EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 janvier 2025, la commission a examiné le rapport de M. Vincent Louault sur la proposition de loi n° 261 (2024-2025) portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d'agriculture et de la mutualité sociale agricole.

M. Vincent Louault, rapporteur. - Mes chers collègues, deux jours après l'examen en séance publique de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, cette proposition de loi relative à l'exercice de la démocratie agricole a été portée par Mme Nicole Le Peih, députée morbihannaise du groupe Ensemble pour la République, et a fait l'objet d'un travail en lien étroit avec le ministère.

À la demande du Gouvernement, ce texte a été inscrit à l'ordre du jour de nos travaux dans des délais extrêmement resserrés, ce qui confirme au passage l'adage : « quand on veut, on peut ! ».

Cet examen en urgence s'explique par l'imminence de la mise en place des bureaux des chambres d'agriculture : les élections, qui ont lieu tous les six ans, sont à peine achevées - les résultats seront proclamés le 6 février - qu'il faudra reconstituer les bureaux des chambres, au plus tard un mois après, c'est-à-dire le 5 mars.

Or la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytosanitaires interdit aux associés des coopératives ayant conservé l'activité de vente - c'est-à-dire l'essentiel ! - d'accéder aux instances dirigeantes des chambres.

Dans les faits, cette incompatibilité exclut un large vivier d'agriculteurs engagés, qui font vivre notre démocratie agricole, et risque de priver de représentation dans les chambres d'agriculture tout un pan du monde agricole, en l'espèce le mouvement coopératif.

Je rappelle également que notre commission avait alerté de longue date sur l'impasse dans laquelle tout cela allait nous plonger et sur le besoin d'aménager la séparation de la vente et du conseil. Du reste, nous avions longuement évoqué le sujet avec Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France, que nous avons auditionné en février 2024.

Dans la précipitation, le texte que nous examinons se contente, à l'article 1er, de lever cette incompatibilité, sans revenir sur la séparation de la vente et du conseil en elle-même : autrement dit, il s'agit d'un aménagement minimaliste.

Dans ces conditions, je tiens à remercier vivement nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville, qui auraient pu s'estimer lésés compte tenu de la concurrence avec leur proposition de loi examinée lundi dernier, visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur. Il n'en a rien été, et je salue leur esprit constructif.

Il va de soi que cet article 1er est nécessaire, mais qu'il est loin d'être suffisant. Comme La Coopération agricole l'a redit elle-même publiquement, il serait dommage de s'arrêter en si bon chemin.

L'article 2 supprime la condition d'être à jour de ses cotisations auprès de la Mutualité sociale agricole (MSA) pour participer aux élections des instances dirigeantes, et précise la délimitation de la circonscription de la métropole de Lyon. L'article 3 réaligne les dates auxquelles auront lieu ces élections, car la covid-19 avait tout désorganisé. Autant de mesures techniques sur lesquelles nous n'avions pas d'objections.

Le Gouvernement avait initialement exprimé son souhait que le Sénat adopte ce texte dans les mêmes termes qu'à l'Assemblée nationale, afin de gagner du temps et d'éviter une nouvelle lecture ou tout du moins une commission mixte paritaire (CMP). Nous souscrivions à cette intention.

Toutefois, quatre autres articles ont été ajoutés à l'Assemblée nationale, dont un qui nous semble bloquant. Si des amendements sont justifiés et améliorent le texte, je n'hésiterai pas à les soutenir. Nous verrons si les modifications sont utiles ou non, quitte à réunir une CMP.

L'article 1er ter, qui me semble bloquant, fait d'ailleurs l'objet d'un amendement de suppression de Franck Menonville : il s'agit d'une demande de rapport sur l'opportunité d'adopter un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale pour les élections aux chambres d'agriculture. J'y reviendrai plus en détail, mais la méthode ne me semble pas bonne et même délétère. Imaginerait-on changer les modes de scrutin des élections des conseillers municipaux en plein milieu des élections municipales ?

Le ministère de l'agriculture nous a fait part de son plus grand scepticisme également. Aussi, je vous proposerai d'adopter l'amendement de Franck Menonville.

J'ai toute confiance dans notre capacité à faire aboutir ce texte dans les délais, car la volonté en ce sens est transpartisane. La présidente de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Mme Aurélie Trouvé, s'est elle-même beaucoup investie pour que cette proposition de loi voie le jour et puisse être inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale.

