EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Simplifier la gestion des cours d'eau afin de mieux prévenir
et gérer les inondations

Cet article vise à simplifier les règles applicables à l'entretien des cours d'eau sur deux volets. Il traduit la recommandation n° 1 du rapport d'information conjoint de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances adopté à l'unanimité en septembre 2024.

Il prévoit, d'une part, d'instituer une procédure d'autorisation simplifiée auprès du préfet de département afin de faciliter la réalisation de travaux et prévenir les dangers liés à la survenue d'une crue ou d'une inondation. Certains travaux de réparation seraient également éligibles à cette procédure d'autorisation simplifiée.

D'autre part, il propose d'étendre le périmètre des travaux pouvant être exemptés de déclaration préalable et d'autorisation au titre de la procédure d'urgence applicable en cas de danger « grave et immédiat ». Cette mesure permet de rapprocher les procédures de droit commun des procédures d'urgence, afin de remédier à une inondation d'ampleur ou d'en éviter la réitération à court terme.

Enfin, cet article institue auprès des services de l'État dans le département une « cellule d'appui technique » pour accompagner les communes ou les autorités détentrices de la compétence « gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations » (Gemapi), dans l'entretien, l'aménagement, la protection, la restauration des sites aquatiques et des zones humides afin de prévenir les inondations.

La commission a adopté l'article 1er modifié par deux amendements tendant :

- à supprimer la procédure d'autorisation simplifiée proposée pour mieux sécuriser juridiquement les porteurs de projet ;

- à préciser les conditions dans lesquelles est effectué l'entretien « régulier des cours d'eau ».

I. L'entretien des cours d'eau : des règles complexes qui limitent les capacités d'intervention des collectivités territoriales en faveur de la prévention des inondations

En 2016, le législateur a établi une définition circonstanciée du cours d'eau4(*), mettant ainsi fin à une interprétation jurisprudentielle fluctuante5(*). Désormais, « constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales »6(*).

L'entretien régulier d'un cours d'eau incombe, conformément aux dispositions de l'article L. 215-14 du code de l'environnement, au propriétaire riverain. Ce dernier s'entend comme celui dont la propriété borde le cours d'eau sans en être séparé par une digue, un chemin, un fossé appartenant à autrui. Il peut s'agir d'une personne privée ou d'une personne morale de droit public. Cette mission d'entretien régulier ne requiert aucune procédure ni autorisation préalable et se limite essentiellement à :

- enlever des embâcles, les résidus et débris des activités humaines, et le bois mort seulement s'il obstrue l'écoulement ;

- un entretien éventuel de la végétation des rives par élagage ou recépage, sans dessoucher afin de ne pas déstabiliser les berges ;

- la fauche et taille des végétaux dans le lit du cours d'eau ;

- la réduction ponctuelle et localisée de la partie supérieure de l'atterrissement (partie généralement dénoyée, formant banc alluvionnaire), à condition de ne pas modifier sensiblement la forme du gabarit du cours d'eau (profil d'équilibre).

L'attribution de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (ci-après Gemapi) au bloc communal par la loi dite « Maptam » du 27 janvier 20147(*) n'a pas eu pour incidence d'exonérer les propriétaires privés de leurs obligations d'entretien des cours d'eau. En pratique toutefois, les collectivités territoriales sont régulièrement amenées à intervenir en substitution de ces derniers pour défaut d'entretien.

Les règles d'intervention dans les cours d'eau divergent fortement en fonction de la nature de l'intervention et de sa temporalité.

A. Une intervention dans les cours d'eau strictement encadrée

La commune, ou son groupement, amenée à intervenir pour l'entretien des cours d'eau est soumise à des procédures administratives strictement encadrées par le code de l'environnement.

Toute intervention de la collectivité dans l'entretien des cours d'eau, dès lors que celui-ci est à la charge d'une personne privée, doit être dûment justifiée. Néanmoins, en cas de carence ou de défaut d'entretien, l'intervention de l'autorité publique peut s'imposer au titre des pouvoirs en matière de police de l'eau8(*) dévolus au préfet de département et subsidiairement, au maire.

En cas de carence et si les collectivités territoriales ou leurs groupements se substituent à un propriétaire riverain pour effectuer l'entretien, leur intervention doit au préalable être autorisée par le préfet par l'intermédiaire d'une déclaration d'intérêt général (DIG).

En théorie, la déclaration d'intérêt général permet :

- d'accéder aux propriétés privées riveraines des cours d'eau, en instituant une servitude de passage pendant la durée des travaux (article L. 215-18 du code de l'environnement) ;

- de faire participer financièrement aux opérations les personnes qui ont rendu les travaux nécessaires ou qui y trouvent un intérêt (article L. 215-16 du même code).

La déclaration d'intérêt général (DIG)
pour l'entretien des cours d'eau non domaniaux

Aux termes du I bis de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, « les communes sont compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de préventions des inondations. [...] elles peuvent recourir à la procédure prévue au même I », cette dernière renvoyant aux articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime permettant d'entreprendre l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence pour l'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau ainsi que pour la défense contre les inondations.

La déclaration d'intérêt général ou d'urgence mentionnée à l'article L. 211-7 est précédée d'une enquête publique, puis avalisée par le représentant de l'État dans le département conformément aux dispositions des articles R. 214-88 à R. 214-104 du code de l'environnement.

Lorsque les collectivités territoriales, leurs groupements ou les syndicats mixtes prennent en charge l'entretien groupé et régulier d'un cours d'eau, la DIG est pluriannuelle, définie pour une durée adaptée à la prise en charge de l'entretien groupé (alinéa 2 du I de l'article L. 215-15 du code de l'environnement).

En l'absence de déclaration d'intérêt général légalement constituée et en cas d'intervention de la collectivité territoriale sur un cours d'eau dont l'entretien relève usuellement d'une personne privée, la collectivité s'expose à une voie de fait9(*) ou à la censure du juge des référés administratifs10(*).

En plus de cette obligation d'obtenir une déclaration d'intérêt général, les interventions des collectivités qui s'étendent au-delà de « l'entretien régulier » des cours d'eau sont soumises à un encadrement renforcé. L'article L. 214-1 du code de l'environnement prévoit que « les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères [...] » sont soumis aux régimes de l'autorisation ou de la déclaration définis à l'article L. 214-3 du code susmentionné.

L'article R. 214-1 du code de l'environnement précise la « nomenclature Iota » qui concerne les installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l'eau et les milieux aquatiques, et distingue, selon leurs natures, les opérations qui relèvent du régime de l'autorisation ou de la déclaration.

Sont soumises à autorisation de l'autorité administrative les activités susceptibles de « nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque inondations, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique ». Afin de déterminer si les Iota sont soumis à autorisation, il convient de consulter la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) figurant dans le code de l'environnement, qui intègre la nomenclature Iota. Celles concernées par l'autorisation sont classées comme étant des Iota « A ».

Sont soumises à déclaration de l'autorité administrative les activités qui « n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers (similaires à ceux prévus au titre du régime de l'autorisation) doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3 ». De manière générale, les Iota qui sont soumis à déclaration sont ceux qui ne sont pas susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique.

Les travaux de curage font, quant à eux, l'objet d'une attention spéciale en raison de la nature même des sédiments gérés à terre dont le statut relève de la réglementation relative aux déchets définie à l'article L. 541-4-1 du code de l'environnement. Depuis le décret du 31 janvier 2024 relatif aux opérations d'entretien des milieux aquatiques et portant diverses dispositions relatives à l'autorisation environnementale, le curage ponctuel intègre toutefois la nomenclature 3.3.5.0 qui prévoit une simple procédure de déclaration11(*), ce qui facilite les interventions des autorités « gémapiennes ».

