TRAVAUX EN COMMISSION
Désignation du rapporteur
(Mercredi 22 janvier
2025)
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, avant de nous séparer, il nous reste encore à procéder à la désignation d'un rapporteur pour l'examen de la PPL dite « inondations », déposée par nos collègues Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, visant à prévenir et mieux gérer les inondations par les collectivités territoriales.
Cette proposition de loi s'inscrit dans la droite ligne de nos travaux. En 2013, nous avions examiné et adopté la proposition de loi de notre ancien collègue Pierre-Yves Collombat relative à la prévention des inondations et à la protection contre celles-ci. L'usure du temps n'est toutefois pas parvenue à tarir ce phénomène naturel qui préoccupe toujours davantage nos territoires et leurs habitants. Bien au contraire, la sinistralité imputable aux inondations est même vouée à s'amplifier, les projections estiment que ce phénomène connaîtra une hausse sensible entre 6 % à 19 % à l'horizon 2050.
Je me réjouis que le travail mené au long court par nos collègues Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin connaisse, conformément aux lignes directrices établies par le groupe de travail de notre collègue Pascal Gruny en 2021, une traduction concrète au sein d'une proposition de loi. Ce texte parachève ainsi un ouvrage débuté une année auparavant.
Le renforcement des outils à destination de nos élus locaux pour lutter efficacement contre l'intensification du phénomène inondation constitue une attente forte. Il ne se passe pas une semaine sans qu'ici ou là une commune soit touchée par un phénomène de crue, de remontée de nappes ou d'écoulements boueux.
L'inondation d'apparence anodine revêt parfois des conséquences dramatiques qui bouleversent le quotidien des habitants de nos territoires : détruisant les maisons en emportant les souvenirs avec les flots ou encore en prenant la vie de ses occupants. La violence de l'évènement qui a frappé la ville ibérique de Valence en novembre dernier, avec le bilan humain que vous connaissez tous, nous oblige aujourd'hui à agir en adaptant nos pratiques et nos comportements vis-à-vis des risques naturels.
Les trois articles de cette proposition modernisent et simplifient notre arsenal juridique. L'article 1er prévoit de faciliter l'entretien des cours d'eau pour les opérations allant au-delà de l'entretien régulier et nécessitant des déclarations ou des autorisations préfectorales préalables. Il réduit également le dualisme accentué entre les procédures applicables hors et en cas d'urgence. L'article 2 vise quant à lui à accélérer et simplifier l'élaboration et la mise en oeuvre des programmes d'action et de prévention des inondations (Papi). La mission d'information a en effet mis en lumière une latence d'environ 5 ans entre le lancement initial de la procédure d'élaboration du Papi et sa labellisation par les services de l'État. Enfin, l'article 3 vise à instaurer une réserver d'ingénierie afin de fournir une aide technique et administrative dans la gestion de l'après-crise aux communes sinistrées.
En ce qui concerne le calendrier d'examen, le groupe RDSE a demandé l'inscription de cette proposition de loi dans le cadre de son espace réservé du 5 mars prochain. En conséquence, l'examen du rapport et du texte de commission interviendra le mercredi 19 février prochain afin de tenir compte de la période de suspension.
En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de M. Pascal Martin. Je vous propose donc de le désigner en qualité de rapporteur.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
Examen du
rapport
(Mercredi 19 février 2025)
M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons ce matin le rapport de notre collègue Pascal Martin sur la proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations.
Ce texte d'initiative sénatoriale a été déposé par nos collègues Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin à la suite de leur travail de contrôle conjoint, qui a abouti, en septembre dernier, à l'adoption à l'unanimité de vingt recommandations tendant notamment à disposer d'outils plus performants et à simplifier les procédures existantes en matière de prévention et de gestion des inondations.
