EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Possibilité pour les administrateurs de coopératives agricoles
ayant choisi la vente de produits phytopharmaceutiques,
d'être élus au bureau des chambres d'agriculture,
avec obligation de déport sur les délibérations relatives à ces produits

Cet article vise réoctroyer la possibilité, pour les associés-coopérateurs et administrateurs de coopératives agricoles exerçant des activités de conseil et non de vente, de devenir membres des bureaux des chambres d'agriculture, ainsi que du conseil d'administration de Chambres d'agriculture France. Une règle de déport est en contrepartie mise en place, pour les personnes qui seraient réautorisées à devenir membres du bureau d'une chambre, s'agissant des « travaux et délibérations concernant l'activité de conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques ». Aux yeux du rapporteur Vincent Louault, suivi dans son analyse par la commission, la modification apportée à l'article 1er doit se concevoir comme temporaire, en attendant que la réforme plus générale de la séparation de la vente et du conseil portée par la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, entre en vigueur.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - Le vivier de recrutement des bureaux des chambres d'agriculture a été rétréci par la mise en place de la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytosanitaires

Les chambres d'agriculture sont des établissements publics, sous la tutelle du ministère de l'agriculture, qui jouent un double rôle de représentation du monde agricole et de courroie de transmission des politiques agricoles pour le compte de l'État, exerçant des missions de service public différentes selon qu'elles sont départementales ou régionales (programmes régionaux de développement agricole et rural, identification animale en élevage, observation des installations en agriculture...).

La loi Égalim de 20181(*) a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin d'instituer la séparation des activités de conseil et de vente en matière de produits phytopharmaceutiques2(*), dans un souci de prévention des conflits d'intérêts (pour que le vendeur ne soit pas en situation de donner des conseils de nature à inciter l'agriculteur à acheter plus de produits phytosanitaires) et, in fine, de réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques.

Il en résulte un article L. 254-4-2 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit qu'« un membre d'un organe de surveillance, d'administration et de direction d'une personne morale exerçant une activité mentionnée au 3° du II de l'article L. 254-4 ne peut être membre d'un de ces mêmes organes d'une personne morale exerçant une activité mentionnée aux 1° ou 2° du même II ou au IV du même article et un membre d'un organe de surveillance, d'administration et de direction d'une personne morale exerçant une activité mentionnée aux 1° ou 2° de ce II ou à ce IV de ce même article ne peut être membre d'un de ces mêmes organes d'une personne morale exerçant une activité mentionnée au 3° de ce II ».

Ces références croisées, compliquées à appréhender, renvoient en fait aux différents agréments auxquels sont astreints les vendeurs/distributeurs (1° du II de l'article L. 254-4), les applicateurs/prestataires de services (2° du II) et les conseillers (3° du II), ainsi que les metteurs en marché/fabricants (IV de l'article L. 254-4).

Le VI de ce même article énonce en effet que « l'exercice de l'activité de conseil mentionnée au 3° du II est incompatible avec celui des activités mentionnées aux 1° ou 2° du II ou au IV », matérialisant juridiquement la séparation de la vente et du conseil.

Ce principe souffre toutefois de légers aménagements. D'abord, les vendeurs de produits phytopharmaceutiques peuvent toujours délivrer « les informations appropriées concernant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, notamment la cible, la dose recommandée et les conditions de mise en oeuvre, les risques pour la santé et l'environnement liés à une telle utilisation et les consignes de sécurité afin de gérer ces risques ». Ensuite, les vendeurs peuvent toujours « promouvoir, mettre en place ou faciliter la mise en oeuvre des actions tendant à la réduction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques », dans le cadre des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques.

En outre, si l'article L. 254-1-2 du code rural et de la pêche maritime met en place des incompatibilités, son second alinéa prévoit par dérogation qu'« une personne membre d'un organe d'administration d'un établissement mentionné à l'article L. 510-1 [réseau des chambres d'agriculture] bénéficiant d'un agrément pour les activités mentionnées au 3° du II de l'article L. 254-4 peut être membre de l'organe de surveillance, d'administration ou de direction d'une personne morale exerçant une activité mentionnée aux 1° ou 2° du II de l'article L. 254-4. »

La dérogation ne va pas toutefois jusqu'à permettre d'être président ou membre du bureau d'une chambre ou du conseil d'administration de Chambres d'agriculture France, puisqu'elle vaut « sous réserve qu'elle n'exerce pas un mandat de président ou de membre du bureau de cet établissement, ni de membre de conseil d'administration de Chambres d'agriculture France ».

Cette dernière règle, qui n'était pas encore en vigueur lors des précédentes élections aux chambres d'agriculture en 2019 (une mesure transitoire de l'ordonnance précitée prévoyant que les agriculteurs dans ce cas puissent conserver leur mandat jusqu'à leur terme), est présentée depuis plusieurs mois comme une restriction potentiellement importante au vivier de recrutement des élus de chambres d'agriculture, dans la mesure où nombre de responsables agricoles sont issus du monde coopératif (cf.  audition de Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France, le 7 février devant la commission des affaires économiques). Trois quarts des agriculteurs sont membres d'au moins une coopérative.

II. Le dispositif envisagé - La possibilité à nouveau octroyée, pour les administrateurs de coopératives agricoles, de devenir membres des bureaux des chambres d'agriculture

L'article 1er réécrit ainsi le second alinéa de l'article L. 254-1-2 du code rural et de la pêche maritime : « Toutefois, une personne membre d'un organe de surveillance, d'administration ou de direction d'une personne morale exerçant une activité mentionnée aux 1° ou 2° du II de l'article L. 254-1 peut détenir, dans un établissement mentionné à l'article L. 510-1 bénéficiant d'un agrément pour les activités mentionnées au 3° du II de l'article L. 254-1, un mandat de président ou de membre du bureau ou de membre du conseil d'administration de Chambres d'agriculture France. Cette personne ne participe pas aux travaux et délibérations concernant l'activité de conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques. »

Il s'agit d'un aménagement très partiel aux incompatibilités résultant de la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytosanitaires.