En deçà du seuil de déclaration, les Iota sont dits « non classés » et ne sont soumis qu'à la police du maire. Dans ce cas, c'est le règlement sanitaire départemental qui s'applique.

Depuis 201712(*), le porteur de projet soumis au régime des Iota adresse une « autorisation environnementale unique »13(*) au préfet de département. Cette mesure de simplification était une demande forte des porteurs de projet.

L'autorisation environnementale, définie aux articles L. 181-1 à 181-3 du code de l'environnement, doit être regardée comme incorporant la dérogation aux espèces protégées. En effet, l'autorisation environnementale tient lieu des « diverses autorisations, enregistrements, déclarations, absence d'opposition, approbations et agréments » parmi lesquels figure la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces animales prévue à l'article L. 411-2 du même code14(*). Le dossier doit néanmoins être dûment complété afin de comporter des éléments circonstanciés sur les espèces concernées, sur la période et les dates d'intervention, le lieu d'intervention, et s'il y a lieu des mesures de réduction ou de compensation mises en oeuvre. Lorsqu'une telle dérogation est demandée à l'autorité administrative, cette dernière saisit le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel, qui se prononce dans un délai de deux mois15(*).

Les dossiers portant autorisation ou déclaration au sens de l'article L. 214-3
du code de l'environnement répondent à des exigences fortes

Autorisation

L'article R. 214-6 du code de l'environnement renvoyant au décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale détaille les pièces nécessaires à la constitution d'un dossier d'autorisation environnementale au sens de l'article L. 214-3 et doit comporter à cet égard :

- un certificat de projet ;

- un dossier de demande au préfet comportant la mention du lieu où le projet doit être réalisé, un document attestant que le pétitionnaire est le propriétaire du terrain ou à défaut une procédure lui ayant conféré ce droit, une description de la nature et du volume de l'installation ou activité envisagée ;

- une étude d'incidence environnementale.

Une fois cette première étape franchie, le préfet instruit la demande. Au cours de la procédure d'instruction, le représentant de l'État saisit la commission locale de l'eau, le préfet coordonnateur de bassin, le président de l'EPTB le cas échéant et encore éventuellement le Conseil national de la protection de la nature qui se prononce dans les deux mois en cas de demande de dérogation « espèce protégée ». En cas d'avis défavorable de l'un de ces comités consultés, le préfet doit rejeter le projet.

Par la suite, une phase d'enquête publique est initiée et un commissaire enquêteur rend un avis sur le projet. Dans les quinze jours qui suivent la transmission de cet avis, le préfet transmet les conclusions du commissaire enquêteur à la commission départementale de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques.

Enfin, le préfet statue sur la demande d'autorisation environnementale dans les deux mois à compter du jour de réception par le pétitionnaire du rapport d'enquête transmis par le préfet.

Déclaration

L'article R. 214-32 du code de l'environnement renvoyant au décret n° 2022-989 du 4 juillet 2022 relatif à la procédure de déclaration en matière de police de l'eau prévoit que le dossier de déclaration comprend :

- un dossier de demande au préfet comportant la mention du lieu où le projet doit être réalisé, un document attestant que le pétitionnaire est le propriétaire du terrain ou à défaut une procédure lui ayant conféré ce droit, une description de la nature et du volume de l'installation ou activité envisagée ;

- un document retraçant les raisons pour lesquelles le projet a été retenu parmi les solutions alternatives, les incidences environnementales du projet, le cas échéant, sa compatibilité avec le Sdage et avec le PGRI, précisant, s'il y a lieu, les mesures d'évitement, de réduction ou compensatoires envisagées (ERC).

Le préfet dispose ensuite d'un délai de deux mois pour s'opposer à une opération soumise à déclaration à compter de la réception du dossier complet.

B. Des procédures d'intervention en cas urgence

En parallèle de ces procédures de droit commun, le législateur a également consacré des dispositifs dérogatoires, permettant, en cas d'urgence, d'alléger certaines procédures applicables.

1) Une procédure d'urgence dite « civile »

Aux termes de l'article L. 122-3-4 du code de l'environnement, le ministre de l'intérieur peut accorder l'application de la procédure d'urgence dite « à caractère civil », qui prévoit une procédure d'autorisation environnementale allégée en application de l'article L. 181-23-1 du code de l'environnement. L'article R. 181-53-1 de ce code précise les délais dérogatoires dans lesquels la procédure d'autorisation environnementale doit être adaptée. En dehors d'évènements d'ampleur nationale, les préfets de département sont seuls compétents pour prendre des décisions autorisant l'usage de cette procédure16(*).

Une circulaire du 2 août 2022 relative aux modalités d'application de la procédure d'urgence à caractère civil apporte de précieuses indications sur la définition de l'urgence. Les conditions suivantes doivent ainsi être cumulativement remplies :

- une intervention strictement proportionnée : les interventions doivent être suffisantes pour assurer une réponse adaptée, mais aussi nécessaires pour régler la situation d'urgence ;

- une atteinte « majeure et avérée doit être portée à un intérêt public » : les opérations d'anticipation de prévention d'une atteinte à venir en sont exclues, ainsi que les travaux visant à faciliter les reconstructions après une catastrophe sauf à prévenir des dommages supplémentaires ;

- enfin, les conditions qui forment le triptyque du cas de force majeur doivent être remplies : un fait imprévisible, irrésistible et extérieur.

En plus de cette procédure, le législateur a introduit un dispositif spécifique aux Iota.

2) Une procédure d'urgence au titre de la loi sur l'eau

À l'occasion de l'examen de loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite loi « Asap », l'article L. 214-3 du code de l'environnement a été complété afin de comporter explicitement une mention faisant référence à « un danger grave et immédiat »17(*) permettant d'entreprendre, sans que soient présentées les demandes d'autorisation et de déclaration auxquelles sont soumis les Iota, des travaux d'urgence à condition que le préfet en soit immédiatement informé. Cette disposition visait à donner une base légale claire à l'article R. 214-44 du code susmentionné18(*).

L'urgence répond à un impératif de danger grave et immédiat et ne porte, par conséquent, que sur des évènements imprévisibles menaçant la sécurité des personnes et des biens. La présomption d'urgence n'est pas acquise ab initio, le maitre d'ouvrage doit motiver sa demande et démontrer que les mesures à entreprendre étaient imprévisibles. Cette procédure n'est ainsi pas un palliatif à l'absence d'entretien régulier du cours d'eau.

En tout état de cause, ainsi que le précisent les services chargés de l'application de la procédure « travaux d'urgence » et notamment, les directions départementales des territoires (DDT), les mesures entreprises doivent être impérativement compatibles avec le Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (Sage) et les plans de prévention des risques inondations (PPRI), lorsque ceux-ci ont une existence.

À la différence des procédures de droit commun d'autorisation et de déclaration, l'information simple du préfet dans ces circonstances d'urgence, ne vaut pas autorisation environnementale au sens de l'article L. 181-2 du code de l'environnement. L'autorité chargée de la police de l'eau doit être en mesure de fixer d'éventuelles mesures conservatoires ou de suivi.