Notre commission, au titre de sa compétence en matière de prévention des risques, a investi à plusieurs reprises au cours des dernières années la problématique des inondations, dont les conséquences sont souvent dramatiques. En 2013, nous avions examiné et adopté la proposition de loi de notre ancien collègue Pierre-Yves Collombat relative à la prévention des inondations et à la protection contre celles-ci. En octobre dernier, l'examen pour avis de la proposition de loi de Christine Lavarde visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles a été l'occasion de réaffirmer notre expertise en la matière : les inondations avaient déjà été identifiées comme un facteur pesant lourdement sur la pérennité financière du régime assurantiel.
La présente proposition de loi se décline en trois articles.
L'article 1er vise à mettre à disposition des autorités locales compétentes pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) une cellule d'appui de l'État afin de les accompagner dans l'exercice de leurs missions. Il complète également les dispositifs existants en matière d'intervention dans les cours d'eau au titre de la réglementation dite « Iota » (Installations, ouvrages, travaux, activités) afin de prévenir la survenue d'inondations d'ampleur ou de faciliter certains travaux en phase de reconstruction.
L'article 2, quant à lui, vise plus précisément les programmes d'actions de prévention des inondations (Papi), afin de faciliter l'instruction des dossiers et les demandes d'autorisation, de financement et d'accompagnement des actions inscrites au sein du programme.
Enfin, l'article 3 tend à renforcer la solidarité territoriale, en instituant une réserve d'ingénierie composée de fonctionnaires territoriaux pour soutenir les plus petites communes sinistrées du fait d'une inondation.
Pour mémoire, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance a été fixé par la Conférence des présidents au lundi 3 mars prochain à 12 heures. L'examen en séance publique aura lieu le jeudi 6 mars à partir de 16 heures.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Les phénomènes d'inondation se multiplient. Il ne se passe pas un mois sans qu'un territoire ne soit frappé par de violentes montées des eaux aux conséquences dévastatrices pour les biens et la sécurité des personnes.
Mon propos condense et synthétise les informations recueillies au terme de sept auditions qui m'ont permis d'entendre près d'une vingtaine d'intervenants, notamment les principaux acteurs institutionnels et représentants de nos territoires. Je me suis également assuré que les dispositions de la présente proposition de loi soient adaptées à nos territoires ultramarins.
Premièrement, l'entretien des cours d'eau relève aujourd'hui d'un maquis juridique complexe qui fait peser à la fois sur les propriétaires riverains des cours d'eau et sur les autorités conduites à se substituer à ces derniers un ensemble de règles et de procédures particulièrement touffu. Cela a pour effet regrettable de ralentir les travaux d'entretien, qui sont pourtant une composante essentielle de la doctrine de prévention des inondations.
Deuxièmement, au sein de cet ensemble d'outils que forme aujourd'hui le volet prévention des inondations, les programmes d'actions de prévention des inondations (Papi) se caractérisent par une certaine pesanteur. Il faut en moyenne six ans pour qu'un Papi soit labellisé par les services de l'État, sans pour autant que cette labellisation ne vaille autorisation d'entreprendre les actions prévues dans le programme. Sans remettre en cause le bien-fondé et la pertinence de ce dispositif, il apparaît nécessaire de s'interroger sur les modalités pratiques de sa mise en oeuvre afin d'accélérer la réalisation des projets dans nos territoires.
Troisièmement, le soutien aux collectivités territoriales en matière de prévention et de gestion des inondations apparaît largement insuffisant. Ces dernières années, les services territoriaux de l'État ont été amputés de leur capital humain connaisseur des milieux aquatiques et coutumier des questions hydrauliques. En conséquence, les moyens en ingénierie mis à disposition des collectivités viennent à manquer, surtout pour les communes de petite taille.
Il serait illusoire de penser que cette proposition de loi apportera une réponse pleinement satisfaisante aux conséquences de ce phénomène, mais elle contribuera à cet édifice monumental que constitue l'adaptation du territoire au changement climatique.
Venons-en à présent aux dispositifs proposés par ce texte, qui comprend trois articles volontairement synthétiques.
