EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER
ÉRIGER L'AGRICULTURE AU RANG D'INTÉRÊT FONDAMENTAL
DE LA NATION ET RECONQUÉRIR
NOTRE SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE
Article 1er
Souveraineté alimentaire française, intérêt général majeur de l'agriculture
et priorité de la politique d'installation et de transmission

Cet article vise, d'une part, à insérer au début du code rural et de la pêche maritime (CRPM) un article programmatique affirmant que l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur en ce qu'ils garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation.

Il fixe en outre des objectifs aux politiques publiques concourant à la protection de la souveraineté alimentaire.

D'autre part, l'article 1er modifie l'article L. 1 du CRPM, en réécrivant intégralement son IV relatif aux priorités de la politique d'installation et de transmission en agriculture.

À l'Assemblée nationale, 48 amendements ont été adoptés en commission. En séance publique, les rapporteurs ainsi que plusieurs groupes ont proposé des amendements identiques de réécriture globale de l'article qui, sous-amendés, ont été adoptés. Cette réécriture procède en outre à la réécriture globale du I de l'article L.1 relatif aux objectifs des politiques publiques en agriculture.

Sorti de l'Assemblée nationale, l'article 1er demeure dense, reflet de la multiplicité des enjeux entourant l'agriculture. La commission considère que la rédaction adoptée ne permet pas d'identifier clairement la direction dans laquelle la politique agricole devrait être orientée.

Aussi, la commission des affaires économiques a souhaité, à l'initiative de ses rapporteurs, adopter une position claire.

Tout d'abord, elle se félicite que les principes forts posés à l'occasion du vote au Sénat, le 23 mai 2023, de la proposition de loi pour la compétitivité de la ferme France, critiqués à l'époque, à savoir l'intérêt général majeur s'attachant à l'agriculture, et sa contribution à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation, soient désormais au coeur de l'article 1er.

Ensuite, fidèle à une position constante, elle a souhaité dessiner plus clairement une ambition pour l'agriculture. Par deux amendements COM-343 et COM-215 de réécriture globale de ses rapporteurs et de Daniel Gremillet, elle a clarifié les priorités de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire et les politiques en découlant.

La rédaction adoptée propose de ne faire figurer au sein d'un article L. 1A, créé par les députés, que l'essentiel, à savoir que la souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l'article L. 410-1 du code pénal, et qu'à ce titre, les activités agricoles sont d'intérêt général majeur.

Dans un L. 1 B, créé par l'amendement des rapporteurs, il est instauré un principe de non-régression de la souveraineté alimentaire, inspiré du principe de non-régression environnementale figurant au sein du code de l'environnement.

La rédaction propose ensuite d'insérer au sein de l'article L. 1 un I A énonçant les quatre grandes priorités de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire que sont le renouvellement des générations, la compétitivité, la recherche et l'innovation et la rémunération.

Le I du L. 1 est également réécrit et clarifié, avec pour souci de préserver et actualiser les objectifs déjà existants, tout en maintenant de nombreux apports bienvenus des députés.

Enfin, la commission a adopté un amendement COM-342 modifiant l'intitulé du titre Ier, pour le recentrer sur l'impératif de souveraineté alimentaire, renvoyant les dispositions relatives à l'installation à l'article 8 du projet de loi, par souci de lisibilité.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. L'intérêt général majeur s'attachant aux activités agricoles

A. La situation actuelle - Le besoin d'une consécration politique et juridique de l'agriculture

1) Un déclin de la compétitivité de la ferme France qui remet à l'ordre du jour le caractère stratégique de ce secteur d'activité

Le déclin de la souveraineté alimentaire française se traduit par une érosion de la puissance agricole française désormais bien documentée, mais aussi par une prise en compte parfois insuffisante des enjeux agricoles dans l'édiction des normes et l'établissement des politiques publiques.

La commission des affaires économiques du Sénat alerte de longue date sur le déclin de la compétitivité de la ferme France. Dans un rapport de 2019, le Sénat s'interrogeait : « La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ? »1(*). Les constats de ce rapport étaient déjà préoccupants : stagnation de la production, réduction du nombre d'agriculteurs et de la surface agricole utile (SAU), érosion des parts de marché à l'export, augmentation des importations, etc. En moins de 20 ans, entre 2000 et 2017, l'affaiblissement de la ferme France était palpable.

En 2022, la commission des affaires économiques a souhaité poursuivre et approfondir l'analyse. Le rapport d'information sur la compétitivité de la ferme France du 28 septembre 20222(*) renouvelle le constat de 2019 par l'étude fine de cinq produits agricoles emblématiques des habitudes de consommation des Français3(*). Le rapport identifie que les deux tiers des pertes de marché françaises proviennent de sa perte de compétitivité. Les facteurs de cet affaissement sont nombreux : une hausse des charges des agriculteurs (main-d'oeuvre, surtranspositions, fiscalité, etc.), une productivité des facteurs en berne, notamment en raison d'un manque d'investissement, une faible défense par l'État de l'agriculture dans les accords de libre-échange, ou encore un climat politico-médiatique qui façonne et véhicule des stéréotypes sur l'agriculture et ses agriculteurs. Les surtranspositions ont, en outre, été mentionnées non seulement comme un facteur de perte de compétitivité, mais aussi de profond découragement du monde agricole, évoluant sur un marché européanisé et internationalisé à armes inégales.

Dans un document publié en février 20234(*), l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) analyse les situations de dépendances affectant les filières agricoles françaises. FranceAgriMer détaille « un taux d'auto-approvisionnement supérieur à 1 pour 17 produits sur 30 et supérieur à 94 % pour 4 autres (très proche d'une autosuffisance apparente), entre 75 et 85 % pour 4 produits, pour lesquels l'atteinte du taux de 1 ne semble pas hors de portée (pour les fruits notamment) et 5 pour lesquels le taux est très loin de 1 ». Si la situation n'apparaît pas facialement alarmante, l'institut poursuit en indiquant que « la tendance majoritaire (médiane) est celle d'une baisse du taux d'auto-approvisionnement et d'une hausse de la dépendance aux importations, mais d'un maintien de la capacité exportatrice, tendances cachant de très fortes hétérogénéités. »

La filière des fruits et légumes, mis en lumière par l'analyse approfondie de la filière de la tomate figurant dans le rapport sénatorial précité, fait d'ailleurs l'objet d'un « plan de souveraineté » lancé en mars 2023 visant à reconquérir cinq points de souveraineté5(*) d'ici 2030 et 10 points d'ici 2035. Le taux d'auto-approvisionnement en fruits et légumes frais est en effet passé de 64,6 % en 2000 à 50,8 % en 20206(*), signifiant que la France importe la moitié de sa consommation. La constante érosion de l'élevage en France, illustrée notamment par la baisse continue du cheptel bovin, de 23,5 millions de têtes en 1983 à moins de 17 millions en 20227(*), et par la diminution corrélative des surfaces en prairie permanente, a conduit également le Gouvernement à annoncer en février 2024 un « plan gouvernemental de reconquête de notre souveraineté sur l'élevage ». Si la France possède d'indéniables atouts faisant d'elle une puissance agricole qui compte, certaines de ses filières stratégiques et historiques sont désormais en situation de crise, conduisant à s'interroger sur la réalité de la souveraineté alimentaire française.

2) Le renouveau d'un discours autour de la souveraineté alimentaire, à la faveur des multiples crises ayant récemment affecté la France et l'Europe

Dans son introduction à la conférence d'ouverture du cycle de conférences de l'étude annuelle du Conseil d'État du 14 novembre 2023, son vice-président, M. Didier-Roland Tabuteau, retraçant les origines du concept de souveraineté, dessine les contours des définitions classiques de la souveraineté interne et de la souveraineté externe : « Si, en interne, la souveraineté signifie la liberté du souverain de décider sans autres obstacles que ceux qu'il s'impose lui-même, en externe, elle renvoie à l'indépendance des États, qui ne peuvent en théorie s'ingérer dans les affaires d'un autre État ou méconnaître leurs frontières sans son consentement. » Cette vision historique de la souveraineté a connu des bouleversements au XXe siècle, notamment par la création de l'Union européenne (UE), dont il convient de rappeler que la plus ancienne politique est la politique agricole commune (PAC).

Aussi, de nos jours, la densité des liens politiques et économiques unissant les pays, et singulièrement les pays européens, remet en question la définition de la souveraineté d'un État détenant « la compétence de sa compétence »8(*). Les termes de « souveraineté limitée » ou de « souveraineté française et européenne » traduisent cette forme d'ambiguïté, que l'on retrouve tout naturellement dans les interprétations divergentes du terme de « souveraineté alimentaire ».

Parallèlement, la souveraineté connaît incontestablement une forme de regain d'intérêt, à la lumière des crises européennes et internationales récentes, tout comme dans la manière dont elle s'applique plus concrètement à certains domaines stratégiques de la vie d'une Nation. Ainsi, le vice-président du Conseil d'État, de citer la « souveraineté numérique, industrielle, alimentaire, sanitaire, pharmaceutique, énergétique ou encore culturelle ».

En France, la question de la souveraineté en matière agricole est, depuis peu, très présente dans le débat public, là aussi sous l'effet conjugué des crises ayant récemment touché l'Europe et, plus directement, s'agissant du projet de loi, de la récente mobilisation agricole de début 2024, en amont de la tenue du Salon international de l'agriculture (SIA). La guerre menée par la Russie en Ukraine a brutalement rappelé au vieux continent les vertus de la souveraineté, qu'elle soit énergétique ou alimentaire. Dans une publication de février 20249(*), l'Insee rappelle qu'« inédite en 2022, la hausse des prix agricoles à la production atteint 20,9 % pour l'ensemble, 24,1 % pour les animaux, 28,3 % pour les oléagineux, 41,5 % pour les céréales et 80,6 % pour les oeufs », sous le double effet de la reprise économique à la suite de la pandémie de COVID-19, mais surtout de la guerre en Ukraine. Dans un contexte géopolitique, économique et sanitaire marqué par l'instabilité, la capacité de la France à nourrir sa population et à assurer son rôle de grand exportateur de productions agricoles est plus que jamais cruciale.

Anecdotique, mais particulièrement illustrative des dépendances françaises, le consommateur s'est étonné, courant 2022, de voir les rayons de moutarde des supermarchés quasiment vides, produit pourtant associé, à raison, au terroir bourguignon. La France est, en réalité, largement dépendante, pour la production d'un produit emblématique de sa gastronomie, des récoltes canadiennes de graines de moutarde, qui représentent 70 % des graines utilisées dans la production française en 201610(*). Là où la production bourguignonne s'élevait à environ 12 000 tonnes de graines en 2017, cette dernière n'était plus que de 4 000 tonnes en 2021, en raison, selon les producteurs, du retrait du marché, depuis 2016, des principaux insecticides. La question de la souveraineté alimentaire et de la capacité de la France à produire est donc clairement posée, pour de nombreuses filières.

En matière de souveraineté et de compétitivité, le Sénat, et sa commission des affaires économiques, balisent le chemin depuis des années, par ses rapports d'informations, et récemment en adoptant une proposition de loi transpartisane « pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France »11(*), le 23 mai 2023. Comme l'indiquait alors à la tribune le co-auteur de cette proposition de loi, Laurent Duplomb, « notre pays doit se repositionner rapidement comme une grande puissance agricole en donnant la priorité à la souveraineté alimentaire, ce qui implique d'augmenter la production, de répondre aux besoins du marché de masse et de s'opposer frontalement à la logique décroissante du projet Farm to Fork [...]. »12(*)

L'article 1er A du texte adopté en séance publique, issu de deux amendements identiques de Mme Sylvianne Noël et de M. Franck Menonville13(*), et pour lesquels le Gouvernement avait donné un avis défavorable, affirme que « la souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l'article 410-1 du code pénal. »

À la suite des manifestations de début 2024, le Gouvernement a formulé une série d'engagements à l'égard du monde agricole, au premier rang desquels l'affirmation du « caractère d'intérêt général majeur de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture, qui garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation14(*) ». Lors de son allocution du 21 février 2024, le Premier ministre indiquait que « le premier enjeu, c'est notre souveraineté agricole. D'abord, et conformément à mon engagement, le projet de loi d'orientation agricole que le ministre présentera en détail dans un instant, reconnaît noir sur blanc notre objectif de souveraineté agricole et alimentaire ; et place l'agriculture au rang des intérêts fondamentaux de la Nation, au même titre que notre sécurité ou notre défense nationale. C'est un acte fort. C'est une reconnaissance attendue et légitime. C'est le rappel qu'il n'y a pas de pays sans paysans, qu'il n'y a pas de France sans agriculture. »15(*)

Le Sénat ne peut que prendre acte, avec satisfaction, de ce que le Gouvernement s'est une fois de plus rallié à ses orientations.

Toutefois, il convient de rappeler que le présent article 1er est bien un ajout de dernière minute à un projet de loi préparé de longue date, faisant suite aux manifestations des agriculteurs précédemment évoquées. L'avant-projet de loi de décembre 2023, comptant 11 articles et dont l'intitulé ne faisait d'ailleurs pas mention de « souveraineté » était muet sur cet objectif central de politiques publiques.

3) Souveraineté alimentaire, sécurité alimentaire, souveraineté agricole, des concepts proches et souffrant d'un manque de définition partagée

Alors que l'intitulé du projet de loi évoque « la souveraineté en matière agricole », et que l'article 1er indique que l'agriculture, la pêche et l'aquaculture garantissent « la souveraineté alimentaire de la Nation », l'étude d'impact du Gouvernement ne proposent pas de véritable définition de la souveraineté alimentaire si ce n'est que « la définition de la souveraineté alimentaire qui découle de celle de l'objectif prévu par l'article 1er est par ailleurs cohérente avec le concept de sécurité alimentaire développé par plusieurs instances internationales, et notamment le Comité de la sécurité alimentaire mondiale, avec l'idée, en substance, que la souveraineté alimentaire est vue comme un moyen d'atteindre une fin qui est la sécurité alimentaire, en permettant de satisfaire les besoins de sa population. »

La souveraineté alimentaire serait donc un moyen d'atteindre la sécurité alimentaire.

La notion de sécurité alimentaire est probablement la plus balisée au plan international. Elle constitue l'objectif de développement durable (ODD) n° 2 de l'Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable, intitulé « Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable ». La Banque mondiale, pour définir la sécurité alimentaire, renvoie à la définition adoptée lors du sommet mondial de l'alimentation de 1996 à Rome, organisé par l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) à savoir « la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ».

La notion de souveraineté alimentaire émerge, quant à elle, au même moment, à l'occasion du même sommet de Rio, mais portée par une organisation non gouvernementale, Via Campesina. La définition qu'elle en donne a eu un fort écho international : « La souveraineté alimentaire est le droit de chaque pays de maintenir et de développer sa propre capacité de produire son alimentation de base, en respectant la diversité culturelle et agricole. Nous avons le droit de produire notre propre alimentation sur notre propre territoire. La souveraineté alimentaire est une condition préalable d'une véritable sécurité alimentaire. »16(*). Cette définition, qui fait de la souveraineté alimentaire une condition de la sécurité alimentaire, s'inscrit dans le cadre d'un courant altermondialiste critique du développement des échanges internationaux promu par l'Organisation mondiale du commerce17(*).

On retrouve bien, au sein de l'étude d'impact, la même logique d'une souveraineté condition d'une sécurité, en l'espèce, alimentaire.

Dans une étude publiée en mars 2023, FranceAgriMer, rappelant l'origine altermondialiste de la notion, en propose une définition actualisée au prisme des enjeux actuels de la souveraineté alimentaire, pour les besoins de l'étude, à savoir « la capacité d'autodétermination d'un État sur les systèmes alimentaires qui se déploient sur son territoire18(*) ».

Enfin, notons que pour le Conseil d'État, dans son avis, la souveraineté alimentaire n'est pas « autrement définie que par les politiques publiques qu'elle inspire ».

Concernant le concept de souveraineté agricole, pertinemment qualifié de « nouveau concept introduit par le projet de loi » dans l'avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur le projet de loi19(*), l'étude d'impact fournit une réponse assez claire quant à sa différence avec le concept de souveraineté alimentaire, en indiquant que « l'enjeu de l'adéquation entre l'offre et la demande en biomasse doit être pensé en articulant souveraineté alimentaire et décarbonation de l'économie, ce qui est rappelé dans l'article L.1.A à travers le concept de souveraineté agricole ». Une définition est même proposée puisque « la "souveraineté agricole", notion complémentaire de celle de "souveraineté alimentaire ", [qui] s'entend de la capacité de la France à contribuer par une production durable de biomasse sur le territoire à la décarbonation de l'économie » et que « cette notion englobe ainsi les utilisations alimentaires et non alimentaires de la biomasse, prenant en compte la diversité des enjeux auxquels doit répondre le secteur agricole dans le cadre des transitions climatique et environnementale ».

Il s'ensuit que la souveraineté alimentaire serait une condition de la sécurité alimentaire, et que la souveraineté agricole s'entendrait comme la souveraineté alimentaire étendue aux enjeux énergétiques, ce qui n'est pas sans poser la question des conflits d'usages20(*).

4) Intérêt général majeur : un adjectif nouveau adjoint à une notion ancienne

La notion d'intérêt général irrigue la législation française. Pour reprendre les mots du vice-président du Conseil d'État de 1995 à 2006, Renaud Denoix de Saint Marc, « l'intérêt général, depuis plus de deux cents ans, est au coeur de la pensée politique et juridique française »21(*). Un service public poursuit par définition l'intérêt général, et il s'agit bien du législateur « qui a la charge de sa définition »22(*). Au sein des nombreux codes du droit français, il n'est donc pas rare de voir figurer des « missions d'intérêt général », des « déclarations d'intérêt général » ou encore des « raisons d'intérêt général », voire même, au sein du code de l'énergie, une « raison impérative d'intérêt public majeur »23(*).

L'article 1er de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, codifié à l'article L. 200-1 du CRPM, désormais abrogé, disposait que « la protection des espaces naturels et des paysages, la préservation des espèces animales et végétales, le maintien des équilibres biologiques auxquels ils participent et la protection des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent sont d'intérêt général ». Il s'agit de l'une des premières occurrences de l'intérêt général s'attachant à la protection de l'environnement, opportunément inscrite au sein du code rural, soulignant indirectement qu'agriculture et environnement ne sont que les deux faces d'une même pièce.

Le code de l'environnement est sans nul doute quantitativement en bonne place concernant les dispositions mobilisant la notion d'intérêt général, dessinant une conception patrimoniale de la protection de la nature :

l'article L. 110-1 dispose que « les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation » et que « leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général » ;

l'article L. 210-1 dispose que « l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. » ;

l'article L. 211-1-1 dispose que « la préservation et la gestion durable des zones humides définies à l'article L. 211-1 sont d'intérêt général » ;

l'article L. 219-7 dispose que « le milieu marin fait partie du patrimoine commun de la Nation. Sa protection, la conservation de sa biodiversité et son utilisation durable par les activités maritimes et littorales dans le respect des habitats et des écosystèmes marins sont d'intérêt général. » ;

l'article L. 420-1 dispose que « la gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d'intérêt général » ;

l'article L. 430-1 dispose que « la préservation des milieux aquatiques et la protection du patrimoine piscicole sont d'intérêt général ».

Au sein du CRPM, en revanche, il n'est pas fait mention d'une reconnaissance d'intérêt général d'une quelconque activité agricole, ce qui pourrait laisser penser que nourrir une population, préoccupation pluriséculaire, serait une activité comme une autre.

La notion d'intérêt général majeur, appliquée dans le cas du présent texte, à l'agriculture, est donc une innovation. Elle est le fruit du travail du Sénat et de sa proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, qui dispose, en son article 15, que les ouvrages ayant vocation à stocker de l'eau, ainsi que les prélèvements nécessaires à leur remplissage, sont d'intérêt général majeur, article d'ailleurs en partie repris à l'article 6 de l'avant-projet de loi d'orientation agricole de juillet 2023, disposition déclarée disparue depuis.

Ainsi, en adjoignant l'adjectif « majeur » à l'intérêt général s'attachant aux activités agricoles, le projet de loi entend souligner la place singulière et stratégique de l'agriculture en France, et la reconnaissance de la Nation de cette place. S'agissant d'une innovation, ses conséquences juridiques sont logiquement débattues, et devront pour l'essentiel être appréciées « à l'usage ».

5) Au sein du code rural et de la pêche maritime, une affirmation progressive, souvent à l'initiative du Sénat, de l'importance de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Il n'existe pas, au sein du CRPM, d'article visant à reconnaître l'agriculture d'intérêt général, ou bien encore dédié à la souveraineté alimentaire de la Nation.

La notion de souveraineté alimentaire n'est toutefois, depuis peu, et souvent à l'initiative du Sénat, plus totalement absente du code. On la retrouve présente au sein de trois articles, créés ou complétés à l'occasion de deux lois récentes.

Premièrement, le 1° du I de l'article L.1, dans sa version découlant des apports du Sénat à la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi « Climat et résilience »)24(*), dispose que les politiques en faveur de l'agriculture et de l'alimentation visent, pour les filières les plus à risque, à « reconquérir la souveraineté alimentaire de la France et à promouvoir l'indépendance alimentaire de la France à l'international ». Le 14° mentionne le « respect du principe de souveraineté alimentaire ». Enfin, le III du même article dispose que la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat est notamment « garante de la souveraineté alimentaire » et, en conséquence, que « le programme national pour l'alimentation prend en compte notamment la souveraineté alimentaire ».

Deuxièmement, l'article L. 111-2-2, figurant au sein de la section 2 du chapitre Ier, du titre Ier du livre Ier du même code, et portant sur les projets alimentaires territoriaux, dispose que ceux-ci « favorisent la résilience économique et environnementale des filières territorialisées pour une alimentation saine, durable et accessible et contribuent à la garantie de la souveraineté alimentaire nationale. ». Cette rédaction, figurant à l'article 266 de la loi « Climat et résilience », est là aussi issue des travaux du Sénat et de sa commission des affaires économiques25(*).

Enfin, l'article L. 333-1, tel qu'issu de la loi n° 2021-1756 du 23 décembre 2021 portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (loi dite « Sempastous »), introduisant le chapitre III du titre III du livre III, et portant sur le contrôle des sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole, dispose que « le présent chapitre vise à favoriser l'installation d'agriculteurs, la consolidation d'exploitations agricoles et le renouvellement des générations agricoles en luttant contre la concentration excessive des terres et leur accaparement. Il contribue à la souveraineté alimentaire de la France et tend à faciliter l'accès au foncier, notamment en contrôlant le respect des prix du marché foncier local. »

B. Le dispositif proposé : insérer un article L. 1A au sein du CRPM visant à reconnaître le caractère d'intérêt général majeur de l'agriculture, la pêche et l'aquaculture

1) Le dispositif

Le 1° du I de l'article 1er du projet de loi vise à créer un article L. 1A au sein du livre préliminaire du CRPM. Ce livre, composé de quatre articles, est de nature programmatique, comme l'indique son intitulé : « Objectifs de la politique en faveur de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche ». Ce nouvel article ainsi créé dispose que « l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur en tant qu'elles garantissent la souveraineté alimentaire de la nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux ».

Ce même article L. 1A dispose également que les politiques publiques « concourent à la protection de la souveraineté alimentaire de la France ». Pour cela, elles veillent à « préserver et améliorer » :

la capacité de la France à assurer son approvisionnement alimentaire, dans un cadre conventionnel. Cet approvisionnement doit être sain, sûr, diversifié, nutritif, accessible tout au long de l'année et issu d'aliments produits de manière durable ;

sa capacité à « surmonter de façon résiliente les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte à sa sécurité alimentaire » ;

« la souveraineté agricole du pays, liée à la production durable de biomasse sur le territoire et à la contribution du secteur à la décarbonation de l'économie ».

Enfin, le même article L. 1A dispose que les politiques publiques « mettent en oeuvre les actions nécessaires pour » :

« préserver et développer la résilience et le potentiel des facteurs de production agricole, aquacole et halieutique [...] » ;

« orienter les politiques alimentaires dans le respect de la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat [...] » ;

« maîtriser les dépendances en matière d'importations et d'exportations. »

En outre, le II de l'article 1er dispose que « le Gouvernement remet chaque année un rapport au Parlement sur l'état de la souveraineté alimentaire de la France ».

Le 2° du I du présent article, portant sur la politique d'installation et de transmission, fait l'objet d'une analyse en seconde partie de ce commentaire.

2) Des effets juridiques incertains

L'étude d'impact indique qu'« en tant qu'il constitue un objectif programmatique, le présent article n'a pas par lui-même d'impact sur l'ordre juridique interne ». Cette analyse est partagée par le Conseil d'État qui relève, dans son avis, que ces dispositions26(*) « relèvent du vingt-et-unième alinéa de l'article 34 de la Constitution, aux termes duquel : "Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État" ». Réciproquement, le Conseil d'État note que « les autres dispositions du projet sont, quant à elles, des dispositions normatives ».

Il est vrai que les effets juridiques attachés à cet article 1er, et particulièrement à l'article L. 1A qu'il crée, sont incertains et débattus.

Dans sa contribution écrite transmise à la demande des rapporteurs, Benoît Grimonprez, professeur à l'Université de Poitiers et chercheur en droit rural et de l'environnement, indique que « dire que l'article 1er n'a, par principe, aucun effet juridique est inexact. Les notions visées, quand elles sont opérationnelles (comme celle d'intérêt général majeur), peuvent avoir des effets juridiques ».

Il convient à cet égard de distinguer plusieurs attentes qui pourraient être formulées à l'égard de cet article.

S'il est attendu avant tout une reconnaissance symbolique, de la part du législateur et, à travers lui, des citoyens, du caractère éminemment stratégique des activités agricoles et donc du travail des agriculteurs, celle-ci pourrait être logiquement considérée comme satisfaite tant les termes employés sont forts et inédits.

S'il est attendu une forme de contrepoids aux exigences constitutionnelles s'attachant notamment à la protection de l'environnement, il convient de rappeler que des dispositions législatives ne sauraient, à l'évidence, s'affranchir de la hiérarchie des normes, cette hiérarchie impliquant précisément un rapport de subordination des lois aux normes constitutionnelles, dont la Constitution est le principal mais pas l'unique vecteur. Citons notamment la Charte de l'environnement qui dispose que « la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation », donnant par là même une valeur constitutionnelle à l'objectif de préservation de l'environnement.

Toutefois, il convient également de noter que « les autres intérêts fondamentaux de la Nation » ont aussi valeur constitutionnelle, bien qu'ils ne soient explicités dans aucun texte de ce rang. En l'absence de base textuelle, c'est au juge constitutionnel qu'il revient, le cas échéant, de rechercher ces intérêts fondamentaux. Le Conseil constitutionnel semble puiser son inspiration, sans n'y être nullement tenu, dans la rédaction de l'article 410-1 du code pénal, donnant les contours des intérêts fondamentaux de la Nation27(*). Aussi, mentionner, au sein du CRPM, que l'agriculture contribue à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation est un indice laissé à l'attention du juge constitutionnel, indice d'autant plus fort s'il s'accompagne d'un ajout, au sein de l'article 410-1 du code pénal de la mention de l'agriculture, ce à quoi procède l'article 1er bis du projet de loi, reprenant l'article 1er A de la proposition de loi Ferme France votée au Sénat.

Enfin, s'il est attendu une forme de rééquilibrage entre des normes de valeur législative et une inflexion dans l'édiction de certaines normes règlementaires, il convient en premier lieu de souligner que l'article 1er ne va pas conduire à une soudaine révolution dans les prétoires des tribunaux administratifs. Le juge administratif s'attache à vérifier la comptabilité des normes règlementaires à la loi, certes, mais aussi aux normes supérieures, lorsqu'elles sont suffisamment précises. Une disposition règlementaire prise sur le fondement de « l'intérêt général majeur » de l'agriculture et contraire, par exemple, à une disposition de la Charte de l'environnement28(*), ou au principe constitutionnel de protection de l'environnement dégagé par le Conseil constitutionnel, serait ainsi annulée par le juge administratif, dès lors qu'un intérêt spécifique s'attachant à l'agriculture ne serait pas reconnu par le juge constitutionnel.

Toutefois, la notion d'intérêt général majeur s'attachant à l'agriculture pourrait produire certains effets. Didier Truchet, professeur émérite de l'université Paris-Panthéon-Assas, indique à ce titre que si la hiérarchie des normes ne se trouve aucunement modifiée par l'article 1er, « la reconnaissance législative peut inciter le juge administratif à réévaluer l'intérêt de l'agriculture lors de son examen des déclarations d'intérêt public et des autorisations administratives concernant, par exemple, les éoliennes, les « bassines » ou les pesticides. Il ne ferait pas prévaloir mécaniquement l'intérêt général majeur agricole sur l'intérêt général environnemental simple affirmé par l'article L 110-1 du code de l'environnement : une telle hiérarchisation systématique n'est pas dans ses habitudes et je ne pense pas que la loi nouvelle le conduise à en changer. Mais il pourrait prendre en considération l'intention du législateur en donnant plus de poids dans sa balance des intérêts à celui de l'agriculture. »29(*).

Il convient à ce titre de noter les incertitudes sur les contours et les effets du principe de non-régression environnementale, figurant à l'article L. 110-1 du code de l'environnement - article programmatique -, à l'époque des débats relatifs au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. L'étude d'impact30(*) annexée au projet de loi en avait d'ailleurs fait une « option non retenue », avant que le principe soit finalement adopté par voie d'amendement.

Dans sa contribution écrite, Dorian Guinard, enseignant-chercheur, maître de conférences des universités en droit public à Sciences Po Grenoble, indique qu'en dehors des cas d'application du droit de l'Union européenne, l'intérêt général majeur pourrait servir, hors du contentieux, à redéfinir les SDAGE à partir de 2027, « en insistant notamment au sein de la première étape sur l'utilisation économique de l'eau », de même qu'il « pourra exercer une influence lors des négociations des autorisations uniques pluriannuelles (AUP) de prélèvement et les propositions de plans annuels de répartition avec les préfets »31(*).

Finalement, si aucune « révolution juridique » n'est à attendre de l'article 1er et des notions « d'intérêt général majeur » et « d'intérêt fondamental » s'attachant à l'agriculture, l'on ne saurait affirmer que cette disposition sera sans effet juridique ou matériel, si bien que le législateur serait bien inspiré d'exprimer le plus simplement et le plus intelligiblement sa volonté, pour en faciliter l'interprétation qu'en feront nécessairement les juges, de même que les diverses autorités décisionnaires sur le territoire.

C. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

1) Au stade de la commission

En commission des affaires économiques, les députés ont adopté 34 amendements32(*) portant sur le I de l'article 1er, c'est-à-dire sur le futur article L. 1A du CRPM. Face à ce grand nombre d'amendements adoptés portant seulement sur neuf alinéas de l'article, le ministre a annoncé proposer une rédaction globale du I de l'article 1er pour la séance publique, prenant en compte la volonté exprimée par les amendements votés en commission. L'essentiel des ajouts concerne la finalité des politiques publiques agricoles. Figurent notamment :

le revenu agricole ;

la prise en compte des contraintes climatiques et géographiques des outre-mer ;

le maintien de l'élevage ;

le maintien de la surface agricole utile (SAU)

l'encouragement par des leviers fiscaux et bancaires à la reprise d'exploitation ;

le renouvellement des générations, notamment par une régulation du marché foncier ;

la juste répartition de la valeur et les conditions de travail des agriculteurs ;

le modèle d'exploitation familiale ;

le développement des labels de production agricole ;

le traitement des enjeux de santé humaine, environnementale et animale ;

l'installation d'exploitants agricoles ;

l'égalité des genres en agriculture ;

l'autonomie protéinique ;

le développement de l'agropastoralisme ;

les modes de production permettant la captation et le stockage du carbone ;

le renforcement des systèmes alimentaires territoriaux ;

l'information du consommateur sur l'origine des produits bruts ou transformés ;

le rééquilibrage du déficit commercial de la France.

2) Au stade de la séance publique

En séance publique, les députés ont adopté un amendement 3952 de réécriture globale de M. Henri Alfandari et plusieurs de ses collègues, identique aux amendements 4152 de M. Frédéric Descrozaille et plusieurs de ses collègues, 4486 des rapporteurs, 4610 de Mme Anne-Laure Babault et plusieurs de ses collègues et 4733 de M. Julien Dive et plusieurs de ses collègues.

Cet amendement de réécriture a lui-même fait l'objet de 27 sous-amendements33(*). Neuf de ceux-ci concernent la seconde partie de l'article 1er, relative à la politique d'installation et de transmission, traitée dans la seconde partie de ce commentaire.

Au terme de cette réécriture, l'article 1er, dans sa partie relative à l'intérêt général majeur de l'agriculture et aux objectifs des politiques publiques en matière agricole, comptant pas moins de 42 alinéas (contre 11 initialement), peut être divisé en deux blocs, le premier relatif à la création d'un article L. 1A du CRPM, issu du projet de loi, le second relatif à la réécriture du I de l'article L. 1 du même code, tâche non entreprise dans la rédaction initiale proposée par le Gouvernement.

Premièrement, l'article 1er tel que résultant des travaux de l'Assemblée nationale, crée un article L. 1A au sein du CRPM de 16 alinéas, contre neuf dans le projet de loi initial et 28 dans le texte de la commission. Cette réduction du nombre d'alinéas résulte notamment du transfert de certains objectifs à l'article L.1 du CRPM, par effet de vases communicants entre cet article et l'article L. 1A.

Le premier alinéa de l'article L. 1A, clef de voûte de l'ensemble de l'article 1er, dispose, dans un I, que « la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux ». Cette rédaction demeure proche de la rédaction initialement proposée par le Gouvernement.

Il convient de noter que ce n'est plus l'agriculture, la pêche et l'aquaculture qui sont d'intérêt général majeur, mais leur protection, leur valorisation et leur développement. Cette modification pourrait avoir des conséquences négatives quant à la portée juridique de la disposition.

Le deuxième alinéa vise à clarifier les activités s'entendant comme agricoles en renvoyant à l'article L. 311-1 du CRPM qui décrit l'activité agricole, et en indiquant que cette activité comprend notamment l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l'horticulture et l'apiculture, sans que l'on parvienne à saisir pleinement l'intérêt d'une telle énumération.

Le troisième alinéa indique, dans un II, que les politiques économiques, sociales et environnementales concourent à assurer la souveraineté alimentaire et agricole de la France, proposant une définition de cette dernière, sans expliciter si celle-ci fait référence à la souveraineté alimentaire ou agricole, ou bien les deux. Cette souveraineté s'entend ainsi comme le maintien et le développement des capacités à produire, à transformer et à distribuer les produits agricoles et agroalimentaires nécessaires à l'accès de l'ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous, tout au long de l'année, et issue d'aliments produits de manière durable.

Cet alinéa est suivi de huit items, très majoritairement issus des travaux des députés, visant à indiquer comment les politiques économiques, sociales et environnementales concourent à cette souveraineté :

1. en préservant et en développant les moyens de production. Cet alinéa fait en outre référence à la protection de la surface agricole utile (SAU), du foncier, du pâturage, de l'élevage, ainsi qu'à la protection des écosystèmes et des ressources naturelles et la promotion de l'agroécologie ;

2. en préservant et en développant les moyens de transformation et de distribution ;

3. en assurant une juste rémunération aux actifs agricoles et de bonnes conditions de travail et de protection sociale ;

4. en améliorant la coopération agricole internationale. Cet alinéa fait référence à la capacité exportatrice française, à la maîtrise des dépendances, au respect des règles du marché intérieur de l'UE. En outre, il contient, mot pour mot, le principe de non-surtransposition tel que voté au Sénat dans le cadre de la proposition de loi ferme France, en son article 12 ;

5. en anticipant et en s'adaptant aux conséquences du changement climatique ;

6. en orientant les politiques alimentaires dans le respect de la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat et de la stratégie nationale pour la biodiversité ;

7. en assurant la recherche, l'innovation et le développement, dans une perspective de durabilité de la production ;

8. en facilitant le renouvellement des générations en agriculture par l'installation, la transmission et la reprise d'exploitations

Un alinéa dispose que ces objectifs doivent tenir compte des spécificités climatiques et géographiques des territoires ultramarins.

Le III de ce même article L. 1A institue une programmation pluriannuelle de l'agriculture tous les 10 ans. Cette programmation est compatible avec les objectifs de réduction de gaz à effet de serre, s'articule avec la stratégie bas carbone, avec la stratégie nationale pour la biodiversité et avec le plan national visant à l'adaptation des activités françaises au changement climatique. Elle fait l'objet d'une synthèse accessible au public. En somme, les députés réinventent le Plan stratégique national (PSN).

Secondement, l'article 1er, tel que réécrit par les députés, procède à la réécriture du I de l'article L. 1 du CRPM, relatif aux finalités de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation. Cette politique ne compte actuellement pas moins de 20 items. Sans viser l'exhaustivité du contenu des 20 items re-rédigés par les députés, et dont certains reprennent, complètent, regroupent ou amendent les dispositions déjà existantes, les finalités établies sont les suivantes :

1. sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, reconquérir la souveraineté agricole et alimentaire de la France ;

2. valoriser le rôle essentiel des agricultrices ;

3. développer des filières de production et de transformation ainsi que leur valeur ajoutée ;

4. préserver la souveraineté de l'élevage et de l'agropastoralisme ;

5. soutenir le revenu, développer l'emploi et améliorer la qualité de vie au travail, préserver le modèle d'exploitation familial et la possibilité de choisir son modèle d'exploitation ;

6. assurer la sécurité alimentaire de la population en favorisant l'accès à une alimentation de qualité ;

7. contribuer à la protection de la santé publique et de la santé des agriculteurs, veiller au bien-être des animaux, à la santé des végétaux, à la préservation des ressources génétiques rares ;

8. reconnaître et mieux valoriser les externalités positives de l'agriculture ;

9. soutenir la recherche, l'innovation et le développement ;

10. concourir à la transition énergétique et climatique ;

11. participer au développement des territoires ;

12. encourager l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles ;

13. promouvoir l'information des consommateurs ;

14. promouvoir l'agriculture biologique ;

15. promouvoir l'autonomie de la France et de l'UE en protéines ;

16. promouvoir la souveraineté en fruits et légumes par un plan dédié ;

17. définir des dispositifs de prévention et de gestion des risques ;

18. veiller au principe de réciprocité des normes en matière d'accords de libre-échange ;

19. rééquilibrer les termes des échanges entre pays ;

20. favoriser l'acquisition dès l'enfance d'une culture générale de l'alimentation et de l'agriculture.

Enfin, l'article L.1, tel que rédigé par les députés, dispose, en son dernier alinéa, que la politique de développement rural et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail contribuent à ces finalités. Cette mention est reprise de l'actuelle rédaction du L. 1.

D. La position de la commission - Donner un cap clair à notre agriculture d'une part, et donner un effet juridique de l'article L. 1A d'autre part

Les travaux des rapporteurs de la commission des affaires économiques sur l'article 1er ont visé, d'une part, à assurer autant que possible la portée juridique du futur article L. 1A du CRPM, et, d'autre part, concernant la dimension programmatique de l'article, à dessiner une ambition pour l'agriculture française la plus claire possible, fondée sur la recherche de compétitivité, d'attractivité et d'innovation de l'agriculture française.

Aussi, la commission a adopté deux amendements identiques, COM-343 de ses rapporteurs, et COM-215 de Daniel Gremillet, réécrivant l'article 1er. La rédaction au sortir de la commission se veut être une rédaction de consensus, reprenant de nombreux apports des députés venus de tous les bancs de l'Assemblée nationale.

La commission des affaires économiques propose ainsi un dispositif clair et cohérent répondant aux deux ambitions mentionnées plus haut.

Premièrement, assurer l'effectivité juridique de l'article L. 1A du CRPM. Pour ce faire, l'amendement adopté vise la concision, gage de clarté quant à l'intention du législateur. Aussi, cet article L. 1A au sortir de la commission dispose que « la souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la nation au sens de l'article 410-1 du code pénal. À ce titre, l'agriculture et la pêche sont d'intérêt général majeur ». Les rapporteurs reprennent ainsi la formulation de l'article L. 1A de la proposition de loi ferme France, et s'inscrivent dans la droite logique de l'article 1er bis du présent projet de loi.

Les alinéas suivants du futur article L. 1A du CRPM ont été supprimés, la commission considérant qu'étant de nature programmatique, ils avaient vocation à figurer au sein de l'article L.1. En outre, ces dispositions programmatiques adoptées par les députés étaient particulièrement redondantes avec celles figurant déjà au sein du L. 1 du CRPM.

Deuxièmement, l'amendement crée un article L. 1B disposant que « Les politiques publiques et les règlements ayant une incidence sur l'agriculture, la pêche et l'aquaculture respectent le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire selon lequel la protection du potentiel agricole de la nation ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Ce concept s'inspire du principe de non-régression environnementale inscrit depuis 2016 dans le code de l'environnement.

Troisièmement, la commission a procédé à la réécriture du I du L. 1 du CRPM avec pour objectif, tout ayant une attention marquée pour les apports des députés, de définir une ambition de la politique agricole de la Nation, et de ne pas s'en tenir à une longue liste d'objectifs divers et souvent redondants. Pour ce faire, l'amendement adopté propose d'insérer au sein du L. 1 un I A, faisant de la politique en faveur de l'agriculture une politique en faveur de la souveraineté alimentaire, n'ayant pas vingt finalités, mais quatre :

1° Assurer la pérennité, l'attractivité et le renouvellement des générations en agriculture ;

2° Assurer un haut niveau de compétitivité de l'agriculture ;

3° Soutenir la recherche et l'innovation en agriculture, notamment pour faire face au changement climatique ;

4° Assurer la juste rémunération des actifs en agriculture.

Ensuite, l'amendement procède à la réécriture du I de l'article L. 1 du CRPM, pensé comme la déclinaison en politiques publiques des priorités figurant au IA du même L. 1, ajouté par le même amendement. La liste des finalités ainsi rédigée reprend d'une part la liste figurant actuellement au sein du I du L. 1, et d'autre part les apports des parlementaires, en veillant à éviter autant que possible les répétitions inutiles qui figurent dans la rédaction de l'article 1er sorti de l'Assemblée nationale.

L'amendement de réécriture globale procède également à la suppression des dispositions relatives au IV de l'article L. 1 du CRPM. Ces dispositions portent sur l'installation, et l'article 8 du projet de loi vise précisément à définir les priorités des politiques publiques en la matière. La commission proposera ainsi ses modifications du IV de l'article L. 1 à l'occasion de l'instruction de l'article 8. En cohérence, un amendement COM-342 des rapporteurs vient renommer le titre 1er du projet de loi.

Enfin, la commission a souhaité, à l'initiative de ses rapporteurs, s'en tenir à la notion de « souveraineté alimentaire », notion déjà présente dans le CRPM, à la différence de celle de « souveraineté agricole », et par ailleurs initialement employée par le Gouvernement dans sa rédaction initiale de l'article L. 1A. La notion de « souveraineté agricole » est de nature à engendrer une forme de confusion dans la hiérarchie des finalités de l'agriculture. Or, la commission rappelle que l'agriculture a vocation à produire pour nourrir. Cette vocation première ne s'oppose pas à ce que les agriculteurs contribuent par ailleurs à la souveraineté énergétique de la France par une production secondaire d'énergie. Mais cette production ne saurait venir concurrencer la production alimentaire, comme le Sénat a eu l'occasion de le rappeler à l'occasion des débats autour de l'agrivoltaïsme.

II. Les objectifs et les priorités de la politique d'installation et de transmission en agriculture

A. La situation actuelle - La France fait face à un vieillissement alarmant de sa population agricole, notamment en raison du manque d'attractivité des métiers agricoles et des difficultés d'accès au foncier

La problématique du renouvellement des générations est identifiée de longue date par la profession comme par les pouvoirs publics. Les constats sont connus et documentés34(*). La France hexagonale comptait plus de 760 000 chefs et coexploitants à la tête d'exploitations agricoles en 2000, ce chiffre est de 496 000 en 2020. En parallèle, le nombre d'exploitations agricoles poursuit sa chute, pour atteindre 390 000 en 2020 en France hexagonale35(*) - ce chiffre était de 664 000 10 ans auparavant -, avec une taille moyenne de 69 hectares (ha), contre 55 ha en 2010. Cette hausse de la taille moyenne des exploitations permet globalement de compenser la diminution de leur nombre. Aussi, la SAU diminue peu en France en 2010 et 2020. La baisse du nombre d'exploitations agricoles est évaluée par le dernier recensement agricole à - 2,3 % par an sur la période 2010-2020. Il est notable que près des deux tiers de la baisse totale du nombre d'exploitations soient attribuables à la baisse des exploitations spécialisées dans l'élevage. Ces dernières ont connu entre 2010 et 2020 une baisse de 30 % de leur nombre, soit la disparition de 63 500 exploitations.

En parallèle, on observe un vieillissement global des exploitants agricoles. Les exploitants sont âgés en moyenne de 51,4 ans en 2020 contre 50,2 ans en 2010. Les exploitants âgés de plus de 55 ans représentent désormais 43 % des effectifs, en hausse de sept points par rapport à 2010. Environ un tiers des agriculteurs pourraient en effet partir en retraite d'ici 10 ans, ce qui représente un défi sans précédent pour le grenier de l'Europe.

Par ailleurs, on observe des difficultés croissantes dans l'accès au foncier pour les jeunes agriculteurs, souvent en raison du coût du rachat d'une exploitation et de ses équipements, et de la concurrence pour l'accès aux terres. Les détournements d'usage de terres agricoles contribuent à cette tension.

L'ensemble de ces facteurs plaident pour une réaffirmation des grandes priorités des politiques publiques en matière agricole. Si la souveraineté alimentaire de la Nation est un impératif, assurer le renouvellement des générations en agriculture en est un préalable incontournable.

Dans leur rapport sur la loi d'orientation agricole de 2014, les rapporteurs du Sénat Didier Guillaume et Philippe Leroy indiquaient déjà que « l'installation de jeunes agriculteurs est donc un enjeu fondamental pour assurer la pérennité de l'agriculture française » et que « la baisse tendancielle du nombre des nouvelles installations constitue un phénomène préoccupant. De multiples facteurs expliquent un tel mouvement, en particulier la difficulté d'accès au foncier, et la charge financière croissante que représentent les reprises d'exploitation »36(*).

Dix ans plus tard, une nouvelle loi d'orientation vient tenter de répondre de nouveau à ce constat inchangé, si ce n'est dans son intensité et dans les réponses urgentes qu'il appelle. Ce constat renouvelé peut être considéré comme une forme d'échec, ou du moins d'insuffisance des politiques menées jusqu'à présent pour assurer l'attractivité des métiers de l'agriculture.

L'installation et la transmission, un enjeu de longue date
de la politique agricole

L'article 1er de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d'orientation pour l'agriculture, énonçant les objectifs de la politique agricole, souligne la nécessité d'« assurer le renouvellement des exploitations, en particulier par une politique d'installation des jeunes en agriculture » et d'« offrir aux jeunes et autres actifs agricoles la formation nécessaire pour mener à bien les projets d'installation et l'adaptation des exploitants aux nouveaux enjeux de la politique agricole ».

L'article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole dispose que la politique agricole a parmi ses objectifs « l'installation en agriculture, notamment des jeunes, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission, et le développement de l'emploi en agriculture, dont le caractère familial doit être préservé, dans l'ensemble des régions françaises en fonction de leurs spécificités ».

Le IV de l'article L.1 du CRPM, dans sa version actuelle telle qu'issu de la loi d'orientation agricole de 2014, dispose que :

« La politique d'installation et de transmission en agriculture a pour objectifs :

1° De contribuer au renouvellement des générations en agriculture ;

2° De favoriser la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles dans un cadre familial et hors cadre familial ;

3° De promouvoir la diversité des systèmes de production sur les territoires, en particulier ceux générateurs d'emplois et de valeur ajoutée et ceux permettant de combiner performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire, notamment ceux relevant de l'agroécologie ;

4° De maintenir sur l'ensemble des territoires un nombre d'exploitants agricoles permettant de répondre aux enjeux d'accessibilité, d'entretien des paysages, de biodiversité et de gestion foncière ;

5° D'accompagner l'ensemble des projets d'installation ;

6° D'encourager des formes d'installation progressive permettant d'accéder aux responsabilités de chef d'exploitation tout en développant un projet d'exploitation, et de favoriser l'individualisation des parcours professionnels.

Dans le cadre de cette politique, l'État facilite l'accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables. Il assure la formation aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de l'aquaculture, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et aux métiers qui leur sont liés, de façon adaptée aux évolutions économiques, sociales, environnementales et sanitaires ainsi qu'au développement des territoires. »

On constate que dès 2014, les objectifs relatifs à l'installation ont commencé à s'étoffer, sans pour autant s'accompagner d'une politique efficace permettant d'encourager effectivement au renouvellement des générations.

B. Le dispositif envisagé - Actualiser, au sein de l'article L. 1, les objectifs et les priorités de la politique d'installation et de transmission, et affirmer sa contribution à la souveraineté agricole

En plus de créer un nouvel article L. 1A, l'article 1er vise à actualiser les objectifs et priorités de la politique d'installation et de transmission en agriculture.

Pour cela, le IV de l'article L.1 du CRPM est réécrit et largement étoffé.

Premièrement, le premier alinéa de ce IV définit l'objectif global de la politique en matière d'installation et de transmission en agriculture, à savoir « contribuer à la souveraineté agricole de la France en favorisant le renouvellement des générations d'actifs en agriculture par l'accompagnement des reprises d'exploitation. » Des sous-objectifs à cette politique sont par ailleurs définis : « Elle prend en compte le caractère stratégique de ce renouvellement pour, d'une part, renforcer la création de richesse et la compétitivité de l'économie française et, d'autre part, répondre aux enjeux environnementaux et climatiques grâce aux services écosystémiques et énergétiques rendus par l'agriculture. Elle participe à la transition vers des modèles agricoles plus résilients sur les plans économique, social et environnemental et favorise la diversification des profils des porteurs de projets d'installation ».

Deuxièmement, l'alinéa suivant fixe un autre objectif à cette politique, à savoir « orienter en priorité l'installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire et énergétique ». Cet objectif s'atteint par une série de mesures dont la finalité se développe sur six items :

1. Faire connaître le métier d'exploitant agricole et communiquer sur l'enjeu stratégique du renouvellement des générations ;

2. Susciter des vocations agricoles au sein du public scolaire, et parmi les personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d'emploi ;

3. Proposer un accueil, une orientation et un accompagnement personnalisés et coordonnés de l'ensemble des candidats à l'entrée en agriculture, comme des personnes envisageant de cesser et de transmettre leur activité ;

4. Mettre en relation les porteurs de projets en agriculture et les personnes en activité agricole ou en fin de carrière agricole ;

5. Encourager les formes d'installation collective et les formes d'installation progressive, y compris le droit à l'essai ;

6. Favoriser la fourniture d'informations claires et objectives sur l'état des exploitations à transmettre afin de garantir leur viabilité d'un point de vue économique, humain et environnemental.