Une règle de déport est en effet mise en place, pour les personnes qui seraient réautorisées à devenir membres du bureau d'une chambre, s'agissant des « travaux et délibérations concernant l'activité de conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques ».

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - La confirmation de l'évolution souhaitée par la PPL

En commission, alors qu'aucun amendement n'avait été adopté sur cet article, ce dernier a finalement été supprimé, en raison d'une erreur de vote des députés du groupe Rassemblement national, a indiqué ce dernier a posteriori.

Ce groupe n'était pourtant pas défavorable à la dérogation apportée par cet article au principe de séparation vente-conseil : il avait même déposé un amendement reprenant à l'identique le dispositif de l'article 1er de la proposition de loi « Contraintes agricoles » de MM. Duplomb et Menonville, satisfaisant l'article 1er de la proposition de loi « Démocratie agricole » et allant même plus loin.

L'article 1er a été rétabli dans sa rédaction initiale en séance publique, par l'adoption de l'amendement n°  7 du groupe EPR, identique à l'amendement n°  27 de la rapporteure Nicole Le Peih.

IV. La position de la commission - Une mesure nécessaire, mais en aucun cas suffisante

La commission accueille favorablement l'article 1er tel qu'issu des travaux de l'Assemblée nationale, en particulier en ce qu'il redonne la possibilité aux membres des coopératives agricoles d'être membres des instances dirigeantes des chambres d'agriculture.

Aux yeux du rapporteur Vincent Louault, suivi dans son analyse par la commission, la modification apportée à l'article 1er doit se concevoir comme temporaire, en attendant que la réforme plus générale de la séparation de la vente et du conseil entre en vigueur.

En effet, l'article 1er ne revient pas sur les règles générales de séparation capitalistique (pour les structures) et organisationnelles (incompatibilités pour les personnes, en termes de présence au sein d'instances de gouvernance et de droits de vote), mais crée une simple dérogation pour les chambres d'agriculture.

Or, le président Dominique Chargé avait ainsi indiqué publiquement : « La proposition de loi sur la démocratie agricole ne traite qu'une partie du sujet, qui n'est pas essentielle. La priorité, c'est d'abroger la séparation vente-conseil sur les phytos pour pouvoir accompagner les agriculteurs dans leur transition » (cf.  Contexte, 22 novembre).

La Coopération agricole résume sa position en indiquant que « la PPL démocratie agricole est nécessaire mais loin d'être suffisante ».

C'est d'autant plus vrai que le présent article précise que les personnes issues de coopératives ayant choisi la vente plutôt que le conseil « ne participeraient pas aux travaux et délibérations concernant l'activité de conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques ». Un déport maintient certaines contraintes procédurales là où la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, après son examen en séance publique au Sénat, a permis d'abroger la séparation de la vente et du conseil pour les distributeurs, avec simplement le maintien d'une séparation capitalistique pour les fabricants de produits phytosanitaires. En contrepartie, le Sénat a entendu dessiner les contours d'un conseil stratégique global facultatif au service des agriculteurs et a accepté de maintenir des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) recentrés sur les seuls distributeurs.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 1er bis A
Consécration législative du règlement intérieur des chambres
et de la publication de leurs procès-verbaux

Cet article, issu d'un amendement de la rapporteur Nicole Le Peih, adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, vise à mentionner, au sein du code rural, que chaque établissement du réseau des chambres d'agriculture établit un règlement intérieur qui prévoit, notamment, les conditions de publication des procès-verbaux des réunions de session et du bureau de l'établissement.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - Les règles relatives au règlement intérieur des chambres d'agriculture ainsi qu'à leurs procès-verbaux relèvent du règlement.

L'article D. 511-19 du code rural et de la pêche maritime dispose que « les séances des chambres d'agriculture ne sont pas publiques mais les chambres peuvent décider la publication de leurs procès-verbaux. ».

L'article D. 511-18 du même code indique quant à lui que « la chambre d'agriculture établit son règlement intérieur », fixant notamment les modalités de fonctionnement du bureau. Concernant Chambres d'agriculture France (CDAF), l'article D. 513-3 dispose que « Chambres d'agriculture France établit son règlement intérieur » et qu'il est approuvé par le ministre chargé de l'agriculture.

Il découle de ces dispositions que, d'une part, le principe du règlement des chambres d'agriculture relève du décret et que, d'autre part, la publication des procès-verbaux des séances des chambres d'agriculture n'est pas obligatoire.

II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - Consécration législative du règlement intérieur des chambres d'agriculture et principe de publication des procès-verbaux des réunions de la session et du bureau

En séance publique, les députés ont adopté un amendement n°  28 de la rapporteure Nicole Le Peih, sous-amendé d'un sous-amendement n°  33 de François Buffet visant à insérer après l'article L. 510-1 du CRPM un article L. 510-1-1 disposant que « chaque établissement du réseau des chambres d'agriculture établit un règlement intérieur dans des conditions fixées par décret. Ce règlement intérieur fixe notamment les modalités d'application du second alinéa de l'article 254-4-2 et prévoit les conditions de publication des procès-verbaux dressés après chaque réunion de la session et du bureau de l'établissement ».

Ainsi, le principe du règlement intérieur des chambres d'agriculture trouve à être inscrit au sein de la partie législative du code, les conditions entourant l'établissement de ce règlement étant renvoyées à un décret.

Il en est de même pour le principe de publication des procès-verbaux.

III. La position de la commission - Des dispositions à l'impact limité

La commission considère avec son rapporteur que ces dispositions sont relativement peu utiles dans la mesure où les règles relatives aux procès-verbaux et au règlement figuraient déjà dans la partie réglementaire du code.