Certaines mesures ajoutées à l'Assemblée nationale ont, du reste, renforcé l'intérêt du texte pour tout le monde. Je pense en particulier à l'amendement que Mme Le Peih a déposé afin de reporter les élections des chambres d'agriculture à Mayotte, en créant l'article 1er bis B. Cette disposition avait été jugée irrecevable dans le projet de loi d'urgence pour Mayotte, et nous devons donc lui trouver un véhicule législatif adapté. Cette proposition de loi sur la démocratie agricole le permet, confirmant le caractère d'urgence de ce texte en attendant des réformes plus substantielles.

Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives aux incompatibilités entre les fonctions de membre du bureau d'une chambre d'agriculture et d'autres fonctions ; aux modalités des élections aux instances de la Mutualité sociale agricole (MSA) et des chambres d'agriculture.

Il en est ainsi décidé.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Une fois n'est pas coutume, je suis quasiment en accord avec tout ce qui vient d'être dit. Ce texte a été élaboré en urgence afin de trouver des réponses à des problèmes qui auraient pu émerger très rapidement après la publication des résultats des élections aux chambres d'agriculture.

Les dispositions proposées nous conviennent, qu'il s'agisse de la levée de l'incompatibilité, de Mayotte ou de la métropole de Lyon. Nous voterons donc en faveur de ce texte, soutenu de manière transpartisane.

M. Daniel Salmon. - Nous nous attendions à un texte d'ampleur au regard de l'intitulé de la proposition de loi, mais sa portée s'avère très limitée. La suppression de l'incompatibilité liée à la séparation des activités de vente et de conseil équivaut à un retour en arrière par rapport à la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim), même si nous convenons qu'il faut apporter des améliorations à cette disposition, qui n'est pas efficiente.

Un grand flou artistique est à regretter, notamment concernant les conditions de déport. Si les autres articles présentent un certain intérêt, les enjeux de pluralisme et de la représentativité ne sont pas évoqués au motif que des élections se déroulent actuellement : j'espère que nous pourrons y travailler une fois cette échéance passée, notamment en introduisant la proportionnelle.

M. Gérard Lahellec. - Ce texte a effectivement une portée raisonnablement limitée. En Bretagne, mon plus proche voisin, sociétaire d'Unicopa devenue ensuite Eureden, ne pourrait plus exercer ses fonctions de responsable dans un certain nombre d'instances agricoles au motif que la seconde société a également des activités de vente de produits.

Il ne s'agit pas de permettre à Monsanto de faire main basse sur nos activités agricoles et agroalimentaires, mais simplement de permettre à une série d'exploitants de continuer à exercer un certain nombre de responsabilités. Nous voterons donc ce texte.

M. Henri Cabanel. - Nous sommes totalement en phase avec ce texte, qui permettra à des personnes engagées d'accéder à une série de responsabilités : cette correction était nécessaire. Dans le même temps, je partage le souhait de réfléchir à une amélioration de la représentativité.

M. Daniel Gremillet. - Je me félicite de ce texte, qui permet de ne plus décourager les agriculteurs qui s'organisent collectivement dans une coopérative. Je rappelle qu'il n'est pas question de liens capitalistiques dans ces structures, puisque les actionnaires sont les paysans qui s'organisent pour mettre leur production sur le marché.

Les dispositions existantes aboutissaient à ce que les coopérateurs ne pouvaient pas être élus dans une chambre d'agriculture, ce qui allait directement à l'encontre de l'engagement et de la responsabilité que nous souhaitons voir se développer dans la société.

J'ajoute qu'une coopérative ne peut pas exclure l'un de ses membres, ce qui la distingue des structures privées : un tel fonctionnement aurait sans doute permis de ne pas voir apparaître des problématiques telles que celle qui a émergé dans le secteur laitier, pour prendre un exemple d'actualité.

Pour ce qui est de la représentativité, regardons lucidement la situation : elle existe déjà bel et bien, les différentes sensibilités syndicales pouvant s'exprimer librement. Je crois que peu connaissent vraiment cette réalité.

M. Franck Menonville. - Je remercie le rapporteur de ce texte important, qui permet de corriger un effet de bord de la loi Égalim, dont personne n'aurait imaginé qu'elle aurait de telles conséquences pour les coopératives. Ces dernières sont d'ailleurs le prolongement de l'exploitation agricole, quelle que soit l'activité considérée, et il importe donc de permettre à des personnes engagées dans ces structures d'être représentées.