À titre d'exemple, les opérations suivantes sont susceptibles de correspondre à des travaux d'urgence :

- mise en place d'un merlon provisoire pour protéger un bâtiment contre une inondation ;

- mise en place de blocs en pied de berge pendant la crue pour éviter la ruine d'ouvrage ;

- l'enlèvement des embâcles apportés par la crue et constituant un danger pour un pont ou une menace pour la sécurité.

Enfin, outre cette procédure d'urgence relevant des pouvoirs de police spéciale au titre de la police de l'eau, le maire a toujours la capacité d'intervenir au titre de ses compétences de police générale afin de faire cesser un péril grave et imminent.

Aux termes de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT), « en cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances ». Parmi ces accidents naturels, sont incluses notamment « les inondations, les ruptures de digues ». En cas d'utilisation de ses prérogatives de puissance publique, le maire informe immédiatement le représentant de l'État dans le département.

II. Simplifier et accompagner les collectivités dans l'entretien des cours d'eau et dans la prévention des inondations

L'article 1er de la proposition de loi prévoit de mettre à la disposition des autorités « gémapiennes », à savoir les communes et leurs groupements, une cellule d'appui technique pour les accompagner dans leurs obligations relatives à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (A).

Il propose également d'instituer une procédure d'autorisation simplifiée se substituant aux procédures d'autorisation et de déclaration existantes pour les travaux concourant à la prévention des inondations (B).

Enfin, il complète le droit existant en dispensant de procédures au titre de la loi sur l'eau les interventions qui visent à remédier à une inondation d'ampleur ou à en éviter la réitération à court terme (C).

A. Soutenir plus activement les collectivités territoriales et leurs groupements dans la réalisation de leurs missions « gémapiennes »

Les travaux de la mission commune d'information relative aux inondations survenues dans les Hauts-de-France en 2023 et 2024 adoptés à l'unanimité en septembre 2024 ont mis en lumière un besoin d'accompagnement de la part des services de l'État, notamment en matière de prévention des inondations. Les plus petites collectivités ne disposent pas toujours des moyens humains, techniques et financiers nécessaires à l'intervention dans ce domaine.

Dès lors, l'article 1er de la proposition de loi propose d'instituer une cellule technique de soutien à destination des communes et leurs groupements compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi).

Ce soutien pourrait tout d'abord revêtir un aspect pédagogique consistant à intervenir auprès des élus, agriculteurs et particuliers pour leur apporter des éclairages sur le fonctionnement hydraulique des cours d'eau et les opérations possibles en matière d'entretien. Il pourrait également prendre la forme d'échanges et de recommandations de bonnes pratiques avec les établissements publics spécialisés (les établissements publics d'aménagement et de gestion de l'eau [Epage] et les établissements publics territoriaux de bassin [EPTB]) auxquels les compétences « gémapiennes » ont été déléguées en tout ou partie.

B. Faciliter les interventions strictement nécessaires dans les cours d'eau et simplifier certaines reconstructions

Les régimes d'intervention au titre de la loi sur l'eau reposent sur des procédures administratives qui se caractérisent par une certaine complexité et, le plus souvent, des délais d'instruction élevés.

Ainsi que le relève la mission interinspections relative à la simplification de la législation et de la réglementation applicable aux cours d'eau de mai 2024 : « le site de téléprocédure Guichet Unique Numérique de l'environnement (GUNEnv), rend compte de l'activité d'instruction des demandes formulées en application de la nomenclature loi sur l'eau. À partir du 1er septembre 2020, date d'entrée en vigueur de la rubrique 3.3.5.019(*), et jusqu'à fin 2022, 774 dossiers ont été instruits au titre de celle-ci. Par ailleurs des interventions d'entretien plus lourdes peuvent relever de la rubrique 3.2.1.0 ; elles ont donné lieu sur la même période à 1002 dossiers, la grande majorité restant sous un régime de déclaration, puisque seules 25 demandes ont été traitées par des autorisations. »

Ces deux procédures font l'objet d'une instruction par le représentant de l'État dans le département, à l'appui des directions départementales des territoires (DDT). Le délai moyen d'instruction pour une demande d'autorisation est de plusieurs mois. Pour les déclarations, le délai moyen est de quelques semaines, ce qui peut néanmoins s'avérer trop important lorsqu'une intervention rapide serait nécessaire.

Aussi, l'article 1er propose d'introduire une nouvelle procédure à l'article L. 214-3 du code de l'environnement. Dénommée « procédure d'autorisation simplifiée », elle vise à prévenir les dangers liés à la survenance d'une crue ou à réparer les dégâts occasionnés par une crue, en se substituant aux procédures d'autorisation et de déclaration prévues aux I et II de l'article.

Cette procédure serait mise en oeuvre à la demande expresse des maires ou de l'autorité gémapienne sur accord du représentant de l'État dans le département. Ce dernier instruirait cette demande dans un délai fixé par voie réglementaire. Le rapport d'information n° 775 (2023-2024) dont est issue cette proposition, préconisait que la réponse du préfet puisse intervenir dans les 48 heures afin de permettre d'entreprendre rapidement les travaux qui s'imposent.

Cette mesure vise à s'appliquer dans une temporalité distincte de la procédure d'urgence (cf infra et supra). Elle tend notamment à remédier aux effets de seuil temporel du critère de l'urgence, cette disposition aurait donc vocation à intervenir de manière complémentaire et non-concurrente au dispositif prévu au II bis de l'article L. 214-3 du code de l'environnement. La procédure d'autorisation simplifiée serait appropriée dans deux situations :

- d'une part, avant une inondation, en vue de prévenir les dangers liés à la survenance d'une crue ;

- d'autre part, après une inondation, afin de réparer les dégâts occasionnés par cette catastrophe. Dans cette hypothèse, l'application du II bis de l'article L. 214-3 ne ferait pas obstacle à la procédure introduite au II ter.

L'article propose de définir, par voie réglementaire, les travaux qui seront éligibles à cette nouvelle procédure.

C. Adapter l'urgence aux inondations d'ampleur et prévenir leur réitération

L'article 1er prévoit de compléter le II bis de l'article L. 214-3 du code de l'environnement relatif aux interventions en cas d'urgence, en incluant les travaux d'entretien des cours d'eau visant à remédier à une inondation d'ampleur ou à en éviter la réitération à court terme. Aujourd'hui limitée aux seules interventions en cas de « danger grave et immédiat », cette procédure permet de dispenser purement et simplement d'autorisation et de déclaration les travaux.

Le présent article complète ainsi le dispositif en incluant explicitement les travaux visant à prévenir les inondations d'ampleur ou éviter leur réitération à court terme. La mission d'information conjointe du Sénat a en effet constaté que les inondations avaient tendance à se succéder à des intervalles rapprochés en raison d'épisodes de pluviométrie répétés.

Ce dispositif reprend ainsi l'une des préconisations de la mission conjointe de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) et du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), relative à la simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l'entretien des cours d'eau de mai 202420(*).

Il permettra de renforcer la sécurité juridique des projets intervenant dans la période post-crise. Si la condition d'urgence permet en effet de mettre en oeuvre un certain nombre de procédures, l'appréciation de cette condition, supposée reposer sur l'existence de « circonstances exceptionnelles », fait courir un risque de contentieux devant les juridictions administratives21(*).

En pratique, des travaux visant à prévenir les inondations ou leur réitération à court terme pourront ainsi être engagés sans autorisation préalable, après avoir simplement informé le préfet de cette intervention et de ses modalités.