L'article 1er se concentre exclusivement sur l'entretien des cours d'eau et sur les travaux à entreprendre pour prévenir les inondations.
Il tend tout d'abord à renforcer les moyens à destination des autorités « gémapiennes », les communes et leurs groupements, en mettant à leur disposition, pour celles qui en font la demande, une cellule technique d'appui au niveau des préfectures de département composée d'ingénieurs et, par exemple, d'hydrologues afin de les accompagner au quotidien dans ces missions complexes.
Il vise également à compléter le régime applicable aux travaux dans les circonstances d'urgence, afin d'y inclure explicitement les travaux d'entretien des cours d'eau tendant à remédier à une inondation d'ampleur ou à en éviter la réitération à court terme. Cet ajout vient consacrer une pratique développée en réponse aux inondations dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord. Jusqu'alors, les préfets de ces départements se sont appuyés sur une interprétation extensive du droit existant, ainsi que sur une vision déformante de la notion d'urgence. Je salue l'utilité et le pragmatisme de ces démarches, mais elles ne peuvent raisonnablement acquérir valeur de doctrine générale sans l'intervention du législateur.
Il prévoit ensuite d'instaurer une procédure d'autorisation simplifiée pour réaliser des travaux de prévention des dangers liés à la survenance d'une crue et réparer certains dégâts qu'elle aurait pu occasionner. Cette procédure d'autorisation simplifiée aurait pour corollaire l'exemption des procédures d'autorisation et de déclaration au titre de la « loi sur l'eau ». Mes auditions ont fait apparaître, en dépit d'un souhait de simplification bienvenu, que cette nouvelle procédure risquait de placer les porteurs de projets dans une situation d'insécurité juridique. Si nous recherchons la simplification, nous ne pouvons prendre le risque d'introduire une procédure susceptible de nourrir des contentieux. Il apparaît également que cette procédure d'autorisation simplifiée est pour partie satisfaite par l'extension du périmètre de l'urgence que j'évoquais précédemment. Pour toutes ces raisons, je vous proposerai d'adopter un amendement visant à ne pas confirmer l'introduction dans notre droit de cette procédure, dont l'utilité ne semble pas justifiée.
Enfin, mes travaux ont mis en lumière l'existence d'un flou juridique autour de la notion d'entretien régulier des cours d'eau. Cette mission incombe aujourd'hui en principe aux propriétaires riverains des cours d'eau. En pratique, toutefois, les collectivités ont pour habitude de se substituer à ces derniers. Les propriétaires riverains des cours d'eau ne sont plus nécessairement des ruraux et ne maîtrisent pas toujours les techniques d'entretien d'un lit d'eau. Les représentants d'élus m'ont fait part de leur réticence à intervenir parfois au motif que la notion d'« entretien régulier » était loin d'être évidente. L'amendement que je vous proposerai entend rendre cette notion plus compréhensible.
L'article 2, quant à lui, a trait au volet prévention des inondations sous l'angle de la planification, via les Papi. Cet article prévoit que le préfet coordonnateur de bassin nomme un « référent Papi » chargé d'accompagner les collectivités dans la formalisation de leurs dossiers. Il institue également un guichet unique auprès des services préfectoraux afin d'instruire les demandes d'autorisation, de financement et d'accompagnement des actions du Papi. Malgré les effets positifs attendus de ces deux mesures, elles paraissent encore insuffisantes pour accélérer la mise en oeuvre des programmes.
À ce stade, je n'ai pas d'amendements à vous proposer, mais je travaille avec la ministre Agnès Pannier-Runacher et ses services pour proposer des améliorations au texte en vue de la séance publique. Nous cherchons notamment à faire prévaloir le principe du « dites-le-nous une fois », afin qu'une procédure validée au stade de l'élaboration du Papi puisse être reprise et considérée comme acquise au stade de la réalisation du projet. Cette mesure semble relever du bon sens.