Néanmoins, acter dans la loi un principe de publication des procès-verbaux des réunions de la session et du bureau d'une chambre d'agriculture contribue à tendre vers toujours plus de transparence, ce à quoi la commission ne s'oppose naturellement pas.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 1er bis B
Report des élections de la chambre d'agriculture de Mayotte

Cet article vise à reporter les élections de la chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte, à la suite du passage destructeur du cyclone Chido le 14 décembre 2024.

Au regard de la situation critique sur l'île, le report de ces élections apparaît, aux yeux du rapporteur et de la commission, pleinement justifié. La démocratie agricole doit pouvoir s'exprimer dans des conditions minimales de sérénité, qui ne sont actuellement pas remplies.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - À la suite du passage destructeur du cyclone Chido, une situation de crise à Mayotte

Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido a durement touché le département de Mayotte, et fait, selon les chiffres connus à ce jour, 39 morts et plus de 4 000 blessés. Le coût de la catastrophe est estimé à deux milliards d'euros. Quatre jours après le passage du cyclone, l'état de calamité naturelle exceptionnelle a été déclaré.

Une mission interministérielle d'évaluation a été créée pour dresser un bilan de la catastrophe, et notamment dans son volet agricole.

L'ensemble des secteurs a été durement frappé, parmi lesquels l'agriculture, alors même que la production vivrière est importante sur l'île.

La direction générale des outre-mer (DGOM) estime que 90 % de la production maraîchère et fruitière ont été détruits. Le retour à la normale sera long, suivant le rythme biologique de production de ces denrées, la disponibilité des semences ainsi que des équipements. L'élevage a également été durement touché, et l'essentiel des bâtiments endommagés ou détruits.

En audition devant les membres de la commission des affaires économiques le 22 janvier3(*), le ministre des outre-mer a déclaré que « la question de l'agriculture est tout à fait essentielle. Ainsi, 15 000 poules pondeuses ont été perdues ; pour les volailles de chair, 1 500 animaux ont survécu sur 120 000 et 26 bâtiments sur 28 ont été détruits. Le fonds de secours pour les outre-mer a été déclenché, et, s'agissant de la compensation des pertes de récolte, le taux d'indemnisation est de 30 %. Quelques dizaines d'exploitations peuvent en bénéficier. Le dispositif national de calamité agricole exceptionnelle, avec un forfait par hectare et production, n'est d'ordinaire pas cumulable avec le fonds de secours, mais il l'est avec l'aide de Bercy. Le décret du 14 janvier 2025 prévoit aussi une aide financière exceptionnelle aux entreprises, qui peut bénéficier à 1 600 exploitants. »

Dans ce contexte, il paraît difficile d'envisager la bonne tenue des élections de la chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte le 31 janvier, comme sur le reste du territoire national, et suivant le calendrier des opérations électorales défini aux articles R. 511-8 à R. 511-53 du code rural et de la pêche maritime (CRPM).

II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - Le report de l'élection

Par un amendement n° 12 du Gouvernement, adopté en séance publique avec un avis favorable de la rapporteure pour la commission des affaires économiques Nicole Le Peih, l'élection de la chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture a été repoussée.

Plus précisément, l'amendement prévoit que, « par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 511-7 du code rural et de la pêche maritime, pour la chambre de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte :

1° La durée du mandat des membres en fonction au 31 janvier 2025 est prolongée d'un an ;

2° La durée du mandat des membres élus en 2026 est fixée à cinq ans. »

Le choix du Gouvernement est donc de prolonger pour un an la durée des mandats des membres actuellement en fonction, et réciproquement, de raccourcir de la même durée le mandat des membres prochainement élus, de sorte à ne pas créer un décalage pérenne avec le reste du territoire national, pour les élections suivantes.

Un tel amendement avait été déclaré irrecevable au regard de l'article 45 de la Constitution sur le projet de loi Mayotte.

III. La position de la commission - Une mesure nécessaire

La commission des affaires économiques et son rapporteur approuvent le report de l'élection de la chambre d'agriculture, de pêche et d'aquaculture de Mayotte, au regard de la situation dramatique de l'île, et soutient par ailleurs toutes les mesures d'accompagnement économique et social permettant de relancer au plus vite la vie économique, et singulièrement agricole du département.

La démocratie agricole doit pouvoir s'exprimer dans des conditions minimales de sérénité, qui ne sont actuellement pas remplies.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 1er bis
Inclusion des premiers vice-présidents des chambres d'agriculture
de région dépourvues de chambre territoriale
au sein de Chambres d'agriculture France

Cet article vise à inclure les premiers vice-présidents des chambres d'agriculture de région dépourvues de chambre territoriale au sein de Chambres d'agriculture France, afin de rétablir une situation identique entre les territoires concernés (Corse, Île-de-France) et les régions où il existe une ou plusieurs chambres territoriales, qui bénéficient, elles, d'une double représentation.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - Chambres d'agriculture France, la tête de réseau des chambres d'agriculture, est composée d'une liste limitative de membres, tous présidents de chambre

Les chambres d'agriculture sont des établissements publics, sous la tutelle du ministère de l'agriculture, qui jouent un double rôle de représentation du monde agricole et de courroie de transmission des politiques agricoles pour le compte de l'État, exerçant des missions de service public différentes selon qu'elles soient départementales ou régionales (programmes régionaux de développement agricole et rural, identification animale en élevage, observation des installations en agriculture...).

Conformément à l'article L. 510-0 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), le réseau des chambres d'agriculture est constitué de chambres départementales ou interdépartementales, de chambres régionales et d'une tête de réseau, appelée Chambres d'agriculture France (ex-Association permanente des chambres d'agriculture).