Le rapporteur estime nécessaire que le recours à ce dispositif demeure exceptionnel et circonscrit aux cas d'urgence, afin de prévenir une inondation d'ampleur. Néanmoins, les représentants de l'État dans le département devront bénéficier d'une certaine latitude dans l'instruction des demandes, de manière à pouvoir tenir compte des circonstances locales particulières. Le pouvoir de dérogation reconnu au préfet par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 pourrait également être utilisé lorsque les circonstances l'imposent.

III. Sécuriser juridiquement les collectivités et les porteurs de projet

A. La procédure d'autorisation simplifiée fait peser un risque d'insécurité juridique notable

Les auteurs de la proposition de loi ont en effet, à juste titre, considéré nécessaire la mise en place d'une procédure plus rapide, permettant de s'affranchir de la lourdeur des délais consubstantiels aux procédures d'autorisation et de déclaration prévues au titre de la loi sur l'eau.

Néanmoins, l'ajout de cette nouvelle procédure, aux côtés des procédures existantes, pourrait s'avérer source de complexité pour les collectivités territoriales et réduirait encore la lisibilité des régimes juridiques applicables aux interventions dans les cours d'eau. Sa mise en oeuvre risque en outre de soulever de nombreuses questions juridiques et de présenter des risques contentieux non négligeables.

Par ailleurs, les modifications apportées à la procédure d'urgence « Iota » telles que proposées par la présente proposition de loi, permettront de satisfaire en partie l'objectif de la procédure d'autorisation simplifiée. La procédure d'urgence telle que modifiée par la proposition de loi permettra à davantage d'interventions dans les cours d'eau de bénéficier d'exemption de procédures, ce qui contribuera à une meilleure prévention des inondations.

Ces raisons ont justifié, sur proposition du rapporteur, la suppression de la procédure d'autorisation simplifiée introduite au présent article dont la valeur ajoutée est loin d'être évidente, un amendement  COM-2 ayant été adopté par la commission en ce sens.

B. Clarifier ce qui relève effectivement de « l'entretien régulier » des cours d'eau

Les personnes entendues par le rapporteur ont, à plusieurs reprises, fait remonter des difficultés à délimiter les opérations relevant strictement de l'entretien « régulier » des cours d'eau et celles qui s'étendent au-delà, nécessitant alors une autorisation administrative.

Cette difficulté d'appréciation de périmètre est de nature à faire naître une forme d'attentisme, préjudiciable à l'entretien régulier des cours d'eau
-- pourtant unanimement souligné comme un préalable indispensable à la prévention des inondations.

Le régime d'entretien régulier des cours d'eau se révèle ancien et peu adapté à la période contemporaine. Ce principe, hérité de pratiques de l'Ancien-Régime et de lois du XIXe siècle, suppose que les propriétaires riverains des cours d'eau soient en mesure de maitriser les techniques, de disposer des connaissances et de la culture relative à l'entretien des eaux. Les propriétaires riverains avaient en effet déjà la charge de se protéger eux-mêmes contre l'action naturelle des eaux, en application des articles 33 et 34 de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais. Depuis la loi du 8 avril 1898 sur le régime des eaux, aucune modification substantielle relative au régime d'entretien régulier des cours d'eau n'est intervenue, de telle sorte que les pratiques à travers les siècles sont réputées avoir perduré.

Cet entretien régulier des cours d'eau est la contrepartie au droit d'usage de l'eau et au droit de pêche dans les cours d'eau.

Ce postulat semble aujourd'hui largement dépassé par une acception plus urbaine de la riveraineté, de plus en plus éloignée des pratiques rurales. Aujourd'hui, force est de constater que dans son immense majorité, la population n'est plus en mesure d'assumer seule cet entretien.

Le Conseil d'État dans son étude annuelle de 2010, « L'eau et son droit », soulignait « la difficulté d'assurer le bon entretien des cours d'eau non domaniaux et du million de km de berges qu'ils comportent puisque cet entretien repose sur des milliers de propriétaires riverains avec lesquels l'administration peut difficilement communiquer »22(*). Il rappelle en outre que « la législation française a, par facilité, éludé cette question tout au long de la seconde partie du XXe siècle »23(*) afin de ne pas heurter le droit de propriété et l'usage de l'eau.

La clarification de ce que revêt l'entretien régulier est apparue d'autant plus nécessaire que l'autorité chargée de la police spéciale de l'eau est en effet susceptible de voir sa responsabilité engagée pour faute24(*) et également pour faute simple au titre des dommages causés aux propriétés riveraines des cours d'eau du fait de l'action naturelle des eaux pour les propriétés riveraines des cours d'eau en cas d'inaction des pouvoirs de police de l'eau25(*).

La commission n'a pas souhaité, à ce stade de l'examen du texte, proposer un renversement du paradigme consistant à ne plus faire peser l'entretien régulier sur le propriétaire riverain du linéaire d'eau. Néanmoins, consciente des frontières peu discernables qui entourent cette notion, sur la proposition du rapporteur elle a adopté un amendement  COM-1 portant clarification des règles générales relatives à l'entretien régulier des cours d'eau.

Les règles générales ainsi définies permettraient aux autorités publiques de déterminer plus facilement si leur intervention est susceptible de relever du régime d'autorisation ou de déclaration au titre de la loi sur l'eau et notamment de l'article L. 214-3 du code de l'environnement ou si la simple obtention d'une déclaration d'intérêt général (DIG) est suffisante pour procéder aux travaux.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2
Simplifier et accélérer la mise en oeuvre des Papi

Cet article vise à accélérer et simplifier l'élaboration et la mise en oeuvre des programmes d'actions de prévention des inondations (Papi). Il traduit la recommandation n° 5 du rapport d'information conjoint de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances adopté à l'unanimité en septembre 2024.

Il prévoit, d'une part, d'instituer un « référent Papi » désigné par le préfet de département, chargé d'accompagner les collectivités territoriales dans l'élaboration du Papi.

D'autre part, il crée, auprès du représentant de l'État dans le département, un guichet unique préfectoral chargé de l'autorisation, du subventionnement et de l'accompagnement des projets inscrits au Papi.

La commission a adopté l'article 2 sans modification.

I. La prévention des inondations : un corpus normatif étoffé, mais complexe et peu lisible pour les collectivités territoriales

Le rapport d'information sénatorial n° 775 (2023-2024) relatif au défi de l'adaptation des territoires face aux inondations adopté à l'unanimité en septembre 202426(*) a mis en évidence un niveau d'information encore incomplet en matière de prévention des risques d'inondations, malgré des améliorations notables ces dernières années. Quelques avancées, déjà relevées par les rapporteurs, peuvent ainsi être légitimement soulignées :

- l'amélioration du taux de mise à jour des dossiers départementaux sur les risques majeurs (DDRM) ;

- la création du portail « Géorisques » qui rassemble des informations relatives au risque inondations ;

- le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) qui apporte son expertise sur certains risques inondation aux collectivités territoriales.

La bonne connaissance de l'aléa et des risques est aujourd'hui un enjeu incontournable pour aboutir à une politique publique de prévention des risques efficace.

A. La prévention des inondations fait l'objet d'un encadrement juridique étoffé

Dans un rapport paru en janvier 2025, la Cour des comptes estime que le risque inondations fait aujourd'hui l'objet d'une « couverture avancée »27(*).

La loi du 3 janvier 1992 sur l'eau28(*) a instauré deux outils permettant de concourir, bien que de manière incidente, à la prévention des inondations. D'une part, le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) qui fixe les orientations en matière de politique de l'eau à l'échelle d'un bassin hydrographique29(*), élaboré par le Comité de bassin, et, d'autre part, le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (Sage), qui en est la déclinaison territoriale davantage adaptée aux spécificités des territoires30(*). Ce dernier doit être compatible avec le Sdage.