L'article 3 prévoit de donner corps au principe de solidarité territoriale en période post-crise. Il prévoit d'instituer une réserve de fonctionnaires territoriaux volontaires, susceptibles d'être détachés auprès des collectivités sinistrées par une inondation afin de combler le déficit de moyens humains, techniques et administratifs dans les plus petites communes.
En l'état actuel de cet article, la coordination et l'animation de cette réserve, qui s'inspire de la réserve de sécurité civile communale, ont été pensées à l'échelle du conseil régional. On peut comprendre cette rédaction : d'une part, la loi NOTRe du 7 août 2015 a donné aux régions la possibilité de coordonner la prévention des inondations ; d'autre part, les inondations dépassent parfois les circonscriptions administratives des départements. Néanmoins, l'échelon initialement retenu me semble trop éloigné des réalités du terrain. Je présenterai en ce sens un amendement visant à recentrer le dispositif à l'échelle du département. Je vous proposerai également quelques ajustements paramétriques afin que la réserve d'ingénierie soit plus inclusive et plus directement destinée aux communes.
Je suis convaincu que ces apports de bon sens contribueront à enrichir et préciser cette proposition de loi, qui répond aux besoins de simplification, d'accélération et d'accompagnement exprimés dans nos territoires. Ce texte n'a pas la prétention de tout résoudre, mais il envoie un signal politique fort, après deux années rythmées par des inondations d'ampleur.
M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi. - La présente proposition de loi traduit plusieurs recommandations de notre rapport d'information sur les inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, adopté à l'unanimité le 25 septembre 2024 par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances.
Après huit mois de travaux, 35 auditions, trois déplacements et une consultation en ligne sur le site du Sénat, nous avions à coeur de concrétiser au niveau législatif plusieurs recommandations qui répondent à une demande forte des collectivités territoriales. Inscrit dans l'espace réservé au groupe du RDSE le 6 mars prochain, ce texte traduit un esprit de consensus transpartisan, à l'image des travaux conduits dans le cadre de la mission conjointe de contrôle. Malheureusement, l'actualité ne cesse de démontrer la prégnance des inondations, qui concernent aujourd'hui la quasi-totalité du territoire hexagonal ainsi que nos territoires d'outre-mer.
Face à cet âpre constat et à l'expansion préoccupante de ce phénomène naturel - il s'agit, je le rappelle, du premier risque naturel en France -, ce texte formule des propositions pour simplifier les démarches administratives applicables en matière de prévention et de gestion des inondations et soutenir les collectivités territoriales. L'impératif de simplification a constitué le fil d'Ariane de nos travaux. Les élus locaux font face à un enchevêtrement de normes et des lourdeurs administratives qui ne favorisent pas une action efficace face aux inondations, y compris dans les situations d'urgence. La solidarité est également un autre axe fort de nos travaux, compte tenu du manque de moyens qui pénalise fortement de nombreuses collectivités territoriales de petite taille, pourtant en première ligne face à ces phénomènes.
Le texte qui vous est soumis aujourd'hui comprend trois articles, reprenant quatre recommandations de notre rapport d'information - Monsieur le rapporteur vient de vous les exposer.
Vous l'aurez compris, cette proposition de loi poursuit le chantier d'ampleur engagé sur ce phénomène aux incidences majeures. Il me semble aujourd'hui indispensable que nous agissions en faveur de nos territoires, en simplifiant la vie de nos élus et en rendant plus efficace notre politique de prévention des inondations. Je soutiendrai vivement le rapport et les amendements de notre collègue Pascal Martin qui, après un cycle d'auditions intense et sérieux, avancent des propositions pertinentes pour enrichir ce texte transpartisan.
M. Jacques Fernique. - Le renforcement des outils de lutte contre l'intensification des inondations répond à une attente forte de nos élus.
Ce texte apparaît comme une contribution partielle mais utile à la modernisation et à la simplification de notre arsenal de lutte contre les phénomènes de crues, de remontées de nappes ou d'écoulements boueux. Les amendements proposés nous semblent également pertinents.