S'agissant de la représentativité, je souscris complètement aux propos de Daniel Gremillet : celle-ci existe bien. Je tiens à attirer l'attention sur le fait que les structures doivent pouvoir fonctionner, ce qui m'amène à m'opposer à la proportionnelle stricte, qui ne permettra pas, dans de nombreux départements, de disposer d'une gouvernance fonctionnelle. Nous avons d'ailleurs connu ce mode de scrutin il y a de nombreuses années, et il conduisait à placer les partis minoritaires en position d'arbitres.

M. Laurent Duplomb. - Une fois encore, cette proposition de loi découle d'une usine à gaz bien française qui a donné lieu à des tergiversations pendant des années. À l'image du capitaine Haddock n'arrivant pas à se débarrasser de son sparadrap, nous avons conservé cette disposition sans jamais avoir le courage de reconnaître qu'il s'agissait d'une erreur.

Je rappelle simplement que la proposition de loi que j'ai portée aux côtés de M. Menonville aurait permis de résoudre définitivement le problème en abrogeant simplement la disposition problématique, alors que ce texte est encore placé sous le signe de la haute couture puisqu'il se contente d'aménager le mécanisme. Si je réprouve la méthode, je voterai néanmoins cette proposition de loi, qui permet, en corrigeant une loi totalement hors sol, de sortir de l'impasse qui guettait les élections aux chambres d'agriculture.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Vincent Louault, rapporteur. - Je ne suis pas favorable à l'amendement de suppression COM-2. Si je suis en partie d'accord avec vous, monsieur Salmon, pour dire que cet article 1er ne résout pas tout, les agriculteurs sont contraints par cette règle d'incompatibilité absurde.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté

M. Vincent Louault, rapporteur. - L'amendement COM-3 prévoit que le non-respect de l'obligation de déport expose à des sanctions disciplinaires et administratives, ce qui me semble exagéré. Avis défavorable.

M. Daniel Salmon. - Édicter des règles sans les assortir de sanctions me paraît regrettable. Nous sommes pourtant régulièrement d'accord sur ce point.

M. Vincent Louault, rapporteur. - Les chambres sont soumises au contrôle de légalité du préfet, présent à toutes les réunions du conseil d'administration. Nous n'avons pas besoin de règles supplémentaires, d'où mon avis défavorable.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

L'article 1erest adopté sans modification.

Article 1er bis A (nouveau)

M. Vincent Louault, rapporteur. - L'amendement COM-4 tend à préciser, dans les règlements intérieurs des chambres d'agriculture, une garantie de pluralisme et de transparence dans les délibérations et décisions.

Or les délibérations des chambres d'agriculture sont rendues publiques, ce qui garantit la transparence. S'agissant du pluralisme, rappelons que les bureaux des chambres d'agriculture sont élus et que les missions des chambres d'agriculture ont trait à l'amélioration de la performance économique des exploitations agricoles, à l'accompagnement de la création d'entreprises, à la représentation des intérêts de l'agriculture, au développement durable des territoires, à la préservation et à la valorisation des ressources naturelles, à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires et enfin à la lutte contre le changement climatique.

Je demande le retrait de l'amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

M. Vincent Louault, rapporteur. - L'amendement COM-5 prévoit la publicité des procès-verbaux des séances des chambres d'agriculture, ce qui ne nous semble pas pertinent. Rappelons que les procès-verbaux des réunions de l'autorité environnementale, préalables à l'avis, ne sont pas rendus publics.

Du reste, la partie réglementaire du code rural prévoit déjà que « les séances des chambres d'agriculture ne sont pas publiques mais [que] les chambres peuvent décider la publication de leurs procès-verbaux ». En revanche, les délibérations elles-mêmes sont systématiquement rendues publiques. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

L'article 1er bis A est adopté sans modification.

Article 1er bis B (nouveau)

L'article 1er bis B est adopté sans modification.

Article 1er bis (nouveau)

L'article 1er bis est adopté sans modification.

Article 1er ter (nouveau)

M. Vincent Louault, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à supprimer la demande de rapport portant sur l'opportunité d'adopter un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale pour les élections aux chambres d'agriculture.

Il s'agit là d'une véritable tentative d'introduction par effraction. Cette proposition de loi devait traiter de dispositions purement techniques, de corrections juridiques et d'ajustements de calendrier ; le moment d'aborder d'autres sujets n'est pas venu.

Cet article pose donc des problèmes de principe comme de méthode, d'où un avis favorable à cet amendement de suppression.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 1er ter est supprimé.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 4 (nouveau)

L'article 4 est adopté sans modification.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, permettez-moi de vous lire le nouvel intitulé de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale : « proposition de loi portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d'agriculture et de la mutualité sociale agricole. »

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

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