Le droit national s'est ensuite progressivement doté d'un arsenal juridique spécifique à la gestion des inondations.

La loi du 2 février 1995, dite loi « Barnier »31(*), a prévu l'élaboration de plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP) parmi lesquels figure le risque inondations (PPRI). Ce plan constitue l'un des outils essentiels de l'État en matière de prévention des risques naturels prévisibles.

Les plans de prévention des risques inondations (PPRI) délimitent les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru et établissent à cet égard plusieurs interdictions : de construction, d'aménagement, d'exploitation, etc.32(*) à partir d'un travail de cartographie des zones exposées. Ils définissent également les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises par les collectivités territoriales dans le cadre de leurs compétences.

Prévention et gestion des inondations :
des actions encadrées au niveau européen

La directive européenne du 27 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques inondations33(*) détermine plusieurs mesures destinées à endiguer le risque inondations. La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (Lene) a transposé un certain nombre de ces obligations34(*). Essentiellement, la directive laisse aux États membres le soin de prendre des mesures en matière d'évaluation, de cartographie et de réduction du risque inondations.

En conséquence, la France a adopté le 7 octobre 2014 une stratégie nationale pour la gestion des inondations (SNGRI).

Premièrement, dans le cadre de la SNGRI, l'État priorise son action au travers des « territoires à risques importants d'inondation » (TRI), zones caractérisées par de forts enjeux humains et économiques dans un territoire donné. Les TRI font l'objet de stratégies locales de gestion des risques inondation (SLGRI).

Deuxièmement, elle estime nécessaire la réalisation de cartes des zones inondables et de cartes des risques d'inondation montrant les conséquences des risques associés à plusieurs scénarios. Ces dernières sont désormais prévues à l'article L. 566-6 du code de l'environnement.

Troisièmement, elle prévoit notamment l'instauration de « plans de gestion des risques inondations » (PGRI), définis à l'article L. 566-7 du code de l'environnement. Les PPRI ainsi que plusieurs autres documents d'urbanisme doivent être compatibles avec ce document d'orientation.

L'ensemble de ces documents sont élaborés par le préfet de bassin.

Les PPRI doivent être rendus compatibles avec les dispositions du plan de gestion des risques d'inondation (PGRI) défini à l'article L. 566-7 du code de l'environnement. Le PGRI est un document de planification à l'échelle de grands bassins hydrographiques visant à prévenir les inondations. Néanmoins, ainsi que le relèvent certains juristes : « dans les territoires couverts par un PPRI, le rôle du PGRI pourra difficilement dépasser celui d'un document méthodologique et d'orientation puisque l'essentiel de la compétence est bien confié en la matière au document opérationnel. Néanmoins, compte tenu de l'obligation de compatibilité des PPRI avec les PGRI, ces orientations et indications méthodologiques ne seront pas dénuées de toute portée juridique »35(*).

Aujourd'hui, la couverture du risque inondations atteint une étendue satisfaisante : près de 11 000 communes sont couvertes par un plan de prévention des risques inondations approuvé36(*). Seules 1 415 communes disposent aujourd'hui d'un PPRI prescrit, mais non encore approuvé.

Dans tous les territoires couverts par un PPRI, les maires ont l'obligation d'élaborer des plans communaux de sauvegarde (PCS)37(*). Depuis la loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi « Matras »38(*), les PCS s'articulent avec les plans intercommunaux de sauvegarde (PICS) en organisant notamment la mutualisation des moyens au niveau de l'intercommunalité afin d'assurer coordination et solidarité dans la gestion des évènements des communes affectées par une inondation.

B. Le programme d'actions de prévention des inondations (Papi), un outil de contractualisation intéressant pour les collectivités territoriales, à la réalisation et à la mise en oeuvre trop complexe

Mécanisme de contractualisation incitatif entre l'État et les collectivités territoriales, le programme d'actions de prévention des inondations (Papi) intègre des projets qui visent à adapter le territoire au risque inondations. Il vise notamment à développer la connaissance et la conscience du risque, à améliorer la prévention des crues et des inondations, à intégrer le risque inondations dans l'urbanisme.

Élaborés par les collectivités territoriales ou leurs groupements compétents en matière de Gemapi (article L. 211-7 du code de l'environnement), ces Papi sont régulièrement, en pratique, portés par un établissement public territorial de bassin (EPTB) ou un établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau (Epage) dont le périmètre d'intervention englobe celui du Papi.

Initié en 2002, le programme d'actions de prévention des inondations (Papi) est un appel à projets concourant, dans une logique préventive, à promouvoir une gestion globale et équilibrée du risque inondations, pensée à l'échelle du bassin de risque. Le Papi doit s'articuler avec les politiques de gestion de l'eau et d'aménagement du territoire telles que le PGRI, le Sdage, le Sage, le Scot, etc. Ainsi que le relève une mission conjointe du commissariat général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et de l'inspection générale de l'administration (IGA), la coordination entre tous les documents de planification et le Papi engendre une « complexité conceptuelle qui rend difficile l'élaboration et la mise en oeuvre »39(*).

Instruits par les services de l'État, les Papi font ensuite l'objet d'un long processus de labellisation. Le préfet coordonnateur de bassin au sens de l'article L. 213-7 du code de l'environnement désigne un « référent Papi »
- interlocuteur unique du porteur du Papi tout au long de la démarche Papi.

La labellisation d'un Papi ne signifie pas que l'ensemble des projets envisagés en son sein sont validés par anticipation par l'autorité administrative. À cet égard, les demandes d'autorisation exigées par les textes en vigueur, et alors même que les projets sont inscrits dans un Papi labellisé par l'État, demeurent applicables. Pour la DGPR, la labellisation valide un processus orienté et encadré de prévention des inondations, sans lier définitivement les porteurs de projets et les services de l'État à la réalisation desdits projets.

Ainsi que le précise le « cahier des charges Papi 3 2023 », la labellisation ne constitue pas non plus une décision d'attribution de subvention au titre des crédits budgétaires du programme 181 « prévention des risques » et de l'action 14 - portant les crédits du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier ». Les demandes de subvention doivent être faites, par chaque maître d'ouvrage, une fois le Papi labellisé. Elles sont instruites par les services de l'État et les subventions sont accordées dans les conditions prévues par le décret n° 2018-514 du 25 juin 2018 relatif aux subventions de l'État pour des projets d'investissement.

La directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, dite directive « EIE », et notamment son article 4, soumet à évaluation environnementale préalable un ensemble de programmes et de plans d'action dont l'annexe II précise les projets visés par cette obligation. Un décret du 22 juin 2023 portant diverses dispositions relatives à l'évaluation environnementale des plans et programmes40(*), a complété l'article R. 122-17 du code de l'environnement afin de prévoir, au 22° bis, que les programmes d'action de prévention des inondations (Papi) doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale.

Les délais d'élaboration et de mise en oeuvre des Papi révèlent une certaine complexité. La phase d'études d'un Papi s'échelonne sur environ 3 ans, sa labellisation prend en moyenne 4 mois une fois le dossier pleinement complété et enfin, la phase de mise en oeuvre dure environ 6 ans.

II. Accélérer la réalisation des Papi pour soutenir les collectivités territoriales dans la prévention du risque d'inondation

A. Inscrire le dispositif des Papi dans la loi

Le dispositif « programme d'actions de prévention des inondations » relève aujourd'hui dans l'ordonnancement juridique du pouvoir réglementaire. L'article R. 122-17 du code de l'environnement y fait explicitement mention.