À l'issue de premières actions de réorganisation du réseau, il existe actuellement 102 établissements, dont 88 chambres départementales ou interdépartementales et 13 chambres régionales, ainsi que CDAFrance.

Deux modalités de rapprochement des chambres existent en effet à l'échelle régionale. Premièrement, des chambres départementales peuvent fusionner en une chambre régionale, ce qu'ont entrepris les chambres du quart nord-ouest. Secondement, depuis la loi « ASAP4(*) », les chambres départementales et interdépartementales « peuvent se transformer en chambres territoriales dépourvues de personnalité juridique mais autorisées néanmoins à exercer des missions de proximité », ce qui, du reste, « fait double emploi avec la fusion au sein d'une chambre d'agriculture de région », selon la Cour des comptes.

Source : Cour des comptes, rapport public annuel 2021

Selon la Cour, « il résulte de ces évolutions successives et divergentes une réelle difficulté à appréhender le réseau dans sa diversité ».

En témoigne le fait que les chambres régionales dépourvues de chambre territoriale sont moins bien représentées au sein de la tête de réseau que celles ayant mis en place des chambres territoriales en lieu et place d'anciennes chambres départementales.

En effet, au sein de la section du code rural sur « l'organisation et le fonctionnement » de Chambres d'agriculture France, l'article L. 513-3 dispose que « Chambres d'agriculture France est composée des présidents des chambres départementales, interdépartementales, régionales et interrégionales d'agriculture, des présidents des chambres d'agriculture de région ainsi que des présidents des chambres territoriales. Toutefois, le président élu de Chambres d'agriculture France peut renoncer à son mandat de président de l'une de ces chambres. Les présidents peuvent être suppléés par un délégué élu dans chaque chambre. Les conditions de représentation des chambres interdépartementales, interrégionales et des chambres de région à Chambres d'agriculture France sont fixées par décret. »

Aux termes du décret prévu pour l'application de cet article, « les chambres interdépartementales d'agriculture, les chambres interrégionales d'agriculture et les chambres d'agriculture de région, créées à compter du 1er janvier 2011, sont représentées à l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture par leur président. Ces derniers disposent d'autant de voix délibérative que de départements et régions représentés en leur sein » (codifié à l'article D. 513-3-1 du code rural).

Or, dans deux collectivités, il n'existe plus qu'un seul président de chambre. En effet, suite à la recommandation réitérée de la Cour des comptes d'aller plus loin dans la rationalisation du réseau (rapports publics annuels 2017 et 2021), la chambre d'agriculture régionale d'Île-de-France a été créée en 2018, fusionnant trois établissements, et, en Corse, les deux chambres départementales et la chambre régionale ont fusionné en 2024 sous le nom de chambre d'agriculture de région Corse.

II. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - L'inclusion des premiers vice-présidents des chambres d'agriculture de région dépourvues de chambre territoriale au sein de Chambres d'agriculture France

Un amendement n° CE31 de la rapporteure Nicole Le Peih, portant article additionnel après l'article 1er, a été adopté en commission, donnant lieu à la création de cet article 1er bis.

Il apporte deux modifications à l'article L. 513-3 du code rural :

· en premier lieu, il inclut, au sein de la liste des membres de Chambres d'agriculture France les « premiers vice-présidents des chambres d'agriculture de région dépourvues de chambre territoriale » ;

· en second lieu, par coordination, il précise qu'outre « les présidents », sont représentés, de façon plus générique, des « membres », ceux-ci pouvant, comme ceux-là, « être suppléés par un délégué élu dans chaque chambre ».

III. La position de la commission - Une disposition de nature à améliorer la représentation des chambres régionales d'agriculture au sein de la tête de réseau, encourageant de ce fait la poursuite de la rationalisation du réseau

La commission accueille favorablement la possibilité donnée aux premiers vice-présidents des chambres d'agriculture de région dépourvues de chambres territoriales de siéger à Chambres d'agriculture France.

Ainsi, les deux chambres régionales concernées, celle d'Île-de-France et de Corse, pourraient désormais disposer d'un second représentant à Chambres d'agriculture France, ce qui n'était pas permis jusqu'à présent, à la différence des régions dans lesquelles des chambres territoriales sont constituées et donnent droit à une représentation supplémentaire.

Il s'agit d'abord d'une modification encourageant la poursuite de la rationalisation du réseau des chambres, la fusion d'établissements en une chambre régionale unique ne s'accompagnant pas d'une perte de représentativité à l'échelle nationale.

Cela permettra ensuite à deux régions non négligeables du point de vue de leur production agricole - l'Île-de-France pour les grandes cultures et, historiquement, le maraîchage, la Corse pour la production d'agrumes, la viticulture ou l'élevage à vocation fromagère - de figurer au sein de la tête de réseau. Aux yeux du rapporteur Vincent Louault, suivi dans son analyse par la commission, la prise en compte des spécificités marquées de ces deux territoires n'en sera que plus complète.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 1er ter
Demande de rapport sur l'opportunité d'adopter un mode de scrutin
à la proportionnelle intégrale
pour les élections aux chambres d'agriculture

Cet article demande au Gouvernement la remise d'un rapport au Parlement, dans les six mois de la promulgation de la présente loi, sur l'opportunité d'adopter un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale pour les élections aux chambres d'agriculture.

À l'instar de la ministre, qui ne « disconvient pas que le problème de la représentativité des chambres se pose », le rapporteur Vincent Louault estime que la remise d'un rapport sur le mode de scrutin d'une élection en pleine période électorale pose un problème de principe et qu'il n'est pas de bonne politique de demander la remise de rapports comme solution de repli à des réformes « en dur ». Si une réflexion sur les alternatives à ce mode de scrutin peut se justifier, il est clair qu'elle ne devrait privilégier aucune réforme a priori - à la différence de la demande de rapport prévue au présent article - et qu'elle sera plus opportune à une échéance ultérieure, dans la perspective des élections de 2031.