Troisièmement, l'article définit le rôle de l'État, à savoir faciliter l'accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables, d'une part, et assurer la formation aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de l'aquaculture et la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et aux métiers qui leur sont liées, d'autre part.

Enfin, l'article 1er dispose que la mise en oeuvre de cette politique s'appuie sur une instance nationale et des instances régionales de concertation.

Si le IV de l'article L. 1 est entièrement réécrit, certaines missions de la politique d'installation et de transmission demeurent similaires à la rédaction actuelle. Il est cependant proposé un dispositif bien plus étoffé et ambitieux que celui figurant actuellement au sein du code.

En premier lieu, celui-ci établit un lien direct entre souveraineté agricole et politique d'installation et de transmission. Le terme de « souveraineté agricole » est utilisé à dessein pour englober la souveraineté alimentaire, telle que mentionnée au début de l'article 1er, mais aussi la souveraineté énergétique.

En deuxième lieu, il est fait mention explicite, à deux reprises, du pendant énergétique de la politique d'installation et de transmission. À ce titre, cette politique oriente en priorité l'installation vers « des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire et énergétique ». La contribution de l'agriculture à la production énergétique française est donc reconnue et encouragée, ce qui, encore une fois, n'est pas sans poser la question de la hiérarchie des priorités.

En troisième lieu, la mission consistant à mieux faire connaître les métiers de l'agriculture et à susciter des vocations agricoles est affirmée, il s'agit même des deux premiers items figurant dans le texte.

En quatrième lieu, l'accent est mis sur la mise en relation des porteurs de projets et des cédants, sur les informations dont les premiers doivent disposer, et sur la possibilité de recourir à diverses formes d'installations37(*), incluant un droit à l'erreur. Ces nouveaux éléments font directement écho à plusieurs dispositions du projet de loi.

Enfin, en cinquième lieu, l'ajout d'un alinéa relatif à la concertation menée au niveau national ainsi que régional autour de cette politique constitue une autre nouveauté proposée par le dispositif.

C. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

1) Au stade de la commission

En commission, les députés ont adopté 14 amendements, parmi lesquels un amendement  CE3533 des rapporteurs visant à réécrire totalement l'alinéa 13, c'est-à-dire le 1er alinéa du IV de l'article L. 1, portant sur les objectifs généraux de la politique d'installation et de transmission. Cette réécriture propose quelques évolutions en comparaison avec le dispositif initial, et notamment :

· elle substitue la « souveraineté alimentaire » à la « souveraineté agricole », ce qui semble ramener la question énergétique à un niveau clairement en deçà des impératifs de production alimentaire ;

· elle modifie la première phrase pour indiquer que l'objectif de la politique d'installation et de transition en agriculture est non seulement la contribution à la souveraineté alimentaire, mais aussi aux transitions agroécologique, énergétique et climatique donnant de fait à ces dernières un rang assez élevé dans la longue suite d'objectifs assignés à la politique d'installation et de transmission.

En outre, l'amendement  CE3011 de Mme Marie Pochon réécrit entièrement le quatorzième alinéa, soit le deuxième alinéa du IV du L. 1, notamment pour supprimer la mention de la souveraineté énergétique et pour injecter des références plus explicites à l'agroécologie et à l'agriculture biologique.

Un amendement  CE2154 du groupe socialiste a procédé à la réécriture de l'alinéa 16, relatif à l'objectif de susciter des vocations agricoles, pour y inclure la coopération entre les espaces urbains et ruraux.

Quatre amendements identiques, CE3460 de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, CE190, CE998 et CE2343, complètent l'alinéa 21 relatif à la mission de l'État de facilitation de l'accès au foncier agricole et de formation, au sens large, aux métiers et enjeux de l'agriculture pour y inclure l'enjeu du maintien d'un réseau de services dans le monde rural favorisant l'installation de jeunes.

Enfin, un amendement  CE2034 de Mme Nathalie Bassire et plusieurs de ses collègues complète l'alinéa 23 relatif au rapport remis annuellement par le Gouvernement sur l'état de la souveraineté alimentaire de la France, pour y inclure une annexe spécifique sur l'objectif de souveraineté alimentaire des territoires ultramarins.

2) Au stade de la séance publique

En séance publique, comme indiqué en première partie du commentaire, plusieurs amendements identiques ont procédé à la réécriture globale de l'article 1er. Cette partie de l'article 1er, relative à la réécriture du IV de l'article L. 1 du CRPM, a fait l'objet de neuf sous-amendements - notamment concernant les objectifs de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation dans les outre-mer - à la rédaction globale proposée et adoptée.

Plus précisément, la rédaction adoptée par les députés ne modifie pas le premier alinéa du IV relatif aux objectifs généraux de la politique d'installation et de transmission, tel qu'issue des travaux de commission à une exception notable près, le retour de la souveraineté agricole, en en lieu et place de la souveraineté alimentaire.

Si elle modifie globalement peu la rédaction issue des travaux de commission, la version issue de la séance publique :

· substitue à la mention de la souveraineté « alimentaire », la mention de la souveraineté « agricole et alimentaire » dans l'alinéa relatif à l'orientation, en priorité vers les secteurs stratégiques pour cette souveraineté ;

· supprime la mention de la coopération entre les espaces urbains et ruraux, dans le cadre de la politique visant à susciter des vocations agricoles ;

· procède à l'ajout de deux missions, en plus des six assignées à la politique d'installation et de transmission à savoir, d'une part, la facilitation de la construction de bâtiment à usage d'habitation attenant au bâtiment technique, sur le terrain agricole38(*) et, d'autre part, la nécessité de prévoir les leviers fiscaux et bancaires permettant la reprise d'exploitation.

En outre, la rédaction globale de l'article 1er procède à quelques ajustements39(*) au sein du V du même article L. 1 du CRPM, relatif aux spécificités de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation dans les outre-mer, en ajoutant un certain nombre d'objectifs à cette politique, en cohérence avec la rédaction du I adoptée par les députés :

· le revenu des agriculteurs ;

· l'adaptation au changement climatique ;

· la formation et le renouvellement des générations ;

· la diversification ;

· la sauvegarde de la SAU.

D. La position de la commission - Des dispositions programmatiques ayant vocation à figurer au sein de l'article 8 du projet de loi

Dans un amendement de rédaction globale des rapporteurs précédemment exposé, la commission a procédé à la suppression des dispositions relatives à l'installation figurant à l'article 1er, considérant que ce débat doit avoir lieu à l'occasion de l'examen de l'article 8. Aussi, les modifications du IV de l'article L. 1 du CRPM portées par la commission figurent à l'article 8.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 1er bis A (supprimé)
Reconnaissance de la spécificité des communes insulaires métropolitaines

Cet article, introduit en séance publique à l'Assemblée nationale, vise à reconnaître, au sein de l'article L. 1 du CRPM, la spécificité des communes insulaires métropolitaines dépourvues de liens permanents avec le continent. La politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation devrait en tenir compte.

Cette reconnaissance figurant déjà à l'article 3 de la loi 3DS, la commission a adopté un amendement COM-344 de suppression des rapporteurs.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale - Un amendement portant article additionnel relatif à la reconnaissance de la spécificité des communes insulaires métropolitaines

Cet article, issu d'un amendement  3718 de M. Jimmy Pahun et plusieurs de ses collègues, vise à insérer un VIII au sein de l'article L. 1 du CRPM disposant que « la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation tient compte des spécificités des communes insulaires métropolitaines dépourvues de lien permanent avec le continent, en application de l'article 3 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale ».

II. La position de la commission - Une reconnaissance de la spécificité des communes insulaires métropolitaines déjà acquise

Comme l'indique le dispositif même de l'article, la reconnaissance de ces territoires est d'ores et déjà effective puisque l'article 3 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi 3DS) dispose que « la République française reconnaît les communes insulaires métropolitaines dépourvues de lien permanent avec le continent comme un ensemble de territoires dont le développement durable constitue un objectif majeur d'intérêt national en raison de leur rôle social, environnemental, culturel, paysager et économique et nécessite qu'il soit tenu compte de leurs différences de situations dans la mise en oeuvre des politiques publiques locales et nationales ».

Par ailleurs, il ne semble pas pertinent d'alourdir encore la rédaction de l'article L. 1 du CRPM, par l'insertion d'un VIII.

Enfin, la rédaction globale de l'article 1er adoptée en commission, rappelle, au I de l'article L. 1, en son 13°, l'importance d'un « développement des territoires équilibré et durable, prenant en compte les spécificités de chaque région ».

Aussi, à l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté un amendement COM-344 visant à supprimer cet article.

La commission a supprimé l'article.

Article 1er bis B (supprimé)
Présentation du programme national pluriannuel
de développement agricole et rural (PNDAR) devant le Parlement
au début de chaque programmation

Cet article vise à demander au Gouvernement de présenter au Parlement le programme national pluriannuel de développement agricole et rural (PNDAR) au début de chaque programmation de cinq ans.

Considérant que cet article était déjà satisfait par la tenue des débats budgétaires chaque automne, la commission a supprimé cet article.

I. Le droit existant - Le programme national pluriannuel de développement agricole et rural (PNDAR) fait l'objet d'une forte attention des parlementaires au moment des débats budgétaires

Le programme national pluriannuel de développement agricole et rural (PNDAR) finance des actions des instituts techniques agricoles, réunis au sein et des chambres d'agriculture, établissements publics dont la tête de réseau est Chambres d'agriculture France.

Il est financé par le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (PNDAR), écrêté au-dessus de 147 millions d'euros en 2024.

Ce compte d'affectation spéciale est lui-même abondé par une taxe sur le chiffre d'affaires de l'exploitation, et sert au financement d'actions agricoles. Instrument des agriculteurs au service des agriculteurs, le Casdar finance les instituts techniques agricoles et les organismes nationaux à vocation agricole et rurale (Onvar). Les programmes qu'il finance, censés être rediscutés chaque année, connaissent en pratique une grande continuité dans leur financement, ce qui lui vaut depuis plusieurs années les critiques de la Cour des comptes.

II. La proposition adoptée par l'Assemblée nationale - Deux rendez-vous obligatoires, l'un annuel et l'autre quinquennal, sur le programme national pluriannuel de développement agricole et rural

Un amendement n° 2788 de la députée Mathilde Hignet (La France insoumise - Ille-et-Vilaine) et des collègues de son groupe politique a été adopté à l'Assemblée nationale, en séance publique, contre l'avis du gouvernement et de la commission.

Son adoption a donné lieu à la création de cet article 1er bis B.

Il prévoit que « le Gouvernement présente au Parlement le programme national pluriannuel de développement agricole et rural (PNDAR) au début de chaque programmation ».

Il prévoit également que « chaque année, [le Gouvernement] présente la trajectoire prévisionnelle de financement de la recherche et du développement en matière agricole inscrit dans le projet de loi de finances ainsi que le bilan et les impacts du financement de l'année précédente ».

III. La position de la commission - Une disposition qui vient enserrer l'agenda parlementaire par des contraintes malvenues

Les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville ont proposé, par un amendement  COM-345, la suppression de cet article, jugé superfétatoire et contraignant inutilement l'agenda parlementaire par des rendez-vous obligatoires sur un sujet qui fait déjà l'objet d'une attention et de discussions soutenues à l'occasion de l'examen de chaque projet de loi de finances.

De plus, il revient en principe aux parlementaires en fonction, et non à leurs prédécesseurs, de décider de l'ordre du jour. Le suivi du programme national de développement agricole et rural peut être opéré à tout moment par une commission permanente.

Enfin, la commission rappelle que les débats sur le PNDAR pourront être abordés par le prisme des rendez-vous réguliers sur la souveraineté alimentaire devant la représentation nationale, prévus par le présent projet de loi.

La commission a supprimé l'article.

Article 1er bis (non modifié)
Ajout de l'agriculture dans les intérêts fondamentaux de la Nation
au sens du code pénal

Cet article, introduit en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, vise à préciser la définition des intérêts fondamentaux de la Nation figurant à l'article 410-1 du code pénal, pour y faire figurer explicitement l'agriculture, comme composante du potentiel économique de la Nation.

Cette précision fait opportunément écho à des précédents travaux sénatoriaux portant précisément sur le caractère fondamental, au sens du code pénal, des activités agricoles.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. La situation actuelle - Les contours des intérêts fondamentaux de la Nation, et notamment s'agissant de son potentiel économique, sont peu définis

Le titre Ier du livre IV, « Des crimes et délits contre la nation, l'État et la paix publique » du code pénal, traite des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation. En son sein, l'article 410-1 dispose que : « Les intérêts fondamentaux de la nation s'entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l'intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l'étranger, de l'équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel ».

La notion d'intérêt fondamental de la Nation a été mobilisée40(*) par la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement, qui dispose que le peuple français considère « que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation »41(*). Cette charte, tout comme son préambule, ont valeur constitutionnelle.

Dans une décision n° 2022-843 du 12 août 2022, le Conseil constitutionnel précise, à propos des dispositions contestées figurant aux article 29 et 30 de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, relatives au projet de terminal méthanier flottant, qu'« elles mettent en oeuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique ». La sauvegarde des éléments essentiels du potentiel économique de la Nation peut ainsi justifier que soit portée atteinte à l'exercice de certains droits constitutionnels protégés, ici, en l'espèce, l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de l'environnement. Une conciliation est donc opérée entre des objectifs constitutionnels de valeur égale.

Le Conseil constitutionnel se réfère probablement implicitement, en évoquant « les éléments essentiels de son potentiel économique », à l'article 410-1 du code pénal précité.

Le juge constitutionnel, tout comme le contenu de l'article 410-1 du code pénal, ne liste en revanche pas les éléments essentiels du potentiel économique de la France. Il revient donc au juge, en l'état du droit, de les identifier.

II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - Inclure l'agriculture dans la définition des intérêts fondamentaux de la Nation

Adoptés en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, les amendements identiques  CE311, CE732, CE976, CE1356 et CE1415 visent à compléter l'article 410-1 du code pénal, pour adjoindre, après le mot « économique », les mots « notamment agricole ».

Ainsi, les intérêts fondamentaux de la France s'entendraient, notamment, comme « des éléments essentiels de son potentiel scientifique, économique et notamment agricole et de son patrimoine culturel ».

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement  3662 de Mme Françoise Buffet de correction rédactionnelle.

III. La position de la commission - Une précision nécessaire, directement inspirée des travaux du Sénat

La commission ne peut qu'approuver un ajout directement inspiré des travaux du Sénat puisque l'article 1er A de la proposition de loi pour un choc de la compétitivité de la ferme France, des sénateurs Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, telle qu'issue des travaux en séance publique, dispose que « la souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l'article 410-1 du code pénal »42(*).

La modification de cet article du code pénal s'inscrit donc dans la logique des travaux du Sénat. Elle pourrait, le cas échéant, inspirer la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lorsque celui-ci sera amené à se prononcer sur le contenu des éléments essentiels du potentiel économique- de la France.

Par ailleurs, à l'heure où l'agriculture et l'alimentation sont devenues de véritables outils de pression géopolitiques, l'ajout de la mention de l'agriculture au sein du code pénal paraît d'autant plus pertinent.

Enfin, cet article est cohérent avec l'amendement de réécriture de l'article 1er des rapporteurs, qui fait mention, au sein du futur article L. 1A du CRPM, de l'article 410-1 du code pénal.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 1er ter
Aide financière à la création d'organisations de producteurs

Cet article, ajouté en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale vise à permettre aux organisations de producteurs nouvellement créées de bénéficier d'une aide au démarrage attribuable dans les cinq années suivant leur création.

La commission a adopté deux amendements de précision rédactionnelle de ses rapporteurs et de Bernard Buis et plusieurs de ses collègues.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - En dehors que quelques aides ponctuelles, aucun dispositif de soutien aux organisations de producteurs

Les groupements de producteurs ont été créés par la loi d'orientation agricole n° 62-933 du 8 août 1962. Devenues organisations de producteurs (OP) en 1999, les règles leurs étant applicables sont prévues aux articles L. 551-2 et suivant du CRPM.

Au niveau européen, le règlement n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (règlement OCM) encadre la création et le fonctionnement des OP.

Les OP ont pour finalité de « planifier la production, optimiser les coûts de production, mettre sur le marché et négocier des contrats concernant l'offre de produits agricoles au nom de leurs membres pour tout ou partie de leur production en tous secteurs. »

En droit interne, l'article L. 553-4 du CRPM régit les dispositifs d'aides en faveur des OP et des associations d'organisation de producteur (AOP). Il dispose que :

- les OP ou AOP peuvent bénéficier de priorité dans l'attribution de l'aide que l'État peut apporter pour l'organisation de la production et des marchés ;

- ces mêmes organisations bénéficient d'un droit de préférence dans les marchés par adjudication ou appel d'offres de l'État, des collectivités locales ou de leurs établissements publics.

Elles peuvent également bénéficier de majorations dans l'attribution des aides publiques à l'investissement dont les objectifs correspondent à ceux poursuivis par l'organisation.

Des dispositifs sectoriels sont mis en place et gérés par FranceAgriMer. Dans le cadre du plan de relance, une aide à la structuration et à la montée en puissance des OP et des AOP avait été mise en place. Elle s'est éteinte en 2022.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale - La création d'une aide au démarrage pour l'établissement initial des organisations de producteurs

Adopté en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, l'amendement  CE2468 vise à compléter le premier alinéa de l'article L. 553-4 du CRPM par deux alinéas disposant que « les producteurs organisés peuvent bénéficier d'une aide au démarrage pour l'établissement initial des organisations de producteurs, au plus tard à la clôture de la période de cinq ans couverte par le présent régime d'aide », et que les règles de calcul du montant de l'aide seront fixées par décret. L'article n'a pas été amendé en séance publique.

III. La position de la commission - Un dispositif bienvenu

La commission soutient la mise en place d'une « aide au démarrage », considérant que la structuration des filières et des organisations de producteurs est un bon moyen pour les agriculteurs de peser dans les négociations commerciales à l'amont, par une régulation de l'offre et une capacité de négociation collective accrue.

Au démarrage, les OP ont souvent des besoins en formation de leurs ressources humaines, en investissements matériels et logiciels.

La commission a adopté un amendement COM-346 de ses rapporteurs ainsi qu'un amendement COM- 542 de précisions rédactionnelles.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 1er quater
Mise à disposition d'une méthodologie d'affichage
de l'origine des produits alimentaires

Cet article, introduit par amendement à l'Assemblée nationale, vise à mettre à disposition une méthodologie d'affichage de l'origine des produits alimentaires.

La commission a adopté un amendement pour garantir la conformité de cet article au droit de l'Union européenne, sans en dénaturer l'intention initiale, puis a adopté l'article ainsi modifié.

I. Le droit existant - L'affichage de l'origine des produits alimentaires est entièrement harmonisé au niveau européen, laissant peu de marges de manoeuvre au législateur national

L'affichage de l'origine des produits est régi par le règlement Information du consommateur43(*), dit « Inco », de 2011. Pour une présentation détaillée du cadre fixé par ce règlement, il convient de se référer au commentaire de l'article 10 de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France44(*), qui rappelle ce qui peut être décidé en la matière, de manière facultative ou obligatoire. En pratique, le législateur national dispose de très peu de marges de manoeuvre, car il s'agit d'un règlement d'harmonisation maximale.

II. La proposition adoptée par l'Assemblée nationale - La mise à disposition d'une méthodologie d'affichage de l'origine des produits alimentaires

Un amendement n°  342 du député Richard Ramos (Les Démocrates - Loiret), très actif pour la défense de l'information du consommateur sur les produits alimentaires, a été adopté en séance publique contre l'avis de la rapporteure Nicole Le Peih et du ministre Marc Fesneau, mais avec le soutien des députés Julien Dive (républicain), Sébastien Jumel (communiste), Inaki Echaniz (socialiste), Manon Meunier et Hugo Prud'homme (insoumis) et Delphine Batho (écologiste), ainsi que de leurs groupes et du groupe Rassemblement national.

M. Ramos l'a présenté comme un moyen d'exercer une forme de « préférence nationale » sur certains produits et d'améliorer la transparence sur les produits transformés. Il consiste à prévoir une méthodologie d'affichage, via un logo en face avant des produits alimentaires, des informations suivantes :

- pays de provenance le plus représenté, part des matières premières issues de l'UE ou non issues de l'UE, part d'origine nationale ;

- pays de fabrication ou de transformation finale.

En complément, les metteurs sur le marché conserveraient la possibilité d'afficher le pourcentage de matières premières provenant de tout autre pays.

III. La position de la commission - Dans un souci de respect du droit de l'Union européenne, l'obligation prévue au présent article a été transformée en un objectif de porter une modification du règlement « Information du consommateur » au niveau européen

Éclairée par l'analyse des rapporteurs, selon laquelle la méthodologie proposée, si elle prenait un caractère d'obligation, pouvait contrevenir au règlement Information du consommateur45(*), dit « Inco », de 2011, la commission a adopté leur amendement COM-347 de rédaction globale, qui vise à garantir la conformité de cet article au droit de l'Union européenne, sans en dénaturer l'intention initiale.

Les ministères de l'agriculture et de la consommation avaient fait part aux rapporteurs de leur vive inquiétude quant au risque que cet article ne décourage les industries agroalimentaires de s'engager dans l'Origine-score méthode entièrement facultative alors en cours d'élaboration par le ministère de la consommation.

Face à ce risque d'incompatibilité identifié par les rapporteurs, la commission a entendu témoigner de son souci constant de lutter contre la concurrence déloyale et de renforcer la souveraineté alimentaire, tout en assurant la sécurité juridique en évitant le vote d'une mesure qui serait de toute façon écartée par le juge à l'occasion d'un litige.

L'amendement adopté complète également l'objectif de révision du règlement Inco sur deux points, satisfaisant des demandes de filières :

- une proposition d'affichage, sur les denrées alimentaires importées de pays tiers, des méthodes de production utilisées si ces méthodes sont interdites ou restreintes au sein de l'Union européenne. Il s'agirait en quelque sorte de « mesures miroirs » par le biais de la transparence, afin d'apporter une information claire et objective aux consommateurs et leur permettre de faire, par leurs décisions de consommation, ce que les pouvoirs publics se refusent à faire par la réglementation au niveau européen ;

- une proposition d'interdire l'usage du terme label pour des productions autres que label rouge, une telle interdiction ne pouvant être réalisée sans en passer par une modification du règlement Inco, qui régit l'ensemble du droit de la consommation, tant le terme « label » est générique.

Cette liste de modifications proposées, qui ne seraient pas possibles à l'échelon national mais devraient nécessairement passer par la révision du règlement Inco, n'est bien sûr pas exhaustive.

Après avoir été plusieurs fois reportée, et été de nouveau à l'agenda sous la présidence allemande du Conseil, la révision du règlement Inco est au programme de la nouvelle Commission européenne. Dans un contexte politique nouveau, cela pourrait donner l'opportunité d'avancées en la matière.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 1er quinquies
Remise annuelle d'un rapport au Parlement, dressant un bilan
de la politique de contrôle sanitaire des denrées alimentaires importées

Issu de l'adoption en commission de l'amendement COM-232 de MM. Dantec, Salmon et de leurs collègues du groupe écologiste, cet article demande la remise d'un rapport au Parlement, dressant un bilan de la politique de contrôle sanitaire des denrées alimentaires importées. Les défaillances actuelles de ces contrôles contribuent à l'érosion de la souveraineté alimentaire de la France, par la concurrence déloyale de produits ne respectant pas ses normes sanitaires minimales, ce qui accentue la « désagricolisation » et la décapitalisation qui se poursuivent par le renouvellement des générations d'actifs.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

I. La situation actuelle - Des défaillances répétées du contrôle sanitaire des denrées alimentaires importées, qui contribuent à l'érosion de notre potentiel productif agricole et de notre souveraineté alimentaire, pourtant érigée en intérêt fondamental de la Nation

La compétence du contrôle sanitaire des denrées alimentaires importées est répartie entre plusieurs niveaux de décision (Union européenne, États membres) et plusieurs acteurs (services sanitaires de la Commission européenne, douanes et surtout services déconcentrés de la direction générale de l'alimentation (DGAL), regroupés au sein du service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (Sivep) - ainsi que, avant la réforme de la police sanitaire unique de l'alimentation, la direction générale de la consommation, de la concurrence, de la répression des fraudes (DGCCRF).

Plusieurs scandales sanitaires ont été révélés ces dernières années, dont la commission des affaires économiques du Sénat s'est emparée dans le cadre de ses missions de contrôle de l'action du Gouvernement, en particulier le scandale des graines de sésame importées d'Inde ne respectant pas les normes minimales requises dans l'Union européenne ( rapport d'information n° 368 (2020-2021), déposé le 17 février 2021, de M. Laurent Duplomb).

La commission des finances, au travers de son rapport spécial sur la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales lors de l'examen du projet de loi de finances 2023, avait, elle, souligné « les failles du système de contrôle sur les produits importés qui peuvent représenter un risque sanitaire en raison de modes de production non conformes à nos normes, d'une part, ainsi qu'une menace pour la compétitivité des exploitations françaises, d'autre part ». Dans le contexte du Brexit, la moitié des effectifs du Sivep étaient affectés à des tâches en lien avec le contrôle de lots importés du Royaume-Uni, créant des tensions importantes sur les contrôles aux autres frontières.

Le rapport pour avis de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de ratification sur l'accord économique et commercial global avec le Canada (ou CETA) pointait que deux audits de la Commission européenne, à trois ans d'écart, avaient relevé que les garanties qu'aucune viande aux hormones ne soit exportée vers l'Union européenne étaient « compromises » par des « lacunes ».

II. La position de la commission - La remise annuelle d'un rapport au Parlement, dressant un bilan de la politique de contrôle sanitaire des denrées alimentaires importées

L'article 1er du projet de loi d'orientation consacre à raison l'agriculture, la pêche et l'aquaculture « d'intérêt général majeur en tant qu'elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation ». Il prévoit que les politiques publiques en ce sens « veillent à préserver et améliorer sa capacité à assurer son approvisionnement alimentaire dans le cadre du marché intérieur de l'Union européenne et de ses engagements internationaux, aux fins de fournir à l'ensemble de la population une alimentation saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous tout au long de l'année et issue d'aliments produits de manière durable ». Le non-respect, par des concurrents, d'engagements internationaux réciproques en matière sanitaire et environnementale, compromet en effet la souveraineté alimentaire du pays.

Déposé par MM. Dantec, Salmon et leurs collègues du groupe écologiste, l'amendement COM-232, portant article additionnel après l'article 1er quater, prévoit que « le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, puis chaque année, un rapport comportant un bilan de la politique de contrôle sanitaire des denrées alimentaires importées. Il précise le nombre de contrôles effectués pour l'année, dont le nombre de contrôles aléatoires, le nombre d'agents affectés à ces contrôles, les résultats de ces enquêtes, ainsi que les mesures, mises en oeuvre et proposées, au niveau national et européen pour mieux lutter contre les risques sanitaires et environnementaux liés aux produits importés ».

Si la commission n'est pas normalement favorable aux demandes de rapport, ce principe a souffert une exception pour ce sujet du contrôle sanitaire des denrées alimentaires, qui constitue aux yeux des rapporteurs le sujet majeur, conditionnant tous les autres, s'agissant de la politique de reconquête de notre souveraineté alimentaire.

Les rapporteurs, rejoints en leur analyse par l'ensemble des sénateurs de la commission, considèrent en effet que, sans contrôles dignes de ce nom, tous les efforts menés pour renforcer notre souveraineté alimentaire par davantage de production ne feront que remplir un panier percé.

Du reste, ce même amendement avait été adopté par le Sénat en 2023, dans le cadre de l'examen en séance publique de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France.

La perspective d'un accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur a ravivé les inquiétudes sur les défaillances de ces contrôles, un audit de la DG Santé de la Commission européenne ayant souligné : « l'autorité compétente ne peut pas garantir la fiabilité des déclarations sous serment des opérateurs concernant la non-utilisation d'oestradiol 17â chez les bovins et le ministère [brésilien] de l'agriculture, de l'élevage et de l'approvisionnement (MAPA) n'est pas en mesure d'attester de manière fiable que l'opérateur respecte la section correspondante du modèle de certificat sanitaire de l'UE pour les exportations de viande bovine vers l'UE, mettant en doute la fiabilité des déclarations sous serment des opérateurs ».

La perspective d'importations de denrées sans droits de douane beaucoup plus importantes que par le passé en provenance du Brésil ou de l'Argentine (boeuf, poulet, maïs, sucre...) est inquiétante. En effet, elle est de nature à accentuer la « désagricolisation » du pays, et en particulier sa décapitalisation, qui se poursuit par la diminution du nombre d'actifs agricoles, causée principalement par le non-renouvellement d'agriculteurs ayant atteint l'âge de la retraite.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

TITRE II
FORMER ET METTRE L'INNOVATION
AU SERVICE DU RENOUVELLEMENT DES GENERATIONS
ET DES TRANSITIONS EN AGRICULTURE
CHAPITRE Ier
Objectifs programmatiques en matière d'orientation,
de formation, de recherche et d'innovation
Article 2
Objectifs des politiques d'orientation et de formation en agriculture

Cet article, programmatique et non codifié, fixe les objectifs des politiques publiques d'orientation, de formation, de recherche et d'innovation, dans le but :

- d'accroître le nombre de personnes formées aux métiers du monde agricole ;

- d'augmenter le niveau de diplôme moyen des nouveaux actifs de ce milieu ;

- d'accroître les politiques de formation tout au long de la vie ;

- d'amplifier les efforts de recherche, d'innovation et de diffusion des connaissances.

L'article institue en outre un programme national d'orientation et de découverte des métiers du vivant à destination des élèves des écoles élémentaires ainsi qu'un programme national triennal de formation à destination de 50 000 professionnels.

À l'Assemblée nationale, les députés ont adopté 24 amendements en commission et 22 amendements et sous-amendements en séance publique. Parmi les évolutions notables figurent :

- l'ajout d'objectifs chiffrés d'augmentation des effectifs de l'enseignement agricole ;

- l'ajout de trois objectifs assignés aux politiques d'enseignement et de formation à savoir le développement des collaborations entre la recherche publique et les entreprises, le renforcement de la promotion et l'accès à la validation des acquis de l'expérience, et l'inclusion des structures privées dans la stratégie de hausse des moyens d'investissement et financier ;

- la création à l'échelon départemental d'un représentant des établissements d'enseignement technique agricole, s'inspirant du directeur académique des services de l'éducation nationale.

La commission des affaires économiques approuve les grandes orientations programmatiques figurant à l'article 2. Ses rapporteurs ont toutefois noté de nombreuses redondances qu'ils se sont efforcés de corriger, de manière à renforcer la lisibilité de la programmation ainsi instituée.

Les rapporteurs ont également souhaité mettre l'accent sur l'entreprenariat, considérant qu'un agriculteur est avant tout un entrepreneur devant pouvoir bénéficier des connaissances les plus actuelles dans ses domaines d'activité.

Enfin, toujours à l'initiative de ses rapporteurs, la commission a également tenu à mieux affirmer l'importance des politiques publiques de recherche et d'innovation au sein de cet article.

Ainsi, la commission a adopté 18 amendements et un sous-amendement, dont 10 de ses rapporteurs ayant notamment pour objectif :

• d'intégrer l'aquaculture dans l'enjeu de renouvellement des générations ( COM-348) ;

• de reformuler les deuxième à cinquième objectifs des politiques publiques en matière d'enseignement et de formation pour, entre autres, affirmer l'importance de l'entrepreneuriat d'une part, et des connaissances agronomiques, zootechniques et d'adaptation au changement climatique d'autre part ( COM-351) ;

• de supprimer des dispositions redondantes ( COM-358) ;

• de supprimer, en lien avec le rapporteur pour avis de la commission de la culture, la référence aux actions de découverte des métiers du vivant dans le cadre du service national universel (SNU), considérant que ce n'est pas l'objet du SNU (amendements identiques avec le rapporteur pour avis de la commission de la culture COM-354 et COM-641) ;

• d'améliorer le programme national d'orientation et de découverte des métiers pour mettre l'accent sur les métiers les plus en tension et pour indiquer plus clairement que le service public audiovisuel est associé, de même que les réseaux sociaux, supports incontournables en matière de communication à l'égard des jeunes publics ( COM- 353).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Un besoin urgent de renouvellement des générations en agriculture

L'enjeu lié au renouvellement des générations s'inscrit dans un contexte de baisse tendancielle de la population agricole. Celle-ci est passée de plus de 2,5 millions d'exploitants46(*) en 1955 à moins de 500 000 en 2020, dirigeant 390 000 exploitations. On observe corrélativement un accroissement de l'âge moyen de la population agricole et anticipe un nombre de départ en retraite dans les dix années à venir très élevé, puisque l'étude d'impact annexée au projet de loi rappelle que sur la période 2020-2030, 166 000 chefs d'exploitation pourront faire valoir leurs droits à la retraite, soit un tiers de l'effectif total.

En parallèle, la France agricole installe encore trop peu ses jeunes. La Cour des comptes rappelle, dans un rapport sur la politique d'installation47(*), qu'en moyenne, depuis 2015, 20 000 chefs d'exploitation par an cessent leur activité, pour environ 14 000 installations.

Aussi, les politiques publiques en matière d'enseignement et de formation doivent-elles contribuer - aux côtés d'autres politiques, visant notamment à accompagner les jeunes agriculteurs au moment de leur installation, ou encore leur faciliter l'accès au foncier - à augmenter, dans les années à venir, ce chiffre de 14 000 installations.

L'étude d'impact propose un chiffrage du déficit d'emplois pour l'ensemble du secteur agricole attendu d'ici 2030 à 93 000 équivalents temps plein (ETP), voire 107 000 si on applique le scénario « bas carbone » de la stratégique nationale bas carbone.

Le constat d'un déficit de main-d'oeuvre, qui n'est d'ailleurs pas propre au seul secteur agricole, s'accompagne d'une méconnaissance assez générale des métiers de l'agriculture, corolaire d'un effondrement de la population agricole qui aboutit à ce que le secteur primaire ne concerne plus que 1,5 % de la population active française.

Aussi, le titre II du projet de loi propose des mesures - programmatiques concernant l'article 2 - visant à mieux faire connaître les métiers agricoles et en lien avec l'agriculture, mettre en place des actions visant à augmenter le nombre d'élèves suivant ces parcours, créer un diplôme de niveau bac+ 3 facilement identifiable par les étudiants et leurs familles, encourager la recherche et les liens entre chercheurs et enseignement agricole et enfin d'assurer un meilleur maillage vétérinaire sur le territoire.

Concernant plus précisément l'article 2, les articles L. 800-1, L. 811-1 (pour l'enseignement public) et L. 813-1 (pour l'enseignement privé) du CRPM posent les grands principes et définissent les missions de l'enseignement et de la formation agricole.

L'article L. 800-1 dispose que « Les établissements ou organismes d'enseignement, de formation professionnelle, de développement agricole et de recherche agronomique et vétérinaire [...] assurent l'acquisition et la diffusion de connaissances et de compétences permettant de répondre aux enjeux de performance économique, sociale, environnementale et sanitaire des activités de production, de transformation et de services liées à l'agriculture, à l'alimentation, aux territoires ou à la sylviculture, notamment par l'agroécologie et par le modèle coopératif et d'économie sociale et solidaire ».

Cette rédaction est presque intégralement issue de l'article 60 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, qui avait entendu donner à l'appareil de formation, de recherche et de recherche de l'État, des missions larges en matière d'acquisition de compétences et de connaissances, visant à répondre aux multiples enjeux auxquels l'agriculture est confrontée : économiques, sociaux, environnementaux et sanitaires.

L'article L. 811-1 liste quant à lui les cinq missions de l'enseignement agricole public, l'article L. 813-1 étant le pendant, pour l'enseignement privé, de cet article. Ces deux articles font l'objet de modifications à l'article 3 du présent projet de loi, et seront commentés à cette occasion.

II. Le dispositif proposé : un article programmatique manifestant une volonté d'accroissement du nombre de personnes formées, du niveau de diplôme, et de diffusion large de la recherche et de l'innovation

L'article 2 est un article programmatique, comme le rappelle le Conseil d'État dans son avis. Article non codifié, à la différence de l'article 1er, il vise à fixer les objectifs des politiques publiques d'orientation, de formation, de recherche et d'innovation à horizon 2030.

Le I de l'article dispose que les politiques d'orientation et de formation en matière agricole contribuent à la politique d'installation et de transmission définie au IV de l'article L.1, que l'article 1er du projet de loi vise à réécrire. En cela, le lien logique est explicitement fait entre orientation et formation d'une part, et installation et transmission d'autre part.

Le II fixe les objectifs que les politiques publiques mises en place par l'État, les régions - qui ont désormais en charge les aides à l'installation des jeunes agriculteurs - et les autres collectivités territoriales intéressées, devront atteindre à l'horizon 2030, soit dans moins de six années, à savoir :

- accroître significativement le nombre de personnes formées aux métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire et aux métiers de la formation et du conseil qui accompagnent les actifs de ces secteurs ;

- augmenter significativement le niveau de diplôme moyen de ces mêmes actifs en accroissant notamment leurs compétences en matière de transitions agroécologique et climatique ;

- accroître significativement le nombre des actifs de ces secteurs bénéficiant d'une formation tout au long de la vie, en développant leurs compétences en matière de transitions agroécologique, climatique, économique et numérique ;

- amplifier l'effort de recherche, d'innovation et de diffusion des connaissances dans les champs thématiques stratégiques qui concourent aux transitions agroécologique et climatique de l'agriculture et de l'alimentation, et d'accélérer la mise à la disposition des structures de formation, de conseil et des agriculteurs de connaissances, en particulier lors de l'émergence de projets et de l'installation.

On constate l'importance donnée à l'augmentation des connaissances et compétences dans le champ de l'agroécologie et de la transition écologique, explicitement citées dans trois des quatre objectifs, dans la lignée de la loi de 2014 d'avenir pour l'agriculture.

Le III porte principalement sur la mise en place par l'État et les régions de deux programmes.

Le premier, programme national d'orientation et de découverte des métiers de l'agriculture et du vivant, vise à sensibiliser les élèves des écoles élémentaires autour des thématiques de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et des transitions agroécologique et climatique. Des stages de découverte seront mis en place et une promotion des métiers et formations en lien avec le vivant sera faite. Dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs, la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) précise que d'ici 2030, chaque enfant scolarisé dans une école élémentaire bénéficiera d'au moins une action de découverte et que tous les élèves de collège et lycée qui le souhaitent pourront bénéficier d'un stage individuel ou collectif de découverte des métiers, l'ambition étant de créer un « choc d'attractivité » mais aussi de réconcilier agriculture et société.

Le second programme est triennal et vise à offrir une formation accélérée pour l'acquisition de compétences en matière de transitions agroécologique et climatique à destination de 50 000 professionnels de l'enseignement, de la formation, du conseil et de l'administration de l'agriculture. L'origine du chiffre cible de 50 000 professionnels n'est pas indiquée dans l'étude d'impact. La DGER indique qu'il s'agit ici de créer un « choc de compétences » en ciblant en premier lieu ceux qui forment et conseillent les actifs et futurs actifs du secteur agricole.

Enfin, ce même III dispose, qu'en matière de recherche, d'innovation et de transfert, l'État soutiendra la mise en oeuvre d'actions de développement ayant pour objectif d'élaborer des solutions innovantes, y compris par la reconception des systèmes de production, et d'accompagner la diffusion de ces solutions à l'échelle des filières et des territoires. Cela renvoie à la mise en place des plans prioritaires pluriannuels de transition et de souveraineté (3PTS), figurant à l'article 6 du projet de loi.

III. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

1) Au stade de la commission

En commission, les députés ont adopté 22 amendements auxquels s'ajoute un amendement  CE1023 de Julien Dive et plusieurs de ses collègues visant à modifier l'intitulé du titre II, pour y souligner davantage le rôle de l'innovation dans le renouvellement des générations et les transitions48(*).

Parmi les 22 amendements adoptés, faisant passer l'article 2 de neuf à 19 alinéas, figurent notamment :

un amendement  CE3537 de la rapporteure pour avis de la commission de la culture, Géraldine Bannier, visant à indiquer que les politiques publiques de l'insertion professionnelle concourent également à la politique d'installation et de transmission en agriculture ;

un amendement  CE2052 de David Taupiac et plusieurs de ses collègues visant à définir, après le premier alinéa, des objectifs chiffrés d'augmentation du nombre d'apprenants dans les formations de l'enseignement technique agricole (30 %), du nombre de vétérinaires formés (75 %) et du nombre d'ingénieurs agronomes formés (30 %). Ces objectifs sont ceux figurant dans l'étude d'impact ;

un amendement  CE226 de Dominique Potier et plusieurs de ses collègues, sous-amendé par Henri Alfandari, visant, au quatrième alinéa, à inclure l'agriculture biologique et de conservation des sols dans les domaines faisant l'objet d'un objectif d'accroissement des compétences ;

un amendement  CE3419 du rapporteur Eric Girardin et plusieurs de ses collègues visant à compléter ce même quatrième alinéa visant à inclure un objectif d'élévation des connaissances et compétences dans les domaines des techniques agronomiques et zootechniques, de la gestion d'entreprise et des ressources humaines et du numérique, et du psychosocial ;

une série de quatre amendements identiques visant à lier l'effort de recherche mentionné au sixième alinéa aux diagnostics modulaires et plans de filières ;

un amendement  CE1021 de Julien Dive et plusieurs de ses collègues visant à insérer un alinéa relatif au développement des collaborations entre la recherche publique et les entreprises ;

deux amendements identiques visant à insérer un alinéa relatif à l'objectif de renforcement de la validation des acquis de l'expérience dans les secteurs agricoles et agroalimentaires ;

un amendement  CE2173 de Didier Le Gac et plusieurs de ses collègues visant à insérer un alinéa relatif à l'augmentation des moyens matériels et financiers attribués aux maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation ;

un amendement  CE3550 du rapporteur pour avis de la commission de la culture Bertrand Sorre visant à inclure, au sein du programme national d'orientation et de découverte des métiers de l'agriculture et des autres métiers du vivant, la mise en oeuvre d'actions à destination des publics réalisant un service national universel ;

un amendement  CE19 de Fabrice Brin et plusieurs de ses collègues visant, après le septième alinéa, à insérer un nouvel alinéa relatif à la mise en place d'un dispositif de communication à destination des professionnels de l'enseignement et de l'éducation et des établissements élémentaires sur les formations aux métiers du vivant proposées dans l'enseignement technique agricole ;

trois amendements identiques visant à supprimer le chiffre de 50 000 professionnels formés via le programme national triennal de formation accélérée proposé à l'article 2, considérant que le nombre de personnes formées peut être amené à évoluer au cours du temps.

De ces divers amendements, plusieurs points sont à retenir et notamment une volonté marquée de développer les actions de découverte de l'agriculture envers les jeunes, permettant d'une part de susciter des vocations, mais aussi, d'autre part, de contribuer à progressivement resserrer un lien distendu entre la société et son agriculture. Cette ambition se retrouve également dans les stages d'immersion qui seront proposés aux élèves du collège et du lycée, mais aussi dans l'ambition de lancer une campagne de communication. Enfin, l'insertion d'objectifs chiffrés au sein de cet article est particulièrement notable.

2) Au stade de la séance publique

En séance publique, les députés ont adopté 22 nouveaux amendements et sous-amendements dont les plus importants sont:

l'amendement  653 de Inaki Echaniz et plusieurs de ses collègues disposant que les objectifs chiffrés figurant à l'article peuvent faire l'objet tous les deux ans d'une évaluation devant le Parlement ;

l'amendement  4611 rectifié de Geneviève Darrieussecq et plusieurs de ses collègues disposant que l'objectif d'accroissement du nombre de personnes formées comprend les personnes en situation de handicap ;

deux amendements  4358 de Benoît Bordat et plusieurs de ses collègues et 1986 d'Annie Genevard et plusieurs de ses collègues visant à compléter l'objectif d'accroissement du nombre d'actifs bénéficiant d'une formation tout au long de la vie, pour respectivement préciser « notamment en matière d'économie et de gestion de l'entreprise agricole, de numérique, de gestion des ressources humaines, d'agronomie et de technique d'élevage » et « en portant une attention particulière aux agricultrices » ;

deux amendements  1117 de Géraldine Bannier et 1985 d'Annie Genevard et plusieurs de ses collègues visant à adjoindre, à l'objectif de renforcement de l'accès à la validation des acquis de l'expérience, une reconnaissance de l'ancienneté en cas de reconversion, et, d'autre part, une attention particulière aux agricultrices arrivant au terme des cinq années du statut de conjoint collaborateur ;

un amendement  2569 de Didier Le Gac et plusieurs de ses collègues visant à ajouter un septième objectif aux politiques d'orientation et de formation à savoir d'inclure les structures privées d'enseignement dans la stratégie de hausse des moyens d'investissement et financiers accompagnant la hausse du nombre d'apprenants ;

un amendement  1819 de Nicolas Forissier et plusieurs de ses collègues visant à créer un schéma de communication pluriannuel axé sur la valorisation de l'enseignement agricole et le renforcement des effectifs d'élèves et d'apprentis ;

un amendement  4140 de Francis Dubois et plusieurs de ses collègues visant à mieux définir les contours du programme national d'orientation et de découverte des métiers ;

un amendement  3548 des rapporteurs visant à mettre en place un dispositif de communisation visant à sensibiliser les professionnels de l'enseignement aux formations agricoles proposées par l'enseignement agricole ;

un amendement  3408 de Julien Dive et plusieurs de ses collègues visant à créer un autre programme national, visant cette fois-ci au développement de modèles économiques agricoles adaptés à chaque région, notamment montagneuse ;

un amendement  4613 d'Anne-Laure Babault et plusieurs de ses collègues visant à instituer un représentant des établissements des établissements d'enseignement agricole dans le département ;

un amendement  896 de Fabrice Brun et plusieurs de ses collègues visant à créer un programme d'orientation et de découverte spécifique des métiers des professions vétérinaire et d'assistant vétérinaire.

Ainsi, au sortir de l'Assemblée nationale, l'article 2 se trouve considérablement enrichi - et allongé - les objectifs des politiques publiques en matière d'orientation et de formation passant de quatre à sept, et le nombre de « programmes » de deux à six :

schéma de communication pluriannuel ;

programme national d'orientation et de découverte des métiers ;

dispositif de communication à l'attention des professionnels de l'enseignement et de l'éducation ;

programme national triennal de formation accélérée pour les acteurs de l'agriculture ;

programme national pour le développement de modèles économiques agricoles adaptés à chaque région ;

programme d'orientation et de découvert des métiers des professions de vétérinaire et d'assisant vétérinaires ;

IV. La position de la commission : Définir un cap clair en matière d'orientation et de formation aux métiers de l'agriculture

La commission partage sur le fond l'essentiel des orientations figurant à l'article 2.

À l'instar de son travail sur l'article 1er, la commission et ses rapporteurs ont eu à coeur de s'astreindre, d'une part, à la concision, gage de clarté des orientations, et d'autre part, à s'assurer que cet article programmatique oriente résolument la formation vers la recherche et l'innovation, en écho à l'intitulé du chapitre 1er « Objectifs programmatiques en matière d'orientation, de formation, de recherche et d'innovation »

Soucieuse de ne pas bouleverser une rédaction globalement satisfaisante, la commission a adopté 18 amendements dont 10 de ses rapporteurs ainsi qu'un sous-amendement.

Le travail des rapporteurs a visé à :

· intégrer l'aquaculture dans l'enjeu de renouvellement des générations (COM-348) ;

· affirmer le caractère obligatoire de la remise du rapport au Parlement, facultative dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale, sur l'atteinte des objectifs de hausse du nombre d'apprenants figurant au sein de l'article ( COM-349) ;

· proposer une rédaction plus consensuelle de l'alinéa relatif à la hausse, programmatique, des moyens dédiés à l'enseignement agricole. La version transmise au Sénat ne faisait référence qu'au MFR, les rapporteurs ont souhaité intégrer l'ensemble des composantes de l'enseignement agricole ( COM-350) ;

· reformuler les deuxième à cinquième objectifs des politiques publiques en matière d'enseignement et de formation pour, entre autres, affirmer l'importance de l'entrepreneuriat d'une part, et des connaissances agronomiques, zootechniques et d'adaptation au changement climatique d'autre part (COM-351) ;

· d'améliorer le programme national d'orientation et de découverte des métiers pour mettre l'accent sur les métiers les plus en tension et pour indiquer plus clairement que le service public audiovisuel est associé, de même que les réseaux sociaux, supports incontournables en matière de communication à l'égard des jeunes publics ( COM- 353). Un sous amendement d'Yves Bleunven est venu préciser que ce programme national inclus la découverte des métiers des professions de vétérinaire et d'assistant vétérinaire ( COM-645) ;

· de supprimer la référence aux actions de découverte des métiers du vivant dans le cadre du service national universel (SNU), considérant que ce n'est pas l'objet du SNU (amendements identiques avec le rapporteur pour avis de la commission de la culture COM-354 et COM-641) ;

· d'élargir l'objet du programme national triennal de formation accélérée pour les professionnels de l'agriculture, avec pour ambition que ces derniers puissent bénéficier des connaissances les plus à jour sur une large palette de sujets agricoles, bien au-delà des sujets en lien avec le changement climatique ( COM-355) ;

· de supprimer des dispositions redondantes ou dont le caractère extrêmement général semble en diluer la porter, même programmatique ( COM- 356, COM-358 et identiques COM-357, COM-32 et COM-36) ;

En outre, la commission a adopté un amendement COM-297 de Claude-Claude Tissot et plusieurs de ses collègues visant à préciser que les politiques publiques en matière d'orientation, de formation, de recherche et d'innovation sont adaptées à chaque territoire, trois amendements identiques COM-40 d'Alain Cadec et Philippe Bas, COM-68 de Martine Berthet et COM-31 Chantal Deseyne ajoutant les métiers de la forêt, des services et de l'animation du territoire au dispositif de communication à l'égard des professionnels prévu par l'article.

Elle a également adopté un amendement COM-209 de Gérard Lahellec et plusieurs de ses collègues visant à inscrire les plans prioritaires pluriannuels de transition et de souveraineté à l'article, faisant opportunément le lien avec l'article 6 dédié à ces plans.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2 bis AA (nouveau)
Création d'un volontariat agricole

Cet article, ajouté en commission à la suite de l'adoption des amendements identiques COM-172 de Nadège Havet, COM-561 d'Alain Duffourg et COM-555 d'Yves Bleunven, vise à créer une nouvelle modalité du service civique, à savoir un volontariat agricole ouvert aux personnes âgées de 18 à 35 ans auprès de divers acteurs territoriaux en lien avec l'agriculture et les territoires.

Considérant que ces amendements participent directement de l'ambition du texte de recréer des liens plus étroits entre les agriculteurs et le reste de la population, les rapporteurs ont émis un avis favorable à leur adoption.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé

I. La situation actuelle - Un service civique aux modalités de réalisation diverses qui attire les jeunes

Le service civique a été créé par la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique.