Les Papi relèvent actuellement exclusivement d'instruction du Gouvernement, de circulaires et de notes techniques consultables sur Légifrance. La jurisprudence administrative s'appuie également, parfois, à l'occasion de litiges, sur l'existence des Papi pour fonder ses décisions41(*).

Les auteurs de la proposition de loi ont jugé opportun de consacrer dans la loi le programme d'actions de prévention des inondations (Papi), programme devenu central dans l'action des collectivités territoriales en matière de prévention des inondations.

B. Accompagner les collectivités dans leurs démarches Papi

Depuis 2021, un « référent » est désigné pour chaque Papi dans les directions départementales des territoires (DDT).

Néanmoins, les informations de nomination disponibles au journal officiel de la République française ne font mention que d'une nomination, en bonne et due forme, d'un « directeur de projet, chargé du programme d'actions de prévention des inondations auprès du préfet du Var ». Seul ce département semble en effet avoir ainsi mis en oeuvre - à tout le moins officiellement un « référent Papi »42(*).

La mission conjointe du CGEDD et de l'IGA précédemment mentionnée, a souligné l'importance et la nécessité d'un appui technique, administratif et méthodologique pour la réalisation des dossiers Papi. Ce constat est présenté comme un consensus partagé tant par les élus locaux que par la DGPR, les Dreal ou les DDT, ce qui a été effectivement conforté par les auditions du rapporteur.

Ce rapport relaie en outre « l'exaspération de certains porteurs de projets de Papi vis-à-vis des exigences des services de l'État conduisant à des dossiers pouvant atteindre 2 000 pages »43(*).

Pour pallier ces difficultés, l'article 2 consacre au niveau législatif l'obligation de désigner un référent Papi et précise que celui-ci sera mis à disposition des collectivités territoriales pour les accompagner dans leurs démarches. Il propose également la mise en place d'un « guichet unique », placé auprès du préfet coordonnateur de bassin, chargé d'instruire les demandes d'autorisation, de financement et d'accompagnement de ces actions.

Enfin, l'article prévoit que les délais maximaux d'instruction des programmes par le préfet coordonnateur de bassin sont fixés par voie réglementaire.

III. Un article qui favorise une accélération de la conception et de la mise en oeuvre des Papi

Pour la commission, l'article 2 permet de répondre efficacement à un enjeu prégnant pour les collectivités territoriales menacées par des inondations. Il permet d'accélérer la mise en oeuvre d'un outil essentiel de la prévention des inondations.

La commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3
Renforcer le soutien technique et administratif
aux collectivités territoriales dans la gestion de l'après-crise

Cet article a pour objet de renforcer le soutien administratif et technique aux collectivités territoriales dans la gestion des crises en cas d'inondation. Il traduit la recommandation n° 15 du rapport d'information conjoint de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances adopté à l'unanimité en septembre 2024 en instituant :

- d'une part, une réserve d'ingénierie composée d'agents territoriaux parmi les collectivités territoriales et leurs groupements volontaires. Cette réserve serait coordonnée et animée par le président du conseil régional ;

- d'autre part, en créant, auprès du représentant de l'État dans le département, un guichet unique d'accompagnement des collectivités territoriales sinistrées par une inondation. Ce guichet aurait vocation à apporter un soutien aux territoires sinistrés dans l'immédiate après-crise, notamment pour fournir les informations relatives aux dispositifs d'aides existants.

La commission a adopté l'article 3, sous le bénéfice de deux amendements pour :

- apporter des corrections sur le périmètre d'application du dispositif, en prévoyant notamment que ce sont les communes qui bénéficient de cette réserve, et que cette dernière peut être composée de contractuels ;

- confier la coordination et l'animation de la réserve d'ingénierie aux centres départementaux de gestion de la fonction publique territoriale.

I. Des compétences d'ingénierie mises à disposition des acteurs qui semblent trop lacunaires

Le rapport d'information du Sénat a relayé les besoins des collectivités territoriales confrontées aux inondations. Il note par exemple, « des communes, qui parfois disposent de très peu de moyens, doivent dans un temps record organiser le relogement des populations, accomplir des démarches administratives pour débloquer les aides, monter les dossiers auprès des assurances, accomplir des expertises »44(*). Or, nombre des communes ne disposent pas nécessairement des compétences techniques et des moyens humains pour répondre seules à ces urgences.

Le droit existant n'apporte pas, à proprement parler, de solutions d'assistance technique et administrative pour accompagner les collectivités dans le retour de la vie normale après une crise relative à un phénomène d'inondation.

L'article L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales, créé par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, impose aux départements de mettre à disposition des communes et EPCI à fiscalité propre « qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences dans le domaine de l'assainissement, de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l'entretien des milieux aquatiques, de la prévention des inondations, de la voirie, de la mobilité, de l'aménagement et de l'habitat » une assistance technique dans des conditions définies par convention. Le champ de cette assistance technique, initialement limité aux compétences liées à l'eau, a été élargi à la voirie, à l'aménagement et à l'habitat par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015, dite loi « NOTRe », puis à la prévention des inondations par la loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations45(*).

Cette mission d'assistance technique étendue aux inondations est toutefois strictement limitée aux missions de « prévention » des inondations, telles que définies à l'article L. 211-7 du code de l'environnement. Aux termes de l'article R. 3232-1-2 du code général des collectivités territoriales, l'assistance technique en matière de prévention des inondations porte sur :

- l'identification des collectivités compétentes et l'optimisation de leur organisation pour la réalisation des projets ;

- la définition d'actions de protection et de restauration des zones humides ;

- le recensement des digues existantes, l'identification des autres ouvrages ou infrastructures susceptibles de contribuer à la prévention des inondations ;

- la mise en cohérence entre les actions de prévention des inondations au titre de la compétence Gemapi et les orientations et planifications prévues aux articles L. 566-2 et L. 566-8 du code de l'environnement.

La mission d'assistance technique ne prévoit ainsi aucune mesure d'assistance ou de soutien technique dans la période postérieure à la crise.

II. Accompagner les collectivités territoriales dans la gestion de l'après-crise consécutive à une inondation

A. Promouvoir une approche « ensemblier » de la crise et de l'immédiate après-crise en favorisant la solidarité territoriale

Au cours des travaux de la mission d'information conjointe de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances, plusieurs intercommunalités de grandes tailles ont exprimé le souhait de pouvoir aider les communes sinistrées, mais regrettaient l'absence de cadre légal permettant une telle intervention.

Le présent article prévoit de favoriser la constitution, au sein des collectivités territoriales et de leurs groupements, de réserves d'ingénierie. Cette ingénierie, qui n'est pas destinée à être simplement une ingénierie technique, est également administrative pour aider les communes sinistrées dans leur démarche post-crise. Elle sera aussi de nature à faciliter la constitution des dossiers administratifs et l'identification des outils existants, notamment financiers, pour accélérer les reconstructions consécutives aux dommages. Elle est animée et coordonnée au niveau territorial par le président du conseil régional.

Cette cellule technique établie sur la base du volontariat n'est dès lors pas rendue obligatoire. Elle répond à un besoin exprimé par les territoires sinistrés par les inondations dans lesquels se sont rendus les rapporteurs de la mission d'information conjointe sur les inondations de septembre 2024, en vue de fournir un soutien dans l'immédiate après-crise.