Il restera à avancer sur la question de la maîtrise du foncier, de l'imperméabilisation des sols, des moyens financiers, de l'indemnisation par les assurances et de l'adaptation au réchauffement climatique. Nous n'en avons donc pas fini !
M. Hervé Gillé. - Cette proposition de loi fait suite à la mission d'information conjointe de la commission des finances et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les risques d'inondations. Lors de l'examen du rapport en commission, je m'étais réjoui de voir qu'elle reprenait un certain nombre de recommandations formulées dans le rapport que mon collègue Rémy Pointereau et moi-même avions remis le 11 juillet 2023 sur la gestion durable de l'eau.
Le risque d'inondations est un sujet essentiel pour nos collectivités. Il est donc fondamental que ces dernières soient dotées des moyens nécessaires pour prévenir ce risque et limiter l'impact des événements climatiques extrêmes.
Cette proposition de loi va dans le bon sens. Nous saluons en particulier les mesures visant à renforcer l'accompagnement des collectivités telles que la création d'une cellule d'appui pour l'entretien des cours d'eau ou la simplification des démarches administratives liées aux Papi. Ces mesures permettront, nous l'espérons, d'améliorer la réactivité et l'efficacité des actions locales face au risque d'inondations.
Les quelques petites réserves que nous émettions sur la sécurisation juridique des procédures ont été levées, et les propositions d'amendements nous semblent positives.
Nous soutenons pleinement l'idée de l'article 2 de rendre les Papi plus efficaces et plus réactifs. Il aurait peut-être aussi été pertinent d'intégrer dans le texte la question des moyens financiers, mais la mission d'information de la délégation aux collectivités territoriales sur la Gemapi se concentrera plus spécifiquement sur cette question prochainement. La situation est préoccupante dans certains territoires, car le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit Fonds « Barnier », est souvent insuffisant.
M. Jean-Claude Anglars. - La présente proposition de loi marque une avancée majeure dans la gestion des inondations, en simplifiant la gestion des cours d'eau par les collectivités, notamment pour réaliser des travaux d'entretien urgents, et en prévoyant une cellule d'appui technique portée par les services de l'État. La création, à l'article 2, d'un guichet unique préfectoral et la désignation d'un « référent Papi » sont également bienvenues.
Il semblerait toutefois que le premier amendement du rapporteur tende à supprimer la procédure d'autorisation simplifiée pour répondre à un souhait de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique. Quel est l'avis des auteurs de la proposition de loi sur cet amendement, que je vois plutôt comme une régression ? Les élus ont en effet le sentiment que leur action est bloquée par les montagnes de papiers à remplir. Puis, lorsque les inondations se produisent, on se rend compte qu'on aurait dû intervenir avant.
M. Éric Gold. - Le travail réalisé par les auteurs du texte et le rapporteur montre tout l'intérêt de la prise en compte anticipée des effets du dérèglement climatique. J'insiste sur le besoin d'accompagnement des collectivités. Outre les Papi, dont on a vu qu'ils s'inscrivaient dans le temps long, d'autres documents ne doivent pas être négligés pour mettre en place une véritable culture locale du risque, notamment les documents d'information communaux sur les risques majeurs (Dicrim) et les plans communaux de sauvegarde (PCS).
Bien entendu, le groupe du RDSE apportera son total soutien à cette proposition de loi.
M. Jean-Pierre Corbisez. - Je remercie les deux rapporteurs de s'être déplacés dans mon département, et je me félicite de ce texte, qui va rassurer les élus ruraux. Ils pourront engager plus vite des travaux, avec l'assurance d'une prise en charge par l'État. Dans certains secteurs du Pas-de-Calais, les inondations auraient pu être contrôlées beaucoup plus vite si les feux verts de l'État avaient été donnés plus tôt aux communautés de communes pour retirer des bancs de sable qui empêchaient l'eau de s'évacuer dans la Canche.