Les règles applicables au service civique figurent au sein du titre Ier bis du livre premier du code du service national (CSN). Aux termes du premier alinéa de l'article L. 120-1 du même code, « le service civique a pour objet de renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale et offre à toute personne volontaire l'opportunité de servir les valeurs de la République et de s'engager en faveur d'un projet collectif en effectuant une mission d'intérêt général en France ou à l'étranger auprès d'une personne morale agréée. ».

Il s'adresse aux jeunes de 16 à 25 ans, voire 30 ans pour les personnes en situation de handicap. L'agence du service civique, définie aux articles L. 120-2 et suivants du CSN, a notamment pour rôle de définir les orientations stratégiques et les missions prioritaires du service civique. Elle compte 130 collaborateurs en 202349(*).

Le service civique est un dispositif identifié, qui a su, au fil des années, trouver son public. Selon le rapport d'activité 2023 de l'agence du service civique, un jeune sur huit s'engage, avec un âge moyen de 21 ans. En 2023, le service civique a attiré 148 500 volontaires, soit 99 % de l'objectif annuel de 150 000 volontaires. Un tiers des volontaires est issu des territoires ruraux, et près de 13 % des quartiers prioritaires de la ville (QPV). Enfin, 87 % d'entre eux déclarent être satisfaits après leur mission.

L'article L. 120-1 précité dispose, qu'outre un service civique général, celui-ci peut également prendre trois formes différentes à savoir :

· Un volontariat associatif ;

· Un volontariat international ;

· Un service civique des sapeurs-pompiers.

Dans sa contribution écrite, la fédération nationale des Cuma indique qu'une expérimentation concluante a été menée en 2024 en Centre Meuse et en Aveyron, soutenue par la direction de l'enseignement agricole au ministère chargé de l'agriculture. Les types de missions testées dans le cadre de ce volontariat étaient, les suivantes :

· « Animation de tiers lieux agricole (bâtiment de Cuma) en lien avec les agriculteurs, la mairie, les habitants sur un village ;

· Lien entre les maraîchers qui s'installent et les organisations agricoles locales pour favoriser l'accueil des non issus du milieu agricole et collecte de la mémoire paysanne pour organiser une exposition en lien avec les habitants et les collectivités ».

La conclusion de cette expérimentation, selon la FNCuma est la suivante : « Notre expérimentation nous a permis de confirmer que la zone de contact entre société et agriculture peut se situer dans le volontariat agricole ».

II. La position de la commission - Un outil supplémentaire au service d'un lien plus étroit entre les agriculteurs et le reste de la population

Consciente de la nécessité d'encourager toutes les initiatives permettant de renouer un lien parfois distendu entre l'agriculture et la société, ainsi que de l'enjeu de renouvellement des générations d'actifs- en agriculture, notamment par l'arrivée de personnes non issues du milieu agricole, la commission des affaires économiques a adopté, à la suite de l'avis favorable de ses rapporteurs, les amendements identiques COM-172 de Nadège Havet, COM-561 d'Alain Duffourg et COM-555 d'Yves Bleunven, qui visent à créer une nouvelle modalité du service civique, à savoir un volontariat agricole.

L'amendement portant article additionnel ainsi voté vient compléter le I de l'article L. 120-1 du CSN par un 4° relatif à une nouvelle et quatrième forme du service civique. Ce volontariat agricole, aurait pu être baptisé « volontariat des territoires » puisqu'il vise précisément à ouvrir le dispositif aux :

· organisations professionnelles agricoles ;

· collectivités territoriales ;

· acteurs du développement agricole et rural visés à l'article L. 820-2 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) ;

· entreprises relevant de l'économie sociale et solidaire mentionnées à l'article 2 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire ;

Le dispositif adopté prévoit « des activités relatives au lien entre agriculture et territoire, un temps d'immersion dans une ou plusieurs exploitations agricoles, et un temps de découverte ou de formation dans un ou plusieurs établissements d'enseignement agricole ».

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 2 bis A
Extension des missions du Conseil national de l'enseignement supérieur
et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire
aux établissements privés sous contrat avec l'État

Cet article, ajouté en séance publique à l'Assemblée nationale, vise à étendre les missions du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire, actuellement relatives aux seuls établissements d'enseignement supérieur agricole, aux établissements privés sous contrat avec l'État.

Considérant que la majorité des étudiants scolarisée en école supérieure agricole le sont dans des établissements privés sous contrat avec l'État, la commission considère qu'il s'agit d'un ajout opportun. Outre un amendement de correction d'une erreur matérielle COM-359, elle a adopté, à l'initiative de ses rapporteurs, un amendement COM-360 visant à renvoyer à un décret le soin de déterminer la composition, les attributions et les modalités de désignation des représentants siégeant au sein de ce conseil.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - L'extension des missions du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire aux établissements privés sous contrat avec l'État

L'article 2 bis A est issu de l'adoption, en séance publique, de l'amendement  2209 d'Annie Genevard et de Julien Dive.

Il vise à étendre les missions du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire (Cneseraav), aux établissements d'enseignement supérieur privés mentionnés à l'article L. 813-10 du CRPM.

Créé par l'article 46 de la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social, le Cneseraav consulté, aux termes de l'article L. 814-3 du CRPM, notamment sur les questions relatives aux missions des établissements publics assurant des formations supérieures relevant du ministre de l'agriculture et sur la politique proposée par les pouvoirs publics pour assurer la cohésion de ces formations. Les représentants des personnels et des étudiants y sont élus. La composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de ce conseil sont fixées par décret.

En outre, conformément à l'article L. 814-4, le Cneseraav statue en appel et en dernier ressort sur les décisions prises par les instances disciplinaires des établissements d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'agriculture compétentes à l'égard des enseignants-chercheurs, enseignants et usagers de ces établissements.

Contrairement au Conseil national de l'enseignement agricole, figurant aux articles L. 814-1 et L. 814-2 du CRPM, les établissements privés ne sont pas associés au Cneseraav.

Pour y remédier, l'article 2 bis A modifie l'article L. 814-3 relatif au Cneseraav pour y inclure les établissements supérieurs privés relevant de l'article L. 813-10, c'est-à-dire les établissements sous contrat avec l'État.

Ainsi, le Conseil peut désormais être également consulté sur « les missions confiées aux établissements d'enseignement supérieur privés relevant du ministre de l'agriculture mentionnés à l'article L. 813-10. »

L'article prévoit également que les représentants du personnel et des étudiants ou apprentis de ces établissements sont désignés parmi les élus de leurs conseils ou instances. Il s'agit d'une différence introduite avec l'enseignement public, qui procède à l'élection, et non à la désignation, de ses représentants.

Enfin, il réécrit le troisième alinéa du même article pour disposer que le Cneseraav formule toute proposition sur les questions d'intérêt national dans les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agronomique et vétérinaire, et qu'il peut être saisi de toute question à l'initiative du ministre chargé de l'agriculture. Ce faisant, cette rédaction fait disparaître le rapport sur l'état de l'enseignement supérieur agricole, agro-alimentaire et vétérinaire que le ministre présente chaque année au Conseil, et qui est rendu public.

II. La position de la commission - Une évolution bienvenue du rôle du Cneseraav

La commission accueille favorablement cet ajout, notant que la majorité des étudiants du supérieur agricole suivent un cursus dans les six établissements privés sous contrat avec l'État. En effet, on dénombre environ 5 000 étudiants du supérieur dans les écoles publiques, et environ 7 200 dans les écoles privées.

Constatant que la nouvelle rédaction de l'article L. 814-3 instaurait sans raison apparente un système différent de désignation des représentants des enseignants et des étudiants ou apprentis selon que les établissements soient publics ou privés, la commission, à l'initiative de ses rapporteurs, a adopté un amendement COM-360 qui renvoie à un décret le soin, en concertation avec les acteurs, de déterminer les contours du conseil national de l'enseignement supérieur agricole et de la recherche agricole, agro-alimentaire et vétérinaire ainsi élargi au privé, et notamment les modalités de désignation des différents représentants.

Elle a également adopté un amendement COM-359 de ses rapporteurs de correction d'une erreur d'imputation, permettant ainsi de revenir sur la suppression du rapport annuel.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2 ter (supprimé)
Expérimentation de conventions entre des établissements
de l'enseignement agricole et des établissements de l'éducation nationale
permettant aux élèves de seconde de suivre des enseignements optionnels
ou de spécialités non dispensés dans leur établissement

Cet article, ajouté en séance publique à l'Assemblée nationale, instaure une expérimentation permettant à des établissements de l'enseignement agricole et des établissements de l'éducation nationale de mettre en place des conventions pour permettre aux élèves de seconde de suivre des enseignements optionnels ou de spécialités non dispensés dans leur établissement d'origine.

Considérant d'une part que les établissements sont d'ores et déjà libres de mettre en place de telles conventions, et que, d'autre part, cette disposition pourrait indirectement aboutir à une remise en cause de la spécificité de l'enseignement agricole, la commission a adopté deux amendements identiques COM-362 et COM-642 des rapporteurs et du rapporteur pour avis de la commission de la culture visant à supprimer cet article.

La commission a supprimé cet article.

I. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - Une expérimentation permettant aux élèves de l'enseignement agricole et de l'éducation nationale de suivre des enseignements optionnels ou de spécialité non dispensés dans leur établissement d'origine

L'article 2 ter, ajouté en séance publique par un amendement 4617 d'Anne-Laure Babault et plusieurs de ses collègues, vise à mettre en place une expérimentation d'une durée de trois ans, offrant la possibilité à l'État d'autoriser dans trois régions la mise en place de conventions entre des établissements de l'enseignement agricole définis à l'article L. 811-8 du code rural et de la pêche maritime et des établissements relevant de l'éducation nationale définis à l'article L. 421-1 du code de l'éducation, afin de permettre aux élèves de seconde des établissements de l'éducation nationale de suivre des enseignements optionnels ou de spécialités qui ne sont pas ouverts dans leurs établissements et réciproquement pour les élèves des établissements de l'enseignement agricole.

L'article dispose qu'un décret précisera les modalités de mise en oeuvre de l'expérimentation et qu'au plus tard trois mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport faisant le bilan de l'expérimentation.

II. La position de la commission - Des conventions peuvent d'ores et déjà être mises en place à l'échelle locale entre des établissements relevant de l'éducation nationale et des établissements relevant du ministère chargé de l'agriculture

Le rapport d'information du Sénat sur l'enseignement agricole de septembre 2021 note la problématique des enseignements optionnels ou de spécialité, soulignant que la réforme du lycée a porté préjudice à l'enseignement agricole, en raison du faible nombre d'options et de spécialités proposées par ses établissements, souvent de taille plus modeste.

La mission recommande ainsi de développer les partenariats entre établissements de l'enseignement agricole et établissements de l'éducation nationale : « Proposition n° 42 : augmenter le nombre d'options et de spécialités proposées dans les lycées agricoles, notamment par des coopérations avec les lycées de l'Éducation nationale du secteur et le développement de l'enseignement mixte (présentiel/visioconférence), tout en s'assurant de la qualité de l'enseignement ainsi délivrée ».

Elle note que localement, des initiatives émergent : « Elle salue ainsi l'initiative prise localement par le lycée agricole du Valentin et le lycée général et technologique des Trois sources (qui dépend de l'Éducation nationale), voisins l'un de l'autre, de permettre un échange d'élèves pour les options "mathématiques expert" et "mathématiques complémentaires". »

Aussi, si la commission partage naturellement l'ambition de rapprocher les établissements de l'éducation nationale et ceux de l'enseignement agricole - ce qui est dans l'esprit de l'article 2 - elle considère qu'il est déjà possible de mettre en place de telles conventions et qu'il convient de laisser l'intelligence locale s'exprimer lorsque des besoins sont identifiés, plutôt que d'instaurer de façon descendante une vaste expérimentation

Enfin, la commission souligne qu'outre les problématiques de mise en oeuvre concrète, notamment liée à la distance entre les établissements, cette expérimentation pourrait également, indirectement, contribuer à la remise en cause de la spécificité de l'enseignement agricole.

Aussi, la commission a adopté deux amendements identiques COM-362 et COM-642 des rapporteurs et du rapporteur pour avis de la commission de la culture visant à supprimer cet article.

La commission a supprimé l'article.

CHAPITRE II
Mesures en faveur de l'orientation, de la formation, de la recherche et de l'innovation
Article 3
Objectifs des politiques d'orientation et de formation en agriculture

Cet article vise à reformuler et compléter l'article L. 811-1 du du code rural et de la pêche maritime (CRPM), relatif aux missions de l'enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de l'agriculture, ainsi que, en miroir, l'article L. 813-1 du même code, concernant l'enseignement privé.

Outre la reformulation et la simplification de dispositions déjà existantes, l'article :

• Réaffirme sans équivoque que l'enseignement agricole relève du ministre chargé de l'agriculture ;

• Procède à un renvoi aux principes généraux du code de l'éducation figurant au sein de son livre Ier, ce qui permet d'alléger la rédaction de l'article L. 811-1 du CRPM et d'inclure des éléments jusqu'à présent absents à l'instar de la lutte contre le harcèlement scolaire ;

• Énonce les enjeux relatifs aux filières de production, que l'enseignement agricole a pour mission de traiter, à savoir allier performance économique, sociale, environnementale et sanitaire ;

• Assigne à l'enseignement agricole une sixième mission, relative à la mise en oeuvre de toute action visant à répondre durablement aux besoins en emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire.

À l'Assemblée nationale neuf amendements en commission et 14 en séance publique ont été adoptés, ne bouleversant pas la rédaction initiale. La promotion des partenariats entre les établissements d'enseignement scolaire général et agricole est notamment inscrite à l'article, de même que la mise en place, en écho à l'article 2, d'un correspondant de l'enseignement agricole auprès du directeur des services départementaux de l'éducation nationale.

La commission des affaires économiques du Sénat approuve globale la reformulation et l'actualisation des missions de l'enseignement agricole, de même que l'ajout d'une sixième mission.

Sans bouleverser les équilibres d'un article qu'elle juge pertinent, elle a adopté quatre amendements de ses rapporteurs ayant pour finalité de : Redéfinir les contours du « correspondant » de l'enseignement agricole, rebaptisé « délégué », pour faire de celui-ci un véritable interlocuteur des services de l'Éducation nationale, destiné à favoriser la coopération avec l'enseignement agricole dans sa globalité ( COM- 364 et identique COM-643 du rapporteur pour avis de la commission de la culture) ;Réagencer l'ordre des priorités énoncées à l'article concernant l'enseignement agricole, en faisant figurer l'enjeu de la souveraineté alimentaire et du renouvellement des génération en tête de ces priorités ( COM-365) ;Intégrer les lycées professionnels à la logique partenariale mise en place entre l'éducation nationale, l'enseignement agricole, l'Etat et les collectivités ( COM-366) ;Alléger la rédaction de la sixième mission de l'enseignement agricole, considérablement alourdie par les députés ( COM-367).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Une attractivité de l'enseignement agricole à renforcer, au regard des enjeux de renouvellement des générations

A. Un enseignement d'excellence inscrit dans l'histoire, mais qui peine à maintenir ses effectifs en raison d'un manque de visibilité

L'enseignement agricole s'inscrit dans l'histoire. Il a été institué par décret-loi du 3 octobre 1848 dont le ministre chargé de l'agriculture de l'époque, Charles Gilbert Tourret, résumait ainsi la philosophie : « cet enseignement, avons-nous dit, doit être en rapport avec les besoins de l'industrie rurale ; or, il faut à celle-ci, pour être prospère, 1° des travailleurs habiles ; 2° des chefs d'exploitation, propriétaires ou fermiers, moraux, capables et instruits ; 3° enfin des hommes qui, versés dans la science et la pratique agricoles, se vouent à la carrière de l'enseignement, et propagent, par la parole et par l'exemple, les hautes connaissances qu'ils auront acquises par l'expérience et le travail. -- Des fermes-écoles rempliront le premier but ; des écoles régionales répondront au second ; et le troisième enfin sera atteint par la création d'un Institut national agronomique, véritable école normale ou faculté de l'agriculture »50(*).

Depuis près de deux siècles, les fondamentaux énoncés ci-dessus n'ont finalement que peu évolué : former des agriculteurs efficaces, chefs d'exploitation instruits, en lien avec les besoins du territoire, et tournés vers l'innovation. En revanche, les grandes priorités de l'enseignement agricole, et plus largement des politiques publiques en matière d'agriculture, se sont progressivement élargies.

La loi Debré-Pisani du 2 août 1960 représente l'acte de naissance de l'enseignement agricole moderne, de sa spécificité - il relève du ministère de l'agriculture - et du rôle singulier, fruit de l'histoire, de l'enseignement privé.

Le rapport d'information du Sénat sur l'enseignement agricole du 30 septembre 202151(*) soulignait l'inscription dans le temps long de l'enseignement agricole, sa tradition d'innovation et d'excellence, se traduisant notamment par des résultats aux examens nationaux notoirement plus élevés que ceux de l'éducation nationale, avec laquelle une forme de concurrence implicite s'est installée.

L'enseignement technique agricole public et privé regroupe 804 établissements, scolarisant de la 4e au brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) 196 546 apprenants en 202252(*). À ce chiffre il convient d'ajouter les 16 411 étudiants du supérieur. Environ 3 % des élèves scolarisés le sont dans cet appareil de formation dépendant du ministère chargé de l'agriculture.

On dénombre également 16 établissements d'enseignement supérieur long, avec au total, des diplômes allant du niveau 3 avec le brevet professionnel agricole (BPA) et le certificat d'aptitude professionnelle agricole (CAPA) au niveau 8 avec le doctorat et le diplôme de vétérinaire spécialiste.

Malgré de très bons taux d'insertion professionnelle, l'enseignement agricole a connu une baisse de ses effectifs de 2005 à 2018, si bien que le niveau atteint en 2022, quatrième année consécutive d'augmentation, demeure en deçà du niveau de 2010. L'étude d'impact indique que depuis 2019, « l'essor de l'apprentissage, des campagnes de communication dédiées autour des métiers et formations du secteur, une coopération accrue avec l'éducation nationale, ainsi que des réformes pédagogiques et la valorisation des pratiques agroécologiques expliquent une meilleure attractivité et une légère remontée des effectifs ».

Il convient cependant de noter que les effectifs de l'enseignement agricole supérieur long demeurent en constante augmentation, traduisant des besoins nouveaux en termes d'expertise du monde agricole, et plus généralement la constante élévation du niveau de diplôme de la profession.

Le rapport d'information du Sénat sur l'enseignement agricole précité soulignait le déficit de visibilité en même temps que les stéréotypes dont souffre encore l'enseignement agricole, et la nécessité d'une meilleure information, en lien avec les personnels de l'éducation nationale, autour des multiples parcours proposés par l'enseignement technique agricole.

B. Les cinq missions historiques de l'enseignement agricole

Les cinq grandes missions de l'enseignement agricole sont issues des lois de 1984 portant organisation de l'enseignement agricole et de la loi d'orientation de 1999. La loi d'orientation agricole de 2014 n'est pas venue bouleverser cette architecture, se contentant d'élargir les objectifs de l'enseignement agricole pour y inclure la lutte contre les stéréotypes sexués, la participation au service public numérique, ou encore l'association des régions.

Les articles L. 800-1, L. 811-1 (pour l'enseignement public) et L.813-1 (pour l'enseignement privé) du CRPM posent les grands principes et définissent les missions de l'enseignement et de la formation agricole.

L'article L. 811-1, listant les cinq missions de l'enseignement agricole public, dispose que l'enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires ont pour objet d'assurer, en les associant, une formation générale et une formation technologique et professionnelle dans les métiers de l'agriculture, de la forêt, de l'aquaculture, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles ainsi que dans d'autres métiers concourant au développement de ceux-ci, notamment dans les domaines des services et de l'aménagement de l'espace agricole, rural et forestier, de la gestion de l'eau et de l'environnement. Ils contribuent à l'éducation au développement durable, à la promotion de la santé et à la mise en oeuvre de leurs principes, ainsi qu'à la promotion de la diversité des systèmes de production agricole et à la sensibilisation au bien-être animal. Ils contribuent au développement personnel des élèves, étudiants, apprentis et stagiaires, à l'élévation et à l'adaptation de leurs qualifications et à leur insertion professionnelle et sociale.

Ils remplissent les missions suivantes :

1° Ils assurent une formation générale, technologique et professionnelle initiale et continue ;

2° Ils participent à l'animation et au développement des territoires ;

3° Ils contribuent à l'insertion scolaire, sociale et professionnelle des jeunes et à l'insertion sociale et professionnelle des adultes ;

4° Ils contribuent aux activités de développement, d'expérimentation et d'innovation agricoles et agroalimentaires ;

5° Ils participent à des actions de coopération internationale, notamment en favorisant les échanges et l'accueil d'élèves, apprentis, étudiants, stagiaires et enseignants.

En outre, le même article indique que l'enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires sont organisés dans le cadre de l'éducation permanente, selon les voies de la formation initiale et de la formation continue. Ils constituent une composante du service public d'éducation et de formation. Ils participent au service public du numérique éducatif et de l'enseignement à distance prévu au deuxième alinéa de l'article L. 131-2 du code de l'éducation. Ils relèvent du ministre de l'agriculture. Ils sont dispensés dans le respect des principes de laïcité, de liberté de conscience et d'égal accès de tous au service public. Ils participent également à la lutte contre les stéréotypes sexués et à la mission de promotion de la santé à l'école mentionnée à l'article L. 121-4-1 du code de l'éducation. Les régions sont associées à la mise en oeuvre des missions prévues aux 2° à 5°. »

L'article L. 813-1 du même code reprend les mêmes termes que l'article L. 811-1 en disposant que « les établissements d'enseignement et de formation agricoles privés dont l'association ou l'organisme responsable a passé un contrat avec l'État participent au service public d'éducation et de formation [...] ». Ces établissements remplissent les mêmes missions, sans que la formation continue qu'ils pourraient être amenés à dispenser relève du contrat avec l'État.

II. Le dispositif envisagé - Un allègement dans la formulation des articles L. 811-1 et L. 813-1 et l'ajout d'une sixième mission, reflet des nécessités du renouvellement des générations

L'article 3 vise premièrement à améliorer la lisibilité de l'article L. 811-1 du CRPM, comme l'indique l'étude d'impact. Pour cela, il procède à un renvoi au livre Ier du code de l'éducation, qui énonce les principes généraux de l'éducation. Ce renvoi permet d'une part d'alléger la rédaction de l'article, en supprimant la référence à différents principes comme la laïcité, la liberté de conscience ou encore l'égal accès de tous au service public, ces principes étant énoncés au sein du livre Ier du code de l'éducation. D'autre part, ce renvoi permet d'intégrer certains principes ne figurant pas dans la rédaction actuelle de l'article, notamment la lutte contre le harcèlement scolaire. En outre, toute modification ultérieure du livre Ier du code de l'éducation sera directement applicable à l'enseignement agricole, par l'intermédiaire de ce renvoi.

Secondement, la rédaction proposée réaffirme plus clairement certains éléments, reconnaît des enjeux nouveaux et assigne une mission nouvelle à l'enseignement agricole :

ï Sans être nouvelle, l'affirmation que l'enseignement agricole relève du ministre chargé de l'agriculture est placée au premier alinéa de l'article, ce qui peut être interprété comme une forme de réaffirmation d'une spécificité qui ne va plus forcément de soi pour certains acteurs ;

ï De même, l'association des professionnels des métiers concernés à l'enseignement agricole est plus explicitement affirmée ;

ï L'alinéa 6 apporte plusieurs éléments nouveaux en disposant que l'enseignement agricole répond « aux enjeux de développement de filières de production et de transformation agricole alliant performance économique, sociale, environnementale et sanitaire, de souveraineté alimentaire, de renouvellement des générations d'actifs en agriculture, de transition agroécologique et climatique ». Ces éléments renvoient directement au coeur du présent projet de loi, à savoir le renouvellement des générations au service de la souveraineté alimentaire et d'une agriculture performante dans l'ensemble des grands enjeux au croisement desquels elle se trouve. La suite et fin de l'alinéa mentionne également l'enjeu de sensibilisation de la population aux enjeux agricoles, et la découverte des enfants de l'agriculture et de l'alimentation ;

ï Enfin, une sixième mission est assignée à l'enseignement agricole à savoir de mettre en oeuvre « toute action visant à répondre durablement aux besoins en emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire » et assurer « le développement des connaissances et compétences en matière de transitions agroécologique et climatique ».

Réciproquement, l'article L. 813-1 du CRPM est réécrit en incluant des renvois aux dispositions de l'article L. 811-1 du même code d'une part, et aux dispositions générales du code de l'éducation d'autre part.

Enfin, l'article 3 procède à une coordination à l'article L. 843-2 du CRPM, relatif aux dispositions applicables à Wallis-et-Futuna visant à indiquer que l'article L. 811-1 est applicable à ce territoire, dans sa rédaction issue de la présente loi.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. En commission

En commission, les députés ont adopté neuf amendements à l'article 3, ne modifiant pas fondamentalement l'architecture et le contenu du dispositif proposé :

ï un amendement CE2855 du groupe Écologiste - NUPES complétant le dixième alinéa relatif à la mission des établissements de contribution au développement, à l'expérimentation et à l'innovation agricoles et agroalimentaires des territoires, et visant à mentionner le rôle de l'exploitation agricole de l'établissement, constituant « un centre à vocation pédagogique, de développement et d'expérimentation » ;

ï deux amendements identiques CE846 et CE3122 visant à compléter le seizième alinéa, c'est-à-dire l'article L. 813-1 du CRPM relatif aux établissements privés, pour reconnaître les ateliers technologiques et les exploitations agricoles présents au sein de ces établissements ;

ï un amendement CE1717 d'André Chassaigne et de plusieurs de ses collègues visant à compléter le treizième alinéa, relatif à la nouvelle mission dévolue aux établissements d'enseignement agricole et visant à « intégrer dans les référentiels de formation, des modules d'enseignement spécifiques et obligatoires liés à la transition agroécologique et climatique, à l'agriculture biologique et à l'ensemble des modes de production visant à garantir la durabilité des systèmes agricoles » ;

ï deux amendements identiques de correction d'une erreur de référence ;

ï un amendement CE2860 du groupe Écologistes - NUPES visant à compléter les dispositions du code de l'éducation applicables à l'enseignement privé sous contrat, pour y inclure l'inclusion des personnes en situation de handicap, la lutte contre l'illettrisme et l'innumérisme, la dispense des connaissances de base de culture générale et l'éducation physique et sportive ;

ï deux amendements identiques de précision rédactionnelle.

B. En séance publique

Les députés ont adopté 14 amendements en séance publique :

· un amendement 3458 d'Annie Genevard et de Julien Dive, visant à ajouter des métiers auxquels l'enseignement agricole public et privé prépare, à savoir les métiers de la nature et du développement et de l'animation des territoires. Il procède en conséquence à l'actualisation de l'article L. 811-5 du CRPM ;

· un amendement 4619 d'Éric Martineau et plusieurs de ses collègues précisant que les politiques d'enseignement et de formation professionnelle veillent à la transmission de connaissances et de compétences éprouvées, anciennes ou innovantes, relatives à l'ensemble des filières ;

· des amendements identiques 153, 576, 699, 2115, 2898, 3250, 3510 et 3825 disposant que ces mêmes politiques promeuvent le partenariat permettant de nouer des liens entre les établissements scolaires d'enseignement général et agricole, l'État, les régions, les départements ou les communes ;

· un amendement 847 de Nicolas Ray et plusieurs de ses collègues visant à instituer dans chaque département un correspondant de l'enseignement agricole, afin d'assister le directeur des services départementaux de l'éducation nationale dans l'orientation des élèves vers l'enseignement agricole ;

· un amendement 3557 de correction rédactionnelle des rapporteurs ;

· deux amendements identiques de précision rédactionnelle 3093 et 4621.

Quelques ajouts importants sont ainsi à souligner, notamment l'actualisation des métiers auxquelles l'enseignement et la formation professionnelle en agriculture préparent, ou encore la mise en place du « correspondant de l'enseignement agricole » dans les départements, qui reprend la proposition n° 34 du rapport sénatorial de 2021 sur l'enseignement agricole de Jean-Marc Boyer et Nathalie Delattre, mais qui, dans la rédaction actuelle, qui vise à insérer la disposition à l'article L. 811-1 du CRPM, relatif à l'enseignement public, semble exclure de fait l'enseignement privé.

IV. La position de la commission - Améliorer une rédaction globalement satisfaisante

La commission partage l'ambition de l'article tel qu'initialement déposé par le Gouvernement, tout comme elle partage une large partie des ajouts des députés en commission puis en séance publique.

Elle ne peut que saluer la reprise des recommandations de Jean-Marc Boyer et Nathalie Delattre concernant la mise en place d'un correspondant de l'enseignement agricole, qui devrait permettre une meilleure coordination entre les établissements, au bénéfice de l'ensemble des élèves. Cependant, elle note une formulation pouvant être améliorée, et surtout une exclusion de facto de l'enseignement privé de la mesure.

Aussi, en coordination avec la commission de la culture, elle a adopté deux amendements identiques COM- 364 et COM-643 des rapporteurs et du rapporteur pour avis, visant à supprimer la mention du « correspondant de l'enseignement agricole », rebaptisé « délégué de l'enseignement agricole » au sein de l'article L. 811-1 du CRPM, qui porte exclusivement sur l'enseignement public, pour mieux le réinjecter dans un article L. 810-3, englobant ainsi l'enseignement agricole public et privé.

De plus, une réécriture du dispositif est proposée, avec pour objectif de faire du délégué un véritable interlocuteur des services de l'Éducation nationale, destiné à favoriser la coopération avec l'enseignement agricole dans sa globalité.

La mention du directeur des services départementaux de l'éducation nationale, n'est pas retenue, car, outre le fait qu'elle ne figure pas dans la partie législative du code de l'éducation, ce dernier n'a pas spécifiquement pour mission l'orientation des élèves. Il est donc proposé d'indiquer que le délégué participe à la promotion des métiers de l'agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires auprès des établissements d'enseignement scolaire, des conseillers d'orientation et des centres publics d'orientation scolaire et professionnels, prévus à l'article L. 313-4 du code de l'éducation.

De plus, la commission a adopté trois autres amendements de ses rapporteurs visant à :

· Réagencer l'ordre des priorités énoncées à l'article concernant l'enseignement agricole, en faisant figurer l'enjeu de la souveraineté alimentaire et du renouvellement des générations en tête de ces priorités. En outre, il est préféré la mention de « recherche de solutions techniques et scientifiques d'adaptation au changement climatique » à la mention de « transition agroécologique et climatique », soulignant le rôle de l'innovation et du progrès technique dans la lutte contre le changement climatique (COM-365) ;

· Intégrer les lycées professionnels à la logique partenariale mise en place entre l'éducation nationale, l'enseignement agricole, l'Etat et les collectivités (COM-366) ;

· Alléger la rédaction de la sixième mission de l'enseignement agricole, considérablement alourdie par les députés. La liste des six missions de l'enseignement a vocation à demeurer générale, comme le confirme la lecture des missions 1° à 5° figurant à l'article L. 811-1 du CRPM. Aussi, les rapporteurs considèrent que la sixième et nouvelle mission inscrite au code rural doit suivre cette même voie (COM-367).

En outre, la commission a adopté trois amendements de Jean-Claude Tissot et plusieurs de ses collègues visant à :

· préciser que la formation aux métiers de l'agroalimentaire relève, à l'instar des formations aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires, du ministre chargé de l'agriculture ( COM-566) ;

· intégrer les métiers de la filière du paysage au champ des finalités de formations de l'enseignement et la formation professionnelle agricoles ( COM-475) ;

· préciser une rédaction relative à la sensibilisation des enfants à l'alimentation ( COM-307)

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3 bis A (nouveau)
Réforme des règles relatives aux procédures disciplinaires
dans les établissements de l'enseignement supérieur agricole

Cet article modifie le régime des règles relatives aux procédures disciplinaires dans les établissements de l'enseignement supérieur agricole, en s'inspirant de celles prévues pour les établissements de l'enseignement supérieur.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - une procédure disciplinaire dans l'enseignement supérieur agricole inchangée par la loi de transformation de la fonction publique

A. Une procédure disciplinaire dans l'enseignement réformée en profondeur par la loi de transformation de la fonction publique

L'article 33 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a modifié de manière significative le régime des procédures disciplinaires applicables aux enseignants-chercheurs, enseignants et usagers de l'enseignement supérieur, notamment en distinguant, d'une part, la procédure applicable aux enseignants-chercheurs et enseignants et, d'autre part, la procédure applicable aux étudiants.

1. Un renforcement de la professionnalisation du CNESER statuant en matière disciplinaire, recentré sur le contentieux des enseignants-chercheurs

En ce qui concerne les enseignants-chercheurs et enseignants, le pouvoir disciplinaire à leur égard est exercé en premier ressort par le conseil académique de l'établissement constitué en section disciplinaire53(*), ce que la réforme de 2019 n'a pas changé. Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, est lui compétent en appel à l'égard des enseignants, ce que la réforme n'a pas non plus changé.

Toutefois, la composition de CNESER statuant en matière disciplinaire a été modifiée afin de « renforcer la professionnalisation [de son] fonctionnement »54(*). En particulier, la présidence du CNESER statuant en matière disciplinaire, jusque lors confiée à un professeur des universités élu par les enseignants-chercheurs membres de la juridiction, est désormais réservée à un conseiller d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État55(*).

2. Une déjuridictionnalisation du contentieux disciplinaire des étudiants

La procédure applicable aux usagers de l'enseignement supérieur a aussi été transformée par la loi de transformation de la fonction publique.

Le pouvoir disciplinaire à l'égard des usagers de l'enseignement supérieur est exercé par les conseils académiques des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, constitués en section disciplinaire qui comprend en nombre égal des représentants du personnel enseignant et des usagers. Ce point est inchangé par la réforme.

Toutefois, alors que les décisions prises par ces conseils statuant en matière disciplinaire étaient pourvues d'un caractère juridictionnel56(*), la réforme a retiré à ces décisions ce caractère.

Dès lors que ces décisions doivent être regardées comme des décisions administratives et non plus des décisions juridictionnelles, elles ne peuvent plus être contestées par la voie de l'appel devant le CNESER statuant en matière disciplinaire. S'agissant de décisions administratives, elles peuvent désormais, en revanche, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif territorialement compétent57(*).

B. Une réforme inapplicable à l'enseignement supérieur agricole

Toutefois, cette réforme n'a pas modifié l'état du droit applicable aux procédures disciplinaires dans l'enseignement supérieur agricole, dont les règles sont prévues non pas par le code de l'éducation, mais par le code rural et de la pêche maritime. Ainsi, le régime aujourd'hui applicable dans l'enseignement supérieur agricole est analogue à celui qui était applicable, dans l'enseignement supérieur, avant la loi de transformation de la fonction publique.

Le pouvoir disciplinaire à l'égard des enseignants-chercheurs, enseignants et usagers des établissements agricoles et vétérinaires est ainsi exercé en premier ressort par le conseil d'administration58(*) de l'établissement constitué en section disciplinaire et la décision prise par cet organe a un caractère juridictionnel59(*).

En outre, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire (CNESERAAV), présidé par un professeur, statue en appel sur les décisions prises par les instances disciplinaires des établissements d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'agriculture compétentes à l'égard des enseignants-chercheurs, enseignants ainsi qu'à l'égard des usagers de ces établissements60(*).

II. Le dispositif envisagé - un alignement des règles de la procédure disciplinaire dans l'enseignement supérieur agricole avec celles issues de la loi de transformation de la fonction publique

S'inspirant de la rédaction de l'article 33 de la loi de transformation de la fonction publique, le dispositif présenté par l'amendement n°  COM-644 portant article additionnel de M. Christian Bruyen (Les Républicains - Marne), au nom de la commission de la culture dont il est rapporteur pour avis, prévoit de modifier les articles L. 812-5 et L. 814-4 du code rural et de la pêche maritime afin :

- de recentrer la compétence d'appel du CNESERAAV sur les seules décisions disciplinaires prises à l'égard des enseignants-chercheurs et enseignants ;

- de faire présider le CNESERAAV statuant en matière disciplinaire par un conseiller d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État ;

- de supprimer le caractère juridictionnel des décisions prises en matière disciplinaire à l'égard des étudiants, transformant implicitement celles-ci en décisions administratives susceptibles de recours devant les tribunaux administratifs ;

- de renvoyer à un décret en Conseil d'État la fixation de certaines règles de composition de la section disciplinaire.

Le présent article prévoit en outre des modifications s'inspirant d'outils déjà existants et bien connus du contentieux disciplinaire de l'enseignement supérieur, afin de renforcer l'impartialité de la procédure.

S'inspirant des dispositions de l'article 53 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, il est d'abord prévu de renforcer l'impartialité des procédures en permettant la récusation d'un membre d'une section disciplinaire d'un établissement agricole ou du CNESERAAV statuant en matière disciplinaire s'il existe une raison objective de mettre en doute son impartialité.

En outre, l'examen des poursuites pourra être attribué à la section disciplinaire d'un autre établissement s'il existe une raison objective de mettre en doute l'impartialité de la section.

La demande de récusation ou de renvoi à une autre section disciplinaire pourra être formée par la personne poursuivie, par le directeur de l'établissement ou par le ministre chargé de l'agriculture. Les conditions dans lesquelles la récusation ou le renvoi pourront être demandées seront en revanche fixées par décret en Conseil d'État.

Également, il est prévu de permettre au ministre chargé de l'agriculture de prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur agricole public pour un temps qui n'excède pas un an et sans privation de traitement. Il s'agit ici d'une reprise de l'article L. 951-4 du code de l'éducation. Une telle mesure prise sur ce fondement n'a pas pour objet de sanctionner l'agent, mais constitue seulement une mesure conservatoire visant à préserver l'intérêt du service public universitaire61(*).

Enfin, le II du présent article précise que les modifications relatives aux procédures devant les conseils d'administration des établissements constitués en section disciplinaire entrent en vigueur au 1er janvier 2026. Les recours formés avant cette date devant le CNESERAAV, contre les sanctions disciplinaires prises en premier ressort, restent en revanche régis par les dispositions qui seront abrogées ou supprimées par cet article au 1er janvier 2026.

III. La position de la commission - une modernisation bienvenue du contentieux disciplinaire de l'enseignement supérieur agricole

La commission approuve les modifications proposées.

En effet, l'enseignement supérieur agricole ne présente pas de particularités justifiant le maintien d'une procédure disciplinaire distincte de celle prévue pour l'enseignement supérieur.

En outre, la possibilité de solliciter la récusation d'un membre de la section disciplinaire ou du CNESERAAV et le renvoi vers la section disciplinaire d'un autre établissement permet une meilleure protection des droits des parties à la procédure.

Enfin, la possibilité de suspendre à titre conservatoire un enseignant de l'enseignement supérieur agricole, mesure qui permet de protéger l'intérêt du service public de l'enseignement agricole, est-elle aussi bienvenue.

La commission a donc adopté l'article ainsi rédigé.

Article 3 bis
Promotion de la haie et de l'agroforesterie dans les missions des établissements d'enseignement, de formation et de recherche et développement agricole

Cet article introduit en séance publique à l'Assemblée nationale vise à ajouter explicitement la promotion de la haie et de l'agroforesterie dans les missions des établissements ou organismes d'enseignement, de formation professionnelle, de développement agricole et de recherche agronomique et vétérinaire.

Jugeant qu'il était superfétatoire voire risqué d'énumérer aussi précisément les outils de cet enseignement dans le code rural, une telle liste pouvant être interprétée comme restrictive, la commission a adopté un amendement COM-363 des rapporteurs visant à en rester, dans le code rural, à des principes généraux. Par ce même amendement, elle a aussi clarifié les missions de ces établissements en matière d'adaptation au changement climatique.

I. La proposition adoptée par l'Assemblée nationale - L'ajout de la promotion de la haie et de l'agroforesterie dans les missions des établissements d'enseignement, de formation et de recherche agricole

L'article 3 bis résulte de l'adoption, en séance publique à l'Assemblée nationale, de l'amendement n°  2407 de Mme Chantal Jourdan et de plusieurs de ses collègues du groupe socialiste.

Il complète l'article L. 800-1 du code rural et de la pêche maritime, qui avait été modifié la dernière fois dans la loi d'avenir de 201462(*). Cet article énumère les divers établissements ou organismes chargés de l'enseignement agricole, de la formation professionnelle et de la recherche dans ce domaine, et lui assigne la mission d'assurer « l'acquisition et la diffusion de connaissances et de compétences permettant de répondre aux enjeux de performance économique, sociale, environnementale et sanitaire des activités de production, de transformation et de services liées à l'agriculture, à l'alimentation, aux territoires ou à la sylviculture, notamment par l'agro-écologie et par le modèle coopératif et d'économie sociale et solidaire ».

L'article 3 bis vise à introduire l'enseignement à l'agroforesterie et les enjeux et avantages liés à la haie dans le cadre de la formation agricole. Le but affiché de cette précision est de convaincre plus facilement le monde agricole de l'intérêt des haies, ce afin de favoriser leur préservation voire leur replantation.

II. La position de la commission - La suppression de cette précision jugée superfétatoire, et la clarification des missions des établissements d'enseignement agricole en matière d'adaptation au changement climatique

Les rapporteurs ont proposé, par un amendement COM-363, de clarifier la rédaction de l'article L. 800-1 du code rural sur les missions des établissements d'enseignement, de formation professionnelle et de développement agricoles et de recherche agronomique, en remplaçant la notion d'« agroécologie » aujourd'hui présente par celle d'« outils scientifiques et techniques d'adaptation au changement climatique », qui se veut plus pragmatique et orientée sur le service rendu aux agriculteurs.

Du même coup, il est proposé de ne pas énumérer ces outils d'adaptation à l'article L. 800-1, qui fixe des principes mais n'a pas vocation à fixer de liste exhaustive. La précision serait en effet au mieux inutile, et au pire contre-productive, le risque étant d'oublier certains outils si le choix était fait de les lister à cet article.

Il est toutefois entendu que les haies et l'agroforesterie que cet article 3 bis entendait consacrer, font bien partie de ces outils d'adaptation au changement climatique, éprouvés scientifiquement et techniquement. Le législateur, en supprimant cette précision de la rédaction de l'article L. 800-1, n'a pas entendu exclure les haies, ni l'agroforesterie, du champ de cet article.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 4
Contrat territorial de consolidation ou de création de formation

Cet article vise à créer un dispositif nommé « contrat territorial de consolidation ou de création de formation » établi entre un établissement d'enseignement agricole concerné et ses partenaires à l'échelle locale, pour consolider l'offre de formations existante ou, le cas échéant, en ouvrir de nouvelles. Ce contrat est mis en oeuvre dans le cadre d'une analyse spécifique des besoins en formation de l'enseignement technique agricole à l'échelle des régions, effectuée au sein du contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP), complété en ce sens, pour y adjoindre un volet spécifiquement agricole.

Cet article a été adopté par l'Assemblée nationale sans modification, ni au stade de la commission, ni à celui de la séance publique.

La commission des affaires économiques du Sénat partage pleinement la nécessité d'une analyse spécifique des besoins à l'échelle régionale, trouvant ensuite une déclinaison locale, en concertation avec les acteurs intéressés.

Elle a adopté un amendement de Nadège Havet visant à intégrer les métiers du vivant au champ du contrat de plan régional prévu à l'article ( COM-166).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - La nécessité d'augmenter les effectifs de l'enseignement technique agricole pour contribuer au renouvellement des générations

L'enseignement agricole diplôme environ 50 000 personnes par an, dont 19 000 pour des métiers permettant l'exercice en agriculture. L'étude d'impact indique que l'ambition du Gouvernement est de passer de 19 000 à 25 000 personnes, soit une augmentation de près de 30 %. Chaque année, environ 20 000 agriculteurs partent à la retraite, quand environ 14 000 s'installent, soit une perte sèche pour le monde agricole de 6 000 chefs d'exploitation par an.

Sur les 7 000 personnes de plus annuellement diplômées ambitionnées par le Gouvernement, celui-ci indique, dans l'étude d'impact, que 2 000 devraient l'être par l'intermédiaire de la formation initiale scolaire, les 5 000 autres passant par l'apprentissage, en constante hausse, et la formation continue. À noter que parvenir au chiffre de 2 000 diplômés de la formation initiale par an implique l'augmentation de 5 000 élèves dans les classes de CAP et BTSA (deux ans), et en baccalauréat professionnel (trois ans).

En parallèle, l'étude d'impact souligne que quelque 435 classes de l'enseignement technique agricole public et privé disposent d'un effectif inférieur à 10 élèves, dont 210 classes dans des formations directement en lien avec l'agriculture, un chiffre en constante augmentation.

Dès lors, le Gouvernement entend user de deux leviers pour augmenter le nombre d'élèves :

· le premier consiste en la consolidation des classes à petits effectifs, la capacité d'accueil supplémentaire de ces classes étant chiffrée à 2 700 élèves, soit 1 200 diplômés par an ;

· le second consiste en l'ouverte de classes nouvelles, pour accueillir 2 000 élèves supplémentaires, soit environ 800 diplômés par an.

Cette stratégie nécessite de mener des diagnostics territoriaux précis pour appréhender au mieux la diversité des situations locales, et engager les actions les plus appropriées, l'État s'engageant sur une visibilité à trois ans des moyens des établissements.

Cette stratégie nécessite d'engager les régions, qui disposent d'une compétence de coordination sur leur territoire des politiques de formation professionnelle, au travers de plusieurs outils et notamment du contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP), figurant aux articles L. 214-12 et L. 214-13 du code de l'éducation. Le CPRDFOP a été créé par la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. Il concerne l'enseignement public comme privé. Il est élaboré au sein du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crepof) mentionné à l'article L. 6123-3 du code du travail, et qui a « pour mission d'assurer la coordination entre les acteurs des politiques d'orientation, de formation professionnelle et d'emploi et la cohérence des programmes de formation dans la région ». Cette instance est coprésidée par le président de région et le représentant de l'État dans la région.

II. Le dispositif envisagé - Compléter le CPRDFOP pour y adjoindre un volet agricole d'une part, et créer un contrat territorial de consolidation ou de création de formation d'autre part

Il est proposé, en premier lieu, d'ajouter au I de l'article L. 214-13, relatif au contenu du CPRDFOP, un alinéa traitant spécifiquement de l'enseignement agricole. Le but est de procéder, au niveau régional, à une analyse des besoins en formation professionnelle initiale et de fixer, le cas échéant, au sein du CPRDFOP, des objectifs d'accroissement du nombre de personnes formées dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

En second lieu, l'article modifie le code rural et de la pêche maritime (CRPM) pour créer l'outil juridique permettant de répondre aux objectifs définis dans le CPRDFOP : le contrat territorial de consolidation ou de création de formation. Pour ce faire, il insère un article L. 811-8-1 après l'article L. 811-1 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricole, visant à permettre l'application opérationnelle du volet agricole du CPRDFOP, en formalisant un engagement à l'échelle locale, autour de l'établissement et des partenaires concernés. Il dispose que lorsque le CPRDFOP fixe des objectifs d'accroissement du nombre de personnes formées dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire, un contrat territorial est conclu pour chaque établissement concerné, entre l'établissement, l'autorité administrative, l'État et les représentants locaux des branches professionnelles. L'article précise que les autres collectivités territoriales intéressées peuvent y participer à leur demande.

Ce contrat définit un plan d'action pluriannuel et prévoit des engagements des différentes parties, et que l'État pourvoit aux emplois de personnels d'enseignement et de documentation.

Enfin, de la même manière qu'à l'article 3, l'article 4 prévoit la transposition de ce contrat territorial à l'enseignement privé, en insérant après l'article L. 813-3 un article L. 813-3-1, reprenant la rédaction du L. 811-8-1 avec une différence notable à savoir le caractère facultatif de l'établissement de ce contrat, dans la continuité de la loi Rocard du 31 décembre 1984, qui ne fait pas obligation aux collectivités territoriales de participer au financement des établissements privés.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. En commission

Cet article a été adopté sans modification en commission.

B. En séance publique

Cet article a été adopté sans modification en séance publique.

IV. La position de la commission - Un dispositif bienvenu pour accroître le nombre d'étudiants formés

La modification de l'article L. 214-13 du code de l'éducation, pour y adjoindre un volet agricole est plus que bienvenue, dans la mesure où l'agriculture était jusqu'à maintenant absente des domaines dans lesquels le contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles avait vocation à intervenir.

En effet, si les domaines de « la transition écologique et énergétique », de « la création artistique » et du « spectacle vivant » sont actuellement cités, nulle mention de l'agriculture, à une mince exception près, à savoir le dernier alinéa du IV disposant que « les chambres des métiers, les chambres de commerce et d'industrie territoriales et les chambres d'agriculture peuvent être associées aux contrats d'objectifs ».

La commission et ses rapporteurs se réjouissent donc de cette correction, d'autant plus nécessaire que 20 000 agriculteurs partent en retraite tous les ans, quand 14 000 s'installent.

L'objectif de remplir les classes à petits effectifs voire d'en créer de nouvelles dans certains territoires, par l'intermédiaire de contrats territoriaux conclus entre l'établissement, l'État, la région, les représentants locaux des branches professionnelles et, si elles le souhaitent, les autres collectivités territoriales, est pleinement partagé par la commission.

Enfin, la commission se réjouit de l'engagement écrit de l'État de pourvoir aux emplois de personnels d'enseignement et de documentation.

Elle a adopté un amendement de Nadège Havet visant à intégrer les métiers du vivant au champ du contrat de plan régional prévu à l'article (COM-166).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 5
Création du « Bachelor Agro »

Cet article vise à créer un diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l'agronomie, tourné vers l'insertion professionnelle dans les métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire, intitulé « Bachelor Agro ».

Pour cela, le ministre chargé de l'agriculture peut accréditer conjointement un établissement d'enseignement supérieur et un ou plusieurs établissements techniques d'enseignement agricole, qui co-porteront le diplôme.

À l'Assemblée nationale, 14 amendements ont été adoptés en commission, et quatre en séance publique, modifiant substantiellement le dispositif proposé par le Gouvernement sur deux points. Le premier symbolique, par la suppression de la dénomination « bachelor agro », préférant en rester à la dénomination administrative de « diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l'agronomie » ; le second, de fond, par la pleine et entière intégration de l'enseignement supérieur privé au diplôme ainsi créé.

La commission des affaires économiques du Sénat s'est étonnée que le projet de loi initial entende écarter les établissements privés du supérieur agricole, alors même que l'essentiel des effectifs du supérieur agricole se trouve dans l'enseignement privé sous contrat. Elle salue donc cette correction majeure opérée en commission à l'Assemblée nationale.