La réserve d'ingénierie instituée au présent article s'inspire du dispositif existant en matière de sécurité civile. La loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours a en effet introduit un article L. 1416-16 au code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoyant que « les personnels administratifs, techniques et spécialisés de la fonction publique territoriale qui n'ont pas la qualité de sapeur-pompier professionnel et qui participent au fonctionnement des centres d'incendie et de secours relevant d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale peuvent être mis à la disposition du service départemental d'incendie et de secours sur leur demande et avec l'accord de ce service et celui de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale ».

Un récent rapport de plusieurs inspections d'avril 2024 préconisait d'associer effectivement les collectivités territoriales à la gestion de crise au titre de leurs compétences techniques à la gestion des crises d'inondation46(*). En outre, les auteurs de ce rapport estimaient pertinent de s'appuyer sur le vaste éventail des compétences détenues dans les syndicats mixtes, notamment gémapiens. Ces derniers auraient « une meilleure connaissance de la réalité du terrain que les services déconcentrés de l'État », constat que partage le rapporteur.

Les auteurs de la proposition de loi ont envisagé les réserves d'ingénierie comme étant animées, au niveau territorial, par le président du conseil régional. À la différence de la « task force » mise en place au niveau de l'État lors des inondations survenues dans les Hauts-de-France, les réserves seraient constituées, coordonnées et animées à un échelon décentralisé afin de faire prévaloir la solidarité territoriale. Si l'intercommunalité ou le département sont traditionnellement reconnus comme les échelons compétents en matière de prévention des inondations, trois arguments ont pu justifier le choix de confier à la région sa coordination et son animation.

D'une part, les inondations excèdent aujourd'hui bien souvent le périmètre d'un seul et même département et la coordination de l'intervention entre deux ou plusieurs départements n'est pas toujours évidente. La région apparaît à cet égard comme un échelon plus englobant pour calibrer l'intervention des réserves en différents espaces géographiques.

D'autre part, l'article 12 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe », a prévu explicitement aux termes du I ter de l'article L. 211-7 du code de l'environnement que « lorsque l'état des eaux de surface ou des eaux souterraines présente des enjeux sanitaires et environnementaux justifiant une gestion coordonnée des différents sous-bassins hydrographiques de la région, le conseil régional peut se voir attribuer tout ou partie des missions d'animation et de concertation dans le domaine de la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques mentionnées au 12° du I », faisant ainsi spécialement mention à la prévention des inondations ainsi que la protection de la ressource en eau.

Enfin, pour les départements les plus ruraux, les compétences en ingénierie - même à l'échelle du département - peuvent venir à manquer. Des départements comme celui des Alpes de Haute-Provence ou la plus grande commune est la ville de Manosque, comptant environ 23 000 habitants ou encore, pour l'Ardèche, la ville d'Annonay, comptant environ 17 000 habitants, ne dispose pas nécessairement des ressources en ingénierie suffisantes pour participer activement à la période d'après-crise.

Dès lors, la mesure telle que proposée au présent article semble présenter des économies d'échelles en termes de moyens techniques et humains qui méritent d'être exploitées.

Lors des auditions préparatoires, la direction générale des collectivités locales (DGCL) a appelé l'attention du rapporteur sur les risques de confusion des rôles entre la gestion de crise - entendue au sens de la cellule qui se constitue autour du maire, directeur des opérations de secours (DOS), en cas de crise - et la réserve d'ingénierie mise en place au présent article.

Dans l'objet de la réserve ainsi que dans la chronologie de l'intervention, ces deux temps de la gestion de crise sont à distinguer.

D'une part, et sans affecter l'existant en matière de gestion de crise, le maire assure la fonction de direction des opérations de secours (DOS), assisté par un commandant des opérations de secours (COS) et du responsable de l'action communale (RAC). Dès lors que la crise s'étend au-delà du périmètre de la commune, le préfet prend la direction des opérations de secours. L'ensemble de la chaîne d'intervention mobilisée dans la période de gestion de crise demeurerait sans changement.

D'autre part, la réserve d'ingénierie ne viserait pas à être mise en oeuvre dans la même temporalité. Son objet serait d'intervenir dans un second temps, une fois la crise à proprement parler stabilisée, afin d'envisager les opérations futures à mener - à court et moyen termes - pour permettre un « retour à la normale », notamment lorsque des ouvrages, bâtiments, établissements et autres ont été endommagés.

Le 6 février 2025, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche Agnès Pannier-Runacher a annoncé, à l'occasion d'un déplacement en Gironde, la mise en place d'une « mission d'inspection visant à préfigurer une réserve citoyenne dédiée à la prévention des risques et à l'adaptation au changement climatique ». Si cette dernière est encore au stade exploratoire, elle devrait trouver, le cas échéant, à s'articuler avec la réserve mise en place au présent article afin d'éviter des doublons.

B. La mise en place d'un guichet unique

À la suite des inondations d'ampleur inédite qu'a connues le Pas-de-Calais à la fin de l'année 2023, la chambre de commerce et d'industrie des Hauts-de-France, la région des Hauts-de-France et les services de l'État ont mis en place une « task-force régionale », faisant office de guichet unique à destination des entreprises sinistrées dans l'immédiate après-crise.

Les auteurs de la proposition de loi ont estimé opportun de développer ce dispositif de « guichet unique post-crise » afin que l'ensemble de la crise relative à une inondation soit appréhendé.

Ce guichet, placé auprès du représentant de l'État dans le département, deviendrait ainsi l'interlocuteur unique pour l'ensemble des démarches relatives à l'après-crise. Les services administratifs dans le département devraient disposer d'un service unique de traitement des demandes, ce qui favoriserait des synergies entre les différents besoins exprimés par les sinistrés. Sa mission serait de diffuser les informations disponibles, d'accompagner les concernés dans le montage des dossiers administratifs, notamment pour l'obtention des aides à réparation des dommages subis.

III. Garantir une coordination et une gestion de la réserve d'ingénierie au plus près des besoins des communes sinistrées

A. Le vivier de la réserve d'ingénierie limité aux fonctionnaires territoriaux apparaît trop restreint

Les auteurs de la proposition de loi ont ciblé les « fonctionnaires territoriaux » pour composer la réserve d'ingénierie instituée.

Sur la proposition du rapporteur, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté l'amendement COM-3 visant à étendre le vivier de recrutement aux agents publics territoriaux non titulaires en situation de contrat à durée indéterminée (CDI). En effet, ces derniers peuvent être mis à disposition dans des conditions analogues aux fonctionnaires territoriaux, ce qui constitue une ressource supplémentaire qui pourrait être utilement mobilisée.

B. Réserve d'ingénierie : la commune comme bénéficiaire unique

La commission a jugé opportun de préciser le champ des collectivités territoriales bénéficiaires de cette réserve d'ingénierie. Cette réserve a été pensée comme un palliatif au manque de moyens administratifs et techniques des plus petites collectivités ainsi qu'à l'appauvrissement des moyens humains dans les services déconcentrés de l'État. Il apparaît donc nécessaire de recentrer exclusivement cette aide non pas sur la « collectivité » mais sur la « commune », afin de lever toute ambiguïté sur les collectivités destinataires du dispositif.

Sur la proposition du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-3 visant cet objectif.

C. Le choix du département comme échelon de coordination et d'animation de la réserve

La commission a estimé que plusieurs arguments justifiaient de ne pas retenir l'échelon régional.

Premièrement et historiquement, cet échelon n'a jamais été véritablement identifié comme le niveau de décision propice à la gestion et la prévention des inondations.