C'est pourquoi, sur la proposition du rapporteur, la commission des affaires économiques a adopté un amendement COM-1 de suppression du présent article

La commission a donc supprimé l'article.

I. La situation actuelle - Un mode de scrutin majoritaire ou avec forte prime majoritaire qui confère un avantage non négligeable au syndicat arrivé en tête dans chaque chambre d'agriculture

Les élections professionnelles agricoles ont lieu tous les six ans et se traduisent par la désignation des membres des chambres d'agriculture départementales, interdépartementales et de régions. Les dernières élections ont eu lieu en janvier 2019, et des élections sont en cours lors de la rédaction du présent rapport en janvier 2025.

Le décret n° 2024-417 du 8 juillet 2024 relatif à la composition des chambres d'agriculture et à l'élection de leurs membres, codifié à l' article R. 511-1 du code rural et de la pêche maritime, dispose qu'une chambre d'agriculture est composée de dix collèges au total (auxquels s'ajoutent 1 à 4 élus du Centre régional de la propriété forestière, lors d'un scrutin décorrélé), dont le poids respectif suit la répartition suivante :

Source : Chambres d'agriculture France

Sont généralement distingués cinq collèges individuels (chefs d'exploitation et assimilés, propriétaires fonciers et usufruitiers, salariés de la production agricole, salariés des groupements professionnels agricoles, anciens exploitants) et cinq collèges des groupements agricoles (coopératives de production agricole (Cuma), autres coopératives, caisses de Crédit Agricole, caisses d'assurances mutuelles agricoles et des caisses de mutualité sociale agricole (MSA), collège des organisations syndicales). Les premiers ont un poids prépondérant (26 membres contre 7 membres pour les collèges des groupements).

Les résultats des principaux syndicats lors des cinq dernières élections témoignent d'une relative stabilité dans le temps de leurs résultats.

Source : Mission d'information commune relative aux chambres d'agriculture
et à leur financement
(2020)

Le mode de scrutin, direct, est régi par l' article R. 511-13 du code rural. Ainsi, sur trente-trois élus par département :

· vingt-quatre (collège 1, chefs d'exploitation et assimilés ; collège 3a, salariés de la production agricole ; collège 3b, salariés des groupements professionnels agricoles) le sont au scrutin de liste à un tour, avec prime de 50 % des voix pour la liste qui obtient le plus de voix, puis selon la méthode de la représentation proportionnelle au plus fort reste ;

· les neuf autres membres sont élus au scrutin majoritaire à un tour.

Entre ces neuf élus au scrutin majoritaire et ces douze sur vingt-quatre élus des collèges exploitants et salariés qui reviennent à la liste arrivée en tête, ce mode de scrutin confère un avantage non négligeable au syndicat arrivé en tête dans chaque département.

La mission d'information commune relative aux chambres d'agriculture et à leur financement de 2020, présidée par Jean-Pierre Vigier (LIOT), dont les rapporteurs étaient Marie-Christine Verdier-Jouclas (EPR) et Stéphane Travert (EPR), pointait « des questions quant à la représentativité des instances de chambres », « un taux de participation en baisse continue » (28,5 % en 2019, contre 37 % en 2013).

Un chapitre du rapport public annuel de la Cour des comptes (2021) sur «  Le réseau des chambres d'agriculture : une restructuration à achever pour plus d'efficacité » estimait également que « l'évolution de la gouvernance pourrait favoriser la pluralité syndicale. Elle est en effet marquée par la prédominance de longue date du syndicat majoritaire : en 2019, sur 102 chambres d'agriculture, 97 sont dirigées par la FNSEA et ses alliés alors qu'ils n'ont obtenu que 55 % des voix du collège des exploitants agricoles. Cette évolution nécessiterait une modification de l'article R. 511-13 du code rural et de la pêche maritime qui prévoit un scrutin proportionnel à prime majoritaire. »

À titre d'exemple, pour d'autres élections dont le mode de scrutin est à la proportionnelle, la prime majoritaire pour la liste arrivée en tête est la suivante :

· les élections régionales françaises (art. L. 388 du code électoral) prévoient l'attribution d'un quart des sièges à la première liste puis la répartition du reste à la proportionnelle pour chacune des listes ayant recueilli plus de 5 % des suffrages ;

· les élections municipales françaises (art. L. 260 à L. 267 du code électoral) prévoient l'attribution de la moitié des sièges à pourvoir au conseil municipal pour la liste ayant obtenu la majorité absolue puis la répartition du reste à la proportionnelle entre les listes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages.

Le rapport de la mission d'information commune précité mentionnait à titre d'exemple la proposition de la Confédération paysanne, plaidant « en faveur de l'introduction d'un mode de scrutin proportionnel, soit total, soit aménagé (prime majoritaire à 25 ou 33 % pour le collège des exploitants mais abandon de la prime à 50 % actuelle) ».

II. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - Une demande de rapport sur l'opportunité d'adopter un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale pour les élections aux chambres d'agriculture

Lors de l'examen de la présente proposition de loi en commission des affaires économiques, malgré l'avis défavorable de la rapporteure Nicole Le Peih, un amendement n°  CE30 du groupe La France insoumise - Nouveau front populaire a été adopté avec le soutien de députés des autres groupes du Nouveau front populaire ainsi que du groupe Rassemblement national, donnant lieu à la création de cet article 1er ter.

Cet article demande au Gouvernement la remise d'un rapport au Parlement, « dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, [...] évaluant l'opportunité d'adapter les règles d'élection des représentants des chambres d'agriculture en réduisant progressivement la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête, pour atteindre un système à la proportionnelle intégrale ».