Suivant la recommandation de ses rapporteurs, la commission a adopté trois amendements visant à :

- Rétablir la dénomination de « Bachelor Agro », considérant opportun de créer une forme de label facilement reconnaissable par les étudiants et leurs familles ( COM-369) ;

- supprimer une précision redondante relative à la transition écologique figurant à l'alinéa 5 de l'article, relatif à la finalité du diplôme ( COM-368) ;

- supprimer la référence aux débouchés du diplôme, considérant qu'il n'est pas opportun que la loi en vienne à un tel niveau de détail, préjugeant de la nature des débouchés d'un diplôme ( COM-370).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Une diversité d'offres de formation aux métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire sans unité d'ensemble

Si les agriculteurs demeurent en moyenne moins diplômés que le reste de la population, ce constat est à nuancer de plus en plus tant on observe un rattrapage dans le niveau de formation ces dernières années. Ainsi, si, en 2019, 26 % des agriculteurs sont diplômés de l'enseignement supérieur contre 43 % des personnes en emploi, on constate que 44 % des chefs d'exploitation installés pour la première fois après 2010 ont suivi une formation du supérieur, soit un chiffre légèrement plus élevé que la moyenne des personnes en emplois. De même, si en 1982, 82 % des agriculteurs n'avaient aucun diplôme ou seulement le brevet des collèges, ils ne sont plus, en 2019, que 14 %.

Un rapport d'août 2019 du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)63(*), indique que 198 des 2 213 parcours en licence professionnelle (LP), créée en 1999, mobilisaient l'enseignement agricole technique et supérieur, pour un total de 3 800 étudiants. Parmi les quatre enseignements principaux du rapport, les auteurs indiquent que « la LP constitue de fait aujourd'hui le bac+ 3 de l'enseignement agricole », par combinaison d'un cursus BTSA + LP, soit un « bac + 2+ 1 ». En outre, ils soulignent que « c'est à l'échelon régional que le diagnostic le plus pertinent peut être formulé, en prenant en compte les besoins et compétences des quatre catégories d'acteurs essentielles que sont les établissements de l'enseignement agricole, les universités, les filières professionnelles et les régions. ».

L'étude d'impact indique qu'en 2023, 176 LP actives étaient recensées. Toutefois, de nombreux rapports et publications s'accordent à dire que l'enseignement agricole, dans sa globalité, souffre d'une image encore trop négative, de même qu'une méconnaissance de la diversité des parcours proposés à tous les niveaux de formation. La synthèse des propositions du groupe de travail (GT) 1, « Orientation et formation », remise en juin 2023 au ministre de l'agriculture, confirme, si besoin en était, ce diagnostic. Si les articles programmatiques, et notamment l'article 2, entendent améliorer la communication et la sensibilisation, dès le plus jeune âge, aux thématiques agricoles, l'article 5 vise quant à lui à proposer une formation de niveau bac+ 3 facilement identifiable.

Au sein du code rural et de la pêche maritime (CRPM), les dispositions relatives à l'enseignement supérieur agricole et vétérinaire public figurent au sein du chapitre II éponyme, du titre Ier, relatif à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles, du livre VIII. L'article L. 812-1 est la clef de voûte des dispositions relatives à l'enseignement supérieur agricole, disposant, en son premier alinéa, que « l'enseignement supérieur agricole public a pour objet d'assurer la formation d'ingénieurs, de vétérinaires, de paysagistes, de cadres spécialisés, d'enseignants et de chercheurs. Il constitue une composante du service public de l'enseignement supérieur. ».

Ce même article, en son 21e alinéa, dispose que « les établissements d'enseignement supérieur agricoles publics peuvent être accrédités par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, après avis conforme du ministre de l'agriculture, à délivrer, dans leurs domaines de compétences, seuls ou conjointement avec des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, des diplômes nationaux de deuxième et troisième cycles ainsi que des diplômes nationaux du premier cycle ayant un objectif d'insertion professionnelle. » L'accréditation est donc de la compétence du ministre chargé de l'enseignement supérieur.

L'article L. 813-2 dispose quant à lui que « les formations de l'enseignement agricole privé peuvent s'étendre de la classe de quatrième du collège jusqu'à la dernière année de formation de techniciens supérieurs. »

II. Le dispositif envisagé - La création d'un « Bachelor Agro »

L'article vise à compléter la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre VIII du CRPM par un article L 812-12 relatif à la création du « Bachelor Agro ».

En réalité, la nécessité de légiférer semble davantage résider dans la problématique des accréditations d'établissements, dont la compétence pour les délivrer est de rang législatif, que dans la création d'un parcours de formation au sein du CRPM.

En effet, le nouvel article L. 812-12 dispose, en son premier alinéa, que les établissements publics d'enseignement supérieur agricole et les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel peuvent être accrédités, conjointement avec un ou plusieurs établissements d'enseignement agricole64(*) pour dispenser des formations de l'enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l'agronomie et ayant un objectif d'insertion professionnelle dans les métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

La dernière phrase du premier alinéa de l'article indique que « ce diplôme est dénommé « Bachelor Agro » ».

Le second alinéa dispose que par dérogation aux dispositions de l'article L. 812-1, l'accréditation est délivrée par arrêté du ministre chargé de l'agriculture après avis conforme du ministre chargé de l'enseignement supérieur pour l'accréditation des établissements relevant de ce dernier. L'arrêté emporte l'habilitation, pour le ou les établissements d'enseignement supérieur ou établissements publics concernés, à délivrer le diplôme.

Enfin, l'article 5 tire les conséquences juridiques de l'inclusion des établissements privés d'enseignement technique dans le dispositif du nouvel article L. 812-12, en modifiant la première phrase de l'article L. 813-2, pour indiquer que les formations de l'enseignement agricole privé peuvent s'étendre de la classe de quatrième du collègue « jusqu'à l'enseignement supérieur inclus », et non plus la dernière année de formation de techniciens supérieurs.

Ainsi, le dispositif proposé à l'article 5, s'il inclut l'enseignement technique agricole privé, n'inclut en revanche pas les établissements d'enseignement supérieur privé, qui représentent six des 16 établissements d'enseignement supérieur long recensés dans l'étude d'impact. Ce choix initial d'exclure l'enseignement supérieur privé, sans justification apparente, ne manque pas d'interroger, particulièrement au regard des effectifs étudiants de ces derniers. Ces établissements privés, constitués sous forme d'association sans but lucratif, accueillent en effet environ 7 200 étudiants, là où leurs homologues du public en accueillent environ 5 500.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. En commission

En commission, les députés ont adopté 14 amendements à l'article 5 visant, pour 11 d'entre eux, à pleinement intégrer l'enseignement supérieur privé au dispositif et à supprimer l'appellation « Bachelor Agro ». Dans le détail, ont été adoptés :

· deux amendements complémentaires des rapporteurs visant à pleinement associer l'enseignement supérieur privé au « Bachelor Agro ». Un amendement CE3379 (et trois identiques) visant à prévoir l'accréditation des établissements d'enseignement supérieur agricole privés à but non lucratif et actualisant, pour se faire, l'article L. 812-4 du CRPM relatif aux conventions de coopérations pouvant être passées entre les établissements publics du supérieur et leurs homologues privés. L'amendement CE3380 (et deux identiques) complète l'article de trois alinéas visant à insérer, au sein du CRPM, un article L. 813-12 permettant aux établissements privés à but non lucratif d'être accrédités pour délivrer un « Bachelor Agro », en partenariat avec un lycée agricole, public ou privé ;

· un amendement CE3439 (et trois identiques) des rapporteurs visant à supprimer la seconde phrase de l'alinéa 3, c'est-à-dire celle relative à l'appellation « Bachelor Agro », considérant d'une part que le terme de « bachelor » est trop vague et recouvre des réalités différentes et, d'autre part, qu'il ne s'insère pas dans le dispositif harmonisé de l'Union européenne fondé sur le triptyque licence-master-doctorat (LMD) ;

· un amendement CE3211 de Mme Anne-Laure Petel et plusieurs de ses collègues complétant les objectifs du « Bachelor Agro », pour y insérer l'« adaptation particulière aux enjeux de la transition écologique et la décarbonation des pratiques agricoles » ;

· deux amendements de clarification rédactionnelle.

Au terme de son passage en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, l'enseignement supérieur privé sous contrat se trouve pleinement associé au « bachelor agro », qui a perdu par la même occasion cette appellation.

B. En séance publique

En séance publique, les députés ont adopté quatre amendements complétant le dispositif :

· un amendement  2541 d'Anne-Laure Blin et de plusieurs de ses collègues contre l'avis du rapporteur et du Gouvernement visant à indiquer que le diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l'agronomie est reconnu comme une « licence en sciences et techniques de l'agronomie du système licence-master-doctorat » ;

· un amendement  4053 de Francis Dubois et plusieurs de ses collèges, visant à insérer un alinéa précisant les contours du diplôme, à savoir son adossement à la recherche et ses interactions avec les acteurs professionnels, ainsi que les compétences qu'il apporte ;

· un amendement  3549 des rapporteurs de correction rédactionnelle.

IV. La position de la commission - Le besoin d'un diplôme clairement identifiable, centré sur l'acte de production, en lien avec les professionnels, et associant les établissements du public comme du privé

La commission des affaires économiques souscrit pleinement au travail d'association des établissements privés d'enseignement supérieur effectué à l'Assemblée nationale. En effet, exclure, sans justification apparente, ces établissements représentant la majorité des effectifs du supérieur agricole a pu légitimement interpeler. Ces établissements, appréciés dans les territoires, sont liés à l'État par des conventions, un contrôle est donc exercé par le ministère chargé de l'agriculture. Il n'y avait donc pas lieu de les exclure du dispositif proposé, particulièrement au regard des objectifs ambitieux que se fixe l'État en matière d'élévation du niveau moyen de diplôme de la profession agricole.

Concernant la dénomination « Bachelor Agro », sur laquelle l'Assemblée nationale est revenue, les rapporteurs considèrent que si l'ambition est d'accroître l'attractivité des formations agricoles ainsi que leur visibilité, il convient dès lors de retenir des intitulés susceptibles de « parler à la jeunesse », ainsi qu'aux familles des futurs étudiants. En audition, la direction générale de l'enseignement et de la recherche a indiqué aux rapporteurs que le risque de confusion avec d'autres formations non diplômantes proposées par des établissements privés indépendants de l'État était minime au regard du très faible nombre de ces établissements dans le champ agricole.

De plus, il convient de noter que l'appellation « bachelor » n'est pas absente de notre droit. Citons le bachelor universitaire de technologie (BUT)65(*), le bachelor en sciences et techniques de l'ingénierie des écoles d'ingénieur, ou encore le bachelor océanographe-prospecteur du conservatoire national des arts et métiers.

En tout état de cause, peu convaincue par les arguments justifiant de l'abandon de la création d'une forme de label facilement reconnaissable par les étudiants et leurs familles, la commission des affaires économiques a adopté un amendement COM-369 des rapporteurs visant à réintégrer la dénomination de « Bachelor Agro » s'attachant au diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l'agronomie institué par le présent article.

Outre le débat autour de la dénomination du diplôme, les rapporteurs ont porté une très grande attention aux orientations que le présent article entend donner au « Bachelor Agro ». À ce titre, la commission accueille favorablement la précision, issue du travail des députés, relative à l'adossement du diplôme à la recherche et ses interactions avec les acteurs professionnels. De même, les compétences évoquées dans l'article paraissent globalement en phase avec les besoins des futurs agriculteurs.

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté un amendement COM-368 visant à supprimer la précision relative à la transition écologique figurant à l'alinéa 5 de l'article, relatif à la finalité du diplôme. Cette finalité a vocation a demeurer, de manière générale et englobante l' « insertion professionnelle dans les métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire ». La commission note qu'à l'alinéa 6, il est précisé les compétences pouvant être apportées par ce diplôme, parmi les lesquelles figure déjà des références aux « transitions de l'agriculture, au « changement climatique » et à la « décarbonation ».

Enfin, la commission a adopté un amendement COM-370 de ses rapporteurs portant sur l'alinéa 6 précédemment mentionné, visant à supprimer la référence aux débouchés du diplôme. S'il est déjà inhabituel de décrire dans une norme de niveau législatif le contenu d'un diplôme, en lister les débouchés l'est encore davantage, et un tel niveau de précision ne paraît pas opportun. De plus, le législateur ne saurait préjuger de la diversité des débouchés permise par le « Bachelor Agro ».

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 6
Création de plans prioritaires pluriannuels de transition
et de souveraineté (3PTS) et intervention d'« experts associés »
dans l'enseignement agricole

Cet article vise à remédier à la situation actuelle de la recherche fondamentale et appliquée en agriculture, à la fois trop dispersée et trop peu connectée à l'enseignement agricole, par la consécration dans la loi de deux dispositifs :

- des plans prioritaires pluriannuels de transition et de souveraineté (3PTS), reprenant la méthode du plan national de recherche et innovation (PNRI) pour l'appliquer à d'autres filières que la filière betterave ;

- le dispositif « experts associés », ces derniers étant des chercheurs et techniciens d'organismes de recherche, d'instituts techniques, des chambres d'agriculture ou d'établissements assimilés, habilités à intervenir dans l'enseignement agricole technique (secondaire et supérieur, public et privé).

Ces dispositifs, s'ils sont correctement mis en oeuvre, sont de nature à renforcer les synergies de la recherche avec les filières et avec l'enseignement agricole, et donc à en renforcer l'impact concret pour les agriculteurs, à l'heure où le changement climatique appelle des adaptations de pratiques.

La commission, sur la proposition des rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb, a adopté quatre amendements, afin notamment de :

- consacrer le rôle des filières agricoles, non explicité dans le texte initial, dans le choix des appels à projet des 3PTS ;

- et de mettre en place une labellisation par arrêté du ministre de l'agriculture des catégories d'acteurs pouvant entrer dans les « experts associés » habilités à intervenir dans l'enseignement agricole. De même, serait mise en place une information systématique des conseils d'administration des établissements dans lesquels leurs interventions ont lieu, afin de leur garantir un regard sur la nature des interventions.

I. La situation actuelle - Un paysage de la recherche et développement en agriculture dispersé, et peu connecté à l'enseignement agricole

A. Un paysage de la recherche et développement en agriculture dispersé

Financé par le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (Casdar), le Programme national de développement agricole et rural (PNDAR) vise à financer des recherches à destination des agriculteurs.

Selon l'article L. 820-1 du code rural et de la pêche maritime, « le développement agricole a pour mission de contribuer à l'adaptation permanente de l'agriculture et du secteur de la transformation des produits agricoles aux évolutions scientifiques, technologiques, économiques et sociales dans le cadre des objectifs de développement durable, de qualité des produits, de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire et de maintien de l'emploi en milieu rural. »

Il s'agit d'une politique, financée « par les agriculteurs, pour les agriculteurs », via notamment les instituts techniques, à laquelle les agriculteurs sont très attachés.

Le rôle des instituts techniques, par filière, est axé sur la recherche appliquée et la valorisation de la recherche.

Il existe également des Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) dans le cadre de France 2030, concentrés sur la recherche dite « la plus fondamentale ».

L'Inrae a une double vocation de production de recherche fondamentale et de recherche appliquée. D'autres organismes de recherche produisent des connaissances utiles à l'agriculture (Centre national de la recherche scientifique, Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement...). Le secteur privé concentre également une partie importante de la recherche (par exemple en matière de sélection génomique ou de chimie de synthèse).

B. Un paysage de la recherche et développement en agriculture trop peu connecté à l'enseignement agricole

À l'instar de ce que l'on observe dans l'enseignement général ou technologique dans le cycle secondaire, l'enseignement agricole ne bénéficie aujourd'hui que trop peu et souvent avec plusieurs années de décalage, des derniers enseignements de la recherche scientifique conduite dans les instituts de recherche ou les écoles agronomiques. La formation continue des enseignants est par ailleurs un point faible régulièrement identifié dans leur carrière en France.

Or, il existe un enjeu important, compte tenu de la rapidité avec laquelle le changement climatique affecte les animaux d'élevage, modifie les conditions pédoclimatiques, et altère le régime des pluies, à dispenser aux élèves des lycées agricoles ou maisons familiales rurales des enseignements actualisés, qui leur permettent d'adapter leurs pratiques culturales et leur conduite d'élevage, voire à reconcevoir de façon plus globale leur modèle.

II. Le dispositif envisagé - Un renforcement des synergies des organismes de recherche et des instituts techniques avec, d'une part, les filières agricoles et, d'autre part, l'enseignement agricole

Dans le premier avant-projet, en juillet 2023, cet article était très succinct et se bornait à acter le principe de l'implication d'« experts associés » au sein de l'enseignement agricole, consacrant un dispositif annoncé précédemment par le Président de la République. Il a depuis lors été enrichi, pour préciser la nature de cette implication d'une part, et inscrire dans la loi un cadre de plans de recherche appliquée sur le modèle du plan national de recherche et innovation (PNRI).

A. Plans prioritaires pluriannuels de transition agroécologique et climatique et de souveraineté (3PTS)

Le 1° ajoute à la mission actuelle générale du « développement agricole » (l'adaptation permanente de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire aux évolutions) une double mission supplémentaire, celle d'« [accompagner] les transitions agroécologique et climatique et [de viser] au renforcement de la souveraineté alimentaire » (art. L. 820-1 du CRPM).

Bien qu'en apparence relativement redondante avec l'existant (« dans le cadre des objectifs de développement durable, [...], de protection de l'environnement »), cette formulation assigne au développement agricole un rôle moteur en matière de transition agroécologique, au-delà de la simple obligation actuelle de tenir compte de cette problématique.

Surtout, elle introduit une nouveauté avec l'objectif de souveraineté alimentaire, faisant écho à l'article 1er du présent projet de loi, ce qui en fait une évolution équilibrée.

Le 1° prévoit en outre que les cinq actions relevant du développement agricole « peuvent être regroupées » dans des « plans prioritaires pluriannuels de transition agroécologique et climatique et de souveraineté » (3PTS), « élaborés de manière collective, en vue de proposer des solutions innovantes, y compris par la transformation des systèmes de production, et d'en accompagner le déploiement à l'échelle des filières et des territoires ».

D'après le Gouvernement, les 3PTS sont inspirés du plan national de recherche et innovation (PNRI) contre la jaunisse de la betterave, mis en oeuvre de 2020 à 2024, avec l'ambition toutefois d'être plus génériques, pour bénéficier à plusieurs filières et à plusieurs territoires.

Ils relèvent par ailleurs de l' obligation européenne de mettre en place un dispositif « Agricultural Knowledge and Innovation System » (AKIS, système de connaissance et d'innovation en agriculture).

Animés par l'Acta (association de coordination technique agricole), les chambres d'agriculture, l'Inrae et les Onvar (organismes nationaux à vocation agricole et rurale), ces 3PTS se traduiraient en pratique par l'ouverture d'appels à projet d'au moins trois ans sur des problématiques identifiées par ces acteurs.

B. La consécration du dispositif « experts associés » dans l'enseignement agricole

Le 2° et le 3° traduisent la mise en place du dispositif « experts associés » de l'enseignement agricole, annoncé par le Président de la République le 9 septembre 2022. L'ambition est de mobiliser chaque année 1 000 experts associés, chacun dix jours par an, selon l'étude d'impact.

Le 2° explicite d'abord que les « établissements d'enseignement agricole » qui sont chargés, parmi d'autres acteurs, d'actions de développement agricole, doivent s'entendre à la fois des établissements de l'enseignement supérieur agricole et de ceux de l'enseignement technique agricole.

Il ajoute dans un second temps que les établissements d'enseignement technique agricole (et, cette fois, eux seuls) bénéficient, pour l'exécution de leurs missions, de l'appui des organismes chargés des actions de développement agricole, ce qui inclut, en concertation avec l'État et les collectivités territoriales et leurs organismes : les chambres d'agriculture, les établissements d'enseignement supérieur agricole, les instituts et centres techniques, ainsi que les groupements professionnels à caractère technique, économique et social (dont notamment les ONVAR) et « les organismes dont l'objet s'inscrit dans les missions du développement agricole ».

Le 3° prévoit que la recherche agronomique et vétérinaire « apporte un appui à l'enseignement technique agricole » (art. L. 830-1 du CRPM), sur le modèle de la mission d'appui à l'enseignement technique agricole déjà confiée - à travers « la formation initiale et continue de ses personnels et par le transfert des résultats de la recherche, en particulier dans le domaine de l'agro-écologie » - à l'enseignement supérieur (10° de l'art. L. 812-1 du CRPM).

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - L'inclusion explicite de l'enseignement agricole privé dans le dispositif « Experts associés »

Lors de l'examen de l'article 6 par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, seul un amendement n°  CE379, de Mme Annie Genevard (Doubs) et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains et apparentés, a été adopté. Il s'agit de simples précisions rédactionnelles, garantissant que l'enseignement agricole privé sera bien inclus dans le dispositif « Experts associés » et bénéficiera à ce titre du concours de chercheurs pour actualiser les enseignements dispensés et renforcer leur pertinence.

Rien n'indiquait, dans le dispositif comme dans l'étude d'impact, que le dispositif « Experts associés » ne trouvait à s'appliquer qu'aux établissements publics. Toutefois, comme le précise l'exposé de l'amendement, l'enseignement privé concerne 584 des 804 établissements de l'enseignement secondaire (61 % des élèves), 36 des 135 CFA (39 % des élèves) et 6 écoles d'enseignement supérieur sur 17 (42 % des élèves). L'amendement adopté à l'Assemblée nationale lui rend la visibilité qu'il mérite.

Aucun amendement n'a été adopté lors de l'examen de cet article en séance publique à l'Assemblée nationale.

IV. La position de la commission - En ce qu'ils cherchent à améliorer la valorisation de la recherche, ces deux dispositifs traduisent un bon principe, mais leur réelle plus-value dépendra des conditions concrètes de leur mise en oeuvre

« 3PTS » et « experts associés » sont tous deux de nature à renforcer les synergies entre développement agricole, recherche, enseignement supérieur et technique agricole, et sont à ce titre accueillis favorablement dans leur principe par les deux rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb. Quatre amendements ont été adoptés par la commission sur cet article afin de le consolider.

A. Les plans prioritaires de transition et de souveraineté (3PTS) : une dynamisation de la recherche agricole appliquée qui devrait faire toute sa place aux filières elles-mêmes

La création des « 3PTS », liant étroitement les objectifs de souveraineté agricole et transition agroécologique, va apparemment dans le bon sens. Le but affiché de cette mesure dans l'exposé des motifs est de « renforcer l'impact du PNDAR », conformément aux objectifs définis à l'article 2 du présent projet de loi.

S'ils doutent de leur absolue nécessité, les rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb admettent l'utilité potentielle de ces plans prioritaires par rapport à ce qui existe déjà dans le cadre du Programme national de développement agricole et rural (PNDAR).

En tout état de cause, ils insistent sur le fait que cette réforme doit permettre de conforter l'action du PNDAR - dont l'existence est régulièrement menacée par la remise en cause du compte d'affectation spéciale développement agricole et rural (Casdar) - en le redynamisant, mais en aucun cas se substituer à lui.

À leurs yeux, c'est le discernement dans le choix des objectifs et du contenu des appels à projet qui permettra que ces 3PTS soient autre chose qu'un « gadget » ou un outil de communication de plus. L'anticipation du retrait des substances actives, dans le cadre du nouveau plan Ecophyto 2030, pourrait typiquement faire l'objet d'un appel à projet.

Par un amendement COM-371 des rapporteurs, qu'elle a adopté, la commission a entendu associer plus directement les filières au choix des axes de recherche dans les plans prioritaires pluriannuels, afin d'améliorer les retombées de la recherche dans leur activité. Bien qu'il s'agisse a priori de la méthode affichée de ces plans, les rapporteurs ont préféré le préciser pour que ce soit sans ambiguïté. Les interprofessions indiquent en effet qu'elles avaient pu avoir leur part de responsabilité dans les « impasses techniques » des dernières années, du fait de ne pas avoir su exprimer suffisamment en amont leurs difficultés.

B. Experts associés : des intervenants extérieurs dont il faut s'assurer de la qualification et de la pertinence

Les parlementaires ont parfois pu déplorer le manque de « retour » de la recherche fondamentale et appliquée, conduite par exemple au sein de l'Inrae, pour les agriculteurs. Ils se satisfont donc du principe de renforcement du lien entre recherche et développement d'une part, et enseignement et formation d'autre part, de nature à améliorer l'accès aux dernières données de la science pour l'ensemble des repreneurs d'exploitations agricoles.

Cette évolution s'inscrit donc dans la droite lignée de la position de la commission exprimée par exemple récemment lors de l'examen du budget (en l'espèce sur les résultats des fermes Dephy - Démonstration, Expérimentation et Production de références sur les systèmes économes en pHYtosanitaires), mettant l'accent sur un besoin accru de « vulgarisation », c'est-à-dire la diffusion plus massive des connaissances issues de la recherche.

Les rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb relèvent que ce dispositif d'association a été préféré à « des recrutements supplémentaires dans l'enseignement technique pour assurer ces missions spécifiques » et souhaitent que les experts associés ne soient pas un pis-aller mis en place pour des raisons budgétaires mais une réelle opportunité de rapprocher recherche et enseignement. À ce titre, il sera important d'inciter le vivier potentiel des experts associés les plus qualifiés et pertinents à intervenir, pour que ces intervenants extérieurs ne soient pas des choix par défaut.

La FNSEA alerte par ailleurs sur la nécessité de bien cadrer dans la loi la liste des intervenants extérieurs dans l'enseignement agricole. Les syndicats agricoles appelant à une reconception radicale des modèles agricoles alertent au contraire quant à la nécessité d'assurer le pluralisme des enseignements dispensés par ces intervenants extérieurs - de la même manière qu'ils s'inquiètent du risque pour le pluralisme que poserait le guichet unique France Services Agriculture.

Les rapporteurs se sont donc efforcés de trouver le bon équilibre entre ouverture de l'enseignement à des profils nouveaux et pertinence et sérieux de la formation dispensée au regard des objectifs de transition agroécologique et de souveraineté alimentaire.

Ils ont proposé à la commission, par un amendement COM-373, de mettre en place une labellisation, par arrêté du ministre de l'agriculture, des personnes ou catégories de personnes habilitées à intervenir en milieu scolaire dans le cadre du dispositif « experts associés ». Dans une même logique, ils ont souhaité instituer une obligation d'information du conseil d'administration des établissements concernés relative aux interventions de ces « experts associés », encadrement censé garantir la qualité et la pertinence des interventions des acteurs du développement agricole et rural au sein de l'enseignement technique agricole.

Un amendement rédactionnel COM-320 du groupe socialiste est venu préciser que ces plans visaient la souveraineté agroalimentaire et pas uniquement la souveraineté alimentaire, afin d'aborder les problèmes dans une logique de filière, du producteur au consommateur. L'amendement COM-372 des rapporteurs remplace « la transition agroécologique » par « le déploiement d'outils scientifiques et techniques d'adaptation au changement climatique », termes plus précis et concrets, dans le but de réaffirmer plus clairement le lien de ces plans avec la vocation du PNDAR, qui est la recherche et développement.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 7
Délégation de certains soins à des auxiliaires vétérinaires
et étudiants d'écoles vétérinaires dûment formés, sous la responsabilité
d'un vétérinaire et au sein de son cabinet

Cet article vise à permettre à des auxiliaires et étudiants vétérinaires habilités à cette fin de réaliser certains actes médicaux ou chirurgicaux vétérinaires, par dérogation au principe qui réserve l'exercice de l'art vétérinaire aux seuls vétérinaires inscrits à l'ordre. Cinq conditions cumulatives doivent être réunies pour prétendre à cette dérogation (i/ être employé d'un vétérinaire, ii/ pratiquer sous sa responsabilité et en sa présence, iii/ pratiquer au sein de l'établissement vétérinaire, iv/ respecter l'assiduité scolaire dans le cas des élèves et avoir atteint un certain niveau d'études fixé par arrêté, ou avoir suivi une formation au sein d'un centre habilité par l'ordre vétérinaire pour les auxiliaires, ou encore sous réserve de reconnaissance des qualifications professionnelles pour les auxiliaires communautaires, v/ pratiquer l'un des actes figurant sur une liste fixée par arrêté).

En pratique, ces conditions ont pour effet de restreindre cette dérogation quasi exclusivement aux soins et actes médicaux pratiqués sur les animaux de compagnie, les interventions sur les animaux d'élevage ayant lieu en général en dehors de l'établissement. Cette mesure aurait pour principal effet d'améliorer l'efficience organisationnelle et donc la rentabilité des cliniques pour animaux de compagnie, et, de façon incidente et marginale, pourrait contribuer à remédier à la désertification vétérinaire, en libérant du temps aux vétérinaires, qu'ils pourraient consacrer aux animaux d'élevage.

La commission a adopté trois amendements des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville pour :

- préciser l'architecture de cette nouvelle délégation d'actes des vétérinaires, en prévoyant un arrêté distinguant plusieurs niveaux de délégation d'actes délégables, en fonction des différents niveaux de formation des auxiliaires spécialisés et vétérinaires et étudiants vétérinaires ;

- renforcer le suivi des formations en ostéopathie animale introduit à l'Assemblée nationale, compte tenu du manque de transparence et de garanties sur le sérieux académique de ces établissements, en prévoyant un arrêté du ministre de l'agriculture pour définir un référentiel de formation dans ce domaine.

Sur la proposition des deux rapporteurs, elle a ensuite adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Les soins et actes de médecine et chirurgie vétérinaires sont réservés aux vétérinaires inscrits à l'ordre, sauf dérogation expresse prévue par la loi

A. Un exercice vétérinaire strictement encadré aux fins d'assurer la qualité des actes de médecine et chirurgie sur les animaux

L'exercice de l'art vétérinaire est réservé aux vétérinaires, une profession réglementée dans le cadre d'une directive européenne de 200566(*), à laquelle sont réservés certains soins et actes67(*). Il existe environ 20 000 vétérinaires inscrits à l'ordre, qui peuvent pratiquer leur art en libéral ou en clinique.

A contrario, comme toute autre personne, les 5 000 élèves inscrits au total dans 5 écoles vétérinaires et environ 20 000 auxiliaires vétérinaires, majoritairement des jeunes femmes, ne peuvent par principe réaliser les actes de médecine et de chirurgie vétérinaires.

Parmi les étudiants vétérinaires, il est cependant permis à la catégorie des « assistants vétérinaires » (en pratique, un vivier de près de 1 000 élèves en dernière année d'études) de pratiquer l'art vétérinaire68(*), dans un but de professionnalisation autant que d'assistance aux vétérinaires en exercice.

Outre ce cas particulier, treize dérogations à l'exercice illégal de la médecine vétérinaire sont explicitement mentionnées dans la loi69(*), bénéficiant notamment à des techniciens et à des fonctionnaires vétérinaires, ou encore à des maréchaux-ferrants. Par ailleurs, les « soins de première urgence autres que ceux nécessités par les maladies contagieuses » peuvent être réalisés par toute personne70(*), y compris, par exemple, par les détenteurs des animaux.

Les professionnels de l'élevage ou leurs salariés bénéficient enfin d'une dérogation leur permettant de pratiquer « certains actes de médecine ou de chirurgie dont la liste est fixée, selon les espèces, par arrêté du ministre chargé de l'agriculture71(*) ». Le champ de cette dérogation est plus restreint puisqu'en sont exclus plusieurs actes réservés expressément par la loi aux vétérinaires, notamment la prescription de médicaments, et les actes réalisés par un vétérinaire sanitaire ou par un vétérinaire mandaté par l'administration.

Les dérogations actuelles permettant l'exercice vétérinaire
pour les non-vétérinaires

Un décret n° 2011-1244 du 5 octobre 2011 relatif aux conditions dans lesquelles certaines personnes peuvent réaliser des actes de médecine et de chirurgie vétérinaires, fixe la liste des formations requises pour pratiquer les actes listés par arrêtés (cf. ci-dessous dans l'encadré) pour les personnes n'ayant pas la qualité de vétérinaire72(*). Ainsi, pour les éleveurs ou leurs salariés, « une expérience professionnelle d'au moins un an » peut suffire ; pour les techniciens, il faut détenir « une attestation délivrée par un vétérinaire certifiant qu'ils maîtrisent les techniques de contention et les gestes d'intervention applicables à l'espèce et au type d'élevage concernés » ; et pour les techniciens salariés d'un vétérinaire ou d'une société vétérinaire ou d'un organisme de veille sanitaire, un certificat d'aptitude ou un diplôme au moins du niveau baccalauréat peut suffire.

Un arrêté du 5 octobre 2011 fixe précisément la liste des actes de médecine ou de chirurgie des animaux que peuvent réaliser certaines personnes n'ayant pas la qualité de vétérinaire73(*). Cet arrêté a été complété par un arrêté du 16 janvier 2015 (pour les techniciens sanitaires apicoles) et par un arrêté du 24 février 2020 (relatif à l'application par les éleveurs de traitements visant à supprimer ou atténuer la douleur liée aux actes relevant de la conduite de l'élevage).

Pour les éleveurs, il s'agit de :

a) L'application de tout traitement y compris par voie parentérale, individuel ou collectif, à visée préventive ou curative ou l'application de tout traitement analgésique ou anesthésique local visant à atténuer ou supprimer la douleur74(*) ;

b) Pour les actes relevant de la reproduction :

- l'application de protocoles de traitements hormonaux pour la maîtrise du cycle oestral des femelles ;

- les constats d'aptitude à la reproduction et les constats de gestation dans les espèces bovine, ovine, caprine et porcine ;

- l'assistance à la mise bas par voie naturelle, peri et post-partum ;

c) Pour les actes relevant de la conduite d'élevage :

- la castration des animaux dans les espèces bovine, ovine, caprine et aviaires ;

- la castration des animaux dans l'espèce porcine jusqu'à leur septième jour inclus ;

- la caudectomie des animaux dans l'espèce ovine ;

- la caudectomie des animaux dans l'espèce porcine jusqu'à leur septième jour inclus ;

- l'écornage ;

- l'encochage ;

- la taille des appendices cornés (débecquage, dégriffage et parage).

d) Pour les actes de dentisterie :

- le meulage de dents ;

- l'extraction des dents de lait ;

- la coupe de dents dans l'espèce porcine.

e) La réalisation de prélèvements biologiques à visée diagnostique ou zootechnique ;

f) L'examen lésionnel externe et interne des cadavres

Pour les techniciens, il s'agit de :

a) Pour les actes relevant de la conduite d'élevage :

- la caudectomie dans les espèces ovine et porcine ;

- l'écornage ;

- l'encochage ;

b) Les prélèvements biologiques à visée zootechnique ;

c) Pour les actes relevant de la reproduction :

- les opérations de reproduction par coelioscopie dans les espèces bovine, ovine, caprine et porcine ;

- la production d'embryons in ovo ou in vitro ;

- l'application de protocoles de traitements hormonaux pour la maîtrise du cycle oestral des femelles ;

- les constats d'aptitude à la reproduction et les constats de gestation hormis tout acte de diagnostic d'affection des organes génitaux dans les espèces bovine, ovine, caprine et porcine ;

d) Pour les actes de dentisterie :

- le meulage de dents ;

- l'extraction des dents de lait ;

- la coupe de dents dans l'espèce porcine.

Pour les techniciens dentaires exclusivement, il s'agit de :

- l'élimination des pointes d'émail et des aspérités des tables dentaires ;

- l'extraction de dents de lait et de dents de loup.

Et pour les techniciens sanitaires apicoles exclusivement, il s'agit du/des :

a) recueil de signes cliniques et lésionnels affectant les colonies d'abeilles, y compris le recueil des commémoratifs relatifs à leur état de santé ;

b) prélèvements biologiques à visée diagnostique ou zootechnique ;

c) traitement des colonies d'abeilles par transvasement ou au moyen de médicaments prescrits par le vétérinaire sous l'autorité et la responsabilité duquel ils interviennent.

B. La problématique du desserrement du maillage vétérinaire a justifié plusieurs réformes depuis quelques années

Le maillage vétérinaire est essentiel pour assurer le suivi et la lutte contre les zoonoses et pour garantir le bien-être animal.

Or, si le nombre de vétérinaires est en augmentation, ce nombre croît moins vite que les besoins en soins vétérinaires pour les animaux de compagnie comme pour les animaux d'élevage. Cette déconnexion croissante provient d'évolutions démographiques, territoriales et sociétales.

En particulier, le nombre d'animaux de compagnie augmente, atteignant environ 15 millions de chats et 7 millions de chiens, de nombreux « nouveaux animaux de compagnie » trouvant également désormais leur place dans les foyers. Les dépenses que les Français sont prêts à consacrer à leurs animaux (notion de consentement à payer), et donc le recours aux soins vétérinaires, sont également en augmentation.

Par ailleurs, les effectifs de vétérinaires dans certaines régions d'élevage comme le Charolais sont en perte de vitesse (cf. carte ci-dessous).

Enfin, les vétérinaires des nouvelles générations sont moins disposés à consacrer autant de temps que leurs aînés à leur métier, ce qui s'explique par l'évolution des mentalités, mais également par la féminisation du métier, qui rend encore plus prégnante la question de la conciliation vie privée-vie familiale (cf. pyramide des âges ci-dessous).

Source : atlas démographique 2022 (Conseil national de l'ordre des vétérinaires)

Dans le cadre de la lutte contre les « déserts vétérinaires », le législateur a entendu, par la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'UE (DDADUE), autoriser les collectivités territoriales à octroyer des subventions pour inciter à l'installation de vétérinaires, uniquement dans certains territoires sous-dotés identifiés par voie réglementaire.

Avant même l'entrée en vigueur de cette mesure, la loi 3DS est revenue sur le zonage défini précédemment, en étendant les possibilités de subvention à l'ensemble du territoire national. Toutefois, dans la mesure où les déserts vétérinaires sont une réalité en zone rurale autant qu'en zone urbaine - où l'on parle plus fréquemment d'insuffisance de l'offre -, cette mesure ne semble pas suffisante pour assurer l'adéquation de l'offre nécessaire pour répondre aux besoins croissants en soins vétérinaires.

II. Le dispositif envisagé - Deux nouvelles dérogations à l'exercice illégal de la médecine vétérinaire, pour les auxiliaires et étudiants vétérinaires, à des conditions relativement restrictives

Stricto sensu, le 2° de cet article ajouterait deux dérogations supplémentaires à l'interdiction de l'exercice illégal de la médecine vétérinaire, permettant de pratiquer certains actes médicaux ou chirurgicaux, définis par arrêté :

- aux personnes salariées de vétérinaires ou de sociétés de vétérinaires ou d'établissements vétérinaires (auxiliaires vétérinaires) ;

- et aux étudiants inscrits dans l'une des cinq écoles vétérinaires (qui ne sont pas déjà des assistants vétérinaires en dernière année).

En pratique, ces deux catégories de personnes pourraient par exemple, au-delà de leurs tâches actuelles (préparation et entretien du matériel médical, assistance opératoire avant, pendant et après la chirurgie, contention des animaux lors des examens et soins...), réaliser certains actes tels que nettoyer une plaie, relever des constantes ou effectuer des prises de sang.

Il faut relever toutefois que cette dérogation serait possible exclusivement à certaines conditions cumulatives :

- au sein d'un établissement vétérinaire ;

- sous la supervision d'un ou plusieurs vétérinaires ;

- sous réserve d'une formation au sein d'un centre habilité par une commission constituée au sein du Conseil national de l'ordre vétérinaire (1° de cet article) pour les auxiliaires vétérinaires ou, pour les ressortissants communautaires, sous réserve de la reconnaissance de leurs qualifications professionnelles ou, pour les étudiants, sous réserve d'un niveau d'études fixé par arrêté du ministre de l'agriculture ;

- en dehors du temps d'assiduité obligatoire pour les étudiants ;

- et pour une liste d'actes fixée par arrêté du ministre de l'agriculture.

Aussi, pour comparer cette réforme avec ce qui a été mis en place dans le domaine de la médecine, il semble que l'on soit encore loin avec cet article de confier aux auxiliaires et élèves vétérinaires un niveau de responsabilité aussi important qu'aux infirmiers en pratique avancée.

Cette évolution permettrait néanmoins aux sociétés vétérinaires et aux vétérinaires libéraux de gagner en efficience organisationnelle et ainsi d'améliorer directement leur rentabilité, en particulier en zone urbaine, où il sera plus aisé de répondre aux conditions posées ci-dessus qu'en zone rurale (cf. III pour des développements supplémentaires sur cette question).

De façon incidente et marginale75(*), elle permettrait de dégager un temps utilement employable par les vétérinaires pour exercer hors de leur cabinet, y compris, pour les vétérinaires sanitaires, dans le cadre du suivi sanitaire permanent (SSP), contribuant à remédier à l'insuffisance de l'offre en zone rurale.

La FNSEA comme la Coordination rurale avancent toutefois que cet article ne viserait pas tant à remédier à la problématique des déserts médicaux qu'à légaliser des pratiques déjà courantes, bien qu'illégales, en particulier dans le domaine du soin aux animaux de compagnie.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale ont été purement rédactionnelles en commission et limitées en séance

Peu discuté lors de son examen par la commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale, cet article a fait l'objet de six précisions rédactionnelles par plusieurs amendements du rapporteur Éric Girardin76(*) et de ses collègues rapporteurs thématiques, en ses alinéas 5 et 6. S'ils sont dénués de conséquences juridiques, il convient de préciser que le plus substantiel d'entre eux a consisté à remplacer la formulation « en dehors des périodes d'assiduité scolaire obligatoire » par les termes, « dans le respect de l'obligation d'assiduité scolaire », généralement adoptés dans le code de l'éducation77(*).

En séance publique a été adopté un amendement n° 4304 du Gouvernement, tendant à insérer un nouvel article L. 243-5 dans le code rural, afin de créer une obligation, pour les écoles d'ostéopathes animaliers, de déclaration de leur activité au ministère de l'agriculture et à l'ordre vétérinaire. Ce dernier serait lui dans l'obligation de « tenir à jour et de publier » les indicateurs de réussite des candidats aux épreuves d'évaluation des compétences de chacun de ces établissements.

Par cette disposition, le Gouvernement cherche à renforcer l'information disponible sur les nombreuses formations à l'ostéopathie animalière qui existent physiquement et en ligne. Un rapport du CGAAER78(*) sur la question avait souligné d'une part qu'il y avait probablement plus d'étudiants se formant à l'ostéopathie que de demande de ce type de soins et donc de perspectives d'insertion. D'autre part, ce rapport pointait le manque de transparence de certaines formations quant à leur capacité à placer leurs étudiants dans les meilleures conditions de réussite aux examens, et donc la possibilité que certaines d'entre elles profitent du flou entretenu pour proposer des formations de moindre qualité à un coût élevé, au détriment de leurs élèves.

IV. La position de la commission - Une extension de cette dérogation à l'exercice illégal de la médecine vétérinaire, pour en faire bénéficier plus directement le monde de l'élevage

Cet article a été conçu par la Direction générale de l'alimentation (DGAL) et la Direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) en concertation étroite avec le Conseil national de l'ordre vétérinaire (Cnov) et le Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL), un projet de décret et deux projets d'arrêté ayant même déjà été préparés par le ministère pour son application. Les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville ont donc demandé la communication de ces projets mais n'ont pu, au stade de l'examen du texte en commission, y avoir accès.

En cohérence avec la préoccupation de la commission des affaires économiques sur le maillage vétérinaire, elle a examiné cet article avec la plus grande bienveillance, ce qui ne l'a pas dispensé pour autant d'une instruction minutieuse du dispositif.

A. L'impossibilité de déléguer davantage d'actes directement aux éleveurs

Une préoccupation des rapporteurs a été de justifier pleinement la place de cet article dans une loi d'orientation sur l'agriculture et de garantir qu'il soit opérationnel et utile pour les agriculteurs, plusieurs syndicats, notamment la FNSEA et la Coordination rurale, ayant déploré que la mesure ne soit pas « élargie à l'exercice rural ».

En effet, si la dérogation vaut en théorie pour tout type d'animaux, l'étude d'impact souligne que la mesure bénéficiera en premier lieu aux vétérinaires spécialisés « animaux de compagnie », qui exercent essentiellement en clinique, tandis que les vétérinaires spécialisés « animaux de rente » exercent surtout en ambulatoire, dans les exploitations, où la dérogation ne trouve pas à s'appliquer (condition de pratiquer « dans un établissement vétérinaire »).

Pour aller plus loin, la FNSEA propose que les éleveurs puissent eux-mêmes procéder à certains actes vétérinaires, ce qui passerait par une modification de l'article L. 243-2 du CRPM, dans le respect du droit de l'UE79(*) et de façon équilibrée.

En allant trop loin dans la délégation, un risque serait en effet de confier aux éleveurs et à leurs salariés des missions pour lesquelles ils n'ont pas nécessairement été formés, rejetant sur eux la responsabilité, y compris pénale, en cas d'erreur.

Cela pourrait également accélérer la désertification vétérinaire en milieu rural en raréfiant la clientèle des vétérinaires dans ces zones et donc en diminuant les économies d'échelle associées pour les vétérinaires, dans un contexte où l'exercice en milieu urbain monte déjà en puissance.

Pour conclure, il convient de préciser que si la Coordination rurale a, lors de son audition à l'Assemblée nationale dans le cadre de la préparation de l'examen de ce projet de loi, protesté contre le règlement santé animale qui empêche les éleveurs de constituer une « pharmacie d'élevage » (un décret tendant à réformer le suivi sanitaire permanent (SSP), présenté début avril 2024 aux filières, maintiendrait mais encadrerait davantage la possibilité d'une pharmacie de premiers soins), les marges de manoeuvre sont extrêmement limitées en la matière par le droit de l'UE, ce règlement, comme tout règlement, étant d'application directe.

B. La possibilité en revanche de consolider les dispositifs du texte initial ou introduits à l'Assemblée nationale

Afin de préciser l'architecture de cette nouvelle délégation d'actes des vétérinaires, un amendement COM-375 des rapporteurs vise à distinguer par arrêté plusieurs niveaux de délégation d'actes médicaux et chirurgicaux vétérinaires, en fonction des différents niveaux de formation des auxiliaires spécialisés et vétérinaires et étudiants vétérinaires, a été adopté par la commission.

L'objectif de cet amendement est de poser les bases de la mise en place d'un niveau de formation intermédiaire, de niveau licence, auquel pourrait être associée une typologie d'actes délégués plus importante que pour les personnes d'un niveau de diplôme bac + 2, par décret.

Par ailleurs, les rapporteurs ont souhaité renforcer le dispositif de suivi des formations en ostéopathie animale introduit à l'Assemblée nationale au présent article, compte tenu du manque de transparence et de garanties sur le sérieux académique de ces établissements (cf. au III supra). Ainsi, la commission a adopté un amendement COM-374 des rapporteurs, prévoyant un arrêté du ministre de l'agriculture pour définir un référentiel de formation. Il est de nature à renforcer les garanties sur la qualité des formations dispensées dans ce cadre.

Un amendement rédactionnel des rapporteurs COM-376 a enfin été adopté.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 7 bis A
Consécration législative des stages tuteurés vétérinaires

Introduit par un amendement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, cet article vise à consacrer dans la loi les stages tuteurés vétérinaires, afin de donner une assise législative à ce dispositif plébiscité par les collectivités territoriales et par le monde de l'élevage, qui a fait la preuve de son efficacité pour flécher davantage d'étudiants vétérinaires vers un exercice en « rural » ou en « mixte à dominante rurale ».

La commission a défendu le principe des stages tuteurés de longue date. Elle a adopté un amendement des rapporteurs pour définir des modalités de labellisation des vétérinaires ou sociétés d'exercice vétérinaire éligibles à ce dispositif qui soient plus conformes à la pratique existante : une labellisation par une commission associant toutes les parties prenantes et non une accréditation par le seul ordre des vétérinaires.

Elle a adopté l'article ainsi modifié.

I. La proposition adoptée par l'Assemblée nationale - La consécration législative des stages tuteurés vétérinaires, dispositif dédié au renforcement du maillage vétérinaire dans les territoires ruraux

Un amendement portant article additionnel n°  4282 du député Jean-François Rousset (Cantal) et de nombre de ses collègues du groupe Ensemble pour la République (EPR) a été adopté lors de l'examen du projet de loi d'orientation en séance publique à l'Assemblée nationale. Son adoption a donné lieu à la création du présent article 7 ter.

Cet article crée une section intitulée « Dispositions particulières relatives aux études vétérinaires » et un article unique L. 815-5 au sein de cette section, dans le chapitre V du titre Ier du livre VIII (« Enseignement, formation professionnelle et développement agricoles, recherche agronomique ») du code rural et de la pêche maritime.

Il prévoit qu'« au cours de la dernière année des études vétérinaires, les écoles vétérinaires françaises organisent une offre de stages, comprenant des mises en situation professionnelle de soins aux animaux d'élevage ». De façon classique, ces stages orientés sur les animaux d'élevage ont lieu « sous un régime d'autonomie supervisée et sous l'autorité médicale d'un vétérinaire ou d'une société d'exercice vétérinaire accréditée par le conseil national de l'ordre des vétérinaires ».

Il est en outre prévu que les collectivités territoriales ou leurs groupements puissent être « associés à "l'élaboration de l'offre de stages" ainsi qu'"à leur financement dans le cadre des aides prévues à l'article L. 1511-9 du code général des collectivités territoriales"».

Ce dernier résulte de l'article 30 de la loi n° 2020-1508 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dite « loi DDADUE », qui permet aux collectivités d'attribuer des aides aux « vétérinaires contribuant à la protection de la santé publique et assurant la continuité et la permanence des soins aux animaux d'élevage » dans le cadre de conventions, ainsi qu'une « indemnité d'étude et de projet professionnel vétérinaire » pour les étudiants s'étant engagés à exercer en milieu rural pendant une période d'au moins cinq ans. La mise en oeuvre de cet article est assurée par l'arrêté du 8 novembre 2021, définissant finalement l'ensemble des régions françaises comme éligibles.

Les stages tuteurés reposaient jusqu'à présent sur une simple note de service de la Direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER80(*)). Ce cadre permet à des étudiants vétérinaires se trouvant en dernière année d'études de suivre un stage de 18 semaines, avec mises en situation et autonomie supervisée sous la tutelle d'un vétérinaire, en milieu rural, dans le cadre d'une convention.

II. La position de la commission - La consécration d'un dispositif plébiscité par les collectivités territoriales et le monde de l'élevage, ayant fait ses preuves pour favoriser l'engagement des étudiants vétérinaires dans l'exercice rural

L'une des nombreuses fragilités de l'élevage tient à la difficulté croissante à maintenir un maillage vétérinaire suffisamment dense dans les zones rurales (en particulier en Corrèze, en Creuse, en Isère et dans l'Yonne), qui crée des difficultés d'accès aux soins vétérinaires pour les animaux de rente.

Face à cette problématique, l'intuition des rapporteurs est que l'enjeu du renouvellement des générations de vétérinaires n'est pas purement numérique ou financier, mais repose sur une combinaison de facteurs organisationnels voire culturels. En effet, la croissance continue des effectifs des promotions des écoles vétérinaires, qui permet quantitativement de faire face à la hausse des besoins en « canine », n'épuise pas la problématique des crises de vocation en « rurale ».

L'attractivité de l'exercice vétérinaire en milieu rural dépend notamment de changements organisationnels, pour améliorer la conciliation entre vie privée et vie professionnelle des vétérinaires ruraux, jusqu'à présent soumis à des astreintes fortes. Elle dépend aussi de l'image des métiers du soin aux animaux de rente - au-delà des chevaux, pour lesquels la désaffection est moins marquée.

Afin de susciter les vocations, la commission a défendu de longue date le principe des stages tuteurés, comme moyen d'initier des étudiants vétérinaires à la pratique en milieu rural.