Deuxièmement, et alors même que la loi « NOTRe » a ouvert la possibilité de l'exercice de la compétence tirée de l'application du 12° de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, seules quatre régions exercent aujourd'hui la mission opérationnelle d'animation et concertation dans le domaine de la gestion de l'eau et des milieux aquatiques : les régions Bretagne, Grand Est, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d'Azur, ce qui atteste de la faible diffusion de cette « culture de l'inondation ».

Enfin, l'échelon régional est trop éloigné des communes, notamment des plus rurales, pour avoir une approche opérationnelle et de proximité.

La commission a ainsi adopté un amendement COM-4, sur la proposition du rapporteur, visant à confier au département le soin d'animer et de coordonner cette réserve. Elle propose que les centres de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) soient chargés de ces missions. Cette modification ne remet pas en cause l'économie générale de l'article. Les collectivités territoriales et leurs groupements demeurent responsables du recensement des agents publics territoriaux concernés.

L'article L. 452-44 du code général de la fonction publique prévoit en effet que les centres de gestion peuvent mettre à disposition des agents territoriaux pour effectuer « des missions temporaires », ce qui semble correspondre aux éventualités d'un accompagnement post-crise, par nature limité dans le temps.

Les centres de gestion apparaissent en effet comme un coordonnateur adapté pour cette réserve d'ingénierie dans la mesure où, conformément aux dispositions de l'article 2 du décret n° 85-643 du 26 juin 1985 relatif aux centres de gestion institués par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, l'affiliation aux centres est obligatoire pour les communes qui emploient moins de 350 fonctionnaires titulaires ou stagiaires à temps complet.

En tout état de cause, les communes susceptibles de bénéficier de l'aide de la réserve d'ingénierie sont celles les plus démunies en termes de moyens humains et donc obligatoirement affiliées à ces centres. Ces derniers disposent ainsi d'une connaissance fine et locale des besoins nécessaires dans ces communes. Ils apparaissent dès lors comme les plus à même d'animer et coordonner efficacement cette réserve d'ingénierie.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.


* 4 Article 118 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 5 Voir en ce sens les décisions CE, Sect., 22 février 1980, Pourfillet, n° 15 516 et CE, 6/5., 21 octobre 2011, n° 334 322 tendant à définir objectivement la notion de cours d'eau.

* 6 Article L. 215-7-1 du code de l'environnement.

* 7 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi Maptam.

* 8 Articles L. 215-7 et L. 215-12 du code de l'environnement.

* 9 Tribunal des conflits, 17 juin 2013, Bergoend c/société ERDF Annecy Léman, n° C3911.

* 10 Le droit de propriété est en effet considéré comme une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521 - 2 du code de la justice administrative : CE, ord., 23 mars 2001, Société Lidl, n° 231 559.

* 11 Décret n° 2024-62 du 31 janvier 2024 relatif aux opérations d'entretien des milieux aquatiques et portant diverses dispositions relatives à l'autorisation environnementale.

* 12 Ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale.

* 13 Article R. 214-42 du code de l'environnement.

* 14 Le Conseil d'État considère en effet, à jurisprudence constante, que l'autorisation environnementale vaut dérogation aux espèces protégées, voir en ce sens les décisions : CE, 22 juillet 2020, ministre de la transition écologique et solidaire c/M.B n° 429 610 et CE, 3 avril 2024, Association Belle Normandie, n° 468 297.

* 15 Article R. 181-28 du code de l'environnement.

* 16 Décret n° 2022-985 du 4 juillet 2022 modifiant l'article R. 122-14 du code de l'environnement, autorisant le ministre de l'intérieur à déléguer son pouvoir de décision dans les situations d'urgence à caractère civil.

* 17 Article 48 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.

* 18 AJCT 2021, Jérémy Bousquet, « Le volet environnemental de la loi Asap, une régression ».

* 19 Cette rubrique, introduite dans le droit positif par l'arrêté du 30 juin 2020 définissant les travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques relevant de la rubrique 3.3.5.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, relatif à la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques permettait d'alléger la procédure pour certains projets en faveur de l'environnement. Cette dernière a, par la suite, été annulée par le Conseil d'État dans sa décision Syndicat France Hydro-électricité et autres du 31 octobre 2022 en tant que le rattachement systématique au régime de déclaration de certaines opérations ayant pour objet la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, « alors même qu'elles présenteraient des dangers graves en termes de sécurité publique et accroîtraient notablement le risque inondations [...] méconnaît les dispositions des articles L. 214-2 et -3 du code de l'environnement » selon les conclusions du rapporteur public Nicolas Agnoux. Tirant les conséquences de cette annulation, cette nomenclature a été réintroduite par le décret 2023-907 du 29 septembre 2023 modifiant la nomenclature Iota.

* 20 IGEDD/CGAAER, mai 2024, « mission de simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l'entretien des cours d'eau ».

* 21 La base de recherche « Ariane web » du Conseil d'État ne recense jusqu'à présent que peu de cas dans lesquels des travaux pris sur le fondement du II bis de l'article L. 214-3 du code de l'environnement sont directement contestés.

* 22 Étude annuelle du Conseil d'État, 2010, « L'eau et son droit », p. 208.

* 23 Op cit, p. 204.

* 24 Conseil d'État, 2 mars 1984, Syndicat intercommunal de l'Huveaune, n° 35 524 reconnaît la responsabilité de l'État pour une faute commise par l'autorité administrative dans sa mission de police des cours d'eau non domaniaux.

* 25 Conseil d'État, 22 juillet 2020, SCI Les Vigneux, n° 425 969.

* 26 Rapport d'information n° 775 (2023-2024) de MM. Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin relatif au défi de l'adaptation des territoires face aux inondations : simplifier l'action, renforcer la solidarité.

* 27 Cour des comptes, 24 janvier 2024, « l'aménagement du littoral méditerranéen face aux risques liés à la mer et aux inondations » p. 44.

* 28 Loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau.

* 29 Article L. 212-1 à L. 212-2-3 du code de l'environnement.

* 30 Article L. 212-3 du code de l'environnement.

* 31 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

* 32 Article L. 562-1 du code de l'environnement.

* 33 Directive 2007/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques inondations.

* 34 Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

* 35 Étude du groupement de recherche sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat (Gridauh), N. Foulquier, M. Soazic et F. Rolin, « les plans de gestion des risques d'inondation et les obligations susceptibles d'être imposées aux documents d'urbanisme et aux autorisations environnementales ».

* 36 D'après les chiffres publiés par Géorisques.

* 37 Article L. 731-3 du code de la sécurité intérieure.

* 38 Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi « Matras ».

* 39 Mission conjointe CGEDD et IGA, octobre 2019, « Évaluation du dispositif des programmes d'actions de prévention des inondations (Papi) et de l'efficacité de sa mise en oeuvre ».

* 40 Décret n° 2023-504 du 22 juin 2023 portant diverses dispositions relatives à l'évaluation environnementale des plans et programmes.

* 41 Voir en ce sens la décision de la cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 10 octobre 2024, 22DA02 562.

* 42 Arrêté NOR : INTP2435107A du 3 janvier 2025 portant nomination (Administration territoriale : Var).

* 43 Op cit. p. 21.

* 44 Rapport d'information n° 775 (2023-2024) conjoint de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances relatif aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024.

* 45 Article 8 de la loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations.

* 46Mission des IGA/CGAAER/IGEDD, avril 2024, « mission d'appui au préfet de la région des Hauts-de-France pour renforcer la résilience des territoires touchés par des inondations », p. 70.

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