Les auteurs de l'amendement entendent notamment réfléchir à des remèdes à « la surreprésentation du syndicalisme majoritaire », qui « constitue un frein au pluralisme ».

En séance publique, deux amendements n°  13 du député Charles Sitzenstuhl (EPR - Bas-Rhin) et n°  29 de la rapporteure Nicole Le Peih, proposant la suppression du présent article, ont été rejetés. Les motifs invoqués étaient que « le mode de scrutin n'est pas l'objet de cette proposition de loi », que « légiférer sur une élection en cours » n'était pas une bonne pratique, mais aussi que « limiter le nombre de rapports augmenterait les chances d'un vote du Sénat dans les mêmes termes et une adoption plus rapide du texte ». La ministre a appelé elle aussi à supprimer cet article.

Un amendement n°  24 de M. Peio Dufau (Socialistes et apparentés - Pyrénées-Atlantiques), cosigné par deux autres députés du même groupe, a été adopté et complète la demande de rapport de l'article 1er ter en demandant que ce rapport « évalue également l'opportunité de procéder à un décompte des voix à l'échelle du canton ainsi que les modalités techniques d'un tel décompte ». L'auteur a justifié cet amendement par la nécessité d'« être au plus près des différentes réalités, tant les situations peuvent différer dans un même département », en donnant l'exemple du Pays basque et du Béarn. La ministre et la rapporteure avaient donné un avis défavorable à cet amendement au motif qu'il « faut aller vite » et que décompter le détail des votes par canton (et non plus seulement le taux d'émargement) conduirait « à bouleverser, dans une large mesure, les outils administratifs existants et, surtout, à mobiliser des moyens humains dont les chambres ne disposent pas ».

III. La position de la commission - Des effets du mode de scrutin déjà bien documentés et une réflexion qui percute le scrutin en cours et sera plutôt opportune dans la perspective des élections de 2031

Le mode de scrutin actuel suscite des critiques récurrentes des syndicats minoritaires (Coordination rurale, Confédération paysanne), qui trouvent des appuis respectivement au sein des groupes RN, LFI, et plus largement NFP, ces derniers ayant voté en faveur de l'adoption de cet article. Le député écologiste de Charente-Maritime Benoît Biteau s'est par exemple inquiété, en séance publique à l'Assemblée nationale, des conflits d'intérêts de chambres d'agriculture, s'agissant de la question de l'installation, « formatant le projet d'agriculteurs qui imaginent autrement le développement agricole ».

La ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire Annie Genevard a indiqué lors de l'examen de la présente proposition de loi en séance publique à l'Assemblée nationale « ne pas disconvenir que le problème de la représentativité des chambres se pose, toutes les organisations professionnelles lui ayant parlé » de cette question depuis qu'elle est entrée en fonction.

Le rapporteur Vincent Louault partage toutefois les craintes exprimées à l'unisson par le député Charles Sitzenstuhl, la rapporteure Nicole Le Peih et la ministre, en séance publique à l'Assemblée nationale :

· la remise d'un rapport sur le mode de scrutin d'une élection en pleine période électorale pose un problème de principe ;

· ce rapport semble d'autant moins justifié que la demande porte explicitement sur une refonte du mode de scrutin dans le sens de la mise en place d'une proportionnelle intégrale (cela témoigne du fait que la réflexion évoquée n'est qu'un faux-semblant) ;

· de façon générale, la commission considère qu'il n'est pas opportun de demander la remise de rapports comme solution de repli à des réformes « en dur » pour lesquelles il n'existerait pas de consensus au sein du Parlement (la multiplication de ces rapports entrave l'action de l'administration en mobilisant des moyens humains).

En outre, le rapporteur estime que les effets du mode de scrutin sur la composition des chambres d'agriculture sont déjà bien documentés et partagés (cf. rapports de la mission d'information commune et de la Cour des comptes mentionnés supra). Si une réflexion sur les alternatives à ce mode de scrutin peut se justifier, il est clair qu'elle ne devrait privilégier aucune réforme a priori - à la différence de la demande de rapport prévue au présent article - et qu'elle sera plus opportune à une échéance ultérieure, dans la perspective des élections de 2031.

C'est pourquoi, sur la proposition du rapporteur, la commission des affaires économiques a adopté un amendement COM-1 de suppression du présent article.

La commission a donc supprimé l'article.

Article 2
Diverses dispositions ajustant les modalités des élections
à la Mutualité sociale agricole (MSA) afin de permettre
son bon déroulement et de corriger certaines irrégularités

Cet article vise à ajuster plusieurs dispositions afin de permettre le bon déroulement des élections à la Mutualité sociale agricole (MSA) et de corriger certaines irrégularités. Il applique d'abord des modalités dérogatoires d'organisation du scrutin, à l'instar de ce qui est prévu dans les départements de la proche couronne parisienne et dans les trois plus grandes villes de France, à la métropole de Lyon (hors ville de Lyon). Surtout, il ouvre le corps électoral aux personnes qui sont débitrices de cotisations réclamées depuis plus de six mois par la MSA, tout en maintenant dans le texte initial la condition d'être à jour de cotisation pour être éligible aux instances de la MSA, condition toutefois supprimée lors de l'examen en commission à l'Assemblée nationale.

Suivant l'avis du rapporteur, accueillant favorablement ces ajustements préalables aux prochaines élections des instances de la MSA, afin d'en sécuriser leur cadre juridique et de garantir qu'elles se déroulent dans de bonnes conditions, la commission n'a pas apporté de modification.

Elle a ainsi adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - Les élections aux caisses de Mutualité sociale agricole (MSA), qui doivent se tenir prochainement, se déroulent selon des modalités d'organisation complexes

Les caisses de mutualité sociale agricole gèrent les régimes de protection sociale des professions agricoles. L'article L. 723-34 du code rural et de la pêche maritime prévoit que « les caisses de mutualité sociale agricole et la caisse centrale de la mutualité sociale agricole sont administrées par les conseils d'administration de la mutualité sociale agricole élus par les assemblées générales de la mutualité sociale agricole, élues elles-mêmes dans les conditions fixées à la présente section ». Cette section contient les dispositions qui suivent.