Ainsi, dans leurs avis budgétaires successifs, les rapporteurs Laurent Duplomb, Jean-Claude Tissot et Françoise Férat - et en particulier cette dernière - avaient alerté sur le besoin d'une enveloppe suffisante pour garantir le caractère incitatif du dispositif, afin de donner plus de substance à l'architecture organisationnelle mise en place81(*). Bien que modique, la dotation budgétaire aux structures vétérinaires d'accueil et aux écoles vétérinaires avait stagné en 2022 et diminué en 2023, au prétexte d'effets d'aubaine, alors que ces stages représentent un surcoût pour les unes et les autres.

En pratique, il a été observé que ces stages conduisaient à un taux d'engagement dans l'exercice rural beaucoup plus important que chez la moyenne des vétérinaires (84 %, fin 2021, sur plus d'une centaine de candidats). Un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de 2019 identifiait ces stages tuteurés comme « un accompagnement fort apprécié, jugé efficace, des futurs vétérinaires ruraux en fin de formation82(*) ».

La possibilité donnée aux collectivités territoriales concernées de s'impliquer dans « l'élaboration de l'offre de stages » ainsi que dans « leur financement » est également de bon aloi pour favoriser les projets de territoire et garantir l'articulation des stages tuteurés avec le cadre défini dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) pour les subventions que peuvent accorder les collectivités territoriales.

De façon générale, les rapporteurs sont convaincus que l'attractivité des métiers de l'élevage, aujourd'hui en perte de vitesse, dépendra de l'amélioration de la densité et de la qualité de l'écosystème des services disponibles en milieu rural (vétérinaires, outils de transformation, infrastructures, circuits courts...).

Les rapporteurs ont toutefois proposé à la commission un amendement COM-377, qu'elle a adopté, venant consacrer la pratique existante, en précisant que le vétérinaire ou la société d'exercice vétérinaire est labellisé par une commission - associant l'État et notamment des représentants de l'ordre, de la profession et des écoles vétérinaires - et non par le seul conseil national de l'ordre des vétérinaires.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 7 bis (supprimé)
Demande de rapport au Parlement
sur les perspectives d'évolutions du métier vétérinaire

Introduit lors de l'examen du projet de loi par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, à l'initiative du député Jean-François Rousset (Aveyron) et de plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, cet article demande au Gouvernement la remise d'un « rapport au Parlement sur les perspectives d'évolutions du métier vétérinaire » d'ici à la fin de l'année 2025. Il est issu d'échanges avec le Conseil national de l'ordre vétérinaire (Cnov).

Compte tenu de la publication de nombreux rapports sur le sujet ces dernières années, et tout en appelant leurs collègues à proposer par amendement des mesures relatives aux métiers vétérinaires s'ils le jugent pertinent, les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville ont proposé un amendement COM-378 de suppression de cet article portant demande de rapport.

Ayant adopté cet amendement, la commission a donc supprimé l'article.

I. La proposition adoptée par l'Assemblée nationale - Une demande de rapport sur les perspectives d'évolutions du métier vétérinaire

Introduit lors de l'examen du projet de loi par la commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale, cet article est issu d'un amendement portant article additionnel n° CE3227 de M. Jean-François Rousset (Aveyron) et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance.

Il demande au Gouvernement la remise d'un « rapport au Parlement sur les perspectives d'évolutions du métier vétérinaire » d'ici à la fin de l'année 2025. Il est issu d'échanges avec le Conseil national de l'ordre vétérinaire (Cnov).

L'exposé des motifs de cet amendement fait état de l'enjeu majeur de garantir l'accès aux soins pour toutes les espèces animales, dans tous les territoires.

Il appelle à « actualiser le cadre législatif et réglementaire de l'exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux en France », pour aller au-delà du cas particulier traité par l'article 7 du projet de loi, sur la délégation d'actes à des auxiliaires et élèves vétérinaires. Plus clairement, il indique qu'« une loi vétérinaire est attendue par ces professionnels de santé » pour « clarifier et sécuriser leur exercice par un chapitre dédié du code rural et de la pêche maritime dédié à la profession vétérinaire ».

II. La position de la commission - De nombreux rapports portant déjà sur la question

Sans contester l'opportunité des évolutions que cette demande de rapport suggère d'étudier, les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville ont pu constater que de nombreuses publications, documentées et argumentées, permettaient déjà une information complète quant aux tendances démographiques, à l'ancrage territorial de la profession vétérinaire, et aux évolutions sociétales et évolutions des pratiques, à commencer par :

- les rapports annuels d'activité de l'ordre vétérinaire83(*), ainsi que l'atlas démographique qui paraît annuellement84(*) ;

- mais aussi plusieurs rapports du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER), dont certains très récents85(*), d'autres ciblant directement la problématique des déserts vétérinaires86(*), d'autres encore ciblant la prescription de médicaments aux animaux d'élevage87(*), voire enfin d'autres relatifs à des problématiques plus spécifiques ou alternatives88(*). Une série de trois rapports relatifs à la prescription hors examen clinique, aux visites sanitaires d'élevage et aux prophylaxies collectives, répondant directement à la demande de cet article 7 bis, était en outre parue en 2017.

Dans ce contexte, les deux rapporteurs souhaitent ne pas ajouter un nouveau rapport à cette liste pléthorique, et proposent de supprimer cette demande de rapport.

Dans un même esprit, ils appellent l'ordre vétérinaire et leurs collègues à proposer directement des évolutions par amendement dans le code rural et de la pêche maritime, s'ils le jugent opportun, et pour autant que ces évolutions soient en lien au moins indirect avec la rédaction initiale de l'article 7 du présent projet de loi.

À l'initiative des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, la commission des affaires économiques a adopté un amendement COM-378 de suppression de cet article.

La commission a supprimé l'article.

TITRE III
FAVORISER L'INSTALLATION DES AGRICULTEURS
AINSI QUE LA TRANSMISSION DES EXPLOITATIONS
ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D'EXERCICE
DE LA PROFESSION D'AGRICULTEUR
CHAPITRE Ier
Orientations programmatiques en matière d'installation des agriculteurs
et de transmissions des exploitations
Article 8
Objectifs de la politique d'installation

Dans sa rédaction initiale, cet article programmatique fixait trois objectifs généraux à la politique d'installation (la souveraineté alimentaire, les transitions agroécologique et climatique en agriculture, et le renouvellement des générations d'actifs). Il établissait également un objectif de « présence sur l'ensemble du territoire national d'un nombre suffisant d'exploitants et d'emplois agricoles » afin de renforcer notre production agricole et alimentaire et de l'adapter aux nouvelles conditions. Il mentionnait enfin le réseau « France services agriculture », créé en tant que tel à l'article 10 du présent projet de loi.

Après son examen par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, cet article a recueilli sous forme programmatique plusieurs dispositions (portage du foncier, fiscalité sur la transmission des biens agricoles, protection du foncier, incitation à recourir au service de remplacement) que le projet de loi d'orientation ne traite pas directement.

Les rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb ont, par leurs avis, permis l'adoption de quatorze amendements en commission (recentrage du guichet, par coordination de l'article 10, service de remplacement, fiscalité du foncier). Le plus substantiel, leur amendement COM-379, vise à déplacer de l'article 1er du présent texte à cet article 8 la nouvelle rédaction du IV de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, relatif aux objectifs de la politique d'installation et de transmission, pour la cohérence du texte et la clarté des débats.

En outre, les rapporteurs envisagent, par un amendement de rédaction globale de cet article qui serait présenté en séance, de réduire au strict minimum les dispositions programmatiques du présent article, du reste largement redondantes avec le IV de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, afin de viser plus de concision dans l'exposé de ces objectifs programmatiques et espérer plus d'efficacité dans le message porté.

Par ailleurs désireux d'apporter des solutions dès la loi, sans attendre d'éventuels décrets, les rapporteurs ont entendu préfigurer plusieurs outils listés à cet article 8 dans la présente loi (diagnostic de viabilité économique et vivabilité, cartographie des risques et opportunités de marché, essai d'association, aide relais...).

I. La situation actuelle - La politique d'installation en agriculture fait face à un double défi : d'une part celui du vieillissement de la population agricole et d'autre part celui du déficit d'attractivité des métiers agricoles

A. Un déclin démographique

Selon le dernier recensement agricole, mené en 202089(*), la France compte 416 436 exploitations agricoles, dont 390 000 dans l'hexagone. Dans ce dernier périmètre, il y a quatre fois moins d'exploitations qu'en 1970 (1,6 millions d'exploitations). Lors de la décennie 2010, ce nombre a encore diminué de 17 % (100 000 de moins qu'en 2010), un rythme moins rapide que dans les décennies 199090(*) (- 35 %) et 2000 (- 26 %).

Source : recensement agricole 2020 (Agreste91(*))

Or, si cette « diminution de la population active agricole française est d'abord l'expression d'une progression de la productivité du travail et du capital dans ce secteur92(*) », elle « est aussi le corollaire d'une grave crise du statut de l'agriculteur » et du « modèle de l'exploitation familiale - de l'exploitation de couple, devrait-on dire - voulu et conquis durant la période de modernisation de l'après-seconde guerre mondiale[, mais qui] n'est plus en phase avec les aspirations d'autonomie des individus dans le travail et la vie quotidienne ».

Selon les projections de la Cour des comptes, la diminution prévue du nombre d'exploitations à horizon 2035 étant de 1,9 % par an, c'est un véritable « plan social » de 100 000 fermes en 15 ans qui se profile, soit 1 exploitation sur 4 aujourd'hui en activité. Cette tendance porte en elle le risque d'une « désagricolisation » de la France, sur le modèle de la désindustrialisation connue par le pays depuis les années 1980.

Ce « plan social » de la ferme France intervient toutefois en silence car il s'opère par le non-renouvellement des exploitants en fin d'activité. Sur 496 000 exploitants agricoles en activité en 2020, 290 000 ont au moins 50 ans (58 %) et 215 000 ont au moins 55 ans (43 %). Environ 50 % des agriculteurs auront atteint l'âge légal de la retraite (64 ans) à horizon 203093(*), ce qui pose un défi numérique en termes de renouvellement des générations, particulièrement aigu dans certaines régions, comme les outre-mer, dans le sud-ouest, dans l'arc méditerranéen, en Normandie, en Île-de-France et en Alsace (cf. carte ci-dessous).

Source : recensement agricole 2020 (Agreste94(*))

Cette diminution du nombre d'exploitations ne s'étant jusqu'ici pas accompagnée d'une baisse de la surface agricole utile95(*) (SAU), elle s'explique par la concentration et l'agrandissement des exploitations (passées de 52 à 69 ha en moyenne entre 2010 et 2020). « L'agrandissement des exploitations n'est pas seulement un élargissement des structures telles qu'elles existent ; c'est aussi un bouleversement en profondeur des formes juridiques d'appropriation du capital foncier, du capital d'exploitation ou encore du capital commercial96(*). » De plus en plus d'agriculteurs exercent en effet leur métier dans une forme sociétaire, mouvement qui s'accompagne d'une tendance croissante à la délégation de certaines tâches à des entreprises de travaux agricoles (ETA).

B. Un déficit d'attractivité

Le défi démographique n'est pas propre à la France mais commun aux pays d'Europe de l'Ouest, dans un contexte à la fois de vieillissement de la population, et de poursuite du « déversement sectoriel97(*) ».

Toutefois, la question du renouvellement des générations se pose avec une acuité particulière en France, où elle se double d'un déficit d'attractivité des métiers agricoles.

La crise agricole récente a en effet témoigné des contraintes inhérentes à l'exercice de diverses activités agricoles :

- temps de travail de 55 h par semaine en moyenne,

- astreintes tous les jours de l'année et horaires atypiques dans l'élevage,

- exposition aux conditions météorologiques,

- revenus très hétérogènes, très faibles pour un grand nombre de filières et dans certaines régions ;

- volatilité du prix de vente de la production et du coût des intrants,

- modèle économique reposant généralement sur un fort endettement,

- complexité administrative, notamment pour bénéficier des aides de la politique agricole commune.

S'ajoute à ces données objectives la perception que les agriculteurs seraient socialement déconsidérés au sein de la société française. Bien que ces derniers jouissent en réalité d'une image très favorable, dans les divers sondages réalisés à leur sujet, force est d'admettre « la prise de conscience de [leur] condition minoritaire y compris dans les territoires qu'ils maîtrisaient jadis », du fait de « l'explosion de la fonction résidentielle des communes rurale », ainsi que « les mises en cause des pratiques culturales et d'élevage au nom de la préservation de l'environnement, de la santé et du bien-être animal ».

Dans ce contexte, le constat de l'érosion de la compétitivité de la ferme France, dressé par le rapporteur Laurent Duplomb dans deux rapports de 2019 et 2022, est vécu d'autant plus douloureusement par le monde agricole. Les agriculteurs sont censés mener de front transition agroécologique, montée en gamme et production d'une alimentation accessible, à des prix pouvant soutenir la concurrence intra et extra-européenne.

Sous le feu de ces injonctions contradictoires, de la complexité administrative et d'une charge fiscale et sociale sans équivalent, que le rapporteur Laurent Duplomb a tenté de traiter par la proposition de loi visant un choc de compétitivité pour la ferme France, les métiers de l'agriculture apparaissent trop peu attractifs.

C. Dix ans après la loi d'avenir, un pacte et une loi d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture

Le IV de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, créé par la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 et resté inchangé depuis lors, fixe six objectifs à la politique d'installation et de transmission en agriculture :

« 1° De contribuer au renouvellement des générations en agriculture ;

« 2° De favoriser la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles dans un cadre familial et hors cadre familial ;

« 3° De promouvoir la diversité des systèmes de production sur les territoires, en particulier ceux générateurs d'emplois et de valeur ajoutée et ceux permettant de combiner performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire, notamment ceux relevant de l'agro-écologie ;

« 4° De maintenir sur l'ensemble des territoires un nombre d'exploitants agricoles permettant de répondre aux enjeux d'accessibilité, d'entretien des paysages, de biodiversité et de gestion foncière ;

« 5° D'accompagner l'ensemble des projets d'installation ;

« 6° D'encourager des formes d'installation progressive permettant d'accéder aux responsabilités de chef d'exploitation tout en développant un projet d'exploitation, et de favoriser l'individualisation des parcours professionnels. »

Ce IV dispose enfin que « dans le cadre de cette politique, l'État facilite l'accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables. Il assure la formation aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de l'aquaculture, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et aux métiers qui leur sont liés, de façon adaptée aux évolutions économiques, sociales, environnementales et sanitaires ainsi qu'au développement des territoires. »

À la suite de concertations de plusieurs mois avec les acteurs du monde agricole, qui ont été menées au niveau national et régional au sein de trois groupes de travail (orientation-formation, installation-transmission, adaptation-transition) le Gouvernement a fait paraître en 2023 un « pacte », censé concilier les deux objectifs de renouvellement des générations et de transition agroécologique.

L'enjeu pour la politique d'installation est donc de préserver voire d'accroître le niveau de production agricole pour répondre à des besoins alimentaires croissants dans le monde (démographie, accroissement du niveau de vie), tout en maintenant un modèle familial et extensif d'agriculture, vertueux sur les plans social et environnemental et en matière d'aménagement du territoire. Or, l'installation et la transmission sont identifiées comme des moments-charnières pour reconcevoir le modèle d'une exploitation.

L'inadaptation du cadre fiscal aux évolutions récentes et les difficultés croissantes d'accès au foncier font toutefois qu'il devient difficile de dégager une capacité d'investissement suffisante pour adapter l'exploitation et les pratiques au changement climatique.

II. Le dispositif envisagé - La formalisation, par cet article, des objectifs de la politique d'installation à horizon 2035, dessine en creux une vision gouvernementale de l'agriculture articulant souveraineté et transition

Cet article programmatique98(*) décline de grandes priorités pour l'agriculture sur la décennie 2025-2035. Il comporte trois alinéas.

Le premier pose trois objectifs de la politique d'installation : la souveraineté alimentaire, les transitions agroécologique et climatique en agriculture, et le renouvellement des générations d'actifs. S'agissant de ce dernier objectif, l'article précise qu'il vise à concilier incitation à la création, l'adaptation et la transmission des exploitations, d'une part, et prise en compte des attentes et de la diversité des profils des actifs agricoles et des repreneurs.

Le deuxième établit un objectif de « présence sur l'ensemble du territoire national d'un nombre suffisant d'exploitants et d'emplois agricoles » afin de renforcer notre production agricole et alimentaire et de l'adapter aux nouvelles conditions. Bien qu'en réalité assez vague compte tenu de l'ambiguïté de l'adjectif « suffisant », cet alinéa traduit une préférence du Gouvernement pour l'installation de nouveaux agriculteurs plutôt que pour l'agrandissement des exploitations.

Le troisième mentionne pour la première fois le réseau « France services agriculture », créé en tant que tel à l'article 10 du présent projet de loi. Il est précisé que ce réseau serait chargé d'accueillir, d'orienter et d'accompagner de façon personnalisée et coordonnée l'ensemble des cédants et repreneurs. Cet alinéa est redondant avec l'article 10, qui se suffit à lui-même.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - Un catalogue d'intentions

A. En commission des affaires économiques, une inflation de bonnes intentions (sur les pratiques agroécologiques, le service de remplacement, le fonds Elan) comme substitut à l'action

Lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, dix-sept amendements ont été adoptés par la commission des affaires économiques.

Deux amendements rédactionnels99(*) du rapporteur, M. Pascal Lecamp, ont été adoptés au premier alinéa. Un troisième, présenté lui aussi comme rédactionnel, ne l'est en fait pas vraiment, puisqu'il remplace la prise en compte, par les politiques publiques concourant à l'installation, des attentes « socio-professionnelles » des personnes qui souhaitent s'engager dans les métiers de l'agriculture, par la prise en compte par ces politiques des attentes « sociales et professionnelles100(*) » de ces personnes.

Un amendement n°  CE3507 de plusieurs députés du groupe Les Républicains101(*), ainsi que trois amendements identiques102(*), indiquent que les politiques publiques mises en oeuvre de 2025 à 2035 devront également favoriser « le développement des pratiques agroécologiques, dont l'agriculture biologique » - en complément des objectifs, déjà prévus par cet article. Par la même occasion, trois amendements identiques103(*) ont été adoptés.

Un amendement n°  CE3404 du rapporteur Pascal Lecamp insère un alinéa ainsi rédigé : « La France se fixe comme objectif de compter au moins 400 000 exploitations agricoles au terme de la période de programmation mentionnée au premier alinéa. » Sa justification est que « la stabilisation de la surface agricole utile depuis le début des années 2000, conjuguée à la diminution constante du nombre d'exploitations agricoles, implique mécaniquement une augmentation de leur taille », alors qu'« un large consensus existe dans cette commission sur la nécessité de préserver notre modèle d'exploitation familiale ». Par conséquent, à ses yeux, « le nombre d'exploitations agricoles actuel apparait comme un plancher en deçà duquel il ne faut pas descendre ».

Un amendement n°  CE241 de Dominique Potier et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés articule cet article 8 avec « le 3° de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime » (en fait, il s'agit plus précisément du 3° du I de cet article L. 1), ce qui revient à prévoir que les politiques publiques concourant à l'installation en agriculture « sont mises en oeuvre dans le respect de l'objectif de soutenir le revenu, de développer l'emploi et d'améliorer la qualité de vie des agriculteurs et des salariés ainsi que de préserver le caractère familial de l'agriculture et l'autonomie et la responsabilité individuelle de l'exploitant ». Il convient toutefois de noter que ce 3° de l'article L. 1 est programmatique et qu'il se suffit à lui-même, n'ayant pas besoin du renvoi au présent article pour s'appliquer.

Ont également été adoptés quatre amendements identiques n°  CE285 (Julien Dive et plusieurs de ses collègues LR), n°  CE308 (Inaki Echaniz et plusieurs de ses collègues Socialistes et apparentés), n°  CE645 (Jean-Pierre Vigier, LR), n°  CE974 (Francis Dubois et plusieurs collègues LR) prévoyant que l'objectif « d'accueil, d'orientation et d'accompagnement personnalisés et coordonnés » via le réseau « France services agriculture », rappelé au présent article 8, vaille pour « l'ensemble des actifs agricoles » et pas seulement pour les « personnes qui souhaitent s'engager dans une activité agricole ou qui projettent de cesser leur activité et de transmettre leur exploitation » comme cela était initialement prévu. Ces amendements sont issus d'échanges avec le syndicat des Jeunes agriculteurs, l'argument utilisé étant qu'il faudrait « renforcer le rôle des structures de conseil et d'accompagnement dans le cadre de la formation continue » et mieux accompagner les porteurs de projet « à n'importe quel moment de la vie de l'exploitation ».

Pour le reste, trois amendements des rapporteurs ont ajouté chacun un alinéa fixant respectivement les objectifs :

- « d'accroître progressivement la mobilisation de fonds publics au soutien du portage du foncier agricole, d'une part, et des investissements nécessaires à la transition agroécologique, d'autre part » (amendement n°  CE3403 du rapporteur Pascal Lecamp). Faisant référence en particulier aux « banques publiques de la Caisse des dépôts et consignations », cet amendement vise explicitement, dans son exposé des motifs, le fond Elan (fonds de portage capitalistique) et son abondement par le fonds « Entrepreneurs du vivant ». Il avait auparavant été sous-amendé (n°  CE3594) par Dominique Potier pour préciser, s'il était besoin, la nature de l'adaptation permise par ces fonds publics (il s'agit de l'adaptation « au changement climatique ») ;

- « de bâtir une stratégie pour encourager le développement des services de remplacement permettant d'assurer la continuité du fonctionnement des exploitations agricoles lorsque les exploitants s'en absentent », quel qu'en soit le motif (amendement n°  CE3406 (rect.) du rapporteur Pascal Lecamp, cosigné par ses collègues rapporteurs et par le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée, Stéphane Travert104(*) ;

- « de mener, en vue de son application dès 2025, une réforme de la fiscalité applicable à la transmission des biens agricoles, notamment du foncier agricole » tout en veillant notamment « à conditionner les régimes spéciaux et d'exonération à des engagements de conservation des biens transmis pour une longue durée » (amendement n°  CE3402 du rapporteur Eric Girardin).

La précision de ces trois alinéas105(*), alors que l'article 8 est censé être programmatique, témoigne de la position ambiguë de leurs auteurs, qui semblent aspirer à prendre ces mesures directement dans la loi.

B. La séance publique a complété le catalogue d'intentions

Lors de l'examen du projet de loi en séance publique, l'Assemblée nationale a adopté vingt nouveaux amendements à l'article 8.

Parmi ces amendements, six, dont cinq émanent du rapporteur M. Pascal Lecamp et ses collègues rapporteurs, sont purement rédactionnels106(*). Les quatorze autres portent, en majorité, sur l'ajout de précisions complémentaires, voire d'objectifs supplémentaires.

En premier lieu, trois amendements identiques107(*), portés par le député Dominique Potier et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, et par des députés du groupe Gauche démocratique et républicaine, ont été adoptés. Ils établissent, en complément de l'objectif de maintenir 400 000 exploitations agricoles (contre 389 000 dans le dernier recensement agricole, qui date de 2020), fixé lors de l'examen du texte en commission, l'objectif de maintenir 500 000 exploitants agricoles (contre 496 000 dans le dernier recensement agricole).

Deuxièmement, deux amendements108(*), respectivement portés par le rapporteur Pascal Lecamp et des députés du groupe Socialistes et apparentés ont contribué à préciser les missions du réseau France services agriculture, pour le premier, en modifiant légèrement leur rédaction et, pour le second, en instaurant une coopération entre « l'État et les régions » dans sa « gouvernance » et sa « mise en oeuvre ». Deux sous-amendements identiques portés par Mme Marie Pochon et le groupe LFI-NUPES109(*) ont quant à eux ajouté la mention « pluraliste » pour qualifier l'accueil, l'orientation et l'accompagnement des porteurs de projet par le réseau France Services Agriculture. Ils souhaitent, par ce biais, insister sur le respect de la diversité des profils des candidats à l'installation.

Troisièmement, quatre amendements identiques110(*), présentés par des députés des groupes LFI-NUPES, Écologiste-NUPES et la députée apparentée RN Hélène Laporte se sont accordés pour supprimer la mention des « investisseurs privés » parmi les acteurs à compter « aux côtés » de l'État dans sa poursuite de l'objectif « d'accroître progressivement la mobilisation de fonds publics au soutien du portage des biens fonciers agricoles », de telle sorte que seules ne soient mentionnées comme telles que les « collectivités territoriales volontaires ».

Quatrièmement, un amendement n°1619 déposé par le groupe LFI-NUPES a précisé qu'une « attention particulière » serait apportée, dans le cadre de l'objectif de construction d'« une stratégie pour encourager le développement des services de remplacement permettant d'assurer la continuité du fonctionnement des exploitations agricoles », à « l'information et à la promotion des droits au service de remplacement des personnes bénéficiant du congé de maternité ».

Enfin, deux amendements n° 2307 et 4451 ont directement porté sur la fixation d'objectifs additionnels en ajoutant chacun un alinéa supplémentaire à l'article 8. Le premier, défendu par M. Potier et des députés du groupe Socialistes et apparentés, donne à l'État comme objectif « d'assurer, en vue de son application dès 2025, la transparence des cessions d'usufruit ou de nue-propriété », élément qu'il détaille en un nouvel alinéa 7. Le second, porté par trois députés membres du groupe Renaissance, ajoute, à la fin de l'article, celui de « bâtir une stratégie de lutte contre la concentration excessive des terres et leur accaparement, notamment lorsque ces dernières résultent d'investissements étrangers en France ».

IV. La position de la commission - Un catalogue d'intentions encore enrichi en commission, mais que l'examen en séance devrait rendre caduc, si une rédaction globale était adoptée

Cet article programmatique est tellement général qu'il est plus proche d'un exposé des motifs que d'une disposition législative. Il figurait déjà dans la version de l'avant-projet de loi qui avait été transmise au Conseil d'État en janvier, avant l'ajout de mesures pour répondre à la crise agricole.

Par rapport aux versions antérieures de cet article dans les avant-projets de loi précédents, deux éléments ont disparu :

- par rapport à la version de décembre 2023, il n'est plus précisé de façon aussi détaillée que la gouvernance de la politique d'installation est régionale, avec des instances de concertation régionales dédiées ;

- par rapport à la version de juillet 2023, tout un volet déclinant des objectifs sociaux (retraites suffisantes, protection contre les accidents du travail...) est absent.

Au fur et à mesure de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, cet article est par ailleurs devenu le « cimetière » des réformes que la majorité gouvernementale passée a finalement renoncé à mener à bien dans ce projet de loi :

- le financement public pour faire effet de levier en matière de portage du foncier agricole ;

- la diminution du reste à charge du service de remplacement ;

- les incitations fiscales à la transmission des biens agricoles, notamment fonciers ;

- la protection des biens fonciers agricoles face à une trop forte concentration.

Les rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb voient dans cet article 8 tel qu'issu des travaux de l'Assemblée nationale le témoignage de trop nombreux renoncements de l'ancienne majorité présidentielle pour les agriculteurs. Ils y voient également une certaine légèreté dans les réponses à la crise agricole et un manque de considération pour le Parlement qui, à de nombreuses reprises, en particulier à l'occasion des débats budgétaires, a formulé des propositions sur ces quatre sujets, sans obtenir une écoute satisfaisante des précédents gouvernements.

Quatorze amendements ont été adoptés lors de l'examen du texte par la commission des affaires économiques.

Le plus substantiel, le COM-379 des rapporteurs vise à déplacer de l'article 1er du présent texte à cet article 8 la nouvelle rédaction du IV de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, relatif aux objectifs de la politique d'installation et de transmission, pour la cohérence du texte et la clarté des débats. Cet amendement s'efforce de reprendre les apports rédactionnels des députés tout en les rationalisant, et de faire référence aux outils que les rapporteurs ont identifié (France installations-transmissions, essai d'association, diagnostic de viabilité économique et de vivabilité des projets agricoles, cartographie des opportunités et risques de marché à long terme, aide au passage de relais), par cohérence avec le présent projet de loi.

Cinq amendements identiques, par coordination avec l'article 10 relatif au guichet unique de l'installation et de la transmission, visent à recentrer ce dernier à l'accueil des cédants et des repreneurs, dans un souci d'efficacité et de ciblage des efforts ( COM-44, COM-92, COM-156, COM-195).

Plusieurs amendements ont eu trait au service de remplacement, témoignant de l'intérêt des parlementaires pour ce dispositif, en particulier au Sénat, e

- d'abord la précision selon laquelle le service de remplacement (SR) peut venir supplée les entreprises de travaux agricoles (ETA), et pas seulement les exploitations agricoles (86, 170 et 450 identiques) ;

- ensuite, l'objectif d'assurer l'accès au service de remplacement en cas d'épuisement professionnel, de formation et d'arrêt maladie, même sans avoir préalablement cotisé (257) ;

- enfin, accompagnement financier des services de remplacement par l'État dans leurs missions urgentes de soutien aux exploitations en difficulté (73, 532).

Un amendement portant sur la fiscalité (547) a en outre été adopté.

En séance, les rapporteurs souhaiteront réduire au strict minimum les dispositions programmatiques du présent article, du reste largement redondantes avec le IV de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime (cf. I plus haut), pour viser plus de concision dans l'exposé de ces objectifs programmatiques et espérer plus d'efficacité dans le message porté.

Article 8 bis A (nouveau)
Objectif de mise en place d'une aide au passage de relais
pour les exploitants proches de la retraite mettant leur exploitation
à disposition d'un jeune agriculteur pour son installation

Cet article adopté par la commission sur la proposition des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville (amendement COM-380) vise à inscrire, directement dans le code rural, un objectif de mise en place de l'« aide au passage de relais » (en remplacement de l'article 23, supprimé, qui demandait un nouveau rapport sur ce dispositif).

Cette aide, qui serait allouée aux exploitants agricoles à moins de cinq ans de l'âge légal de départ à la retraite, à condition qu'ils cessent définitivement leur activité et mettent leur exploitation à disposition d'un jeune agriculteur dans le but de la transmettre, pourrait coûter autour de 13 M€ en rythme de croisière.

Soutenant la mise en place de cette aide, qui répond parfaitement à leur souci de compléter la réforme organisationnelle de la politique d'installation prévue par le présent projet de loi d'orientation (article 10) par un volet davantage incitatif, les rapporteurs demanderont au Gouvernement de donner toute sa portée à cet article programmatique en créant en tant que telle cette aide, ce qui serait impossible aux parlementaires compte tenu de l'irrecevabilité des amendements aggravant une charge publique.

La commission a donc adopté le présent article.

I. La proposition adoptée par l'Assemblée nationale - Une demande de rapport sur un dispositif de renforcement du tuilage entre cédants et repreneurs, demandé de longue date par plusieurs organisations professionnelles agricoles

Lors de l'examen du projet de loi d'orientation en séance publique à l'Assemblée nationale, un article 23 a été adopté, demandant un rapport du Gouvernement remis au Parlement dans un délai de douze mois, « étudiant la possibilité d'instaurer une aide au passage de relai qui serait allouée aux chefs d'exploitation agricoles âgés de cinquante-neuf ans au moins ayant exercé cette activité à titre principal pendant une durée minimale, s'ils cessent définitivement leur activité agricole et rendent leurs terres et les bâtiments d'exploitation disponibles pour une installation aidée ou la consolidation d'une installation aidée ». La demande de rapport précise que cette aide au passage « serait servie à l'intéressé jusqu'à l'âge légal de la retraite ».

Or, selon les rapporteurs, il n'est plus temps de demander un énième rapport sur ce dispositif faisant l'objet d'un large consensus à la fois pour favoriser l'installation et pour donner une porte de sortie à des exploitants agricoles en fin de carrière qui seraient en proie à des difficultés. Entre le rapport du député Damaisin portant sur l'identification et l'accompagnement des agriculteurs en difficulté et la prévention du suicide (2020), celui des sénateurs Cabanel et Férat, « Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse » (2021) et les diverses publications syndicales à propos de ce dispositif, les documents ne manquent pas.

II. La position de la commission - Un article programmatique pour poser le principe de l'aide au passage de relais dans la loi, que le Gouvernement pourra consacrer dans cette loi d'orientation et concrétiser par le fléchage de crédits dédiés

Aussi, les rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb ont proposé l'adoption de cet amendement COM-380 portant article additionnel après l'article 8, dans l'un des titres programmatiques du projet de loi d'orientation.

Ces deux mêmes sénateurs et le sénateur Jean-Claude Tissot, co-rapporteurs pour avis sur la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales pour l'examen du projet de loi de finances pour 2025, ont proposé de financer la préfiguration de cette aide en réallouant le reliquat non utilisé de l'aide à la relance des exploitations agricoles (Area), dont la sous-consommation est chronique (sur une enveloppe de 7 M€). Cette mesure pourrait être prise en l'absence d'un projet de loi de finances, par la simple gestion des crédits en cours d'année par l'exécutif.

Comme ils l'ont indiqué dans leur avis, l'aide au passage de relais, « transitoire (5 ans maximum), vise à favoriser un tuilage entre des exploitants agricoles en fin de carrière en proie à des difficultés et de jeunes agriculteurs désireux de s'installer. Elle prendrait la forme d'une allocation financière d'environ 1 100 € par mois (en référence au minimum de retraite à 85 % du Smic) et d'une prise en charge des cotisations sociales maladie et retraite de l'exploitant. En vitesse de croisière, elle représenterait une dizaine de dossiers par département et par an, pour une enveloppe totale d'environ 13 M€. »

Après avoir envisagé de concrétiser cette mesure par la création d'un article en posant le principe et les modalités, les rapporteurs s'en sont tenus à un objectif programmatique, afin de respecter l'article 40 de la Constitution.

En séance, les rapporteurs demanderont au Gouvernement de donner toute sa portée à cet article programmatique en s'engageant sur l'instauration cette aide en tant que telle dans le prochain budget.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 8 bis (supprimé)
Réintégration d'objectifs de développement des surfaces cultivées
en agriculture biologique et en légumineuses dans la loi

L'article 8 bis est issu de l'adoption en séance publique à l'Assemblée nationale de dix amendements identiques, émanant du Gouvernement et de tous les groupes représentés à l'Assemblée nationale à l'exception du groupe du Rassemblement national.

Cet article ayant perdu de sa pertinence du fait de la réécriture de l'article 1er, à l'initiative des rapporteurs, qui le satisfait en substance, il a été supprimé par la commission.

I. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - Le rattrapage, par un amendement adopté en séance, de la suppression involontaire d'objectifs, ayant résulté de la réécriture de l'article L. 1 du code rural

Le 11° du I de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime établit comme finalité, parmi d'autres, pour la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, « de promouvoir la conversion et le développement de l'agriculture et des filières biologiques, au sens de l'article L. 641-13, et d'atteindre, au 31 décembre 2022, l'objectif d'affectation de 15 % de la surface agricole utile à l'agriculture biologique, au sens du même article L. 641-13 ».

Le 18° de ce même I fait état de la finalité de « promouvoir l'autonomie de la France et de l'Union européenne en protéines, notamment en portant la surface agricole utile française cultivée en légumineuses à 8 % d'ici le 1er janvier 2030 ».

Or, ces objectifs en matière de surfaces agricoles utiles cultivées en agriculture biologique et en légumineuses ont été supprimés, par erreur, lors de l'examen du projet de loi d'orientation en séance à l'Assemblée nationale, à l'occasion de la réécriture de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime (cf. commentaire de l'article 1er).

L'article 8 bis résulte de l'adoption en séance publique à l'Assemblée nationale de dix amendements identiques111(*). Au total, le Gouvernement et tous les groupes représentés à l'Assemblée nationale à l'exception de celui du Rassemblement national ont déposé ce même amendement.

Celui-ci rétablit pour l'État le double objectif, « afin de favoriser l'installation d'exploitations agricoles participant au développement des pratiques agroécologiques, d'ici au 1er janvier 2030, que la surface agricole utile cultivée en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime atteigne 21 % et que celle cultivée en légumineuses atteigne 10 % ».

Malgré cette quasi-unanimité, les débats en séance publique ont fait apparaître des divergences sur l'ambition de ces cibles, pour l'agriculture biologique, plusieurs sous-amendements ayant été déposés.

En effet, l'amendement actualise l'objectif de surfaces cultivées en bio en passant d'un objectif de 15 % de la surface agricole utile du pays fin 2022 en objectif de 21 % de la SAU début 2030 (contre 10,3 % constatés en 2021). Cet objectif à horizon 2030 résulte des travaux du secrétariat général pour la planification écologique sur le cycle de l'eau et le cycle de l'azote.

Or, la députée écologiste Marie Pochon a rappelé que le plan stratégique national (PSN) relevant de la PAC fixait un engagement à 18 % de surfaces bio en 2027, et que l'objectif à 2030 se traduirait par un ralentissement du rythme de conversion à l'agriculture biologique en fin de programmation. Du reste, l'Union européenne s'est fixé l'objectif de 25 % de SAU en agriculture biologique en 2030.

Pour les légumineuses, l'objectif fixé dans le plan protéines végétales est de doubler la surface agricole utile de ces cultures (soja, pois, légumes secs, luzerne, cultures fourragères) pour atteindre 8 % en 2030 (environ 2 millions d'hectares) contre un peu moins de 1 million d'hectares actuellement. L'objectif fixé par cet article est donc plus ambitieux que ce qui est actuellement prévu.

II. La position de la commission - Un article ayant perdu de sa pertinence du fait de la réécriture de l'article 1er, à l'initiative des rapporteurs, qui satisfait en substance

Les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville ont proposé, par un amendement COM-381, de supprimer cet article, devenu sans objet en raison de l'adoption de l'amendement de rédaction globale de l'article 1er de ce projet de loi.

En effet, leur amendement COM-343, adopté par la commission, rétablit un 8° et un 9° ainsi rédigés, donnant comme finalité pour la politique agricole :

« 8° De favoriser l'installation économiquement viable d'exploitations agricoles en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, et un développement de la surface agricole utile cultivée en agriculture biologique en adéquation avec la demande de ces produits, en réduisant les importations de ces produits et en développant l'appareil industriel de transformation agroalimentaire pour diversifier l'offre et répondre au mieux à la demande ;

« 9° D'atteindre une surface agricole utile cultivée en légumineuses de 10 % d'ici au 1er janvier 2030 et de tendre à l'autonomie protéique en 2050. »

Cet amendement a pour effet de rétablir des objectifs dans le code rural, et plus dans un article non codifié comme l'avait prévu l'Assemblée nationale.

Les rapporteurs tiennent cependant à rappeler qu'il est toujours fait mention à l'article 1er, de la stratégie nationale biodiversité et du plan stratégique national (PSN) relevant de la PAC, qui, eux, contiennent toujours des objectifs de 21 % et 10 % de SAU consacrés respectivement à l'agriculture biologique et aux légumineuses à horizon 2030.

Ils jugent en outre, à l'instar des députés Chassaigne (GDR), Le Fur (LR) et Millienne (MoDem)112(*), que la proclamation d'objectifs dans la loi ne suffit pas à leur donner corps.

C'est d'autant plus vrai au regard des baisses récentes de surfaces en bio, en particulier en cultures fourragères et en grandes cultures (- 54 000 ha au total en 2023, pour atteindre 10,4 % de la SAU française, selon les derniers chiffres de l'Agence bio, de juin 2024).

De ce fait, les rapporteurs jugent imprudent et peu opportun de fixer un objectif chiffré de SAU bio dans la loi, mais proposent un objectif de gain en souveraineté alimentaire dans ces productions labellisées via un développement de la transformation et de la diversification de l'offre dans ce secteur. Dans son rapport de juin 2022 sur «  Le soutien à l'agriculture biologique  », la Cour des comptes insistait sur le besoin de penser l'agriculture biologique à l'échelle de la filière, plutôt que de se concentrer exclusivement sur l'amont.

Pour les légumineuses, les rapporteurs soutiennent l'ambition rehaussée décidée à l'Assemblée nationale, qui semble cruciale pour reconquérir davantage d'autonomie alimentaire dans ces cultures, qu'elles soient dédiées à l'alimentation humaine ou animale, compte tenu du fort déficit commercial enregistré par la « ferme France » en la matière.

La commission a donc supprimé l'article.

Article 9
Réalisation de diagnostics destinés à fournir des informations utiles
aux exploitants agricoles lors des différentes étapes
de la vie de l'exploitation

Cet article assigne à l'État un « objectif de mise en place, d'ici à 2026, en coordination avec les régions, de diagnostics pour fournir des informations utiles aux exploitants agricoles lors des différentes étapes de la vie de l'exploitation », ces objectifs ayant eux-mêmes pour buts de « faciliter l'installation-transmission » et d'« accélérer la transition agroécologique », ainsi que, éventuellement, d'« orienter et accompagner les agriculteurs à différentes étapes du cycle de leur exploitation ».

La commission a adopté un amendement de rédaction globale des rapporteurs COM-382 fixant l'objectif de création de diagnostics de viabilité économique et de vivabilité des projets agricoles, rendus gratuits.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Un besoin en conseil identifié pour le monde agricole, en particulier pour accompagner les nouveaux installés dans l'adaptation au changement climatique

Le manque d'accompagnement des agriculteurs est souvent pointé comme le point aveugle des politiques publiques tendant à l'adaptation des exploitations au changement climatique et de la transition vers des pratiques agroécologiques contribuant à l'atténuation du changement climatique.

Il n'existe pas de démarche systématique de diagnostic de la résilience des exploitations, même lors d'étapes aussi cruciales que l'installation ou la reprise d'une exploitation. Les chambres départementales et régionales d'agriculture, de même que les coopératives lorsque les exploitants en sont adhérents, jouent de fait ce rôle, mais sans systématicité.

Entre 2021 et 2022, un « bon diagnostic carbone », co-financé à 90 % par l'État dans le cadre du plan France Relance, avait été mis en place afin de faciliter les démarches des agriculteurs pour être certifié « label bas-carbone ». Loin d'épuiser la problématique de l'accompagnement des agriculteurs, cette disposition isolée et ponctuelle, qui a connu un succès important, n'a fait que souligner par contraste des lacunes persistantes en matière de conseil et d'accompagnement des agriculteurs.

Dans sa rédaction issue de son examen au Sénat, l'article 9 de la proposition de loi pour un choc de la compétitivité en faveur de la ferme France du rapporteur Laurent Duplomb assignait à la politique d'aménagement rural l'objectif de « valoriser le stockage de carbone dans les sols agricoles ainsi que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment par l'établissement d'un diagnostic de performance agronomique des sols et d'émissions de gaz à effet de serre, accompagné d'un plan volontaire d'atténuation et d'adaptation au changement climatique de l'exploitation, cofinancé par l'État, dont les modalités et le champ sont précisés par décret » (article L. 111-2 du code rural et de la pêche maritime). Cette disposition n'est toutefois pas entrée en vigueur.

Comme l'indique le think tank I4CE, « des financements existent déjà, donc, mais ils ne sont pas encore à la hauteur et ne ciblent pas suffisamment les nouveaux installés. La future loi d'orientation agricole (LOA) est l'occasion d'y remédier : les transmissions sont propices aux changements, ne les ratons pas. Il serait dommageable de verrouiller le système pour une génération de plus113(*). » Le think tank y voit également un enjeu à anticiper pour la viabilité des retraites des agriculteurs à très long terme, dans la mesure où le « capital, une fois revendu à un nouvel exploitant, constitue une grande partie de la retraite des agriculteurs qui quittent leur exploitation ».

II. Le dispositif envisagé - L'objectif de mise en place d'un diagnostic « destiné à fournir des informations utiles » aux exploitants agricoles, en réalité orienté vers l'adaptation au changement climatique et l'atténuation de celui-ci

Cet article, qui figure au sein d'un chapitre relatif aux « orientations programmatiques en matière d'installation des agriculteurs et de transmission des exploitations », est de nature programmatique, comme l'a également observé le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi. Cela ressort également assez clairement du dispositif de cet article (la formulation : « l'État se donne pour objectif », l'absence de codification, l'horizon de 2026 donné à la création de ce dispositif), bien que l'emploi du futur à plusieurs reprises au sein de cet article soit source d'ambiguïté.

Dans le détail, cet article compte six alinéas.

Le premier assigne à l'État un « objectif de mise en place, d'ici à 2026, en coordination avec les régions, de diagnostics pour fournir des informations utiles aux exploitants agricoles lors des différentes étapes de la vie de l'exploitation ». La notion d'« étapes de la vie de l'exploitation » est imprécise, mais semble renvoyer en particulier à l'installation-transmission, voire à des réorientations de la conduite d'une exploitation au cours d'une carrière.

Le deuxième assigne plusieurs objectifs à ces diagnostics : en tout état de cause, « faciliter l'installation-transmission » et « accélérer la transition agroécologique » et, à titre semble-t-il subsidiaire voire facultatif, « orienter et accompagner les agriculteurs à différentes étapes du cycle de leur exploitation ». Cela donne des indices sur la nature des « informations utiles » qui pourraient être fournies aux agriculteurs par ces diagnostics, bien que la formulation reste très générale.

Le troisième alinéa précise le contenu du diagnostic : il s'agit « d'évaluer l'exploitation au regard de son adaptation au changement climatique et au regard de sa contribution à l'atténuation du changement climatique), ce qui doit prendre en compte les spécificités territoriales et thématiques des exploitations, notamment s'agissant des sols et de l'eau.

Le quatrième alinéa détaille le contenu du diagnostic et notamment le module d'évaluation des principaux déterminants de la qualité et de la santé des sols de l'exploitation.

Le cinquième alinéa fait état d'une réflexion de l'État sur la mise en place d'un module de « stress test climatique » des projets d'installation en agriculture dès 2025, en lien avec France services agriculture, en vue d'une généralisation de ce module en 2026.

Le sixième alinéa mentionne, lui, une réflexion de l'État sur les conditions d'encadrement des diagnostics afin d'assurer leur homogénéité et qualité. Une réflexion est également envisagée s'agissant de la conditionnalité du bénéfice de certaines aides publiques à la réalisation de certains modules d'évaluation dudit diagnostic.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - Des modifications impressionnistes en commission avant une réécriture globale en séance

A. En commission, un renforcement de la dimension économique du diagnostic, et un effacement progressif du diagnostic des sols

Onze amendements ont été adoptés par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale

Un amendement n° 3398 du rapporteur thématique Pascal Lecamp réécrit les deux premiers alinéas pour y apporter des améliorations rédactionnelles (« un cadre de réalisation de diagnostics ») et en renforcer la dimension économique (« étapes de la vie économique de l'exploitation », « conforter la viabilité économique des projets, dans un contexte de transitions agroécologique et climatique » plutôt qu'« accélérer leur transition agroécologique et climatique »). Par coordination, il précise que la « viabilité » doit s'entendre en un sens économique (al. 5).

Sur cet amendement, deux sous-amendements identiques n° 3644 de Mme Hignet (LFI) et n° 3601 de M. Potier (Socialistes), travaillés avec la fédération nationale des Cuma, ont été adoptés et prévoient que ce diagnostic « participe à l'amélioration de la maîtrise des coûts et la stratégie liées à la mécanisation ».

Un amendement n° CE3399 du rapporteur thématique Pascal Lecamp détaille les modalités de prise en compte des spécificités territoriales et thématiques dans ce diagnostic :

- d'abord, tout en maintenant la prise en compte des spécificités relatives à la ressource en eau, l'amendement préfère parler de prise en compte « des caractéristiques pédoclimatiques » plutôt que de prise en compte des « spécificités relatives des sols », ce qui n'emporte probablement aucune conséquence juridique ;

- ensuite, l'amendement prévoit la prise en compte par ce diagnostic des spécificités relatives « aux productions et aux capacités de diversification de l'exploitation » et prévoit que « l'évaluation de l'exploitation s'appuie sur une analyse de la performance économique de l'exploitation ». Cela renforce à nouveau la dimension économique de ce diagnostic et vise à rassurer le monde agricole quant au fait qu'il ne s'agit pas « d'un outil qui pourrait être utilisé à des fins contraires à l'intérêt des exploitants agricoles, notamment en alimentant des spéculations sur ce foncier agricole ».

Un amendement n° CE3400 du rapporteur thématique Pascal Lecamp réécrit l'alinéa 4 : plutôt que de « comporter un module d'évaluation des principaux déterminants de la qualité et de la santé des sols des parcelles de l'exploitation, qui aura pour objet de fournir une information claire et transparente sur l'état des sols », il prévoit plus simplement que le diagnostic a « pour objet de fournir une information claire et transparente sur l'état des sols, en particulier concernant la matière organique présente ». Cela allège formellement la rédaction, et, sur le fond, cela supprime la notion de « déterminants de la qualité et de la santé des sols ». Est en revanche ajoutée la notion de « matière organique », qui paraît plus neutre, bien qu'il existe des recoupements avec la santé et la qualité des sols. De l'aveu du rapporteur, selon l'exposé des motifs de cet amendement, cette réécriture a pour objet « rassurer » sur ce module « plutôt mal compris par les acteurs interrogés lors des auditions », et de contenir un « risque de dérive ».

Il faut noter un sous-amendement n° CE3640 de M. de Courson et deux collègues du groupe LIOT, qui semble avoir pris de court le Gouvernement (avis de sagesse) et le rapporteur (qui a finalement donné un avis favorable), pour :

- dispenser de diagnostic les exploitants de terres ayant fait l'objet d'un « état des lieux » d'entrée de bail rural - cet état des lieux est réalisé non lors d'une transmission ou d'une installation, mais lors d'un changement de bailleur ou de preneur. D'après le Gouvernement, il ne serait réalisé qu'à 20 % pour les terres céréalières et 50 % pour les terres d'élevage à ce jour ;

- et rendre le diagnostic des sols facultatif au sein du diagnostic de l'exploitation.

Par ailleurs, un amendement n° CE692 de Mme Blin et plusieurs de ses collègues du groupe LR a supprimé l'article 6, relatif à l'encadrement des diagnostics, afin d'assurer leur homogénéité et qualité, et au conditionnement du bénéfice de certaines aides publiques, ce dernier aspect en particulier étant présenté, dans l'exposé sommaire de l'amendement, comme « une contrainte normative supplémentaire » « réduisant nos agriculteurs à des acteurs qui seraient nocifs pour l'environnement ».

En outre, deux amendements identiques n° CE 1893 de M. de Courson et n° CE3118 de Mme Morel et plusieurs de ses collègues du groupe MoDem, ont été adoptés, articulant le diagnostic prévu au présent article avec l'article 10, qui institue le réseau « France Services Agriculture » : il prévoit que « les structures de conseil et d'accompagnement agréées » « sont chargées de faire la promotion du diagnostic modulaire auprès des porteurs de projet et cédants ». Le principe de cette promotion est cohérent avec l'adoption de l'amendement n° CE3640, qui a rendu ce diagnostic facultatif (cf. ci-dessus). L'exposé sommaire de cet amendement mentionne « l'objectif, à terme, que tout projet d'installation comme de transmission ait pu bénéficier d'un tel diagnostic ». Un sous-amendement n° CE3534 du rapporteur Pascal Lecamp a toutefois substitué à la mention de ces structures de conseil et d'accompagnement agréées, celle du réseau France Services Agriculture, par cohérence juridique.