Un article récent du journal Les Échos évoquait les déserts assurantiels. Au-delà de ce texte, nous devrions travailler à des solutions pour nos communes rurales qui, compte tenu de l'explosion des tarifs assurantiels, sont sur le point de ne plus assurer leurs propres bâtiments. Les assurances représentent le premier poste d'augmentation des dépenses dans les budgets des collectivités pour 2025.
Le retour à l'échelon départemental me fait sourire. Avant la loi « Maptam » du 27 janvier 2014, il revenait aux conseils généraux d'entretenir les cours d'eau non domaniaux. Ils intervenaient en fonction des cycles écologiques et répartissaient le coût des travaux entre les propriétaires riverains. Le système fonctionnait très bien. L'échelle départementale me semble favorable, mais l'eau ne s'arrête pas aux limites du département. Il faudra aussi associer les conseils régionaux pour accélérer le déroulement des travaux.
Nous avons également besoin de solidarité au sein des bassins. En amont d'un cours d'eau, des communautés de communes rurales ne récoltent parfois que quelques centaines de milliers d'euros par an au titre de la taxe Gemapi, contre plusieurs dizaines de millions d'euros pour les agglomérations situées en aval. Or c'est bien en amont qu'il faut démarrer les travaux pour éviter les inondations en aval. Il faudra trouver des solutions pour assurer cette solidarité au sein des départements.
Quoi qu'il en soit, le groupe CRCE soutiendra ce texte qui apporte un appui technique, juridique et administratif aux élus. Le travail mené par la délégation aux collectivités territoriales permettra d'approfondir la réflexion sur le volet financier et, je l'espère, assurantiel.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Je m'associe aux propos de mes collègues sur la qualité de ce texte.
En effet, les cours d'eau ne s'arrêtent pas aux limites du département. Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) peut aussi jouer un rôle important de référent national pour permettre aux délégués départementaux chargés de ces problèmes d'inondations d'avoir une vision plus générale, comme il l'a fait sur le programme national des ponts, que Jean-Pierre Corbisez et moi-même connaissons bien.
M. Rémy Pointereau. - Nous rencontrons également de gros problèmes de financement sur les fleuves. Dans mon département, quatre communautés de communes de 15 000 habitants doivent entretenir les digues de Loire. Or, il leur est impossible de financer des opérations d'une telle ampleur avec la seule taxe Gemapi.
Les grandes agglomérations ont les compétences et les moyens de financer ces opérations, mais si les digues ne sont pas entretenues en amont, les inondations ne pourront pas être prévenues en aval.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Le risque inondations concerne aujourd'hui près de 20 millions d'habitants, un tiers de la population. Il est évident que la taxe Gemapi est une réponse insuffisante pour les autorités « gémapiennes ». Si le potentiel fiscal de cette taxe est estimé à 3,5 milliards d'euros, les recettes plafonnent pour l'instant à environ 400 millions d'euros. Selon moi, vu le taux de population concernée, c'est plutôt la solidarité nationale qui devrait jouer pour un tel risque. Mais c'est un autre débat.
Pour répondre à la question de Jean-Claude Anglars, le premier amendement concerne l'entretien régulier des cours d'eau. J'ai en effet tenu compte d'une remarque très pertinente de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique, afin de sécuriser juridiquement les interventions de nos élus locaux, amenés à se substituer aux propriétaires riverains des cours d'eau.
Cette proposition de loi ne constitue qu'une première brique. Nous nous sommes limités à une approche juridique et administrative, dans une logique de simplification, d'accompagnement et d'accélération. D'autres textes pourront venir la compléter en matière d'assurances, de financement ou de fiscalité.
Pour répondre à Rémy Pointereau, cette proposition de loi ne concerne que les cours d'eau non domaniaux, et pas les fleuves, qui relèvent du régime domanial.
