N° 369
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 février 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer,
Par Mme Évelyne RENAUD-GARABEDIAN,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.
Voir les numéros :
Sénat : |
199 et 370 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Victorin Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont déposé le 10 décembre 2024 une proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer. Alors que le prix des produits est en moyenne plus élevé de 40 % outre-mer et que les écarts se sont accrus ces dernières années, conduisant à des mobilisations récurrentes, la commission partage l'objectif d'une lutte contre la vie chère dans les outre-mer par un renforcement de la transparence et de la concurrence dans les territoires ultramarins.
Elle a cependant jugé utile de revoir certaines des dispositions envisagées. Réunie le 19 février 2025, en accord avec l'auteur de la proposition de loi, elle a adopté plusieurs amendements visant à :
- la mise en place d'un nouveau régime de sanction donnant aux préfets le pouvoir de demander au président du tribunal de commerce, statuant en référé, d'adresser une injonction aux dirigeants défaillants en vue de les contraindre à déposer les comptes de leurs sociétés, l'astreinte pouvant aller jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires journalier ;
- abaisser pour le commerce de détail les seuils au-delà desquels les opérations de concentration d'entreprises doivent être notifiées à l'Autorité de la concurrence, élargir les possibilités de saisine de l'Autorité de la concurrence par les départements d'outre-mer et les commissions départementales d'aménagement commercial et renforcer les pouvoirs des OPMR en leur permettant de saisir les agents de la DGCCRF ;
- supprimer l'extension de l'aide au fret aux produits de première nécessité.
I. LA LUTTE CONTRE LA VIE CHÈRE DANS LES OUTRE-MER IMPLIQUE UN RENFORCEMENT DE LA TRANSPARENCE ET DE LA CONCURRENCE
A. UN PROBLÈME MULTIFACTORIEL QUI NÉCESSITE UN MEILLEUR ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE
La vie chère dans les outre-mer est un phénomène sur lequel tout le monde s'accorde. Il est causé par plusieurs facteurs économiques, dont au moins trois font consensus.
Tout d'abord, l'éloignement géographique conduit à des coûts de transport élevés (fret maritime et aérien), répercutés sur les prix des biens de consommation. Ensuite, la taille limitée des marchés de ces territoires où les coûts de production sont élevés représente un contexte peu favorable aux économies d'échelle, ce qui aggrave la vie chère. Enfin, une taxe spécifique appelée octroi de mer s'ajoute aux autres impôts, augmentant ainsi le prix des produits importés.
Un autre facteur, lui-aussi de nature structurelle, reste largement sous-estimé et souvent débattu, alors qu'il est sans doute le plus grave, c'est celui de l'insuffisance de la concurrence : dans la plupart des secteurs (grande distribution, carburant, télécommunications, etc.), des entreprises, souvent familiales, en nombre très restreint, contrôlent le marché. Ces monopoles ou oligopoles maintiennent des prix élevés et dégagent des marges importantes, qu'elles soient prélevées par les intermédiaires ou appliquées par les distributeurs. Les coûts élevés pour entrer sur le marché - en termes d'importation, de logistique ou de fiscalité - rendent, de plus, difficile l'émergence de nouveaux concurrents, ce qui favorise la concentration des acteurs en place. Au final, le prix des produits est en moyenne plus élevé outre-mer de 40 % dans l'alimentaire selon l'Insee et les écarts se sont même accrus ces dix dernières années aux Antilles, à La Réunion et à Mayotte. On comprend dès lors les mobilisations récurrentes contre la vie chère dans ces territoires, à l'image de celles qui ont débuté en septembre en Martinique, et que de nombreux territoires ultramarins suivent avec attention.