Enfin, un amendement n° CE3316 de Mme Klinkert et plusieurs collègues de la majorité présidentielle a complété cet article par les quatre alinéas suivants :

« Dans le cadre de ses objectifs de renouvellement des générations et de pérennité des exploitations familiales, l'État s'engage à mettre en place une fiscalité de la transmission des biens agricoles. Cette fiscalité visera à libérer la transmission du foncier agricole loué par bail à long terme, sous réserve d'engagements de conservation des biens par les bénéficiaires de la transmission ou leurs ayants-droits.

« De plus, afin de favoriser une meilleure circulation des richesses au profit des jeunes générations, notamment en encourageant la transmission de patrimoine de leur vivant, les mesures fiscales prévoiront une augmentation de l'abattement relatif aux transmissions en ligne directe.

« Par ailleurs, afin de promouvoir une organisation rationnelle, rentable et durable des exploitations agricoles, l'État s'engage à lever les freins aux échanges de biens ruraux.

« Enfin, l'État examinera les conditions de mise en place de ces mesures dès l'année 2025, dans le but d'assurer une mise en oeuvre efficace et adaptée à ces objectifs. »

Sans effet juridique, puisqu'elles sont de nature programmatique, en dépit de leur relative précision, ces dispositions fiscales relèvent surtout de l'affichage. L'exposé sommaire de cet amendement rappelle que « le Gouvernement a reporté l'évaluation des mesures fiscales à une mission future ».

B. En séance publique, un amendement de rédaction globale des rapporteurs, qui porte le coup de grâce au diagnostic des sols

En séance publique, a été adopté un amendement n° 2260 du rapporteur thématique Pascal Lecamp, cosigné par ses corapporteurs et par le président de la commission des affaires économiques Stéphane Travert, consistant en une rédaction globale de l'article.

À la suite de l'adoption de cet amendement, l'article 9 est ainsi rédigé, en huit alinéas :

« I. - Au plus tard en 2026, l'État se donne pour objectif, en coordination avec les régions, d'accompagner la création et de promouvoir la mise en oeuvre d'un diagnostic modulaire de l'exploitation agricole. Il s'appuie sur le réseau « France Services Agriculture » prévu au dernier alinéa du I de l'article 8 de la présente loi pour accompagner les exploitants agricoles et les personnes ayant un projet d'installation dans la réalisation et l'exploitation de ce diagnostic.

« Le diagnostic modulaire est destiné à fournir des informations utiles aux exploitants agricoles pour les orienter et les accompagner lors des différentes étapes de la vie de l'exploitation. Il est notamment mobilisé lors de la cession d'une exploitation agricole et lors de l'installation d'un nouvel exploitant agricole.

« II. - Le diagnostic de l'exploitation agricole permet de faciliter la transmission des exploitations ou l'installation de nouveaux exploitants agricoles. Il permet de renforcer la viabilité économique, environnementale et sociale des projets d'installation et de cession d'exploitations agricoles.

« Il est notamment composé des modules suivants, qui peuvent être mobilisés indépendamment les uns des autres :

« 1° Un module de « stress-test climatique » qui permet d'évaluer la résilience du projet d'installation ou de transmission face aux conséquences du changement climatique, estimée au regard de la trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique et de sa capacité à contribuer à l'atténuation de celui-ci, notamment par la mise en place de pratiques agroécologiques ;

« 2° Un module d'analyse économique de l'exploitation à transmettre ou du projet d'installation au regard des productions concernées par le projet et de leurs débouchés, des capacités de diversification de l'exploitation et de ses capacités de restructuration, ainsi que de la stratégie de maîtrise des coûts, notamment ceux liés à la mécanisation ;

« 3° Un module consacré à l'aspect social du projet afin de prendre en compte les conditions de travail sur l'exploitation, notamment en matière de santé et sécurité.

« III. - Le Gouvernement élabore un cadre pour la conception et la mise en oeuvre des modules mentionnés au II du présent article et de tout autre module utile à l'atteinte des objectifs mentionnés au I du présent article, par exemple un module relatif à la valeur de reprise des exploitations agricoles à céder. Il veille au déploiement homogène des diagnostics au sein du réseau « France Services Agriculture » prévu au dernier alinéa du I de l'article 8. »

Il ressort de cette rédaction que la charge de mettre en place ces diagnostics ne reviendrait plus à l'État, qui serait seulement chargé d'accompagner et de promouvoir leur mise en oeuvre. Le diagnostic change par ailleurs de nature : plutôt que « des diagnostics destinés à fournir des informations utiles », il devient un « diagnostic modulaire de l'exploitation agricole », avec trois modules prioritaires : le stress test climatique de l'exploitation, un module économique et un module social.

IV. La position de la commission - Un outil intéressant à condition qu'il demeure facultatif, que son absence ne restreigne pas le bénéfice d'aides publiques, et qu'il apporte des informations véritablement utiles aux agriculteurs dans la conduite de leur exploitation

A. Les critiques que les rapporteurs adressent à ce dispositif sont de plusieurs ordres

La FNSEA portait deux amendements sur cet article 9, le premier visant à supprimer le module d'évaluation des principaux déterminants de la qualité et de la santé des sols, et le second visant à supprimer la possibilité de conditionner le bénéfice de certaines aides publiques à la réalisation de certains modules du diagnostic.

La fondation Nature et Homme a, elle, jugé que ce diagnostic était « un outil intéressant, qui reste à améliorer ».

Les rapporteurs, attachés à la liberté d'entreprendre d'une part, et désireux d'éviter le phénomène de l'installation pour l'installation, sans se préoccuper de la pérennité des installations, se sont inquiétés de plusieurs aspects de ce diagnostic.

Le premier, et le plus important, tient à l'absence de la « viabilité économique des projets » parmi les items qui seraient évalués par le diagnostic destiné à fournir des informations utiles aux exploitants. Seules l'adaptation au changement climatique et l'atténuation du changement climatique sont explicitement citées parmi les enjeux faisant l'objet d'une évaluation dans le cadre du diagnostic proposé par le Gouvernement. Alors que 125 000 exploitations dégagent moins de 25 000 € de chiffre d'affaires annuels, les rapporteurs jugent essentiel d'évaluer également la résilience économique des projets d'installation, une nécessité à double titre : d'abord pour assurer le bon usage des deniers publics, l'état dégradé des finances publiques ne permettant pas de financer des installations qui ne seraient pas viables, cessant après quelques années voire quelques mois ; et ensuite pour ne pas laisser des agriculteurs s'engager dans un modèle économique qui ne serait manifestement pas à même de leur garantir un revenu et des conditions de travail soutenables.

Le deuxième a trait au risque de complexité administrative accrue pour les agriculteurs, pouvant avoir pour effet de freiner l'installation et la transmission, en contradiction avec l'objet même de la loi. Cette inquiétude a cependant été partiellement levée par la rédaction globale à l'Assemblée nationale, qui prévoit que ce diagnostic est facultatif. Elle subsiste sous la forme de la notion de conditionnalité du bénéfice de « certaines aides publiques » et non pas à « la réalisation de certains modules ».

Une troisième préoccupation est relative au risque que les petites exploitations soient pénalisées, dans la mesure où elles disposent de moins de ressources pour financer la réalisation de ce diagnostic d'une part, et dans la mesure où elles ont moins de capacité d'investissement pour se mettre aux normes par l'acquisition de nouvelles technologies favorisant leur résilience. L'effet pervers de cette loi serait ainsi que, alors qu'elle a pour objet l'installation et la transmission, elle favorise en définitive l'agrandissement des exploitations. Les modalités de financement gagneraient donc selon les rapporteurs à être précisées, ce que la forme programmatique de cet article permet.

Le dernier point tient, enfin, à l'absence de la notion de performance agronomique des sols. Le module du diagnostic relatif à la qualité et la santé des sols a suscité beaucoup de craintes à l'Assemblée nationale parce que la rédaction ne témoignait pas d'une attention suffisante aux sols en tant que capital économique à préserver pour l'exploitant.

B. L'adoption en commission d'un amendement de rédaction globale des rapporteurs

Lors de l'examen en commission de cet article 9, les rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb ont proposé l'adoption d'un amendement de rédaction globale COM-382, tenant compte de leurs critiques, adopté par la commission et faisant tomber vingt-neuf amendements en discussion commune.

Cet amendement de rédaction globale, toujours programmatique, procède à quatre modifications substantielles par rapport à l'article 9 tel qu'issu des débats de l'Assemblée nationale.

Premièrement, après avoir clairement rappelé que ces diagnostics sont réalisés sur la base du volontariat, ce qui n'était pas parfaitement explicite dans le texte de l'Assemblée nationale, l'amendement - déposé avant la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024 - avance à 2025 l'objectif de mise en oeuvre de ces diagnostics, pour accélérer dans l'atteinte des objectifs fixés à ces diagnostics.

Deuxièmement, ces diagnostics sont élargis aux « projets agricoles » et non plus à la seule « exploitation », afin de prendre en compte tous les aspects de l'activité agricole, y compris dans leur dimension humaine et entrepreneuriale. Ils sont renommés « diagnostics de viabilité économique et de vivabilité » des projets agricoles et fournissent des informations sur : 1° les débouchés et la volatilité du marché dans une spécialisation donnée ; 2° la résilience de l'exploitation au regard d'un stress test aléas climatiques à horizon 2050 ; 3° la gestion des actifs et la maîtrise des coûts de production ; 4° l'organisation du travail ; 5° les éventuels besoins de formation du porteur de projet. Une tonalité davantage économique est donc donnée à cet outil, sans négliger pour autant ses dimensions écologique et sociale.

Troisièmement, l'amendement établit l'objectif de gratuité des diagnostics lors de périodes clés d'un projet agricole. À ce jour, pour un diagnostic complet d'une exploitation, le coût peut osciller entre 3 000 et 3 500 €, qui peuvent être pris en charge dans le meilleur des cas jusqu'à 90 %, laissant un reste à charge non négligeable. Or, un régime-cadre exempté de notification est déjà en vigueur pour les aides aux services de conseil dans le secteur agricole (SA.109 081), qui permettrait de ne pas inclure ces financements dans le quota d'aides de minimis agricoles perçu par les agriculteurs.

Les périodes clés seraient définies comme les trois premières années après une installation et l'année précédant cette installation, ainsi que les trois dernières années avant la cessation de l'activité agricole, dès lors que le futur cédant a transmis sa déclaration de cessation d'activité agricole. Dans ces deux cas, les diagnostics seraient alors réalisés par l'une des structures de conseil et d'accompagnement dans le cadre du réseau France installations-transmissions prévu à l'article 10.

Les informations génériques du diagnostic peuvent, après accord de la personne concernée, être transmises au réseau, qui peut les mobiliser à des fins d'orientation et d'accompagnement des personnes ayant un projet d'installation. L'amendement propose ainsi une articulation plus claire entre ce diagnostic et le guichet unique de l'installation-transmission.

Quatrièmement, l'amendement prévoit un cahier des charges des diagnostics par l'État, après avis des régions, afin d'assurer l'équilibre entre leur homogénéité et leur adaptation aux spécificités territoriales, ainsi qu'un agrément de l'État pour ceux éligibles à un financement public intégral.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

CHAPITRE II
Mesures en matière d'installation des agriculteurs
et de transmission des exploitations
Article 9 bis (nouveau)
Cartographie des opportunités et risques de marché à horizon de 20 ans
pour orienter les candidats à l'installation qui le souhaitent
vers les spécialisations les plus prometteuses

Introduit en commission par un amendement des rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb, cet article prévoit l'élaboration par l'État d'une rapport, sous forme de cartographie des opportunités et risques de marché à horizon vingt ans, actualisée tous les 5 ans, pour présenter aux acteurs de la politique de formation et d'installation les contraintes pesant sur l'offre et la demande de produits agricoles et alimentaires et les informer des évolutions attendues des aptitudes productives et des tendances de consommation à moyen et long termes. Il vise ainsi à faire des opportunités et risques de marché à horizon vingt ans le principe directeur de la politique d'installation, afin d'orienter les candidats à l'installation qui le souhaitent vers les spécialisations les plus prometteuses.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé.

I. Des mutations de marché aujourd'hui davantage subies qu'anticipées

Lors de son audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, le 5 novembre 2024, la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt Annie Genevard a par ailleurs pris l'exemple de la coriandre pour souligner le besoin de s'appuyer sur le marché pour donner aux agriculteurs toutes les clés pour se spécialiser dans les productions répondant à des besoins : « Comment accompagner la diversification ? Il faut éviter les erreurs stratégiques telles que la coriandre, qui a été un engouement sans marché. S'il y a diversification, il faut qu'il y ait marché. Il faut des débouchés : c'est une loi universelle de l'économie. »

De même, la tendance à la déconsommation des produits vitivinicoles, pourtant à l'oeuvre depuis plusieurs décennies, ne semble pas avoir été suffisamment anticipée et n'a pas donné lieu à tout l'accompagnement qui aurait été souhaitable.

Certains acteurs avaient pointé que la plantation de vignes dédiées à la production de cognac, dans un contexte où la demande internationale était haussière, avait été excessive et imprudente, ce que la diminution des exportations vers les États-Unis en lien avec des sanctions économiques, et peut-être du fait de l'essoufflement d'un effet de mode, laisserait augurer.

Par conséquent, la crise viticole s'est traduite par des plans d'arrachage ou des aides à la distillation, qui témoignent d'une forme d'impréparation de l'écosystème agricole des régions concernées.

En complément de cet accent sur les évolutions des conditions de commercialisation et sur les débouchés économiques des productions agricoles, une attention doit être portée aux évolutions des conditions de production.

Le changement climatique ajoute en effet plusieurs facteurs d'incertitude à ceux, déjà nombreux, que doivent affronter les jeunes agriculteurs au moment de leur installation. En première ligne face aux effets du changement climatique, l'agriculture subit les conséquences d'aléas récurrents, donnant lieu à une fluctuation importante des revenus et encourageant l'envolée des indemnisations de crise, une logique d'à-coups, subis, qui ne satisfait personne.

Entendu par la commission des affaires économiques mercredi 7 février 2024, dans le contexte de la crise agricole de l'hiver 2023-34, le président de Chambres d'agriculture France, Sébastien Windsor, avait ainsi livré son interprétation des causes de l'irruption de ladite crise.

Il affirmait : « Revenons d'abord sur les causes du mouvement agricole, parti d'Occitanie, une région dont la situation diffère légèrement, du point de vue économique, des autres régions françaises. Pour plusieurs raisons en effet, les revenus agricoles y sont parmi les plus bas. L'Occitanie est d'abord particulièrement touchée par le réchauffement climatique. Dans les Pyrénées-Orientales, il n'est ainsi tombé que 200 millimètres de pluie en un an, soit moins qu'au Qatar, et la dernière pluie significative de plus de 10 millimètres remonte à près de deux ans. Il va sans dire que dans ces conditions, l'agriculture ne peut être florissante.

Par ailleurs, cette région produit en forte quantité des fruits et légumes, pour lesquels les revalorisations ont été les plus faibles, en raison notamment de la concurrence de produits d'importation qui ne sont pas soumis aux mêmes règles. À l'inverse, les régions céréalières, dans les "zones intermédiaires" qui vont des Charentes au Grand Est, ont pu bénéficier d'une revalorisation du prix des céréales, venue compenser la baisse des rendements. »

Dans la suite de cette crise, après une première annonce en ce sens en avril 2024, le Gouvernement a lancé des concertations en vue d'un plan pour l'adaptation de l'agriculture méditerranéenne aux impacts du dérèglement climatique (ou « plan agriculture climat Méditerranée »), le 16 juillet, soit quelques semaines après le dépôt de l'amendement donnant lieu à l'adoption du présent article. Ce plan a vocation à suivre une triple approche :

- « territoriale, en ancrant la production dans un territoire et en produisant sur un bassin pour répondre à une demande de marché ;

- de filière et de valorisation du produit, pour tirer le maximum de valeur ajoutée à la production ;

- et de diversification et de changement de pratiques dans les systèmes de production agricole, pour que l'activité agricole génère du revenu et pour lutter contre une volatilité de la production et des marchés accrue par le changement climatique ».

Dans le cadre de ce plan, serait encouragée une logique de « contractualisation entre agriculteurs, transformateurs, collectivités territoriales et État, améliorant notre souveraineté alimentaire et la résilience climatique des territoires », financée par les crédits de la planification écologique. Le plan faciliterait également des expérimentations de la part des filières, en lien avec les collectivités territoriales.

Le troisième plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3), présenté le 25 octobre par le Premier ministre Michel Barnier et la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques Agnès Pannier-Runacher, inclut une mesure 37 consistant en un « diagnostic d'évaluation de la résilience d'une exploitation face au changement climatique », qui fait écho à l'article 9 du présent projet de loi d'orientation.

Ce tableau, qui illustre de façon générale le besoin d'anticipation des pouvoirs publics et des filières agricoles, justifie la mise à disposition d'outils pour mieux anticiper ce que sera l'agriculture de demain, à une échelle « macro », en complément de l'outil « micro » des diagnostics prévus à l'article 9.

II. La position de la commission - La nécessité de mieux anticiper les opportunités et risques de marché à moyen-long terme pour orienter les candidats à l'installation vers les spécialisations les plus prometteuses

Introduit en commission par un amendement portant article additionnel COM-384 des rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb, cet article prévoit l'élaboration par l'État d'une « cartographie des opportunités et risques de marché à horizon 20 ans, actualisée tous les 5 ans, pour faire état des contraintes pesant actuellement sur l'offre et la demande de produits agricoles et alimentaires aux acteurs de la politique de formation et d'installation, et les informer dès à présent : 1° À l'amont, des évolutions observées et anticipées des aptitudes productives liées aux déterminants des coûts de production, et y compris aux variables environnementales et sanitaires par région ; 2° À l'aval, des évolutions observées et anticipées de la consommation liées aux tendances démographiques et culturelles ainsi qu'aux risques réglementaires, fiscaux et de nature géopolitique pouvant priver de certains débouchés ».

En pratique, il s'agirait d'un rapport, sous forme de « cartographie », détaillant les aptitudes productives :

- liée aux variables climatiques, environnementales ou sanitaires par région : risques accrus pour telle culture dans telle région en raison de la modification du régime des pluies ou de la hausse des pertes de récolte, ou au contraire opportunités liées à l'avancement des calendriers culturaux et à l'accélération de la phénologie des végétaux (par exemple, évolution des latitudes pour la viticulture et, en élevage, hausse ou baisse de risques pathogènes en fonction des températures) ;

- et liées aux autres déterminants des coûts de production : (in)disponibilité du foncier, automatisation par la robotique en lien avec les évolutions de la fiscalité du travail, risque de hausse du prix du carburant et potentiel d'électrification des usages, difficultés ou facilités d'approvisionnement en intrants dans la région (aliments, engrais, phyto, eau).

Ce rapport indiquerait également, à l'aval, ce que pourraient être :

- les tendances de consommation à moyen terme en fonction d'études de marché tenant compte des évolutions démographiques (croissance de la consommation de viande à l'échelle mondiale, stabilisation à l'échelle nationale) et culturelles (développement de la restauration hors foyer, réduction du temps passé en cuisine, attention croissante à la nutrition et à l'origine des produits), ainsi que des éventuels effets de mode ;

- les risques réglementaires et fiscaux liés à d'éventuels conflits géopolitiques (alertes si trop d'exposition à un seul client, par exemple le cognac vers les États-Unis ou la viande de porc vers la Chine) ou à la mise en oeuvre au sein de l'UE et chez nos principaux clients des politiques publiques identifiées comme prioritaires dans leurs stratégies (stratégies bas carbone, biomasse, protéines, biodiversité, nutrition-climat, affichage de la durabilité des produits voire fiscalité nutritionnelle, quota de produits durables et de qualité, règles relatives aux emballages).

Une déclinaison régionale de ce rapport devrait être réalisée.

Il s'agirait d'un exercice prospectif inédit, qui serait mis à disposition en ligne et n'aurait qu'une valeur informative, mais serait une feuille de route indispensable pour aiguiller la politique d'installation française à long terme, évitant des à-coups, crises de surproduction et « actifs échoués ».

Cet outil permettrait de faire du marché, et des opportunités et risques pesant sur l'offre et la demande à horizon 20 ans, le principe directeur de la politique d'installation. Il ne saurait pour autant être contraignant, car il verserait sinon dans une logique de planification qui n'a pas fourni la preuve de son efficacité.

Il constituerait par ailleurs un levier non contraignant d'adaptation de notre agriculture au changement climatique, permettant de préserver la capacité productive de la ferme France.

On ne peut en effet imposer un diagnostic individuel comme à l'article 9, sans être d'abord en capacité de réaliser un tel diagnostic collectif de la ferme France, auquel se référer.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 10
Création du réseau « France services agriculture »

Cet article vise à améliorer la mise en relation des cédants et des candidats à l'installation par la mise en place d'un guichet unique, France Services Agriculture, en réalité un réseau regroupant trois types d'acteurs : les chambres d'agriculture en tant que guichet unique d'accueil, les structures de conseil et d'accompagnement vers lesquelles les candidats à l'installation peuvent être fléchées, ainsi que les établissements publics d'enseignement (lycées, etc.).

La commission a adopté seize amendements afin de procéder à une refonte du guichet unique, renommé France Installations-Transmissions, pour plus de lisibilité et de souplesse dans le dispositif, misant sur les incitations plutôt que les contraintes.

Elle a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Face à l'ampleur du renouvellement des générations à venir dans les dix prochaines années, une gouvernance de l'installation-transmission inadaptée

A. Les concertations menées en amont de l'élaboration de ce projet de loi d'orientation ont fait apparaître un besoin criant d'amélioration de la mise en relation des cédants et des candidats à l'installation

Comme indiqué plus haut (commentaire de l'article 8), « selon les projections de la Cour des comptes, la diminution prévue du nombre d'exploitations à horizon 2035 étant de 1,9 % par an, c'est un véritable « plan social » de 100 000 fermes en 15 ans qui se profile, soit 1 exploitation sur 4 aujourd'hui en activité. Cette tendance porte en elle le risque d'une « désagricolisation » de la France, sur le modèle de la désindustrialisation connue par le pays depuis les années 1980.

Ce « plan social » de la ferme France intervient toutefois en silence car il s'opère exploitants par le non-renouvellement des exploitants en fin d'activité. Sur 496 000 exploitants agricoles en activité en 2020, 290 000 ont au moins 50 ans (58 %) et 215 000 ont au moins 55 ans (43 %). Environ 50 % des agriculteurs auront atteint l'âge légal de la retraite (64 ans) à horizon 2030114(*), ce qui pose un défi numérique en termes de renouvellement des générations, particulièrement aigu dans certaines régions, comme les outre-mer, dans le sud-ouest, dans l'arc méditerranéen, en Normandie, en Ile-de-France et en Alsace (cf. carte ci-dessous). »

Source : recensement agricole 2020 (Agreste115(*))

Il se trouve qu'en plus d'avoir des profils démographiques différents (cf. carte ci-dessus), toutes les régions ne sont pas égales en ce qui concerne le niveau d'information quant au potentiel repreneur (cf. carte ci-dessous).

Ainsi, « les régions Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes ont pour caractéristiques d'avoir des SAU importantes, le plus haut niveau de SAU à reprendre dans les sept prochaines années et des taux d'incertitudes élevés ». Or, il s'agit de régions dans lesquelles la contestation agricole de l'hiver 2023-24 a été la plus forte.

Source : Cour des comptes116(*)

B. Une politique d'installation, largement remaniée par la loi d'avenir de 2014, qui établit une procédure unique...

Le chapitre préliminaire (« la politique d'installation et de transmission en agriculture ») du titre III (« la politique d'installation et le contrôle des structures et de la production ») du livre III du code rural et de la pêche maritime, qui régit la politique d'installation, a été profondément remanié il y a désormais dix ans, par la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAF) de 2014.

Ainsi, l'article L. 330-1 du code rural dispose que l'État en « détermine le cadre réglementaire national », même si « les autorités de gestion régionales fixent le cadre réglementaire applicable aux aides à l'installation de jeunes agriculteurs et de nouveaux agriculteurs et à la création de nouvelles entreprises rurales », « dans le respect du plan stratégique national ».

L'article L. 330-2 (issu de l'article 31 de la LAAF) prévoit qu'« afin de faciliter l'accès aux responsabilités de chef d'exploitation, il est instauré, dans des conditions fixées par décret, un dispositif d'installation progressive mis en place sur une période maximale de cinq ans ». Les modalités d'application de cet article sont renvoyées à un décret.

Il est prévu que ces personnes s'inscrivant dans ce processus et ne relevant pas d'un régime de sécurité sociale « bénéficient d'un contrat de couverture sociale pour l'installation en agriculture » et aient le statut de « stagiaires de la formation professionnelle continue » (art. L. 330-3 du CRPM).

Un article L. 330-4 du CRPM instituait une aide aux exploitants de plus de 57 ans employant (à temps plein ou aux quatre cinquièmes117(*)) une personne de 26 à 30 ans autre qu'un parent (jusqu'au troisième degré) ou un stagiaire de 30 au plus. Cette transposition à l'agriculture des « contrats de génération » a toutefois été abrogée par une ordonnance du 20 décembre 2017.

L'article L. 330-5 du code rural et de la pêche maritime établit une procédure destinée à favoriser la mise en relation entre les cédants et les candidats à l'installation.

À cette fin, il prévoit l'obligation, pour les exploitants agricoles, trois ans au moins avant leur départ en retraite, de transmettre à l'autorité administrative une déclaration d'intention de cessation d'activité agricole (DICAA). Cette déclaration mentionne les caractéristiques de l'exploitation et indique si cette exploitation va devenir disponible. À cette fin, les MSA envoient un courrier normalement dès quatre avant l'âge légal de la retraite.

Cette notification est nécessaire pour bénéficier éventuellement, à la date prévue, de l'autorisation de poursuivre la mise en valeur de l'exploitation ou d'une partie de celle-ci dans les conditions prévues aux articles L. 732-39 et L. 732-40.

Les informations communiquées par l'exploitant agricole dans sa DICAA « peuvent être portées à la connaissance du public ». Un répertoire à l'installation, qui existe déjà, notamment pour les personnes cadre, serait à nouveau mentionné dans la loi.

Il est toutefois prévu que cette obligation ne s'applique pas « en cas de force majeure », ce qui amoindrit considérablement la portée de cet article. De fait, d'après les interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs à l'occasion de la préparation de l'examen du texte, seulement un quart des exploitations concernés s'acquittent de leur obligation.

Par ailleurs, l'accompagnement est généralement payant lorsqu'il se déroule au-delà de trois jours de formation.

Aujourd'hui, les différentes étapes du parcours à l'installation sont résumées par le schéma suivant :

- passage par le point accueil-installation-transmission (PAIT), porte d'entrée unique qui a succédé aux points information-installation dans la suite des Assises de l'installation de 2013. Le budget de l'Aita (aide à l'installation-transmission des agriculteurs est de 20 M€ au total) ;

- auto-diagnostic ;

- plan de professionnalisation personnalisé (plus souvent appelé « 3P »), qui dure en pratique entre 4 et 6 mois, mais peut durer jusqu'à 36 mois ;

- « stage 21 h » ;

- plan d'entreprise durable et étude globale d'installation...

C. ... ce qui n'empêche pas une dispersion des acteurs pouvant être impliqué dans cette politique

Aujourd'hui, les modalités de cette mission de service public d'accompagnement des candidats à l'installation des chambres sont définies par décret.

Des critiques se sont fait jour quant aux garanties d'indépendance que pouvaient accorder les certaines chambres d'agriculture, compte tenu du mode de scrutin de ces élections. En particulier, en agriculture biologique, de nombreux agriculteur préfèrent passer par des Civam.

L'annexe 11 au rapport de la Cour des comptes précité (infra) fait ressortir une dispersion des situations d'une région à l'autre voire d'un département à l'autre, avec les cas particuliers notables de l'Aveyron (collectivité du sénateur rapporteur pour avis Jean-Claude Anglars), du Grand Est (collectivité du rapporteur Franck Menonville), du Lot-et-Garonne, du Tarn-et-Garonne.

II. Le dispositif envisagé - France Services Agriculture n'est pas une institution supplémentaire en tant que telle, mais constitue davantage une refonte du processus d'accompagnement à l'installation

Non programmatique contrairement à l'article 8 - qui mentionne un réseau « France services agriculture » chargé d'accueillir, d'orienter et d'accompagner de façon personnalisée et coordonnée l'ensemble des cédants et repreneurs -, l'article 10 crée en tant que tel « France Services Agriculture », un réseau constitué de trois niveaux, composé des acteurs suivants :

- la chambre départementale d'agriculture (qui fait office de guichet unique de l'installation-transmission) ;

- des structures de conseil et d'accompagnement agréées ;

- et des établissements d'enseignement et de formation agricoles.

Cet article relativement long compte 27 alinéas. Dans le détail, un I compte 22 alinéas :

- son 1° crée une obligation pour les cédants, « cinq ans au moins avant leur départ à la retraite » de communiquer au guichet unique de l'installation-transmission, leur « intention de cesser leur activité et les caractéristiques de [leur] exploitation », en indiquant « s'ils ont ou non identifié un repreneur potentiel ». Il crée un répertoire départemental unique, dans des conditions définies par décret, pour recueillir ces informations et faciliter les mises en relation entre cédants et repreneurs. Le guichet unique de l'installation-transmission, qui doit être régulièrement informé par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) sur l'âge minimal de départ à la retraite de chaque exploitant agricole, doit lui-même informer ce dernier, six ans avant qu'il atteigne cet âge, de cette obligation de notification.

- son 2° élargit la mission de service public des chambres départementales d'agriculture en matière d'installation à la transmission, et prévoit la mise en place d'un « point d'accueil départemental unique », chargé de « l'accueil initial, de l'information, de l'orientation et du suivi de tous les actifs et futurs actifs agricoles ».  Au passage, ce 2° supprime la disposition qui attribuait cette mission à l'Office du développement agricole et rural de la Corse (Odarc). Comme auparavant, un décret définit les conditions dans lesquelles s'exerce cette mission.

- son 3° prévoit un suivi de la politique d'installation par la chambre départementale d'agriculture, qui en rend compte au préfet ainsi qu'à l'instante régionale de concertation de cette politique.

- son 4° avalise les missions de Chambres d'agriculture France en matière de politique d'installation et de transmission, à l'appui notamment du répertoire départemental unique.

Le II prévoit, enfin, une entrée en vigueur différée.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - Après une réécriture substantielle en commission, des aménagements plus marginaux en séance

A. L'examen par la commission des affaires économiques a donné l'occasion de réorganiser complètement cet article

Cinq amendements ont été adoptés par la commission des affaires économiques lors de l'examen de cet article.

L'amendement CE3573, le plus substantiel d'entre eux, consiste en une réécriture complète des alinéas 2 à 15, remplacés par 23 alinéas. Il réorganise cet article, dont la rédaction ne rendait pas bien compte de la chronologie des étapes suivies par les candidats à l'installation.

De longs débats ont porté sur la remise d'une attestation, que le ministre au banc a appelé à maintenir, à la demande notamment des jeunes agriculteurs, quand bien même des députés de tous bords lui faisaient remarquer que cela constituait une complexité administrative superfétatoire.

B. En séance publique, une réouverture des publics accueillis par ce service public, et une mission non délégable

Les rapporteurs de la commission des affaires économiques ont déposé un amendement  3593, cosigné par le président de cette commission Stéphane Travert, pour que « le réseau propose un service d'accueil et d'orientation à toute personne qui exerce une activité agricole ou qui souhaite s'engager dans une activité agricole. Il propose un service de conseil et d'accompagnement à toute personne qui souhaite s'engager dans une activité agricole ou qui projette de cesser son activité agricole, dans les conditions prévues par les articles L. 330-5 à L.-330 8. »

Dix autres amendements du rapporteur thématique M. Pascal Lecamp, cosignés par les autres rapporteurs, procèdent pour l'essentiel à des améliorations rédactionnelles du texte, déjà profondément remanié en commission :

- un amendement n° 4418 prévoit un ou des textes réglementaires pour définir les conditions dans lesquelles le préfet contrôle l'action, fondée sur les articles L. 330-5 à L. 330-8 du code rural et de la pêche maritime, du réseau France Services Agriculture. En pratique, ce contrôle visera

- les amendements n° 2526, n° 2528 (remplaçant la notion de « porteur de projet » par celle de « personne ayant un projet ») et n° 2530, sont rédactionnels et n'appellent pas d'observation. Rédactionnel, l'amendement n° 2532 ne clarifie cependant pas la rédaction de l'alinéa modifié ;

- l'amendement n° 2529 est également rédactionnel mais opte pour une rédaction moins affirmée que la précédente, en ce qu'il remplace le suivi « de tous les actifs » par le suivi « des actifs » - ce qui renvoie à un débat sur le champ de compétence de France Services Agriculture, et à son extension ou non à l'ensemble des actifs agricoles, en dehors des seuls cédants ou des candidats à l'installation ;

- également présenté comme rédactionnel, l'amendement n° 2531 remplace la notion de « prescription » de formation par celle de « proposition » de formation, ce qui est en réalité porteur d'un changement juridique ;

- un amendement n° 2527 supprime de la loi les précisions relatives aux critères de rattachement géographique à un point d'accueil départemental unique, afin de les renvoyer au niveau réglementaire ;

- enfin, l'amendement n° 4720 supprime l'obligation de présenter une attestation sur demande de l'administration pour les personnes ayant eu recours au dispositif de conseil et d'accompagnement, ainsi que l'attestation elle-même. En effet, l'administration aura déjà accès à la liste des bénéficiaires d'une prestation de conseil ou d'accompagnement via le répertoire départemental unique. L'amendement n° 2533 procède à une coordination juridique avec cette suppression.

- La question de la nécessité ou non d'une telle attestation avait fait l'objet d'un débat nourri en commission, en raison de l'inutile complexité que cette obligation semblait induire. Le syndicat des jeunes agriculteurs avait cependant souligné en audition l'intérêt d'une telle attestation, destinée à maximiser le lien entre France Services Agriculture et la Mutualité sociale agricole, qui resterait sinon trop léger.

Le Gouvernement a, lui, déposé un amendement n°  4305 supprimant la possibilité, pour la chambre départementale d'agriculture, d'effectuer une « délégation à une structure de son choix » pour assurer sa mission de service public liée à la politique d'installation et de transmission en agriculture. À l'appui de son amendement, le Gouvernement indique que « laisser la possibilité d'une délégation à une autre structure va clairement à l'encontre du guichet unique », et que « le choix d'un guichet unique, assuré par les chambres d'agriculture, est une simplification forte au service de l'usager, que la possible délégation à une autre structure remet en cause ». Il poursuit : « dans le cas où certaines chambres d'agriculture délègueraient à d'autres structures leur mission de service public liée à la mise en place du point d'accueil unique, des pratiques hétérogènes venant mettre à mal l'équité de traitement des candidats au service FSA pourraient se développer, à rebours de l'objectif poursuivi par le Gouvernement ».

IV. La position de la commission - Une refonte du guichet unique, renommé France Installations-Transmissions, pour plus de lisibilité et de souplesse dans le dispositif, misant sur les incitations plutôt que les contraintes

La commission a largement remanié le guichet unique de l'installation-transmission prévu à l'article 10, adoptant en tout seize amendements sur cet article, pour que l'installation devienne un parcours clair, prévisible et mieux accompagné, permettant efficacement la mise en relation entre cédants et repreneurs.

A. Un tir nourri de critiques s'agissant des éventuelles atteintes à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle que porterait la réforme prévue au présent article

Tant le Conseil d'État que la défenseure des droits ont critiqué cet article 10, au motif qu'il pourrait porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle.

En pratique, cet article tend en effet à réaffirmer en effet la « singularité entrepreneuriale118(*) » des agriculteurs, à rebours de la tendance lourde des quinze dernières années, qui effaçait la particularité du métier d'agriculteur, considéré comme une activité entrepreneuriale banale, au même titre que le commerce ou l'artisanat. Ainsi, la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche a « contribué à faire de l'exploitation agricole une entreprise aux objectifs proches, du point de vue juridique, de ceux de toute entreprise », le président de la République Emmanuel Macron a proposé « de changer de posture, de passer de l'exploitant agricole à l'entrepreneur agricole », et le précédent ministre de l'agriculture, Julien Denormandie, a lancé un programme « Entrepreneurs du vivant ».

L'avis du Conseil d'État concentre ses critiques sur les atteintes à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle119(*)

« Mise en place d'un dispositif de conseil personnalisé lors de l'installation d'un agriculteur et lors de la transmission d'une exploitation

11. Le projet de loi modifie l'article L. 330-5 du code rural et de la pêche maritime afin d'imposer à l'exploitant, tenu de notifier son intention de cessation d'activité, une information plus précoce (cinq ans avant le départ en retraite au lieu de trois) de la chambre départementale d'agriculture, laquelle doit mettre en place un point d'accueil départemental unique pour l'installation des agriculteurs et la transmission des exploitations, chargé de gérer le répertoire unique destiné à faciliter la mise en relation entre cédants et repreneurs. Le projet de loi prévoit que toute personne ayant un projet d'installation ou de transmission d'exploitation doit prendre contact avec ce point d'accueil, qui l'orientera vers un réseau de structures de conseil et d'accompagnement agréées par l'État. Ces structures agréées fourniront au porteur de projet d'installation un conseil ou un accompagnement pour consolider la viabilité économique, environnementale et sociale de son projet, notamment au regard du changement climatique. Elles proposeront aux personnes souhaitant céder leur exploitation agricole un parcours spécifique d'accompagnement à la transmission, et pourront faciliter la mise en relations des cédants et des repreneurs. Elles pourront également proposer un parcours de formation avec l'appui d'un établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole.

12. Le Conseil d'État relève que, selon les indications données par le Gouvernement, l'obligation faite à tout agriculteur de notifier à l'avance son intention de cesser son activité agricole, comme l'obligation faite à tout porteur de projet d'installation ou de transmission d'une exploitation agricole de s'adresser à un guichet susceptible de l'orienter vers des structures chargées de lui proposer conseil et accompagnement, voire un parcours de formation, ainsi que l'obligation faite à tout porteur de projet de justifier avoir effectivement suivi le parcours ainsi établi ont fait l'objet d'un consensus à l'issue de la concertation, locale et nationale, menée en 2022-2023, et visent à mettre en oeuvre des recommandations du Conseil économique, social et environnemental ainsi qu'à répondre aux objectifs d'intérêt général de la politique agricole énoncés à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime et précisés par les dispositions programmatiques du projet de loi.

13. Il constate, toutefois, que ces dispositions imposent au secteur agricole un encadrement administratif lourd et que cet encadrement, qui doit être mis en perspective avec l'objectif retenu par l'article programmatique prévoyant la création d'un outil de diagnostic de l'exploitation agricole susceptible d'être intégré au parcours d'accompagnement, est de nature à contraindre l'exercice de l'activité d'exploitant agricole dans des proportions inédites.

Il considère, en particulier, que l'obligation faite aux exploitants agricoles de déclarer leur intention de cesser leur activité cinq ans, et non plus trois ans, avant leur cessation d'activité effective, à supposer qu'il soit possible de la mettre en oeuvre, assortie de la possibilité de conditionner le bénéfice des aides publiques accompagnant la transmission au respect de cette obligation comme au suivi effectif du parcours d'accompagnement personnalisé porte une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle qui découlent de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Il estime, en outre, que les dispositions du projet de loi qui subordonnent le bénéfice des dispositions des articles L. 732-39 ou L. 732-40 du code rural et de la pêche maritime à l'accomplissement de la notification de l'intention de cessation d'activité de l'exploitant agricole ne peuvent être maintenues. L'article L. 732-39, qui subordonne le versement d'une pension de retraite par le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles à la condition d'une cessation définitive de toute activité non salariée agricole, prévoit une exception pour une superficie communément désignée comme « parcelle de subsistance » dont l'exploitation peut se poursuivre et l'article L. 732-40 détermine les conditions, qu'il revient au préfet d'apprécier, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture instituée par l'article L. 313-1, pour autoriser l'agriculteur qui justifie de l'impossibilité de céder son exploitation à en poursuivre, pour une durée limitée, la mise en valeur tout en percevant sa pension de retraite. Le Conseil d'État relève que l'actuel article L. 330-5, qui subordonne « l'autorisation » de bénéficier des dispositions des articles L. 732-39 ou L. 732-40 à l'accomplissement, dans le délai prescrit, de la notification de l'intention de cessation d'activité de l'exploitant agricole, est dépourvu de sens en ce qui concerne le premier de ces articles, et porte une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre en ce qui concerne le second. Les dispositions du projet de loi, qui reprennent ce dispositif avec une rédaction amendée ne faisant plus référence à une « autorisation » et assouplissant la condition de délai pour l'accomplissement de la formalité, ajoutent une obligation procédurale sans justification aux conditions légales déterminées pour bénéficier du droit prévu à l'article L. 732-39, et sans portée utile au cadre défini à l'article L. 732-40 pour l'appréciation qu'il revient au préfet de porter sur l'impossibilité de cession de l'exploitation.

Le Conseil d'État considère, en conséquence, que le dispositif de notification figurant à l'article L. 330-5 ne peut être maintenu que sous réserve de ne pas retenir les conséquences attachées à la méconnaissance de cette obligation.

14. Le Conseil d'État préconise de préciser l'étude d'impact de ces dispositions en retraçant l'historique de la politique d'installation de nouveaux agriculteurs et de la mise en place des instances de concertation auxquelles il est fait référence, afin de présenter le dispositif national actuel d'accompagnement de l'installation et de la transmission des exploitations et son évolution. »

L'avis de la défenseure des droits concentre également ses critiques sur les risques que cet article ferait porter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle des exploitants120(*)

« La préservation de la souveraineté alimentaire ne doit conduire à une atteinte disproportionnée ni aux libertés économiques des exploitants agricoles ni aux droits des défenseurs de l'environnement.

Dans son avis, la Défenseure des droits identifie deux dispositions de nature à porter atteinte aux droits et aux libertés :

L'article 10 du projet de loi conditionne l'attribution de certaines aides publiques à l'inscription des agriculteurs dans un parcours d'accompagnement. Ces dispositions comportent des risques pour la liberté d'entreprendre et de la liberté contractuelle des exploitants sans répondre aux difficultés rencontrées par les exploitants en matière d'accès aux aides publiques. »

B. Les rapporteurs ont d'abord souhaité introduire plus de lisibilité dans le dispositif

Par un amendement COM-385 des rapporteurs, le guichet unique de l'installation a été renommé « France Installations-Transmissions » plutôt que « France Services Agriculture », terminologie qui était source de confusion avec les maisons France Services, qui assument des missions plus générales. L'amendement COM-391 procède à une coordination en ce sens.

En cohérence avec ce changement de nom, un amendement COM-386 des rapporteurs recentre le guichet unique sur les personnes ayant un projet d'installation ou souhaitant céder leur exploitation plutôt que, comme dans le texte issu de l'Assemblée nationale, sur tous les agriculteurs, afin de concentrer les moyens sur l'étape critique de l'installation et de la transmission et ne pas diluer l'efficacité de cet outil. En revanche, la possibilité pour les « actifs agricoles » en général, dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, de se présenter au guichet unique, ne serait pas souhaitable, pour éviter un afflux de demandes ingérables et des doublons avec d'autres missions des chambres départementales d'agriculture.

Par un amendement COM-387, les rapporteurs ont cependant ouvert le guichet à deux nouveaux publics, parties prenantes du milieu agricole, qui seraient accueillis et orientés :

- les conjoints des candidats à l'installation ou des cédants potentiels, dans l'aventure où l'agriculture reste encore bien souvent une aventure familiale ;

- les salariés agricoles dans les cinq premières années de leur activité dans le secteur agricole. Ces salariés agricoles représentent un vivier pertinent de personnes intéressées et conscientes des contraintes et opportunités du métier, le salariat constituant désormais une porte d'entrée pour de nombreux jeunes agriculteurs qui ne sont pas désireux de s'installer trop vite.

Satisfaisant une demande de Chambres d'agriculture France, un amendement COM-390 des rapporteurs prévoit explicitement un temps collectif d'échange entre candidats à l'installation, dès le stade du point d'accueil unique. Pour aller plus loin et favoriser les approches croisées et la diversification des parcours, il prévoit également, autant que faire se peut, une mise en relation de candidats à l'installation envisageant des orientations technico-économiques différentes (par exemple des porteurs de projet d'élevage avec des porteurs de projet de maraîchage), ce qui est également pertinent avec la vision très entrepreneuriale de l'agriculture des deux rapporteurs.

Cet amendement précise, à cette même fin de confrontation des modèles économiques, que ces temps d'échange sont organisés « dans le respect du pluralisme », ce qui satisfait plusieurs autres amendements déposés sur cette question, jugés redondants par les rapporteurs.

S'agissant toujours de l'organisation du guichet unique, l'amendement COM-392 des rapporteurs procède à une correction : dans la mesure où il n'existe pas d'autorité académique dans le département, formulation issue du texte de l'Assemblée, ils ont remplacé cette précision par celle d'autorité administrative compétente en matière d'enseignement agricole dans le département, ce qui revient à désigner la Draaf pour ce rôle dans l'accompagnement et la formation dans le cadre du guichet unique. La Draaf pourra bien évidemment différencier les approches par département.

S'agissant du cas particulier de la Corse, la commission a adopté, sur proposition des rapporteurs, l'amendement COM-6 de M. Panunzi, précisant que l'organisme portant le guichet unique de l'installation-transmission en Corse était bien la chambre régionale d'agriculture, et non l'office du développement agricole et rural de Corse (Odarc), une structure spécifique à cette collectivité. Cette répartition des rôles aurait inutilement créé une différence d'architecture sans justification.

Enfin, trois autres amendements rédactionnels COM-393, COM-394 et COM-395 ont été adoptés par la commission, clarifiant l'article 10.

C. Les rapporteurs ont surtout proposé d'introduire plus de souplesse, d'incitations, et moins d'obligations

C'est un point de divergence assumé avec le syndicat des Jeunes agriculteurs, qui estime, lui, que c'est de plus de contraintes que viendra une amélioration de la mise en relation des cédants et des candidats à l'installation. Ainsi, un amendement COM-388 supprime l'« obligation » de déclaration d'intention de cesser l'activité agricole (Dicaa). Ce faisant, l'amendement revient le faux-semblant d'une « obligation » de transmission de cette déclaration, qui n'en était de toute façon pas une, puisqu'elle était valable « sauf cas de force majeure » (droit existant) ou « sauf impossibilité » (texte adopté à l'Assemblée nationale). En l'absence de toute sanction, elle n'est de fait aujourd'hui respectée que par un quart des exploitants agricoles proches de la retraite.

L'amendement présente le dispositif envisagé par le Gouvernement de façon plus réaliste : les exploitants agricoles à l'approche de la retraite sont « invités » à transmettre leur déclaration d'intention de cessation d'activité agricole (Dicaa), sans y être nullement obligés. Est ainsi prévue une première invitation à transmettre la Dicaa cinq ans (et non six comme envisagé dans le projet de loi ou quatre comme prévu dans le droit en vigueur) avant l'âge légal de départ de la retraite, permettant une première sensibilisation des exploitants proches de la retraite.

C'est l'âge légal qui est retenu pour décider du moment de cette invitation car plus l'échéance exacte de l'obligation reste vague, plus la charge mentale repose sur l'agriculteur, qui ne connaît pas nécessairement à l'avance l'âge effectif de son départ à la retraite. Cette automaticité est aussi gage de simplicité.

Plutôt que sur la contrainte, les rapporteurs misent sur les incitations (un premier courrier puis une relance, formulés de manière engageante, à des moments plus clairement identifiés) pour améliorer la mise en relation des cédants et candidats à l'installation.

Ce premier courrier serait en effet suivi d'une relance, cette fois trois ans avant l'âge estimé de départ effectif à la retraite, sur la base des informations transmises par la MSA (ou les caisses générales de sécurité sociale dans les départements d'outre-mer), pour ceux qui n'auraient pas répondu à la première invitation. Ce rappel est de nature à augmenter le taux de retour des Dicaa, dont seulement 20 à 25 % sont aujourd'hui transmises, dont une partie significative dans les deux dernières années avant le départ à la retraite, soit trop tard pour accompagner efficacement une transmission à un jeune agriculteur. Est également prévu un cahier des charges uniforme sur le territoire national pour les échanges de l'administration avec les personnes intéressées, présentant la Dicaa sous un jour positif afin d'atteindre un meilleur taux de retour.

Comme l'indique le rapport de la Cour des comptes sur la politique d'installation et de transmission, aujourd'hui « les organisations professionnelles rencontrées ont souligné le caractère abrupt du courrier joint au formulaire, qui conduirait nombre d'agriculteurs à ignorer la démarche ».

Complément décisif de l'architecture prévue à l'article 10, les rapporteurs souhaitent que la transmission de la Dicaa ouvre à son auteur le droit à un financement intégral du diagnostic de viabilité économique et de vivabilité d'un projet agricole (amendement à l'art. 9, programmatique), dans la période clé des trois premières années (et un an avant l'installation) ou dernières années de l'activité d'un agriculteur. Cela permettrait de rendre cette démarche administrative plus attrayante puisqu'au lieu de donner lieu à restriction du bénéfice de certaines aides publiques ou privation de certains droits (retraite) en cas d'oubli, le dispositif remanié donnerait droit à de nouveaux outils.

La commission a, par un amendement COM-389 parachevé cette articulation des diagnostics et du guichet unique en prévoyant la transmission anonymisée des données des premiers aux acteurs du second afin de renforcer la pertinence de l'action de ce dernier. Les conseillers du réseau FIT auraient accès à ces données. Le respect de la protection des données serait toutefois assuré par l'institution d'un consentement explicite à la mise à disposition, par un cédant, d'informations relatives à son exploitation, sur le répertoire départemental unique (RDU), un point qui était cher au rapporteur Franck Menonville.

En cohérence avec cette logique incitative, et non contraignante, qu'elle a souhaitée, la commission a adopté un amendement COM-391 des rapporteurs, ajoutant aux missions de Chambres d'agriculture France la promotion du dispositif.

Enfin, pour créer un élan de confiance, et dans l'objectif d'accélérer l'accompagnement des cédants pour répondre plus rapidement à l'enjeu du renouvellement des générations en agriculture, quatre amendements identiques COM-396 des rapporteurs, COM-75 rect. bis de M. Henno, COM-503 de M. Duffourg et COM-537 de M. Bleunven avancent la mise en place du guichet unique d'un an, en prévoyant qu'elle s'appliquera, à compter de la loi, pour les agriculteurs se trouvant à deux ans de la retraite, et non plus à ceux se trouvant à trois ans de la retraite.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 10 bis A (non modifié)
Possibilité de prendre un décret
pour permettre au fonds d'assurance-formation Vivea
de disposer de réserves plus importantes

Cet article vise à changer de façon rétroactive le régime applicable au fonds d'assurance formation « Vivea », qui est aujourd'hui assujetti par erreur au régime des opérateurs de compétences (Opco), ce qui limite sa capacité à reporter des excédents d'une année sur l'autre. Il est issu d'un amendement n° 4303 du Gouvernement, adopté en séance publique à l'Assemblée nationale.