Je conclus mes réponses aux interventions en indiquant que nous avons entendu le Cerema et tenu compte, dans notre réflexion, de la démarche qu'il mène à l'échelle nationale.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous invite, monsieur le rapporteur, à présenter le périmètre de recevabilité des amendements.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Je vous propose, mes chers collègues, que celui-ci inclue les dispositions relatives aux procédures applicables en matière d'entretien des cours d'eau - notamment aux régimes d'autorisation ou de déclaration des Iota, ainsi qu'à l'entretien régulier des cours d'eau non domaniaux ; aux programmes d'actions de prévention des inondations ; aux modalités relatives à la composition, au périmètre, à la coordination et à la mise en oeuvre de la réserve d'ingénierie telle qu'instituée par l'article 3 de la présente proposition de loi.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à préciser les opérations susceptibles d'être caractérisées comme relevant de l'entretien régulier des cours d'eau et incombant au propriétaire riverain. Il s'agit de simplifier l'intervention des collectivités territoriales compétentes en matière de Gemapi. Mes travaux préparatoires ont fait apparaître le flou de cette notion juridique, qui est aujourd'hui incomprise et nuit au bon entretien des lits d'eau. Cet amendement répond donc à un objectif de meilleure lisibilité de notre droit et donc de sécurisation juridique.
L'amendement COM-1 est adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Au travers de l'amendement COM-2, il est proposé, après un échange avec les auteurs de la proposition de loi, de supprimer la procédure d'autorisation simplifiée instituée à l'article 1er. Cette procédure est en effet susceptible de fragiliser juridiquement les projets entrepris en dehors des procédures d'autorisation et de déclaration. Néanmoins, l'esprit de la procédure demeure dans cette proposition de loi, puisque l'extension du périmètre de la procédure d'urgence proposée par le texte offrirait, dans les mois suivant une inondation, la même possibilité que celle proposée par cette procédure d'autorisation simplifiée dont la valeur ajoutée n'est pas manifeste. Avec la procédure d'urgence, les travaux en question seraient entièrement dispensés de procédure formelle, mais doivent simplement être portés à la connaissance du préfet.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à élargir le vivier de recrutement de la réserve d'ingénierie territoriale, en y intégrant, non pas seulement les fonctionnaires territoriaux, mais l'ensemble des agents publics territoriaux. Il sera ainsi possible de faire appel à des contractuels. L'amendement tend également à préciser que cette réserve d'ingénierie s'adresse uniquement aux communes. Nous ciblons en particulier les communes de petite taille.
L'amendement COM-3 est adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'amendement COM-4 a pour objet de substituer au conseil régional les centres de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) implantés dans chacun des départements pour assurer les missions de coordination et d'animation de la réserve d'ingénierie. Mes auditions ont en effet souligné le besoin d'un interlocuteur moins éloigné du terrain que ne l'est la région, afin de répondre avec souplesse et célérité aux communes sinistrées.
Les CGFPT ont en outre la faculté de faire appel à des agents publics territoriaux pour réaliser des missions temporaires, ce qui est tout à fait dans l'esprit de la réserve d'ingénierie. J'ai fait le test grandeur nature en appelant le directeur du centre de gestion de la Seine-Maritime ; il m'a indiqué qu'il pourrait pleinement assurer ces missions si la loi était adoptée.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, je me réjouis du soutien exprimé sur ce texte. Je remercie le rapporteur pour son travail, ainsi que les auteurs de la proposition de loi. Ce texte ne résoudra pas tous les problèmes, mais il offrira un accompagnement bienvenu et un certain nombre de solutions aux petites communes.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1er |
|||
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
1 |
Précisions des règles et conditions d'entretien régulier des cours d'eau |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
2 |
Suppression de la procédure d'autorisation simplifiée instituée par l'article 1er de la proposition de loi |
Adopté |
Article 3 |
|||
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
3 |
Précisions concernant la composition de la réserve d'ingénierie territoriale et les collectivités bénéficiaires |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
4 |
Animation et coordination de la réserve d'ingénierie territoriale par les centres de gestion de la fonction publique territoriale au lieu la région |
Adopté |