecteurs interprofessionnels du logement 25%
. particuliers 25%
Le ministre du logement a affirmé à plusieurs reprises que le Crédit immobilier de France bénéficierait d'un dispositif particulier lui permettant de réussir cette transition. S'agissant du Crédit foncier, un accord avec la Poste et un autre avec l'association française des établissements de crédit (AFEC), devraient lui permettre de passer le cap sans trop d'encombrés. Qu'en est-il des SACI ? Ce dispositif peut être de permettre aux SACI d'exercer une activité fiscalisée, au moins dans un premier temps : votre rapporteur général vous propose un amendement en ce sens.
Il invite également le gouvernement à la plus grande vigilance- au besoin par un dispositif de surveillance approprié - pour que cette entrée dans la concurrence ne reproduise pas les échecs du passé.
Décision de votre commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
* 25 Votre rapporteur général vous propose un amendement rédactionnel permettant de viser Précisément l'avance à taux nul dans le code de la construction et de l'habitation.
* 26 Sous réserve d'une soumission des "SACI-mères" à la taxe professionnelle, que le délai d'exonération permettra de prévoir en temps utile.