Cette disposition technique, en principe utile et de ce fait bien accueillie par les rapporteurs en juin dernier, est cependant devenue obsolète avec les reports successifs de l'examen du présent texte, un décret ayant même été pris en décembre 2024 pour procéder au changement souhaité.

Il conviendra en conséquence d'ajuster cet article en séance publique, soit en repoussant le délai pour prendre un décret modificatif permettant une application rétroactive du décret, soit en supprimant l'article s'il apparaissait qu'il était devenu sans objet.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. Le droit existant - Vivea, fonds d'assurance-formation des non-salariés agricoles, est assujetti au régime des opérateurs de compétences et ne peut déduire les avances de contribution de son excédent annuel, ce qui limite sa capacité financière

Le droit à la formation professionnelle continue des chefs d'exploitation et d'entreprise agricoles est reconnu dans la loi (article L. 718-2-1 du code rural et de la pêche maritime).

À cette fin d'assurer la formation continue des non-salariés agricoles, le 1° de cet article prévoit que « les caisses centrales de mutualité sociale agricole reversent les contributions recouvrées à France compétences, qui procède à la répartition et à l'affectation des fonds conformément à l'article L. 6123-5 du code du travail à un fonds d'assurance formation habilité à cet effet par l'État, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ».

Depuis 2001, il existe dans le domaine agricole un tel fonds d'assurance-formation (FAF), appelé Vivea. Piloté de manière pluraliste par les principaux syndicats agricoles, par les chambres d'agriculture et par l'organisation représentant les principaux établissements de crédit du secteur agricole, la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles (CNMCCA), il est chargé du développement, de l'évaluation et du financement de la formation.

Depuis un décret pris fin 2021121(*), l'article R. 718-19 (troisième alinéa) du CRPM prévoit pour Vivea l'application de plusieurs articles réglementaires du code du travail applicables aux opérateurs de compétences (Opco). En particulier, l'article R. 6332-27 de ce code a pour effet de limiter les disponibilités de ce fonds au tiers des charges comptabilisées au cours du dernier exercice clos, « déduction faite des dotations aux amortissements et des provisions autres que celles relatives à un contentieux engagé avec un organisme de formation ».

Aussi, à la différence d'autres fonds d'assurance-formation, Vivea ne peut déduire les avances de cotisations recouvrées en année N pour l'année N+ 1, du calcul de son excédent annuel.

Ce fonds disposant d'importantes réserves, cela a pour conséquence de contraindre sa capacité financière et de limiter l'offre de formation professionnelle continue.

II. La proposition adoptée par l'Assemblée nationale - La possibilité de prendre un décret, avant fin 2024, avec effet rétroactif à partir du 1er janvier 2022, pour permettre à Vivea de déduire les avances de contribution de son excédent annuel

L'adoption en séance publique d'un amendement n°  4303 du Gouvernement, a donné lieu à la création de cet article 10 bis A. Il a été adopté sans débat et avec l'avis favorable du rapporteur Pascal Lecamp.

Longuement justifié par le Gouvernement dans son exposé sommaire, il vise à rétablir l'égalité de traitement entre le fonds d'assurance-formation Vivea et les autres fonds de ce type, s'agissant des modalités de calcul de leurs excédents, dans leur mission de collecte des contributions destinées au financement de la formation professionnelle continue.

L'article 10 bis A prévoit ainsi qu'un décret en Conseil d'État puisse être pris, jusqu'au 31 décembre 2024, avec effet rétroactif jusqu'au 1er janvier 2022, pour « déterminer les disponibilités dont le fonds d'assurance formation [...] peut disposer au 31 décembre d'une année donnée ».

En pratique, cela revient à permettre de modifier par décret en Conseil d'État l'article R. 718-19 du CRPM mentionné supra. La précision relative à la rétroactivité, qui relève du domaine de la loi, doit permettre aux nouvelles modalités de calcul fixées par décret de s'appliquer aux exercices 2022 et 2023, plutôt qu'à partir de 2024.

III. La position de la commission - Une disposition technique en principe utile, devenue obsolète avec les reports successifs de l'examen de ce texte et qu'il conviendra en conséquence d'ajuster en séance publique

Cet amendement technique ne pose pas de difficulté politique mais, au contraire, offre une souplesse bienvenue dans la gestion du fonds d'assurance-formation Vivea. Pour cette raison, aucun amendement n'a été déposé en vue de modifier ou de supprimer l'article 10 bis A en commission au Sénat.

Cette mesure s'inscrit en cohérence avec la double ambition du présent projet de loi d'orientation, consistant d'une part à favoriser la formation des agriculteurs, devenue si nécessaire tant l'activité agricole s'est complexifiée, et d'autre part à lever les contraintes normatives au métier d'agriculteur. L'article 2 du projet de loi a, du reste, consacré l'objectif programmatique de développer la formation continue.

Néanmoins, la mesure prévoyant la possibilité de prendre un décret avec effet rétroactif d'ici au 31 décembre 2024, une échéance qui supposait une adoption du présent projet de loi au cours de l'année 2024, les reports successifs de l'examen de ce dernier au Sénat ont eu pour conséquence de rendre cette mesure obsolète. Le délai limite pour le dépôt des amendements étant échu, il n'a pas été permis aux rapporteurs d'ajuster leur position en vue de l'examen du texte en commission.

Un décret du 3 décembre 2024122(*) (2° de l'article 1er) est venu apporter la modification souhaitée pour l'avenir. De façon plus générale, ce décret assujettit Vivea aux règles propres aux fonds d'assurance formation de non-salariés et non plus aux règles relatives aux opérateurs de compétences (Opco).

Si la rétroactivité de la mesure pour les exercices 2022 et 2023 était toujours souhaitable et utile aux yeux des différents acteurs impliqués dans la gestion de Vivea, il faudrait repousser l'échéance prévue à l'article 10 bis A et prendre un nouveau décret dans le délai imparti. À défaut de souhait clair en ce sens, il conviendrait de supprimer le présent article.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 10 bis
Période de droit à l'essai d'un an, renouvelable une fois,
et réversible, pour tester l'association d'agriculteurs
dans une forme sociétaire (Gaec ou autre)

Introduit lors de l'examen du projet de loi par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale via un amendement portant article additionnel issu d'échanges avec le syndicat des Jeunes agriculteurs, cet article vise à créer une période d'essai d'un an (renouvelable une fois avec l'accord du préfet) pour que les agriculteurs désireux de s'associer en Gaec ou dans d'autres formes sociétaires puissent tester leur entente sans crainte de conséquences juridiques ou financières excessives en cas de rupture de leur association.

Conçu pour encourager les formes d'installation progressive et collective en écartant des démarches qui seraient sinon dissuasives en cas de dissolution d'une société, ce droit à l'essai, déjà expérimenté en Haute-Savoie, est salué comme une avancée très positive par les rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb.

Plusieurs précisions juridiques sont cependant nécessaires, pour tenir compte de l'avis du Conseil d'État sur ce dispositif juridiquement complexe, avis qui a été rendu après le délai limite pour le dépôt des amendements (juin 2024).

Suivant l'avis des rapporteurs, la commission des affaires économiques n'a donc adopté qu'un amendement de coordination, afin de ne pas anticiper sur ces conclusions.

Elle a adopté l'article ainsi modifié.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale - Un amendement portant article additionnel relativement consensuel dans son principe, mais dont la rédaction juridique n'est pas consolidée

A. Une évolution attendue, une adoption consensuelle dans son principe, mais contre l'avis du Gouvernement et de la commission

Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, la commission des affaires économiques a adopté un amendement n° CE3213 portant article additionnel du député Dominique Potier, cosigné par plusieurs députés du groupe Socialistes et apparentés, dont l'adoption a eu pour effet de créer cet article 10 bis.

Cet amendement était en discussion commune avec deux autres :

- l'amendement n° 3213 de Mme Anne-Cécile Violland (Haute-Savoie) et plusieurs de ses collègues du groupe Horizons et apparentés, qui était presque identique à celui de M. Dominique Potier, à trois exceptions près :

o il ne contenait pas la précision liminaire définissant le droit à l'essai ;

o il ne contenait pas la précision finale selon laquelle « "France services agriculture" constitue le réseau de référence pour informer, accompagner et formaliser la convention d'association à l'essai définie au présent article » ;

o il contenait un gage financier, pourtant a priori inutile, qui ne figurait pas à l'amendement finalement adopté.

- l'amendement de M. Potier était également en concurrence avec l'amendement n° 3152 de M. Lionel Vuibert (Ardennes) et plusieurs de ses collègues des groupes Renaissance et Horizons (dont certains cosignataires de l'amendement précédent), proche des deux précédents mais plus bref. Ainsi, outre qu'il prévoit une période de deux ans au lieu d'une période d'un an renouvelable une fois après avis du préfet :

o il ne précise pas qu'un chef d'exploitation déjà installé peut être concerné par la mesure, ce qui paraît logique puisque « toute personne » y est déjà éligible (phrase précédente) ;

o s'il fixe le principe d'une convention entre associés, il n'en détaille pas les modalités concrètes ;

o il ne précise pas que l'association peut être réalisée dans le régime de l'entraide (c'est-à-dire sans qu'il y ait besoin de former une société).

Le rapporteur Éric Girardin avait précédemment demandé le retrait de cet amendement « pour que le législateur intervienne si nécessaire sur ce sujet uniquement après le travail du Gouvernement achevé », tout en se disant « tout à fait convaincu de l'intérêt de donner un cadre à ce droit à l'essai », en indiquant que « l'expérimentation en Gaec et sociétés, déjà depuis de nombreuses années en Savoie et Haute-Savoie, est très intéressante ».

Le ministre a donné le même avis au motif qu'il serait « trop tôt », et que le Conseil d'État aurait été saisi pour « rendre opérant le dispositif, qui pose des questions très, très complexes de droit des sociétés ».

Il faut noter pour compléter ce tableau que de nombreux amendements à l'article 1er de ce projet de loi souhaitaient ancrer un tel droit à l'essai123(*), figurant déjà à l'alinéa 19 de cet article dans sa version déposée par le Gouvernement (« 5° Encourager les formes d'installation collective et les formes d'installation progressive, y compris le droit à l'essai, permettant d'accéder aux responsabilités de chef d'exploitation tout en développant un projet d'exploitation ainsi que l'individualisation des parcours professionnels »).

B. Une première tentative de consécration législative de « l'essai d'association » et du « statut d'associé à l'essai », destinée à leur donner de la visibilité et un socle normatif commun

Dans le détail, cet amendement compte douze alinéas.

Son I (alinéas 2 à 10) tend à créer un article L. 330-7 du code rural et de la pêche maritime124(*).

L'alinéa 3 donne une définition de ce droit à l'essai : « une période au cours de laquelle une personne physique majeure ou plus expérimente un projet d'agriculture en commun avec un statut d'associé à l'essai ». Il est d'emblée assez peu logique de définir un « droit » comme « une période ».

Quelque peu redondant (en lui-même, mais aussi par rapport à l'alinéa précédent), l'alinéa 4 précise quelles sont les personnes éligibles à ce statut : il s'agit de « toute personne majeure », ou d'un « chef d'exploitation déjà installé », dans le but de « préparer un projet d'association au sein d'une société ayant pour objet principal l'exploitation agricole ».

Alors que l'alinéa précédent semblait se suffire à lui-même et fixer un régime clair, cet alinéa engendre de la confusion en introduisant la notion de « test d'association à l'essai » (confusion renforcée par le fait que l'alinéa suivant mentionne alternativement un « essai » ou un « test »), comme s'il existait, en quelque sorte « un droit à essayer ce droit à l'essai ». Il semblerait plus compréhensible de parler d'« essai d'association » plutôt que d'« association à l'essai ».

Par ailleurs, les « chefs d'exploitation installés » entrent a priori déjà dans la catégorie « toute personne majeure ».

En revanche, cet alinéa précise utilement l'objet principalement agricole de cette association, bien que cet objet aurait également pu être étendu à la forêt et à la pêche voire à la vente des fruits de l'exploitation.

L'alinéa 5 précise que le cadre de cet essai d'association est régi par « une convention écrite liant [la personne bénéficiant du statut d'associé à l'essai] et la société dans laquelle se réalise le test, ou les exploitants agricoles concernés par le test ». Cette rédaction est peu claire :

- s'agit-il d'une convention entre d'une part la ou les exploitants agricoles à l'essai et d'autre part la société ? Cela semblerait plus logique ;

- ou s'agit-il d'une convention entre d'une part l'exploitant agricole à l'essai et, d'autre part, soit la société soit les autres exploitants agricoles à l'essai ?

Il est ensuite prévu que cette convention « précise les conditions de réalisation de l'essai et détermine les conditions d'exercice de l'activité au sein de l'exploitation agricole, et notamment la participation au travail en commun ainsi qu'aux décisions relatives à la direction collective de l'exploitation », une rédaction quelque peu bavarde mais complète.

Il est en outre prévu que la convention « précise, selon le cas, le statut sous lequel est placée la personne réalisant le test ou que le test relève des articles L. 325-1 et suivants du présent code » - ces articles définissant le régime de l'entraide. Cela signifie qu'il n'y a pas un seul statut d'associé à l'essai, mais, hormis le statut d'associé sous le régime de l'entraide, autant de statuts que de conventions. Cela témoigne d'une recherche de flexibilité certes louable, mais source d'hétérogénéité, pouvant compliquer le suivi de cet essai.

Il est enfin indiqué à cet alinéa, sans plus de précisions, que la convention prévoit un « accompagnement relationnel » réalisé par une personne qualifiée. Si le principe de cet « accompagnement humain », comme le nomme l'exposé des motifs, paraît souhaitable, il n'y a ici pas d'indication permettant de savoir si la personne qualifiée est censée être un pair, un psychologue ou, par exemple, une personne d'une « structure agréée de conseil et d'accompagnement » (telle que définie à l'alinéa 10). Par ailleurs, la charge de cette obligation d'accompagnement relationnel reviendrait aux associés eux-mêmes, ce qui est de nature à renchérir la démarche.

L'alinéa 6 dispose que l'essai « est réalisé sur une période d'un an, renouvelable une fois, avec l'accord de l'autorité administrative », et que « la fin de la convention fait l'objet d'une déclaration à l'autorité administrative ».

La rédaction est ambiguë si bien qu'il n'est ici pas clair que l'accord de l'autorité administrative s'applique au renouvellement de l'essai, à l'essai en lui-même ou aux deux. Quelle que soit la bonne interprétation, il n'est pas certain qu'un accord du préfet soit opportun, a fortiori dans le cas du renouvellement, un simple avis semblant préférable.

Par ailleurs, si en apparence la rédaction de cet alinéa ne laisse pas explicitement la possibilité de réaliser un essai sur une période de moins d'un an, l'alinéa 8 (cf. ci-dessous) précise qu'il peut y être mis fin « à tout moment ».

Enfin, il n'est pas prévu que la fin de la convention soit déclarée au guichet unique de France Services Agriculture (FSA) au sein des chambres d'agriculture, mais au préfet, alors que la première solution serait allée dans le sens de la fluidité recherchée par ce projet de loi - quitte à ce que les chambres d'agriculture communiquent l'information au préfet dans un second temps. Du reste, ce serait plus cohérent avec l'alinéa 9, qui fait de FSA le réseau de référence pour l'essai d'association auquel le présent article donne un cadre (cf. ci-dessous).

L'alinéa 7 dispose que « la convention d'association à l'essai ne peut s'accompagner de la détention d'une part quelconque du capital social de la société d'exploitation agricole ni d'aucune part en industrie ». Cette phrase semble destinée à éviter d'éventuels détournements de l'essai d'association par des actionnaires d'une société agricole ou commerciale qui souhaiteraient se placer sous ce statut d'associé à l'essai pour échapper à leurs obligations.

Cet alinéa précise par ailleurs que les « associés à l'essai » qui n'exerçaient pas déjà une activité agricole ne sont « pas considérés comme installés au sens des dispositions du présent chapitre ». Ledit chapitre est un chapitre préliminaire du code rural et de la pêche maritime (art. L. 330-1 à L. 330-5125(*)), relatif à « la politique d'installation et de transmission en agriculture ». Les conséquences juridiques de cette exclusion ne sont pas précisées.

L'alinéa 8 constitue le coeur du dispositif, puisqu'il prévoit qu'« il peut être mis un terme à tout moment, à la convention [...] par l'une quelconque des parties, sans que la convention ne puisse engager financièrement ni obliger l'associé à l'essai ou la société au sein de laquelle l'essai est réalisé ». Toutefois, l'alinéa n'apporte pas plus de précisions quant aux personnes qui endossent cet engagement ou ces obligations, pour pallier cette exonération d'engagement des associés à l'essai : les associés pas à l'essai ? le Gaec ? la puissance publique ?

Comme indiqué plus haut, l'alinéa 9 précise que « "Frances services agriculture" constitue le réseau de référence pour informer, accompagner et formaliser la convention d'association à l'essai ». Il manque ici un complément aux verbes « informer » et « accompagner ». Il serait par ailleurs plus lisible de parler de « convention d'essai d'association » (cf. plus haut, al. 4).

Enfin, l'alinéa 10 prévoit, de façon peut-être un peu trop générique, un décret en Conseil d'État précisant les modalités d'application de cet article L. 330-7 du CRPM.

En complément du I présenté ci-dessus (et en lien avec l'alinéa 5 du présent article), son II (alinéas 11 et 12) complète l'article L. 325-1 du code rural et de la pêche maritime par ces phrases : « Les chefs d'exploitation relevant des dispositions de l'article L. 330-7 peuvent convenir d'exercer l'essai sous le régime de l'entraide. En ce cas, aucune société n'est formée entre eux. »

II. La position de la commission - Une disposition bienvenue pour favoriser des formes d'installation collective et progressive, mais qui nécessitera une clarification et une sécurisation juridiques

A. Une disposition bienvenue pour favoriser des formes d'installation collective et progressive

La tendance au regroupement des exploitations et à la délégation de certaines tâches à des prestataires externes est l'un des points aveugles du projet de loi alors qu'elle revêt une importance de plus en plus centrale dans l'organisation de la profession agricole, en particulier dans le cadre de l'installation de jeunes agriculteurs.

Si elle ne doit pas donner lieu à des dérives, la tendance au développement des formes sociétaires mérite d'être accompagnée, dans la mesure où elle concourt à l'amélioration de la résilience des exploitations et à l'épanouissement des associés, en réduisant les astreintes, en particulier en élevage.

Comme l'indique l'exposé de l'amendement ayant conduit à la création de cet article, les formes sociétaires (Gaec, EARL, ou autre) représentent d'ores et déjà 55 % des exploitations françaises et 76 % de la production brute, et tendent à se développer, en particulier dans l'élevage, où elles permettent d'atténuer les astreintes liées à la conduite du troupeau trois-cent-soixante-cinq jours par an.

Un tel droit à l'essai est expérimenté en Haute-Savoie depuis 1991, porté par l'organisme Gaec & Sociétés. Il permet de tester l'installation collective en conditions réelles, tout en maintenant une possibilité de mettre fin à l'expérience à tout moment, pendant une période donnée. Il permet notamment de vérifier l'entente entre les associés, qui relève de variables humaines parfois difficiles à appréhender avant l'installation.

S'agissant de la politique d'installation, les rapporteurs sont soucieux de concilier la simplification des démarches administratives pour supprimer les freins inutiles, tout en garantissant le sérieux, et donc la pérennité, des projets d'installation.

Ce droit à l'essai est une façon intelligente de limiter les conséquences d'une éventuelle rupture entre « associés » (pour prévenir par exemple la difficulté à trouver de nouveaux associés dans ces situations) et dédramatiser l'échec.

Aussi, les rapporteurs accueillent favorablement la possibilité prévue par cet article d'un droit à l'essai qui constitue d'une part un régime allégé, et d'autre part un encouragement à s'orienter vers des formes d'installation potentiellement plus solides du fait de l'association (épanouissement personnel lié à la possibilité, par exemple, de prendre plus facilement des congés).

B. Une disposition qui nécessitera une clarification et une sécurisation juridiques

Cet article mérite cependant une clarification et une sécurisation juridiques sur plusieurs aspects.

Dans l'attente d'un avis juridique qui devait être rendu par le Conseil d'État après le délai limite en juin, les rapporteurs n'avaient pas déposé d'amendement substantiel en commission. Ils ont appelé leurs collègues à retirer leurs amendements et ont simplement proposé un amendement  COM-397 de coordination avec la nouvelle rédaction de l'article 10, pour renommer « France Services Agriculture » en « France Installations-Transmissions », en attendant l'examen en services publics.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 11 (non modifié)
Sécurisation des groupements d'employeurs
en cas de défaillance d'un de leurs membres

Cet article vise à créer un article L. 351-8-1 au sein du code rural et de la pêche maritime (CRPM) pour permettre aux groupements d'employeurs de bénéficier, pour leurs prestations facturées, des mêmes privilèges que ceux qui s'attachent aux créances des salariés, de manière à pouvoir obtenir un remboursement prioritaire des créances d'un adhérent défaillant.

Les députés ont adopté l'article sans modification en commission, et en séance publique.

La commission des affaires économiques du Sénat approuve cette mesure permettant de sécuriser davantage les GE, notamment les plus petits.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. La situation actuelle - Les groupements d'employeurs, dont l'utilité est reconnue en agriculture, sont placées au rang de créanciers chirographaires

Institués par la loi du 25 juillet 1985, sur la base d'un modèle d'origine agricole, les groupements d'employeurs (GE) sont régis par les articles L. 1253-1 et suivants du code du travail. Ils sont créés par des entreprises qui s'associent pour être l'employeur unique d'une main-d'oeuvre salariée mise à disposition des entreprises membres et placée sous leur responsabilité. Ils appartiennent à la catégorie des tiers employeurs. Leur statut peut être associatif ou coopératif, mais leur but est toujours non lucratif.

La quasi-totalité des GE agricoles est sous statut d'association loi 1901. Il existe environ 4 700 groupements d'employeurs, dont 3 750 pour la seule production agricole. L'étude d'impact précise que les adhérents des GE agricoles sont majoritairement en situation de fragilité « humaine, économique et financière ». La défaillance d'un membre peut mettre en difficulté l'ensemble de la structure, qui met souvent à disposition des salariés pour gérer des situations d'urgence relevant de la continuité d'une exploitation.

Or, en l'état actuel du droit, le GE est considéré comme un prestataire de services et est donc placé au rang des créanciers chirographaires (dernier rang des créanciers) en cas de défaillance d'un de ses membres. Cette situation peut contribuer à déstabiliser financièrement l'ensemble de la structure.

Le présent article est notamment issu d'une recommandation d'un rapport de septembre 2023 du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER)126(*).

Ce rapport souligne également un décompte des effectifs des GE défavorable à l'emploi partagé, pour ce qui est des cotisations sociales et des dispositifs de formation. En effet, là où, pour l'application du code du travail, les salariés mis à disposition des membres du GE ne sont pas pris en compte dans l'effectif du groupement (ne sont pris en compte que les permanents), ces derniers sont pris en compte dans le cadre du code de la sécurité sociale, et notamment pour le calcul du recouvrement des cotisations. Or, à partir de 11 salariés, de nouveaux dispositifs interviennent, ce qui constitue une charge pour le GE, alors même que l'essentiel des adhérents du GE est constitué d'exploitations agricoles de moins de 11 salariés.

Le rapport du CGAAER note aussi des effets de restriction voire d'impossibilité d'accès à certains dispositifs de formation professionnelle en raison de ce décompte.

Aussi, l'article 21 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, procède à la modification de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale pour permettre que les salariés mis à la disposition des membres du GE ne soient pas pris en compte dans l'effectif du groupement, mais pris en compte dans l'effectif des entreprises utilisatrices, à due proportion de leur temps de travail. Cette mesure, appelant un décret d'application, pourrait en revanche ne pas être effective avant le 1er janvier 2026.

II. Le dispositif envisagé - Permettre aux GE d'être prioritaires dans le remboursement de leurs créances sur un membre défaillant

Il est proposé de créer un article L. 351-8-1 au sein du CRPM pour permettre aux groupements d'employeurs de bénéficier, pour leurs prestations facturées, des mêmes privilèges que ceux qui s'attachent aux créances des salariés, de manière à pouvoir espérer un remboursement prioritaire des créances de l'adhérent défaillant.

L'étude d'impact indique que cette mesure est issue des concertations nationales et régionales conduites par le ministère de l'agriculture au premier semestre 2023.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. En commission

En commission, les députés ont adopté l'article sans modification, aucun amendement n'ayant été déposé.

B. En séance publique

En séance publique, les députés ont également adopté l'article sans modification, aucun amendement n'ayant été déposé.

IV. La position de la commission - Toute disposition visant à soutenir les groupements d'employeurs est bienvenue

Le GE est une forme largement plébiscitée, dans un contexte de hausse de l'emploi salarié en agriculture et de rareté de la main-d'oeuvre et de besoin de mutualisation entre exploitations agricoles.

À ce titre, la commission accueille favorablement la mesure proposée.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 12 (suppression maintenue)
Conditions de création de groupements fonciers agricoles d'investissement

La commission a maintenu la suppression de l'article.

Article 12 bis
Possibilités d'activités complémentaires pour les sociétés agricoles

Cet article, introduit en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, vise à prévoir la possibilité, pour les groupements agricoles d'exploitation en commun et les sociétés civiles d'exploitation agricole, d'exercer des activités commerciales accessoires à hauteur de 10 000 euros et dans la limite de 50 % de leur chiffre d'affaires.

En séance publique, les députés ont adopté trois amendements identiques visant à porter la limite de recettes à 20 000 euros et à renvoyer à un décret le soin de lister les activités concernées.

La commission des affaires économiques du Sénat, partageant l'ambition de l'article, a adopté un amendement COM-399 de ses rapporteurs visant à renforcer la solidité juridique du dispositif.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Au sein du code général des impôts, une société civile agricole peut exercer à titre accessoire une activité commerciale, mais pas

L'article L. 210-1 du code de commerce dispose que le caractère commercial d'une société est déterminé par sa forme ou par son objet et l'article 1845 du code civil qu'ont un caractère civil toutes les sociétés auxquelles la loi n'attribue pas un autre caractère à raison de leur forme, de leur nature, ou de leur objet. Les activités civiles sont ainsi, par défaut, celles qui ne sont pas considérées comme commerciales, à l'instar des activités libérales ou agricoles.

Des tolérances, pour qu'une société civile agricole puisse exercer à titre accessoire des activités dont le produit relève des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux, sont d'ores et déjà prévues à l'article 75 du code général des impôts (CGI). Cet article dispose notamment que « Les produits des activités accessoires relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et de celle des bénéfices non commerciaux réalisés par un exploitant agricole soumis à un régime réel d'imposition peuvent être pris en compte pour la détermination du bénéfice agricole lorsque, au titre des trois années civiles précédant la date d'ouverture de l'exercice, la moyenne annuelle des recettes accessoires commerciales et non commerciales de ces trois années n'excède ni 50 % de la moyenne annuelle des recettes tirées de l'activité agricole au titre desdites années, ni 100  000 € ».

Les exploitations entrant dans le champ de l'article 75 du CGI doivent être soumises à un régime réel simplifié ou normal d'imposition, de plein droit ou sur option. Il s'agit des exploitations agricoles individuelles et des sociétés civiles agricoles, incluant les Gaec.

Les exploitants agricoles relevant du régime des micro-exploitations sont en revanche exclus du champ d'application de l'article 75 du CGI.

La doctrine fiscale indique que « sont donc susceptibles de relever de l'article 75 du CGI les revenus tirés d'opérations qui s'inscrivent dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation comme le tourisme à la ferme, ainsi que l'ensemble des opérations, artisanales, commerciales et non commerciales connexes à l'activité agricole même si elles n'en constituent pas le prolongement normal. Ainsi, les produits tirés des opérations occasionnelles de fournitures de service comme l'enlèvement des boues et vidange ou le déneigement des voiries réalisées pour le compte des collectivités locales ou les travaux agricoles effectués pour le compte de tiers, sont compris dans la détermination du résultat de l'exploitation agricole »127(*).

En revanche, le code rural et de la pêche maritime ne prévoit pas de telles souplesses.

II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a adopté les amendements identiques portant article additionnel CE363 de M. Julien Dive, CE447 de Mme Véronique Louwagie, CE949 de M. Francis Dubois, CE1516 de M. Dominique Potier, CE1522 de M. Jean-Pierre Vigier, CE1566 de M. Charles de Courson et CE3350 de Mme Anne-Cécile Violland, contre l'avis du rapporteur et du ministre, visant à prévoir la possibilité, pour les groupements agricoles d'exploitation en commun (Gaec) et les sociétés civiles d'exploitation agricole (Scea), d'exercer des activités commerciales accessoires à hauteur de 10 000 euros et dans la limite de 50 % de leur chiffre d'affaires.

Pour ce faire, l'article complète le titre II du livre II du code rural et de la pêche maritime (CRPM) pour d'une part modifier l'article L. 323-2 relatif aux Gaec, en son deuxième alinéa relatif aux activités pouvant être mises en commun par les Gaec128(*), pour y adjoindre « d'autres activités », dans la limite de 10 000 euros de recette par société et par associé et 50 % du chiffre d'affaires.

D'autre part, il complète le chapitre VII du même titre II par un article L. 327-2 disposant que les sociétés civiles d'exploitation agricole (Scea) peuvent également compléter les activités mentionnées à l'article L. 311-1 par « d'autres activités », dans la limite de 10 000 euros de recette par société et par associé et 50 % du chiffre d'affaires.

L'objectif poursuivi par les auteurs est de permettre à des Gaec et des Scea d'exercer à titre accessoire une activité commerciale, sans remettre en cause leur statut, et notamment leur traitement fiscal ainsi que, pour les Gaec, le principe de transparence129(*).

En séance publique, les députés ont adopté trois amendements identiques 1760, 3893 et 4026 visant à porter la limite de recettes à 20 000 euros au lieu de 10 000, et à renvoyer à un décret le soin de lister les activités concernées.

III. La position de la commission

La commission partage l'ambition de cet article, permettant aux agriculteurs de diversifier, dans une certaine mesure, leurs activités, sans perdre le bénéfice de leur statut. Ces activités doivent en revanche demeurer en lien avec l'activité agricole.

Si le code général des impôts prévoit bien la possibilité, pour les sociétés civiles agricoles, et dans certaines limites, la possibilité de réaliser de nombreuses activités annexes, de nature commerciales ou non commerciales, le code rural et de la pêche maritime, quant à lui, ne le permet pas, ce qui place ces sociétés dans une situation d'insécurité juridique quant à la qualification de leur activité.

Aussi, la commission a adopté un amendement COM-399 de ses rapporteurs visant à consolider juridiquement le dispositif proposé. Cette rédaction globale s'inscrit dans la lignée du travail des députés à l'Assemblée nationale, visant à prévoir, au sein du code rural, la possibilité d'exercer des activités commerciales à titre accessoire.

La rédaction ainsi adoptée par la commission prévoit en outre que les activités autres qu'agricoles doivent s'inscrire dans le prolongement de l'acte de production ou avoir pour support l'exploitation. Elle préserve les seuils arrêtés à l'Assemblée nationale, fixés à 20 000 euros correspondant au plus à 50 % des recettes annuelles issues de l'activité agricole.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 12 ter (non modifié)
Demande de rapport sur les besoins en fonds propres
des coopératives agricoles

Cet article, introduit en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, vise à prévoir la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, sur les besoins des fonds propres des coopératives agricoles.

En séance publique, cet article n'a pas été amendé.

La commission des affaires économiques du Sénat partage les préoccupations figurant à l'article 12 ter. Cet article devra néanmoins être actualisé, au stade de la séance publique, la date butoir de remise du rapport étant d'ores et déjà dépassée en raison des multiples reports d'examen du projet de loi.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a adopté un amendement  CE2921 de M. Julien Dive, pour lequel un double avis de sagesse a été émis, prévoyant qu'au plus tard le 31 décembre 2024, le Gouvernement remette au Parlement un rapport portant sur les besoins des fonds propres des coopératives agricoles et notamment le rôle que pourrait jouer la majoration des plafonds des parts sociales d'épargne.

Créées par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, les parts sociales d'épargne constituent une rémunération complémentaire à destination des associés coopérateurs en cas de résultat positif de leur coopérative.

La question de la hausse de la rémunération des parts sociales d'épargne des coopératives n'est pas un sujet nouveau. L'article 198 de la loi de finance initiale pour 2024 avait accédé à cette demande des coopératives, puisque le Gouvernement avait retenu, pour l'élaboration du texte considéré comme adopté à l'Assemblée nationale, un amendement de Félicie Gérard et plusieurs de ses collègues modifiant l'article L. 253-4-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) afin de prévoir que les parts sociales d'épargne donnent droit à un intérêt dont les statuts peuvent fixer le taux à deux points au-dessus de celui des parts d'activités.

Conservée par le Sénat, et retenue dans le texte final considéré comme adopté à l'Assemblée nationale en lecture définitive, la mesure, figurant à l'article 198, a été, par une décision n° 2023-862 DC du 29 décembre 2023, jugée contraire à la Constitution puisque n'ayant pas vocation à figurer dans une loi de finances (« cavalier budgétaire »).

La rémunération des parts sociales souscrites par les associés coopérateurs

« Définies à l'article L521-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), les sociétés coopératives agricoles ont pour objet "l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité".

Les coopératives agricoles constituent ainsi une forme spécifique de société, dont la durée ne peut excéder 99 ans, hors prorogation, et dont le capital est nécessairement variable. Elles doivent également satisfaire à plusieurs conditions, relatives par exemple à la répartition des excédents annuels entre les associés coopérateurs, au droit égal de vote pour chaque coopérateur ainsi que la limitation de l'intérêt versé au capital souscrit par les assurés coopérateurs à un taux au plus égal au taux fixé par l'article 14 de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération (article L521-3 du CRPM).

Aux termes dudit article 14, les coopératives agricoles ne peuvent en effet servir à leur capital qu'un intérêt déterminé par l'assemblée générale, en fonction des excédents, et dont le taux est au plus égal à la moyenne du taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées sur les trois années civiles précédant la date de l'assemblée générale, majorée de deux points. Le plafond, calculé à partir du taux moyen publié semestriellement par le ministre chargé de l'économie, s'établit pour les comptes 2022 à 2,75 %. La logique de la rémunération des parts sociales d'une société coopérative est en effet davantage celle d'une compensation de l'épargne immobilisée que celle d'une rémunération du capital, avec un but lucratif. Il convient toutefois de noter que les associés non coopérateurs, qui n'ont pas le droit aux ristournes sur les excédents, peuvent percevoir un intérêt de deux points supérieur à celui versé pour les associés coopérateurs (article L522-4 du CRPM).

Par ailleurs, l'article L524-2-1 du CRPM dispose qu'en cas d'excédent annuel, l'assemblée générale peut décider de répartir les ristournes sous forme d'attribution de parts sociales entre les associés coopérateurs, proportionnellement aux opérations réalisées avec la coopérative. Dans ce cas, comme le précise l'article L523-4-1 du CRPM, il est institué des parts sociales d'épargne, à distinguer des parts sociales "d'activité" précédemment décrites et liées à l'importance des opérations engagées par le coopérateur avec la société coopérative.

Les parts sociales d'épargne résultent de la répartition des excédents annuels, sur proposition du conseil d'administration et après approbation de l'assemblée générale. Ces parts sociales constituent une catégorie spécifique du capital social de la coopérative agricole, dont la rémunération est soumise au plafond précité. »

Source : Rapport général n° 128 sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024, par M. Jean-François Husson, tome III, pages 161-162

II. La position de la commission

La commission soutient pleinement la hausse de la rémunération des parts sociales d'épargne, et note que le Gouvernement aussi puisqu'il avait fait le choix, à l'occasion de la LFI pour 2024, de maintenir une disposition dont la constitutionalité avait été mise en doute, à raison, par la commission des finances du Sénat, non pas sur le fond, mais car ne relevant pas du domaine de la loi de finances.

Aussi, malgré l'intérêt limité de l'article la commission, à l'initiative de ses rapporteurs, a souhaiter le maintenir. Toutefois, les reports successifs d'examen du présent texte au Sénat, en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale puis de la censure du précédent Gouvernement, rendront nécessaire une actualisation, en séance publique, de la date butoir de remise du rapport, cette date, fixée au 31 décembre 2024, étant d'ores et déjà dépassée.

La commission a adopté l'article sans modification.

TITRE IV
SÉCURISER, SIMPLIFIER ET FACILITER
L'EXERCICE DES ACTIVITÉS AGRICOLES
Article 13
Adaptation du régime de répression de certaines atteintes
à l'environnement provoquées par des activités agricoles ou forestières

Cet article visait, au stade du dépôt du projet de loi, à accorder au Gouvernement une habilitation à légiférer par ordonnance pour :

· adapter l'échelle des peines prévues aux régimes de répression des atteintes à la conservation d'espèces animales non domestiquées, d'espèces végétales non cultivées, d'habitats naturels ou de sites d'intérêt géologique ;

· prévoir à la charge des auteurs des manquements des obligations de restauration écologique ;

· abroger ou modifier les dispositions devenues inadaptées ou obsolètes.

En commission, les députés ont peu modifié l'article, suite à l'engagement du ministre de l'agriculture de renoncer à l'ordonnance et d'inscrire immédiatement les modifications envisagées dans la loi. En séance publique, l'amendement de réécriture globale de l'article présenté par le Gouvernement a été adopté, permettant une mise en oeuvre dès la publication de la loi au Journal officiel, l'adaptation de l'échelle des peines évoquée.

La commission des affaires économiques du Sénat, à l'initiative de ses rapporteurs, à adopté un amendement COM-400 de rédaction globale du dispositif proposé.

En effet, si les rapporteurs ne peuvent que partager l'ambition de l'article, ils constatent que la rédaction actuelle ne procède pas à une véritable dépénalisation de certaines infractions, comme initialement ambitionné. La rédaction adoptée par la commission vient corriger cette faiblesse majeure.

Les rapporteurs constatent également qu'est instauré une nouvelle sanction à l'égard des agriculteurs, sans que celle-ci ne constitue obligatoirement une alternative aux poursuites pénales, de telle sorte que cette sanction pourrait venir s'ajouter à d'éventuelles poursuites, ce qui représente l'inverse de la finalité de l'article.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Un arsenal juridique destiné à sanctionner les atteintes à l'environnement parfois disproportionné au regard des infractions commises, souvent par méconnaissance ou de bonne foi

A. Un arsenal juridique conséquent destiné à punir les atteintes à l'environnement

Le code de l'environnement prévoit, au titre VII de son livre Ier des dispositions pour contrôler, rechercher et sanctionner, administrativement et pénalement, diverses infractions à caractère environnemental. Plus précisément, l'article L. 173-1, relatif au régime réprimant les infractions aux dispositions qui soumettent certaines activités à autorisation, enregistrement, agrément, homologation ou certification, punit d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ces infractions. D'autres infractions mentionnées au même article sont quant à elles punies de deux ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende.

Par ailleurs, le cadre général de la protection des espèces végétales et animales ainsi que leur habitat est posé par deux directives européennes :

· la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, dite directive « Habitats » ;

· la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la conservation des oiseaux sauvages, dite directive « Oiseaux ».

Ces dispositions trouvent leur traduction en droit interne dans le code de l'environnement, aux articles L. 411-1 et suivant.

Plus précisément, l'article L. 411-1, qui figure au sein du chapitre Ier, intitulé « Préservation et surveillance du patrimoine », du titre Ier, « Protection du patrimoine naturel » du livre IV, « Patrimoine naturel », pose, sous certaines conditions, une interdiction de destruction d'animaux ou de végétaux présentant un intérêt scientifique ou patrimonial particulier, d'altération ou de dégradation de leurs habitats naturels et de destruction, d'altération ou de dégradation des sites d'intérêt écologique.

L'article L. 411-2 renvoie à un décret en Conseil d'État le soin d'établir les modalités d'application du précédent article, notamment la liste des habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées protégées, ou encore les conditions dans lesquels des dérogations aux dispositions de l'article L. 411-1 peuvent être attribuées.

Le chapitre V du même titre prévoit les dispositions pénales s'attachant aux mesures de protection énoncées plus haut. En son sein, les articles L. 415-1 à L. 415-2-1 habilitent certains agents pour constater les infractions. Les sanctions sont prévues aux articles L. 415-3 à L. 415-8. L'article L. 415-3 du code de l'environnement prévoit de punir de trois ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait, en violation des interdits ou des prescriptions prévues par les dispositions de l'article L. 411-1 et par les règlements ou les décisions individuelles prises en application de l'article L. 411-2 :

· de porter atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques, à l'exception des perturbations intentionnelles ;

· de porter atteinte à la conservation d'espèces végétales non cultivées ;

· de porter atteinte à la conservation d'habitats naturels ;

· de détruire, altérer ou dégrader des sites d'intérêt géologique.

L'article précise que la tentative de ces délits prévus est punie des mêmes peines, et que la peine est doublée lorsque ces infractions sont commises dans le coeur d'un parc naturel ou dans une réserve naturelle.

B. Des condamnations parfois lourdes, incomprises d'un monde agricole confronté à des injonctions contradictoires

L'étude d'impact souligne la nécessaire conciliation des activités humaines et des nécessités de protection des écosystèmes indiquant notamment qu'il importe que l'encadrement juridique soit adapté à la gestion courante des espaces naturel, agricole et forestier pour les acteurs économiques.

Cette même étude d'impact, se fondant sur une note du service statistique ministériel de la justice portant sur le traitement du contentieux de l'environnement par la justice pénale entre 2015 et 2019130(*), d'avril 2021, fournit un certain nombre d'éléments quantitatifs et qualitatifs venant à l'appui de la nécessité de légiférer.

Elle indique notamment qu'« entre 2015 et 2019, les parquets ont traité 86 200 affaires relatives à des contentieux de l'environnement [...]. Parmi les 103 500 auteurs impliqués dans ces affaires, 28 % se sont avérés non poursuivables et 92 % des auteurs poursuivables ont reçu une réponse pénale. Cette dernière consiste le plus souvent en une procédure alternative (62 %) sous la forme d'un rappel à la loi ou d'une régularisation sur demande du parquet. Les orientations en poursuites représentent 24 % de la réponse pénale, ce qui distingue ce contentieux des autres contentieux. 52 % des poursuites passent devant le tribunal de police et 47 % devant le tribunal correctionnel. Dans le cadre de l'ensemble des contentieux, les poursuites représentent plus de la moitié de la réponse pénale. Les poursuites en matière d'atteintes à l'environnement ont cependant connu une hausse de 14 % sur la période quinquennale. »

L'illustration ci-dessous permet d'apprécier la nature des réponses apportées aux auteurs de ces atteintes à l'environnement.

Source : Infostat Justice n° 182, avril 2021

Au total, parmi les 5 385 auteurs condamnés par les tribunaux correctionnels, 17,5 % l'ont été à de la prison (dont les deux tiers avec sursis total) et 73,6 % l'ont été à une amende, ce qui constitue la grande majorité des peines prononcées. Ces amendes sont pour l'essentiel des amendes fermes (65,4 % du total), d'un montant moyen de 7 600 euros, avec un écart fort s'agissant des personnes physiques (5 400 euros) ou des personnes morales (23 900 euros).

Concernant le type d'affaires, on dénombre, sur les plus de 86 000 dénombrées :

· 9 026 affaires relatives à la protection de l'eau et de l'air ;

· 8 354 affaires relatives à la protection des espaces naturels ;

· 33 502 affaires relatives à la protection de la faune et de la flore (dont 12 414 concernant la chasse et 14 732 concernant la pêche).

Sur la période 2015-2019, on constate une augmentation de 8,3 % des affaires.

· 35 285 affaires relatives à la prévention des pollutions et des risques (dont 29 788 concernant les ordures et déchets).

S'il est logique et indispensable que le non-respect de la loi fasse l'objet de poursuites et de condamnations, l'ampleur des peines encourues et leur caractère souvent pénal, peut étonner lorsqu'on les rapproche de la réalité vécue au sein d'une exploitation agricole, soumise à une quantité croissante de règles, parfois contradictoires.

L'agriculteur ne dispose en effet pas d'un service juridique à la ferme.

L'étude d'impact cite à juste titre, pour illustrer la complexité et l'introuvable logique de certaines dispositions, l'exemple des obligations légales de débroussaillement (OLD). L'article 19 de la loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, modifiant l'article L. 131-19 du code forestier, dispose que les OLD constituent des travaux d'intérêt général de prévention des risques d'incendie. L'article 5 de cette même loi étend les OLD que peut prescrire le représentant de l'État dans le département aux surfaces agricoles et de végétation proches des massifs forestiers (article L. 131-6). Or, l'étude d'impact précise que « la réalisation des travaux dans le cadre de ces OLD peut amener à des sanctions en application de l'article L. 415-3, lorsque ces travaux conduisent à la destruction d'habitats d'espèces protégées ».

Il convient de rappeler, à ce titre, que le Sénat pressentant une nouvelle forme d'injonctions contradictoires avait, à l'occasion de la première lecture du texte précité, introduit un article 7 ter131(*), traduction d'une recommandation du rapport d'information sur les feux de forêts132(*), prévoyant l'intégration des enjeux relatifs à la prévention du risque incendie dans les plans de gestion des aires protégées.

Si les peines mentionnées au sein du code de l'environnement ne sont que des plafonds - le juge ayant la possibilité et même l'obligation d'adapter la peine133(*) -, elles n'en revêtent pas moins un caractère infamant pour celui qui les encoure. Au-delà d'un aspect traumatique qu'on ne saurait négliger tant le monde agricole est constamment pointé du doigt, le régime des peines figurant dans le code de l'environnement emporte des conséquences très concrètes en termes de pouvoir d'enquête, et singulièrement la possibilité de placer les suspects en garde à vue, procédure loin d'être anodine pour un agriculteur dont la vocation première est de travailler son champ et ses bêtes, et non d'assurer le suivi hebdomadaire de l'inflation des normes, européennes, législatives, règlementaires, voire infra-règlementaires, qui lui sont appliquées.

En outre, l'étude d'impact, soulignant la récente hausse des affaires dans le cadre des travaux forestiers, indique à raison que le risque d'une telle insécurité juridique, notamment concernant les obligations légales de défrichement, est qu'une entreprise de travaux agricoles, voulant s'éviter un préjudice à la fois financier et réputationnel, refuse de remplir certaines tâches pour lesquelles elle considère ne plus être suffisamment sécurisée juridiquement.

II. Le dispositif envisagé - Une habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter le régime de répression de certaines atteintes à l'environnement provoquées par des activités agricoles ou forestières

L'article 13, dans sa version initiale telle que déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale, entend « sécuriser la réalisation de certaines activités humaines »134(*), sans pour autant sacrifier à la protection de l'environnement. Il s'agit d'un exercice de rééquilibrage que le Gouvernement se propose d'opérer par ordonnance, au regard de la complexité de la matière.

Il était proposé que le Gouvernement puisse prendre par ordonnance et dans un délai de 12 mois, toute mesure relevant du domaine de la loi concernant le régime de pression des atteintes à la conservation d'espèces animales non domestiques, d'espèces végétales non cultivées, d'habitat naturel et de sites d'intérêt géologique prévu au 1° de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ainsi que le régime de répression prévu à l'article L. 173-1 du même code avec pour finalité :

· premièrement d'adapter l'échelle des peines et de réexaminer leur nécessité, y compris en substituant à des sanctions pénales existantes un régime de répression administrative. Il s'agit du coeur de l'ordonnance, visant à retrouver une échelle des peines en lien avec les infractions commises, bien souvent sans intention de nuire. Ce 1° prévoit en outre que cette échelle des peines tient compte des conditions dans lesquelles le manquement a été commis ;

· deuxièmement, de prévoir à la charge des auteurs des manquements des obligations de restauration écologique ;

· troisièmement, d'abroger ou modifier les dispositions devenues inadaptées ou obsolètes.

L'article prévoyait classiquement qu'un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement, en l'espèce dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'ordonnance.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. En commission

En commission, deux amendements des rapporteurs ont été adoptés :

· un amendement CE3429 visant à modifier l'intitulé du titre IV, par la substitution du verbe « faciliter » au verbe « libérer » ;

· un amendement CE3431 visant à apporter une précision de rédaction à l'alinéa 2.

En outre, face au mécontentement de nombreux députés de voir le Gouvernement légiférer par ordonnance sur cette matière, le ministre d'alors, Marc Fesneau, s'est engagé à inscrire « dans le dur », à l'occasion du passage en séance publique, les dispositions pour lesquelles une ordonnance était initialement envisagée.

B. En séance publique

En séance publique, les députés ont adopté l'amendement 4452 du Gouvernement visant à réécrire l'article 13 pour inscrire directement dans la loi, sans recourir à une ordonnance, les mesures d'adaptation du régime de répression d'atteinte aux espèces protégées.

L'article 13 ainsi réécrit insère dans le code de l'environnement un article L. 171-7-2 visant à permettre à l'autorité administrative, sans préjudice des poursuites pénales pouvant être par ailleurs exercées en cas d'atteinte aux espèces protégées, d'obliger la personne responsable de cette atteinte à suivre un stage de sensibilisation aux enjeux de protection de l'environnement, sans préciser les contours de ce stage.

L'article modifie également l'article L. 415-3 du même code, relatif à la répression de certaines atteintes à l'environnement, pour insérer la notion d'intentionnalité concernant les infractions prévues au 1°, et, en creux dépénaliser les infractions mentionnées à ce même 1° commises de manière non intentionnelle. Cependant, aucun régime de répression administrative n'est parallèlement créé pour les faits non intentionnels, ce qui interroge sur l'effectivité de cette dépénalisation.

En outre, l'article 13 tel que réécrit par le Gouvernement introduit, toujours à l'article L. 415-3, une présomption de non-intentionnalité de certaines infractions lorsque celles-ci sont la conséquence de l'exécution d'une obligation légale ou réglementaire. Il s'agit ici d'apporter une réponse aux situations dans lesquelles un conflit de normes aboutit, alors même que la personne en cause est de bonne foi est ne fait que remplir ses obligations, à la mise en accusation de cette personne au titre de la norme enfreinte. Il s'agit notamment du cas des OLD, mentionnées précédemment.

Enfin, au même article, il est inséré un alinéa disposant que l'autorité administrative peut, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, transiger avec les personnes sur la poursuite de certains délits, en l'espère ceux prévus au 1° de l'article.

Au total, l'article procède à une forme de dépénalisation imparfaite des infraction prévues au 1° de l'article L. 415-3 du code de l'environnement. Il demeure muet sur la dépénalisation des infractions mentionnées à l'article L. 173-1 du même code, alors que celles-ci figuraient dans le champ d'habilitation de l'ordonnance. Il n'abroge ni ne modifie aucune disposition jugée comme obsolète, ce qui était également prévu par l'ordonnance mais qui aurait nécessité, en tout état de cause, une revue longue et minutieuse de l'état du droit, incompatible avec les délais inhérents au débat parlementaire.