A. Une restriction du corps électoral et de l'éligibilité aux personnes qui ne sont pas débitrices de cotisations réclamées depuis plus de six mois

En l'état actuel du droit, dans le cadre des élections des délégués et administrateurs de la Mutualité sociale agricole (MSA), parmi plusieurs conditions, il en existe une, non seulement pour être éligible, mais aussi pour prendre part au vote, consistant à ne pas être débiteur de cotisations réclamées depuis plus de six mois.

L'article L. 723-39 du code rural et de la pêche maritime fixe en effet, parmi les conditions pour être électeur dans le cadre des élections des assemblées générales et conseils d'administration des caisses de MSA, le fait, pour une personne, que « toutes les cotisations personnellement dues par elles et réclamées depuis six mois au moins [aient] été acquittées ».

Une même condition d'absence de dette existe également s'agissant de l'éligibilité aux instances des MSA.

B. Des dispositions obsolètes, fragilisant juridiquement le scrutin, devant être mises à jour

L'article L. 723-35 du code rural prévoit que « les personnes relevant à titre d'assujettis, qu'ils soient bénéficiaires ou cotisants, des caisses de mutualité sociale agricole forment trois collèges électoraux » :

- celui d'abord des chefs d'exploitation n'employant pas de main-d'oeuvre à titre permanent ;

- celui ensuite des salariés agricoles ;

- celui enfin des chefs d'exploitations employant une main-d'oeuvre salariée à titre permanent, ainsi que les salariés d'une liste d'organismes en lien avec l'économie rurale détaillée au 6° de l'article L. 722-20.

L'article L. 723-38-8 prévoit des dispositions dérogatoires pour les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne (qui constituent chacun une circonscription électorale) et les villes de Paris, Lyon et Marseille (qui constituent également chacune une circonscription électorale), avec de légères différences de mode de scrutin pour les premier et troisième collèges d'une part, et pour le deuxième collège d'autre part.

Aucune disposition de ce type n'est prévue pour la métropole de Lyon, hors ville de Lyon.

II. Le dispositif envisagé - Des ajustements préalables aux prochaines élections des instances de la MSA, afin d'en sécuriser leur cadre juridique et de garantir qu'elles se déroulent dans de bonnes conditions

A. Une mise à jour et une correction du droit existant

Le 1° ajoute le cas particulier des circonscriptions de la métropole de Lyon, hors ville de Lyon, à l'article L. 723-38 du code rural, afin de lui appliquer les mêmes modalités dérogatoires d'organisation du scrutin qu'aux départements de la proche couronne parisienne et aux trois plus grandes villes françaises (les circonscriptions de la métropole seraient assimilées à des cantons, permettant de ce fait l'élection de délégués cantonaux).

Le 4° tire simplement les conséquences de l'abrogation d'un article du code rural, en supprimant la référence à cet article (L. 7), par coordination, à l'article L. 723-3 du code.

B. Changement du corps électoral

Le 2° de l'article 2 supprime la condition, pour pouvoir prendre part au vote des élections de la Mutualité sociale agricole (MSA), de ne pas être débiteur de cotisations depuis au moins six mois. La mesure est présentée dans l'exposé des motifs comme présentant « le double avantage à la fois d'être conforme au principe constitutionnel de l'égalité du suffrage universel et de simplifier la constitution des listes électorales de la MSA (qui ne nécessiterait plus de rechercher et identifier les débiteurs de plus de 6 mois, avec tous les risques contentieux que cela implique) ».

En revanche, le 3° conserve cette même condition d'absence de dette à l'endroit de la MSA pour être éligible aux instances de la MSA.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - La suppression de la condition de ne pas être débiteur de cotisations réclamées depuis plus de six mois pour être éligible comme délégué ou administrateur

Devant la commission des affaires économiques, deux amendements identiques n°  CE3 des députés du groupe La France insoumise et n°  CE8 du groupe RN ont supprimé la condition, qui demeurait pour être éligible aux instances de la Mutualité sociale agricole (MSA), qui était supprimée par le 2° du présent article uniquement pour les électeurs. Ce nouvel assouplissement est présenté comme de nature à permettre aux personnes concernées de « porter la voix des agriculteurs en difficulté ». En effet, ces personnes « qui ne seraient pas à jour de leurs cotisations, font partie de ceux qui, en raison même de leurs difficultés économiques, ont le plus affaire à la MSA ». Aussi serait-il légitime de leur permettre de « porter des propositions pertinentes » dans les instances de la MSA. Est aussi évoqué un « essoufflement du système agricole actuel [...] se traduisant par des charges élevées ».

Un amendement n°  CE34 de la rapporteure Nicole Le Peih a par ailleurs été adopté.

Aucun amendement n'a été adopté sur cet article en séance publique à l'Assemblée nationale.

IV. La position de la commission - Des dispositions juridiques de nature à permettre le bon déroulement des élections aux caisses de mutualité sociale agricole, concourant à l'exercice de la démocratie agricole

La commission accueille favorablement la possibilité donnée à des personnes débitrices à la MSA de prendre part aux élections, non seulement du point de vue du principe constitutionnel d'égalité, mais également au regard de la nécessité de simplifier l'organisation du scrutin.

Aux yeux du rapporteur Vincent Louault, cependant, le maintien de la condition de ne pas être débiteur de cotisations réclamées depuis plus de six mois pour être éligible comme délégué ou administrateur aurait pu se justifier. Il paraît logique en effet d'être en règle dans ses rapports avec une institution si l'on aspire à la représenter.

Pour autant, afin de ne pas ralentir le processus d'examen de ce texte en rouvrant un débat sur lequel l'Assemblée nationale semble avoir abouti à des vues convergentes, dans un contexte où l'adoption de ce texte avant la constitution du bureau des chambres revêt un caractère d'urgence (art. 1er), il a proposé à la commission de ne pas modifier le présent article. Ce d'autant plus que les autres dispositions de l'article 2 paraissent de bon sens et ne pas poser de difficulté.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 3
Ajustement de la durée des mandats de délégués
des caisses de la Mutualité sociale agricole

Cet article vise à rétablir entre toutes les caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) la synchronisation des mandats, perdue à l'occasion de la crise de la Covid-19.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - Des élections désynchronisées

La crise de la Covid-19, et notamment le confinement mis en place pour lutter contre l'épidémie, a désorganisé les élections des caisses de la Mutualité française agricole (MSA). L'ordonnance n° 2020-329 du 25 mars 2020 a permis de prolonger les mandats et de sécuriser le fonctionnement de la MSA.

Si les délégués cantonaux de l'ensemble des caisses ont pu être élus en février 2020 et les administrateurs de trois caisses locales en mars 2020, selon le calendrier normal, l'ensemble des autres caisses n'a pu organiser ces élections qu'à l'automne, créant ainsi un décalage dont les conséquences sont amenées à se faire jour en 2025, à l'occasion des prochaines élections.

II. Le dispositif envisagé - Synchroniser de nouveau les élections de la MSA

Le dispositif proposé met en place une dérogation aux dispositions du code rural et de la pêche maritime régissant le mandat des élus. Il dispose que « le terme du mandat des délégués cantonaux membres des assemblées générales départementales et pluridépartementales de la mutualité sociale agricole et des membres des conseils d'administration des caisses départementales et pluridépartementales et de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole qui ont été élus ou désignés en 2020 peut être fixé, par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, à une date distincte de celle du terme initial de chaque mandat, et au plus tard le 31 décembre 2025 ».

Aussi, par arrêté, il sera possible de réaligner, en vue des élections de 2025, les mandats des élus à l'échelle de l'ensemble des caisses locales.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, deux amendements rédactionnels CE35 et CE32 de la rapporteure ont été adoptés. En séance publique, un également rédactionnel n° 32, également de la rapporteure Nicole Le Peih, a été adopté.

IV. La position de la commission - Un ajustement utile permettant d'éviter une situation de confusion à venir en 2025

La commission accueille favorablement cet ajustement permettant d'éviter une vacance de la composition du conseil d'administration de quelques caisses pendant plusieurs mois ou bien, selon les situations, une superposition d'élus en fin de mandats et d'élus en début de mandat.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 4
Exigence de listes paritaires aux élections des délégués cantonaux
de la mutualité sociale agricole

Cet article vise à instaurer la parité des listes pour les élections de la Mutualité sociale agricole (MSA).

La commission des affaires économiques et son rapporteur, Vincent Louault, approuvent cette mesure, qui fait directement écho à un article ajouté en commission à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - L'absence de mesure relative à la parité des listes candidates aux fonctions de délégués cantonaux de la MSA

Les assemblées générales départementales de la Mutualité sociale agricole (MSA) représentent la profession agricole en ce qui concerne la protection sociale et familiale en agriculture. Elles ont notamment pour mission de procéder à l'élection des membres des conseils d'administration des caisses de la MSA et se prononcent annuellement sur la gestion des conseils d'administration de ces caisses5(*).

Les membres de ces assemblées sont des délégués cantonaux élus par trois collèges électoraux6(*). Le deuxième collège électoral, composé des salariés agricoles, élit trois délégués cantonaux7(*).

En 2022, la MSA relevait que 688 000 salariées étaient affiliées au régime agricole, soit 38,6 % de l'ensemble des salariés affiliés à ce régime8(*).

Toutefois, en dépit de cette présence importante des femmes dans le salariat, aucune disposition législative ne prévoit de mesure visant à favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux élections de délégué cantonal par le deuxième collège.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

En commission des affaires économiques, un amendement CE21 de Benoît Biteau et plusieurs de ses collègues, portant article additionnel après l'article 3, a été adopté en commission, donnant lieu à la création de cet article 4.

La mesure vise à instaurer la parité dans les listes candidates aux élections par le deuxième collège des délégués cantonaux de la MSA.

Plus précisément, il est inséré un alinéa à l'article L. 723-18 du CRPM, relatif au deuxième collège électoral des assemblées générales, disposant que « chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe », étant entendu que les listes visées dans le cas d'espèce regroupent trois candidats.

En séance publique, les députés ont adopté un amendement  n° 31 de la rapporteure visant à reporter l'application de la mesure aux prochaines élections de 2030, dans le but de ne pas perturber celles prévues en mai 2025. L'amendement procède en outre à des ajustements de nature rédactionnelle.

III. La position de la commission - Une disposition positive

La commission accueille favorablement cette disposition votée à l'Assemblée nationale, de même que son entrée en vigueur, fixée à 2030, de manière à ne pas bouleverser les élections de 2025 à venir.

Son rapporteur note que cette mesure rejoint, sans être identique, la disposition figurant au 19 bis C du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, adopté en commission des affaires économiques à la suite d'un amendement  COM-615 d'Annick Billon.

La commission a adopté l'article sans modification.


* 1 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 dite Égalim.

* 2 Ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019.

* 3 https://videos.senat.fr/video.4966939_678ed9c0083f9

* 4 Loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP).

* 5 Art. R. 723-106 du CRPM.

* 6 Art. L. 723-15 du CRPM.

* 7 Art. L. 723-18 du CRPM.

* 8 Source : MSA ( Les femmes dans l'agriculture en 2022).

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