IV. La position de la commission - Procéder à une véritable dépénalisation des infractions figurant dans le champ initial de la demande d'habilitation à légiférer par ordonnance

La commission soutient pleinement l'intention affichée par le Gouvernement, de même que le souhait, exprimé par les députés, de ne pas en passer par une ordonnance, de manière à ne pas contourner le Parlement sur des questions relatives à la répression des infractions environnementales.

À cet égard, les rapporteurs notent que la directive 2008/99/CEE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008, qui impose aux États membres de l'Union européenne d'introduire des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives concernant les infractions graves à l'encontre de l'environnement, n'impose des sanctions à caractère pénal que dans les cas les plus graves, relevant de l'infraction délibérée ou de la d'une négligence grave. Il en va de même pour la nouvelle directive à savoir la directive 2024/1203 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal et remplaçant les directives 2008/99/CE et 2009/123/CE. Les Gouvernements précédents auraient dès lors dû s'atteler à un travail d'identification des probables surtranspositions de cette directive, de manière à pouvoir présenter un dispositif complet au Parlement.

En lieu et place, il a été proposé de procéder en urgence, entre la commission et la séance publique, à une dépénalisation imparfaite de certaines infractions. Les rapporteurs en prennent acte et se sont efforcés d'améliorer le dispositif proposé.

Aussi, la commission a adopté leur amendement COM-400 de rédaction globale qui visant à sécuriser juridiquement la dépénalisation proposée, tout en dépénalisant également certaines infractions prévues à l'article L. 173-1 du code de l'environnement, ce qui correspond au champ initial de l'habilitation proposée par le Gouvernement.

Enfin, partant du principe que la rédaction au sortir de l'Assemblée nationale portait le risque d'une double peine, à savoir une poursuite pénale associée à un stage de sensibilisation, innovation du projet de loi, la rédaction globale écarte la création de ce stage à la logique infantilisante et aux contours peu voire pas définis.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 13 bis AA (nouveau)
Demande de rapport relatif aux mesures de lutte
contre certains organismes nuisibles

Cet article, introduit en commission par un amendement COM-504, vise à demander au Gouvernement la remise d'un rapport relatif notamment à la lutte et aux moyens à mobiliser contre la flavescence dorée, maladie de la vigne particulièrement présente dans les parcelles abandonnées, qui peuvent dès lors constituer des foyers à risque.

Consciente de l'importance de cette problématique pour la viticulture française, la commission, suivant l'avis de sagesse de ses rapporteurs, a adopté cet amendement portant article additionnel.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé.

I. La situation actuelle - La déprise viticole entraîne une augmentation des parcelles laissées à l'abandon, foyer idéal de maladies

La filière viticole traverse depuis quelques années une crise multifactorielles, trouvant des traductions diverses selon les productions et les terroirs, en partie liée à un phénomène de déconsommation de certains vins, notamment rouges, de même que la concurrence de nouvelles boissons festives, plus faiblement voire non alcoolisées, ainsi que la concurrence de boissons étrangères très appréciées du consommateur, à l'instar du prosecco.

Une dynamique de réduction des surfaces est à l'oeuvre, l'État ayant mis en place en 2024 un dispositif de soutien financier à l'arrachage définitif des vignes, après un vaste programme de distillation mené en 2023.

Conséquence de cette crise de la viticulture, le nombre de parcelles laissées à l'abandon augmente. Ces parcelles deviennent alors des foyers pour les maladies, et notamment la flavescence dorée causée par la bactérie phytoplasme classée organisme de quarantaine à l'échelle de l'Union européenne. Cette maladie se transmet facilement, le vecteur en étant un insecte, de la famille des cicadelles.

Parmi les vignobles particulièrement touchés, on compte notamment celui du Beaujolais.

Or, la lutte contre les organismes nuisibles est obligatoire aux termes des dispositions figurant notamment à l'article L. 251-10 du code rural et de la pêche maritime.

II. La position de la commission - Une problématique qu'il ne faut pas ignorer

Au regard de l'importance grandissante que représente la lutte contre les organismes nuisibles en agriculture et singulièrement, concernant la vigne, contre la flavescence dorée, la commission, suivant l'avis de sagesse de ses rapporteurs, a adopté un amendement COM-504 portant article additionnel de Sébastien Pla et plusieurs de ses collègues visant à demander au Gouvernement la remise d'un rapport « estimant le coût pour les services de l'État de la mise en oeuvre effective des mesures de prévention, de contrôle, de contrainte et de répression des prescriptions de lutte obligatoire contre les organismes nuisibles telles que de'finies aux articles L. 250-1 a` 9 et L. 251-3 a` 11 du Code rural et de la pe^che maritime ». Il est également demandé une indication des crédits budgétaires consommés par les services de l'État aux fins d'application des dispositions précitées.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 13 bis A (supprimé)
Accès au casier viticole informatisé pour les porteurs de projets
de réduction de l'usage d'intrants en viticulture

Cet article, introduit en séance publique à l'Assemblée nationale, vise à permettre la transmission des données du casier viticole informatisé aux structures en charge d'un projet visant à réduire les intrants utilisés en viticulture. Il s'agit de données confidentielles relatives aux entreprises viticoles, notamment en possession des douanes.

Si la commission et ses rapporteurs soutiennent toute mesure visant à faciliter la vie des exploitations, elle note que la rédaction de cet article est problématique en ce qu'elle se réfère à une loi abrogée. Plus fondamentalement, la filière viticole, interrogée par les rapporteurs, semble très réservée, voire même opposée, à la systématisation de la transmission de données sensibles, sans modalité de contrôle et à des fins peu explicites.

Pour ces raisons, la commission a adopté un amendement COM-401 de ses rapporteurs visant à supprimer cet article, manifestement introduit à la hâte et sans concertation préalable.

La commission a supprimé cet article.

I. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale

En séance publique, les députés ont adopté un amendement  3546 des rapporteurs permettant la transmission des données du casier viticole informatisé (CVI) aux structures en charge d'un projet visant à réduire les intrants utilisés en viticulture.

Pour cela, l'article modifie le chapitre III du titre II du code des douanes, en insérant un article 59 vicies disposant, en son I, que les agents des douanes et les personnes placées sous l'autorité de structures en charge d'un projet répondant à certains critères peuvent, sur demande ou spontanément, se faire communiquer tous les renseignements et tous les documents détenus ou recueillis respectivement dans l'exercice de leurs missions relatives à la tenue du casier viticole informatisé et dans la conduite de leur projet.

En son II, l'article fixe les critères à remplir pour que le projet puisse faire l'objet des dispositions du I, à savoir :

· il vise à réduire d'ici 2030 la part des intrants utilisés en viticulture ;

· il est financé pour au moins 20 % dans le cadre du grand plan d'investissement mentionné à l'article 31 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ;

· il associe au moins une interprofession viticole, un établissement de recherche et une région.

En son III, l'article dispose d'un arrêté du ministre chargé du budget qui reconnaît les projets répondant aux critères fixés au II et précise les modalités d'application de l'article.

Enfin, le IV prévoit une abrogation du présent article à compter du 1er janvier 2030.

La mise en place et la tenue d'un casier viticole est une obligation figurant à l'article 145 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, qui dispose notamment que les États membres tiennent un casier viticole contenant des informations mises à jour sur le potentiel de production. La tenue de ce casier est notamment requise pour la mise en oeuvre des programmes d'aide à la restructuration et à la reconversion des vignobles, figurant à l'article 46 du même règlement.

Le « grand plan d'investissement » (GIP) mentionné au II de l'article était un programme de 57 milliards d'euros lancé le 1er janvier 2018 et s'étalant sur une période de cinq années. L'enveloppe était fléchée vers quatre priorités135(*) :

· accélérer la transition écologique : 21 Mds€ ;

· édifier une société de compétences : 15 Mds€ ;

· ancrer la compétitivité sur l'innovation : 14 Mds€ ;

· construire l'État à l'âge numérique : 8 Mds€.

Les crédits avaient pour provenance le programme d'investissement d'avenir (PIA), à hauteur de 10 Mds€, les crédits des missions budgétaires, à hauteur de 39 Mds€ et les crédits provenant d'instruments financiers, notamment via la Caisse des dépôts et Bpifrance, à hauteur de 9 Mds€.

Les filières agricoles ont bénéficié de financements, notamment au titre de la priorité relative à l'innovation, suivant trois axes :

· transformation de l'amont agricole et forestier ;

· amélioration de la compétitivité de l'aval agricole et forestier ;

· innovation et structuration des filières.

Les crédits figuraient au sein de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

L'article 31 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 disposait que le Gouvernement présente au Parlement, en annexe au projet de loi de finances de l'année, un rapport relatif au « Grand plan d'investissement », jusqu'à la consommation de l'ensemble des crédits inscrits pour ces investissements. En pratique, deux jaunes budgétaires ont été transmis au Parlement, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 et 2020, l'article 179 de la LFI pour 2020 abrogeant l'article 31 de la LPFP 2018-2022. Le GIP est désormais terminé.

En séance publique, le rapporteur a précisé que le présent article avait été discuté avec le ministère chargé de l'économie et la filière vitivinicole.

II. La position de la commission - Une disposition rédigée à la hâte, dont les contours et les finalités demeurent floues

La commission soutient toute mesure de simplification visant à faciliter la conduite de projets en viticulture. Elle note cependant que l'article fait référence au financement de projets dans le cadre du GIP, dont les financements sont désormais éteints et le fondement juridique abrogé depuis 2020.

En outre, aucune information n'a été fournie au Parlement sur l'origine de cette mesure ni sur sa finalité concrète.

La commission souligne que le casier viticole informatisé regroupe toutes les informations relatives aux entreprises viticoles, les données personnelles, celles relatives aux parcelles plantées ou arrachées, les autorisations de plantation, les niveaux de production et de stock. Ces données, en possession des douanes, dans des conditions prévues par le droit européen, sont personnelles et confidentielles. Dans un cadre précis et selon une procédure précise associant la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), les organismes de défense et de gestion (ODG) peuvent avoir accès à certaines informations du CVI.

L'article voté à l'Assemblée nationale consacrerait donc un libre accès de « structures » à l'intégralité des données figurant au CVI, sans modalité de contrôle et à des fins trop peu explicitées.

Interrogés par les rapporteurs, des représentants de la filière semblaient découvrir, contrairement à ce qui a pu être avancé à l'Assemblée nationale, l'existence de cette disposition, alertant les rapporteurs sur son caractère problématique.

Pour ces raisons, la commission a adopté un amendement COM-401 des rapporteurs visant à supprimer l'article.

La commission a supprimé l'article.

Article 13 bis B (supprimé)
Dérogation au régime des biens de retour pour les biens utilisés
dans le cadre de la délégation du contrôle de transport
des denrées périssables sous température dirigée

Cet article, introduit en séance publique par un amendement du rapporteur et du président de la commission des affaires économiques, vise à mettre en place une dérogation au régime des biens de retour pour les biens utilisés dans le cadre de la délégation du contrôle de transport des denrées périssables sous température dirigée.

Les biens de retour sont la propriété de la personne publique et font leur retour dans le patrimoine de la personne publique au terme du contrat, sous réserve des stipulations de ce même contrat. L'article vise à déroger à cette règle en disposant que ces biens demeurent la propriété de l'organisme tiers, sauf stipulation contraire du contrat.

Il n'a pas été porté à la connaissance de la commission d'éléments permettant de justifier une dérogation particulière à une règle générale visant à préserver des intérêts de la personne publique.

Aussi, elle a adopté l'amendement COM-402 des rapporteurs visant à supprimer cet article.

La commission a supprimé cet article.

I. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale

En séance publique, les députés ont adopté un amendement  3545 du rapporteur Eric Girardin et du président de la commission des affaires économiques Stéphane Travert insérant un article additionnel après l'article 13, visant à instituer une dérogation au régime des biens de retour, applicable à la délégation du contrôle de transport des denrées périssables sous température dirigée.

La distinction entre les biens de retour et les biens de reprise a été établie par le Conseil d'État dans un arrêt du 21 décembre 2012, Commune de Douai.

2. Considérant, en premier lieu, que, dans le cadre d'une délégation de service public ou d'une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique ;

5. Considérant qu'en outre, les biens qui n'ont pas été remis par le délégant au délégataire en vue de leur gestion par celui-ci et qui ne sont pas indispensables au fonctionnement du service public sont la propriété du délégataire, à moins que les parties n'en disposent autrement ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'à l'expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application des principes énoncés ci-dessus, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu'elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public ; que le contrat qui accorde au délégataire ou concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des biens nécessaires au service public autres que les ouvrages établis sur la propriété d'une personne publique, ou certains droits réels sur ces biens, ne peut, sous les mêmes réserves, faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de délégation ;

7. Considérant, par ailleurs, que les parties peuvent convenir d'une faculté de reprise par la personne publique, à l'expiration de la délégation ou de la concession, et moyennant un prix, des biens appartenant au délégataire qui ne sont pas nécessaires au fonctionnement du service ; que, toutefois, aucun principe ni aucune règle ne fait obstacle, s'agissant de ces biens susceptibles d'une reprise, à ce que le contrat prévoie également leur retour gratuit à la personne publique au terme de la délégation.

Source : CE, 2012, Commune de Douai

Cette distinction est depuis codifiée au sein du code de la commande publique (CCP). Son article 3132-4 dispose que lorsqu'une autorité concédante de droit public a conclu un contrat de concession de travaux ou a concédé la gestion d'un service public :

1° Les biens, meubles ou immeubles, qui résultent d'investissements du concessionnaire et sont nécessaires au fonctionnement du service public sont les biens de retour. Dans le silence du contrat, ils sont et demeurent la propriété de la personne publique dès leur réalisation ou leur acquisition ;

2° Les biens, meubles ou immeubles, qui ne sont pas remis au concessionnaire par l'autorité concédante de droit public et qui ne sont pas indispensables au fonctionnement du service public, sont les biens de reprise. Ils sont la propriété du concessionnaire, sauf stipulation contraire prévue par le contrat de concession ;

3° Les biens qui ne sont ni des biens de retour, ni des biens de reprise, sont des biens propres. Ils sont et demeurent la propriété du concessionnaire.

L'article L. 3132-5 dispose quant à lui qu'au terme du contrat de concession de travaux ou du contrat concédant un service public, les biens de retour mentionnés à l'article L. 3132-4 qui ont été amortis au cours de l'exécution du contrat de concession font retour dans le patrimoine de la personne publique gratuitement, sous réserve des stipulations du contrat permettant à celle-ci de faire reprendre par le concessionnaire les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public.

L'article adopté à l'Assemblée nationale porte en l'espèce sur la délégation de la mission figurant au 6° du II de l'article L 231-1 du CRPM. Il s'agit de la mission de contrôle des conditions techniques du transport des denrées alimentaires sous température dirigée. En vertu de l'article L. 231-4-1 du même code, cette mission peut faire l'objet, dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État, d'une délégation à un organisme tiers.

L'article 13 bis B complète, en son I, l'article L. 231-4-1 du CRPM de deux alinéas disposant que :

· lorsque les missions de contrôle des conditions techniques du transport des denrées alimentaires sous température dirigée sanitaire sont déléguées à un organisme tiers, les biens nécessaires à l'exercice des missions de contrôle qui n'ont pas été apportés par la personne publique demeurent la propriété de cet organisme, sauf stipulation contraire de la convention de délégation ;

· à fin de garantir la continuité du service public, ces biens ne peuvent être cédés à des tiers pendant la durée de la délégation, sauf autorisation préalable de la personne publique.

Il est donc prévu que dans le cadre de cette mission uniquement, les biens de retour demeurent, sauf stipulation contraire de la convention de délégation, propriété de l'organisme.

En son II, l'article précise que les dispositions du présent article sont applicables à la convention de délégation du contrôle de transport des denrées périssables sous température dirigée en cours d'exécution à la date de publication de la présente loi.

L'exposé sommaire de l'amendement portant article additionnel adopté à l'Assemblée nationale indique, de façon évasive que « L'actuelle qualification de ces biens - qui sont nécessaires à l'exercice des missions de contrôle et qui n'ont pas été apportés par la personne publique - est source d'insécurité juridique, notamment concernant les tunnels de tests des camions frigorifiques, ce qui fragilise l'exécution de la mission de contrôle effectuée par le délégataire et les conditions de renouvellement de la délégation ».

II. La position de la commission - Une absence de raison objective de créer une exception à un principe dégagé par la jurisprudence et désormais codifié

En l'état, il n'a pas été porté à la connaissance de la commission d'éléments probants permettant de justifier d'insérer, au sein du code rural et de la pêche maritime, une dérogation particulière à une règle générale inscrite au sein du code de la commande publique visant à préserver des intérêts de la personne publique.

Aussi, elle a adopté l'amendement COM-402 des rapporteurs visant à supprimer cet article.

La commission a supprimé l'article.

Article 13 bis
Présomption de bonne foi de l'exploitant contrôlé

Cet article, introduit en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, crée une présomption de bonne foi de l'exploitant dans le cadre d'un contrôle opéré sur son exploitation.

La commission des affaires économiques du Sénat partage l'objectif porté par cet article, même si sa portée juridique paraît incertaine. Désireuse de laisser le débat avoir lieu en séance publique, les rapporteurs n'ont pas souhaité amender cet article. La commission a adopté, avec avis de sagesse de ses rapporteurs, un amendement COM-616 de Dominique Vérien complétant l'article 13 bis de deux alinéas visant à favoriser les alternatives aux poursuites et à ne pas pénaliser une infraction résultant d'un conflit de normes.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté un amendement  CE83 de Mme Anne-Laure Blin et plusieurs de ses collègues, sous-amendé par le Gouvernement ( CE699), visant à compléter le chapitre III du titre II du livre Ier du code des relations entre le public et l'administration par un article L 123-3 disposant que « lors d'un contrôle opéré dans une exploitation agricole, la bonne foi de l'exploitant est présumée. »

Initialement, l'amendement de la députée Blin comportait les deux alinéas supplémentaires suivants :

« Si un manquement est constaté pour la première fois, l'exploitant peut régulariser sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invité à le faire par l'administration dans le délai indiqué par celle-ci.

« Lorsqu'il est supposé un manquement reposant sur une norme qui entre en contradiction avec une autre norme, l'exploitant agricole ne peut être sanctionné. »

Proposant un sous-amendement de suppression des deux derniers alinéas, le ministre d'alors, Marc Fesneau, a considéré que le dispositif proposé en son deuxième alinéa était problématique en ce qu'il partirait du principe qu'un premier manquement, quelle que soit sa nature et qu'il soit ou non intentionnel, ne saurait être sanctionné, posant par là même un problème tant de proportionnalité que de comptabilité avec le droit européen. Concernant le troisième alinéa, renvoyant à la situation d'un manquement en raison d'un conflit de normes, le ministre a renvoyé à la rédaction que le Gouvernement entend proposer en séance publique concernant l'article 13136(*). En séance publique, cet article n'a pas fait l'objet de modification.

La loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (loi Essoc) consacre un droit à l'erreur dans de nombreux champs du droit. Cependant, au terme de l'article 123-1 du code des relations entre le public et l'administration, le droit à l'erreur est écarté en ce qui concerne les sanctions requises pour la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne ainsi que les sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou de l'environnement.

Aussi, le droit à l'erreur s'applique peu aux agriculteurs puisque leur activité s'inscrit dans le cadre de la politique agricole commune d'une part, et en contact permanant avec l'environnement d'autre part.

L'article L. 123-2 du même code dispose qu'est de mauvaise foi, toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation, et qu'en cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi et de la fraude incombe à l'administration.

Il convient de noter que la nouvelle programmation PAC prévoit un droit à l'erreur, très encadré, au bénéfice des agriculteurs.

Application du droit à l'erreur dans cadre de la PAC

« La reconnaissance du droit à l'erreur permet de renforcer le lien de confiance entre l'administration et le bénéficiaire, et éviter des sanctions financières parfois très lourdes pour une erreur commise de bonne foi.

Un « droit à l'erreur » pour les dispositifs européens, dans les cas où le demandeur se trompe de bonne foi dans sa déclaration ou au cours d'une campagne culturale, est ainsi reconnu. Cette possibilité de corriger des erreurs est toutefois encadrée dans le temps et dans ses modalités et ne s'applique pas en cas de mauvaise foi ou de tentative de fraude.

Il peut s'agir par exemple, sans faire porter de risques sur les fonds européens, de donner la possibilité au demandeur de modifier ou corriger dans certaines situations la demande d'aide pourvu que les éléments ou les omissions à corriger soient jugés de bonne foi par les autorités compétentes et afin que la déclaration soit conforme à la réalité du terrain.

Le droit à l'erreur peut être de nature différente. Il s'applique dans le respect des principes et conditions suivantes :

- l'erreur est manifeste, elle a été détectée lors de l'instruction à l'aide des seuls éléments contenus dans la demande par le service instructeur (maintien du cadre actuel des erreurs manifestes) ;

- l'erreur a été déclarée par l'exploitant, à son initiative ou suite à une suspicion du service instructeur qui a échangé avec lui ;

- l'erreur de déclaration initiale ne correspond pas à une tentative de fraude pour obtenir un montant supérieur ;

- l'exploitant n'a pas été informé d'un contrôle sur place et la correction de la demande est réalisée à une date ou un délai avant paiement fixés dans la réglementation nationale ;

- les données nouvellement déclarées sont justifiées et documentées et peuvent toujours être contrôlées ;

- par ailleurs, conformément au règlement d'exécution système intégré de gestion et de contrôle (SIGC), l'exploitant pourra modifier sa déclaration avant paiement (ou avant d'être informé d'un contrôle sur place) de façon spontanée ou suite à une erreur ou une non-conformité détectée par l'administration lors du contrôle administratif ou par le système de suivi des surfaces. L'exploitant sera donc en mesure de corriger le cas échéant ces erreurs avant sanction.

Dans le même esprit, en cas de non transmission de la déclaration SIGC dans les délais pour raison de force majeure, une procédure exceptionnelle sera mise en place par l'ASP permettant de tracer ces dossiers, et de les rendre éligibles le cas échéant après instruction de l'ensemble des pièces pouvant justifier la force majeure. En effet, au cours des précédentes programmations, quelques dossiers ont fait l'objet de refus pour cause d'absence de télédéclaration dans les délais (par exemple bug informatique qui affecte la bonne transmission du dossier). Malgré les pièces justificatives probantes attestant d'une situation très exceptionnelle, il était impossible de rattraper ces dossiers ce qui a pu conduire à une appréciation très négative de l'administration des aides PAC.

Dans le cas où la force majeure sera reconnue, en particulier si cela conduit au dépôt d'une demande d'aide hors délai, le système de suivi des surfaces sera utilisé pour vérifier les surfaces déclarées et les interventions sur les parcelles qui sont concernées. Cette analyse se fera, selon la situation, soit de manière automatique, soit manuellement, et des pièces justificatives complémentaires seront demandées en tant que de besoin s'il n'est pas possible de conclure sur certaines parcelles (photos géolocalisées ou justificatifs documentaires).

Source : Plan stratégique national de la PAC 2023-2027

II. La position de la commission - Une portée incertaine, un débat nécessaire

La commission comprend et partage l'intention, largement symbolique de cet article. Si sa portée demeure incertaine, la commission et ses rapporteurs considèrent que le débat doit avoir lieu en séance publique, pour que la ministre puisse notamment exprimer plus avant la position du Gouvernement et comment elle souhaite, le cas échéant, donner plus de consistance à cette disposition.

La commission a en outre adopté, avec un avis de sagesse de ses rapporteurs, conscients de la portée là aussi symbolique de la mesure, un amendement COM-616 de Dominique Vérien. Il vise à ajouter à l'article deux alinéas disposant, d'une part, que les procédures alternatives aux poursuites sont privilégiées, et, d'autre part, qu'un manquement résultant d'un conflit de norme ne peut être sanctionné.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 13 ter
Demande de rapport relatif à la dématérialisation
de l'identification des bovins

Cet article, introduit en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, invite le Gouvernement à remettre un rapport sur la généralisation de l'identification électronique dans la filière bovine.

En séance publique, l'article a fait l'objet d'un amendement des rapporteurs de précision rédactionnelle.

À l'initiative de ses rapporteurs, et en concertation avec Chambres d'agriculture de France, elle a adopté un amendement COM-403 et six amendements identiques visant à réécrire l'article 13 bis pour, d'une part, insérer une disposition programmatique visant à l'aboutissement de la dématérialisation sous deux ans, et, d'autre, part, prévoir la remise en Parlement d'un rapport d'étape.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté l'amendement CE3433 des rapporteurs disposant que dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la faisabilité et l'impact sur la filière bovine de la généralisation de l'identification électronique ainsi que sur la dématérialisation de la base de données nationale d'identification animale (BDNI).

L'enjeu de l'identification des animaux d'élevage est un sujet important, sur lequel le Sénat a récemment eu l'occasion de travailler.

En effet, l'article 40 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole, à l'initiative du co-rapporteur M. Daniel Fargeot, a été profondément remanié par la commission spéciale pour moderniser le cadre applicable à l'identification animale et procéder à une clarification des compétences des chambres d'agriculture et de Chambres d'agriculture France (CDAF)137(*).

Le sujet des passeports est important dans la mesure où leur édition, obligatoire, continue de se faire sous format papier. En outre, la France dispose d'un système de « double passeport » : une « carte rose », permettant l'identification et la traçabilité, et une « carte verte », l'attestation sanitaire à délivrance anticipée (Asda), sorte de carnet de santé, souvent délivré par les groupements de défense sanitaire (GDS) et apposée sur le passeport.

Le plan de souveraineté sur l'élevage prévoit par ailleurs que « l'État financera intégralement la conception du futur système de traçabilité pour toutes les filières ainsi que la dématérialisation des documents d'identification en filière bovine. »138(*).

L'ambition de dématérialiser ces passeports est ancienne et peine à trouver sa concrétisation, alors même que de nombreux États membres de l'Union européenne ont d'ores et déjà procédé à cette simplification.

II. La position de la commission - La dématérialisation est gage d'efficacité et de simplicité pour les acteurs de l'élevage

La commission est favorable à une accélération des travaux de dématérialisation des documents d'identification et d'accompagnement des bovins, gage d'efficacité, de gain de temps et de simplification pour toute la chaine des opérateurs intervenant aux différents stades de la vie de l'animal. En outre, elle devrait permettre la réalisation d'économies pour les éleveurs.

À l'initiative de ses rapporteurs, et en concertation avec CDAF, elle a adopté un amendement COM-403, ainsi que les amendements identiques COM-19, COM-47, COM-97, COM-180, COM-448 et COM-548 visant à réécrire l'article 13 bis pour, d'une part, insérer une disposition programmatique visant à l'aboutissement de la dématérialisation sous deux ans, et, d'autre, part, prévoir la remise en Parlement d'un rapport d'étape.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 14
Adaptation du cadre juridique applicable à la gestion des haies

Cet article, le plus long du projet de loi initial avec 38 alinéas, adapte le cadre juridique de la gestion des haies, aujourd'hui décrié par la multiplicité des régimes d'autorisation et de déclaration applicables, source d'injonctions contradictoires. En effet, alors que les haies rendent de nombreux services écosystémiques, le linéaire est en déclin et les bonnes volontés pour replanter sont découragées par une réglementation complexe et dissuasive.

Cet article, qui ne figurait ni dans l'avant-projet de loi de janvier, ni dans celui de septembre, fait partie des mesures ajoutées en urgence, pour répondre à la crise agricole. Il crée une déclaration unique préalable, pouvant se transformer en autorisation unique, assortie d'obligations de compensation et de sanctions spécifiques, se substituant à dix régimes différents - treize après passage à l'Assemblée nationale - qui s'appliquent à la protection des haies en cas de travaux ou de destruction.

Un amendement de rédaction globale des rapporteurs a été adopté pour compléter le guichet unique par une logique de territorialisation plus poussée, tant dans la définition des pratiques admissibles sur les haies sans être assimilables à de la destruction que dans le calcul du coefficient de compensation en cas de destruction, qui varierait en fonction de la densité de haies dans un département et de son évolution passée. La transparence serait également renforcée, du fait de la consécration législative d'outils de cartographie actuellement développés pour faciliter l'appropriation des normes environnementales (Envergo).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Alors que les haies rendent de nombreux services écosystémiques, le linéaire est en déclin et les bonnes volontés pour replanter sont découragées par une réglementation complexe et dissuasive

Environ 1,4 million de kilomètres de haies bocagères auraient disparu depuis 1950, soit 70 % du linéaire existant. Il reste en effet 1,55 million de kilomètres de haies selon l'IGN.

Infrastructures écologiques rendant des services écosystémiques majeurs, y compris pour l'agriculture (maintien de l'humidité, performance du sol, auxiliaires de culture), les haies sont cependant devenues un symbole des incohérences de la puissance publique, qui accroît d'un côté les financements dédiés à la plantation de haies, tout en maintenant de l'autre un édifice réglementaire décourageant même les meilleures volontés en la matière, par crainte de sanctions disproportionnées.

C'est aussi ce qu'indiquait le CGAAER dans un rapport de 2023 sur « La haie, levier de la planification écologique » : « si les témoignages recueillis restent partiels, la crainte qui en émane est que la « sanctuarisation » des haies constituerait un réel frein à leur réinstallation, même pour des agriculteurs motivés par la production de biomasse ou la valorisation de la séquestration de carbone : l'insécurité juridique ou le sentiment d'être traités comme des délinquants (intervention le dimanche d'agents de l'OFB, convocation au tribunal...) ont souvent été mentionnés. » Le CGAAER identifiait comme obstacle les « réglementations invisibles » s'appliquant aux haies en plus de la conditionnalité de la PAC (bonne condition agricole et environnementale 8 sur les infrastructures écologiques) quant à elle bien connue des agriculteurs.

Source : CGAAER

Dans ce contexte, ce sont à nouveau 23 500 km de linéaire de haie qui ont disparu entre 2017 et 2021.

Pourtant, dans le même temps, de nombreux programmes affichent pour objectif, semble-t-il en vain, de regagner du linéaire par la plantation de haies, dont le programme « Plantons des haies » dans le cadre de France Relance, plusieurs programmes régionaux, comme « Breizh Bocage » ou, dans le cadre de la planification écologique, un « pacte » présenté par le Gouvernement, abondé à hauteur de 110 millions d'euros en 2024, pour planter 50 000 km de nouvelles haies d'ici à 2030.

II. Le dispositif envisagé - Une déclaration unique préalable pouvant se transformer en autorisation unique, se substituant à dix régimes existants, assortie d'obligations de compensation et de sanctions spécifiques

Cet article, le plus long du projet de loi initial avec 38 alinéas, adapte le cadre juridique de la gestion des haies, aujourd'hui décrié par la multiplicité des régimes d'autorisation et de déclaration applicables, source d'injonctions contradictoires.

Son I crée une nouvelle section dédiée à la protection des haies dans le code de l'environnement, qui serait composée des six articles suivants :

1. Le premier article (L. 412-21 du code de l'environnement) donne à la haie une définition - qui manquait jusqu'à aujourd'hui - très générale (« toute unité linéaire de végétation ligneuse comportant plusieurs essences et d'origine humaine, à l'exclusion des allées et alignements d'arbres qui bordent les voies ouvertes à la circulation publique »). Trois critères restreignent le champ de ce qui peut être assimilé à une haie au sens de cette nouvelle section du code de l'environnement :

a. le caractère ligneux de la végétation : ce critère exclut les plantes herbacées comme les graminées vivaces (le miscanthus, le stipa, le pennisetum...), les fleurs (les asters, les échinacées, les rudbeckias, les soucis, les cosmos...), les fougères, les mousses, les lichens, les champignons, les hépatiques ou encore certaines algues. En revanche, l'ajonc, l'églantier, la lavande, et même le thym, bien qu'étant a priori herbacés plusieurs semaines au début de leur maturité, correspondent bel et bien à de la végétation ligneuse, une fois passé ce premier stade, ce qui les englobe dans la définition de la haie ici retenue.

b. la pluralité d'essences : bien que la notion d'« essence » soit a priori associée à des espèces d'arbres et donc de végétation ligneuse, il n'est pas explicitement précisé que ce critère de la pluralité des essences s'attache aux seules essences « ligneuses ». Il semble donc possible que la simple présence d'une herbacée couplée avec un arbuste suffise à atteindre cette condition de pluralité, ce qui constitue une définition large de la « haie ».

c. l'origine humaine - or, de la même manière qu'il n'existe pas de forêt primaire dans l'hexagone, il n'existe probablement pas de « haies primaires »...

Il est à noter que, de façon très surprenante, cette définition de la haie ne semble pas exclure le linéaire des particuliers.

2. Le deuxième article (L. 412-22 du code de l'environnement) soumet « tout projet de destruction d'une haie » au sens du précédent article à une procédure de « déclaration unique préalable », qui tient lieu de déclaration pour les dix procédures mentionnées à l'article L. 412-24 du code de l'environnement (cf. tableau ci-dessous). Cette rédaction semble s'inspirer de ce qui existe déjà pour l'autorisation environnementale, pouvant tenir lieu de 18 autres déclarations ou autorisations, dont la déclaration IOTA139(*).

3. Le troisième article (L. 412-23 du code de l'environnement) prévoit que, dans un délai fixé par décret en Conseil d'État, l'autorité administrative compétente peut indiquer à l'auteur de la déclaration qu'une autorisation unique est nécessaire sur le fondement de l'un des dix régimes législatifs applicables à la haie. Cela a pour effet de changer la nature juridique de la déclaration, qui est alors automatiquement regardée comme une demande d'autorisation unique. L'autorité en informe le requérant, l'informe des délais dans lequel elle rendra sa décision, et lui demande, si besoin est, des éléments complémentaires nécessaires à l'instruction de sa demande.

4. Le quatrième article (L. 412-24 du code de l'environnement) se borne à établir la liste des dix législations applicables aux projets de destruction de haie entrant dans le champ de la déclaration unique préalable ou de l'autorisation unique mentionnées aux deux articles précédents de la section :

 

Régimes

Bases juridiques

Autorités compétentes

Délivrance de dérogations - aux interdictions relatives à la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales ou végétales et de leurs habitats

Mesures conservatoires - propres à éviter l'altération, la dégradation ou la destruction des sites d'intérêt géologique

4° et 7° du I de l'art. L. 411-2 du code de l'environnement

« l'autorité compétente »

Absence d'opposition - au régime des incidences Natura 2000

VI de l'art. L. 414-4 du code de l'environnement

« l'autorité »

Autorisation ou absence d'opposition à déclaration - de travaux

art. L. 214-3 du code de l'environnement

« l'autorité administrative »

Autorisation spéciale - pour détruire ou modifier l'état des lieux ou l'aspect d'une réserve naturelle régionale ou nationale (dès le stade de l'intention d'en constituer une)

art. L. 332-6 ou L. 332-9 du code de l'environnement

Président du conseil régional (RNR) ou préfet (RNN)

Autorisation spéciale - pour détruire ou modifier l'état des lieux ou l'aspect d'un monument naturel ou d'un site classé (dès l'intention de classement)

art. L. 341-7 et L. L. 341-10 du code de l'environnement

« l'administration chargée des sites »

Autorisation déclaration de travaux - pour réaliser des activités, dépôts ou installations de nature à nuire directement ou non à la qualité des eaux dans le périmètre de protection d'une source d'eau minérale naturelle déclarée d'intérêt public

art. L. 1322-4 du code de la santé publique

Préfet de département

Déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau dans un périmètre de protection de captages d'eau potable (périmètre de protection immédiate, où un droit de préemption peut s'exercer, de protection rapprochée à l'intérieur desquels peuvent être interdits toutes sortes de [...] travaux [...] de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux, ou de protection éloignée, où ces derniers peuvent être réglementés)

art. L. 1321-2 du code de la santé publique

Collectivité publique, concessionnaire, association syndicale ou tout autre établissement public

Autorisation préalable - pour détruire une haie protégée par le préfet au titre de la protection des formations linéaires boisées

art. L. 126-3 du code rural et de la pêche maritime

Préfet (après avis éventuel de la CDAF)

absence d'opposition à une déclaration préalable de travaux -

art. L. 421-4 du code de l'urbanisme

Maire

10°

absence d'opposition à une déclaration préalable ou autorisation -

bonne condition agricole et environnementale 8 de la PAC ( arrêté du 14 mars 2023)

 

5. Le cinquième article (L. 412-25 du code de l'environnement) est la contrepartie des assouplissements accordés par les précédents articles. Il dispose que « toute destruction de haie est subordonnée à des mesures de compensation par replantation d'un linéaire au moins égal à celui détruit », dans les conditions prévues par l'article L. 163-1, c'est-à-dire : absence de perte nette voire gain de biodiversité, et obligation de résultat. Il prévoit par ailleurs que « [le préfet] peut fixer « toute autre prescription nécessaire au respect des intérêts protégés par [les dix régimes de protection mentionnés] à l'article L. 412-24 », ainsi que « toute prescription complémentaire » à cette fin. Le préfet pourrait également prescrire au demandeur un « conseil préalable à l'opération d'arrachage et de replantation », une disposition nouvelle.

6. Le sixième article (L. 412-26 du code de l'environnement) prévoit un décret en Conseil d'État pour l'application de la section créée par le présent projet de loi au sein du code de l'environnement, précisant notamment : « les modalités de fixation de périodes, qui peuvent être différentes selon les régions, pendant lesquelles la destruction des haies est interdite, sauf cas de force majeure », « les modalités et conditions de la déclaration et de l'autorisation uniques », « les conditions dans lesquelles la destruction d'une haie fait l'objet de mesures de compensation »). Les dispositions soulignées et en gras semblent de nature à garantir une application souple des règles relatives à la destruction des haies.

Le II et le III du présent article tirent les conséquences de la création au I des procédures d'absence d'opposition à déclaration et d'autorisation unique de destruction de haies (respectivement articles L. 412-22 et L. 412-23 du code de l'environnement) en procédant à des coordinations juridiques avec les articles relatifs à l'autorisation environnementale :

- ainsi, le II précise que, lorsqu'elle est nécessaire, « l'autorisation environnementale tient lieu » d'absence d'opposition à déclaration ou d'autorisation unique de destruction de haies, ajoutant logiquement ces procédures uniques à la liste des 18 procédures auxquelles l'autorisation environnementale se substitue déjà lorsqu'un projet est soumis à autorisation environnementale ;

- en complément, le III ajoute les conditions requises pour bénéficier d'une absence d'opposition à déclaration ou d'une autorisation unique de destruction de haies à la liste des 13 catégories de dispositions qui doivent impérativement être respectées pour qu'une autorisation environnementale puisse être accordée.

Le IV opère enfin une coordination avec l'article L. 173-1 du code de l'environnement, relatif aux sanctions en cas de non-respect des règles environnementales : détruire une haie en l'absence de déclaration ou autorisation unique serait puni de jusqu'à un an d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende ; le faire malgré un retrait d'autorisation serait puni de jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - Hormis le maintien du principe même de la déclaration unique, la rédaction de l'article 14 a substantiellement évolué à l'Assemblée nationale

A. En commission, des modifications marginales, relatives à la définition de la haie et au champ de l'article 14, ainsi qu'une précision sur les périodes d'interdiction de taille des haies

Sept amendements, dont quatre identiques, ont été adoptés à l'article 14 lors de l'examen du texte par la commission des affaires économiques : 

· un amendement n° CE255 de Mme Jourdan et plusieurs de ses collègues socialistes et apparentés précise que la section relative à « la protection des haies » que cet article prévoit de créer dans le code de l'environnement est aussi relative à « la valorisation de ces haies ». Il faut noter en revanche qu'une série d'amendements devant donner de la substance à ce principe, déposée par les mêmes auteurs, n'a pas été adoptée par la commission des affaires économiques ;

· l'amendement n°  CE3432 du rapporteur Éric Girardin s'efforce d'écarter de la définition de la présente loi les haies « implantées en bordure de bâtiments, ou sur une place, ou qui constituent l'enceinte d'un jardin ou d'un parc attenants à une habitation, ou se situent à l'intérieur de cette enceinte » ;

· quatre amendements identiques, proposés par la Fédération nationale des syndicats d'exploitation agricole (FNSEA), n° CE338 de M. Julien Dive (Aisne) et plusieurs de ses collègues du groupe LR, n° CE923 de M. Francis Dubois (LR - Corrèze), n° CE1433 de M. Charles de Courson (LIOT - Marne) et n° CE3078 de M. Benoît Bordat (Renaissance - Côte-d'Or), ajoutent trois législations supplémentaires au champ de la déclaration/autorisation unique (abords de monuments historiques, sites patrimoniaux remarquables, sites inscrits au code de l'environnement) ;

· enfin, un amendement n° CE1025 de Julien Dive et plusieurs de ses collègues tend à préciser à l'article L. 411-1 du code de l'environnement que, s'agissant de la taille des haies en espaces agricoles, « la période d'interdiction de perturbation [des sites d'intérêt géologique, des habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats] doit tenir compte des spécificités et des conditions climatiques et pédologiques du département ».

B. En séance publique, des aménagements supplémentaires aux procédures de destruction de haies, par des amendements portant sur la définition, sur les interventions d'urgence et sur les sanctions applicables

Sur 325 amendements qui avaient été déposés sur cet article en vue de sa discussion en séance publique, vingt-cinq en tout ont finalement été adoptés.

Important, l'amendement n° 5594 du rapporteur Pascal Lavergne précise que sont exclus du régime de la haie l'ensemble des alignements d'arbres : ceux situés en bord de voirie comme ceux situés en intraparcellaire.

Un amendement n° 2642 de Mme Le Feur (Renaissance - Finistère) et deux de ses collègues énumère certains des services écosystémiques (habitat naturel, corridor écologique, qualité et infiltration de l'eau dans les sols, stockage de carbone, affouragement, production de biomasse, de bois-construction, élément paysager structurant) que les haies doivent rendre.

Un autre amendement, n° 2639, de Mme Le Feur (ainsi que des identiques n° 2956 et 3957), prévoit que « les gestionnaires de voirie, les gestionnaires d'infrastructures ferroviaires, les gestionnaires d'infrastructures de communications électroniques, les gestionnaires de réseaux de distribution publique d'électricité, définissent et mettent en oeuvre un plan d'action pour atteindre l'objectif de gestion durable des haies sur lesquelles ils interviennent ».

Le rapporteur Pascal Lavergne et ses trois collègues rapporteurs ont déposé une série de cinq amendements rédactionnels140(*).

Ils ont par ailleurs déposé un amendement n° 4520 renvoyant à un décret pour préciser « les conditions dans lesquelles il peut être procédé à des destructions de haie en cas d'urgence pour notamment assurer la sécurité des personnes et des biens ou l'intégrité des réseaux », sans en passer par la procédure unique de déclaration/autorisation.

Un autre amendement substantiel du rapporteur Pascal Lavergne, n°  4565, ramène les sanctions encourues de 100 000 euros à 450 ou 1 500 euros, respectivement pour non-respect de la procédure de déclaration et d'autorisation (3 000 euros si récidive). L'auteur de l'amendement évoque la perspective d'un décret en Conseil d'État pour prévoir que l'action publique sera éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire.

IV. La position de la commission - Les rapporteurs ont entendu s'appuyer sur le guichet unique et la procédure unique proposées par le Gouvernement, en les complétant par une approche davantage territorialisée

Cet article, qui ne figurait ni dans l'avant-projet de loi de janvier, ni dans celui de septembre, fait partie des mesures ajoutées en urgence, pour répondre à la crise agricole.

Le cadre juridique applicable à la haie était devenu un symbole de la sur-réglementation et des injonctions contradictoires que connaissent les agriculteurs dans leur activité au quotidien. L'ajout d'une mesure relative à la destruction des haies a donc été globalement bien accueilli par la profession agricole et la FNSEA, qui était très impliquée sur cette question - ce qui n'a pas empêcher le syndicat majoritaire de faire valoir quatorze propositions sur cet article... (cf. infra).

A. Une simplification bienvenue, mais qui s'accompagne d'obligations de compensation et de sanctions majorées

Outre que certains syndicats, comme le Modef, trouvent que la place de la haie ne soit pas dans une loi d'orientation sur le renouvellement des générations et la souveraineté alimentaire, il y a lieu tout d'abord de se demander si toutes les réglementations relatives à la haie sont bien incluses dans le champ de cet article, et de se demander s'il n'eût pas été possible d'alléger directement ces réglementations « en dur ».

En effet, cet article semble constituer une simplification assez mineure : sans simplifier en tant que telle la douzaine de régimes juridiques existants applicables à la haie, elle permet aux personnes ayant un projet de destruction de haies de procéder à une seule demande initiale, valable pour l'ensemble de ces régimes. Il s'agit, en somme, d'un simple « guichet unique ».

Or, puisque la moitié seulement des régimes environ relèvent de l'« absence d'opposition à déclaration préalable », la simple déclaration unique préalable (art. L. 412-22 c. env.) prévue au présent article ne suffira pas dans la plupart des cas. Pour les régimes d'autorisation qui seraient applicables dans une situation donnée, le requérant devra attendre de l'administration qu'elle précise quelles sont les pièces nécessaires au total pour compléter le dossier (art. L. 412-23 c. env.). Cela maintient une étape supplémentaire dans l'échange entre l'administration et l'administré, et il faudra s'assurer que l'administration traite les demandes en temps utile (question des effectifs) et sans surinterpréter la réglementation (question de l'administration compétente, Dreal ou DDT).

S'agissant du dispositif retenu par le Gouvernement, comme celui-ci l'indique explicitement, le but est certes de « sécuriser les propriétaires et exploitants » mais également de « renforcer l'effectivité des législations existantes ». En contrepartie de la procédure unique, certaines contraintes supplémentaires s'appliquent aux agriculteurs, critiquées par le Conseil d'État dans son avis :

· ainsi, l'interdiction de principe de toute destruction de haie a été abandonnée. Le Conseil d'État avait jugé que la loi porterait une atteinte à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété en édictant « une interdiction de principe de toute destruction d'une haie dans le champ d'application retenu, qui ne serait "levée" que par une décision de non-opposition ou d'autorisation délivrée après examen du projet au regard des législations spécifiques mentionnées ci-dessus, mais aussi au regard d'un critère indéterminé de "risque significatif pour l'environnement, pour le paysage et la santé humaine et animale", dont l'explicitation serait renvoyée au décret en Conseil d'État » ;

· sur la systématisation du principe de compensation au moins égale en cas de destruction de linéaire, le Conseil d'État a identifié une atteinte au droit de propriété et à la liberté du commerce et de l'industrie, certes justifiée par un motif d'intérêt général (« les dispositions du projet de loi qui imposent de compenser toute destruction de haie, même lorsque ces travaux ne relèvent d'aucun régime de protection imposant déclaration ou autorisation préalable, par la plantation d'une haie d'un linéaire au moins égal à celui de la haie détruite, dans les conditions de l'article L. 163-1 du code de l'environnement qui définit les mesures de compensation comme devant viser un objectif d'absence de perte nette, voire de gain de biodiversité, et se traduire par une obligation de résultats, imposent aux propriétaires ou exploitants une nouvelle contrainte particulièrement lourde. Il estime toutefois que la mesure répond à des considérations d'intérêt général, compte tenu de l'importance des haies bocagères pour la biodiversité, et la protection de l'environnement et considère, par suite, que la loi peut prévoir d'instituer une telle obligation de compensation sans porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté du commerce et de l'industrie, compte tenu des objectifs d'intérêt général et constitutionnel poursuivis. ») ;

· selon le Conseil d'État, le durcissement des dispositions pénales sanctionnant l'arrachage des haies « méconnaîtrait le principe de proportionnalité des peines ». Il est en effet prévu de « sanctionner l'arrachage de haie sans autorisation ou en cas d'opposition à déclaration des mêmes peines qu'en cas d'exploitation sans autorisation au titre des installations classées ou de la loi sur l'eau, alors que les législations au regard desquelles la non-opposition ou l'autorisation est délivrée prévoient des sanctions pénales très différentes, voire n'en prévoient aucune ». Le Conseil d'État s'inquiétait de la cohérence de ce régime avec la logique de l'article 13 (modifiant notamment le régime de répression des atteintes à la conservation des espèces protégées et de leurs habitats, art. L. 173-1 du code de l'environnement). Il est à noter que, malgré ces réserves, le régime des sanctions n'avait pas évolué après le passage du texte au Conseil d'État, mais seulement après son passage à l'Assemblée nationale.

B. L'épineuse question de la définition de la haie

1. Une définition... « au sens de la présente section » n'écrasant pas nécessairement les définitions préexistantes associées à tel ou tel régime, mais s'y superposant

Un premier motif d'alerte sur la définition ici donnée de la haie tient à ce qu'il faut veiller à ne pas retenir une définition trop restrictive, du moins plus restrictive que certaines réglementations existantes. En effet, la définition donnée ici est celle de « la haie au sens de la présente section ».

Cela signifie que si cette définition est trop restrictive, la procédure simplifiée prévue dans la présente section ne serait pas applicable, quand bien même l'unité linéaire pourrait continuer d'être assimilée à une haie au sens d'autres réglementations - sans accès au régime simplifié, donc, mais avec de nouvelles sanctions associées...

2. Une définition initiale large incluant les alignements intraparcellaires jusqu'ici non assimilés à des haies au sens de certaines réglementations

Un autre motif de crainte pourrait être qu'en cherchant à simplifier la réglementation, cet article n'empire la situation vécue par les agriculteurs, en « sanctuarisant » comme haie ce qui n'était pas considéré comme tel jusqu'à présent.

C'est la préoccupation exprimée par la FNSEA sur les « alignements intraparcellaires », à laquelle répond sa proposition d'amendement n° 1 - il est à noter que Chambres d'agriculture France porte une seule modification de cet article, strictement identique à la proposition n° 1 de la FNSEA (cf. encadré ci-dessous).

Le syndicat et l'établissement public s'inquiètent en effet de ce que « la définition initialement proposée [soit] très large et inclu[e] par exemple les alignements d'arbres (à l'exception des alignements qui bordent les voies publiques) ». Selon eux, « une définition trop large des haies conduirait à ce que d'autres éléments linéaires ligneux soit inclus, et que des surfaces non concernées jusqu'ici par les réglementations le deviennent, comme les alignements intraparcellaires. L'intégration de ces autres éléments linéaires serait particulièrement contraignante pour les agriculteurs qui souhaiteraient expérimenter de nouveaux systèmes. » Ils proposent ainsi de reprendre « la définition de la haie dans la PAC, beaucoup plus précise et excluant les alignements intraparcellaires ».

Afin de garantir que la définition de la haie ne soit pas trop large, les rapporteurs ont de leur côté envisagé, intention finalement abandonnée :

· d'exclure explicitement les plantes dont la structure est majoritairement non ligneuse ou les plantes qui restent non ligneuses durant la majeure partie de leur cycle de vie ;

· d'effectuer une précision rédactionnelle selon laquelle le critère de la pluralité des essences s'entend de la pluralité des essences ligneuses ;

· de prévoir que la charge de la preuve pour la définition de l'origine humaine revienne à l'administration - ce qui, pour le coup, serait très, peut-être trop restrictif.

3. Une définition unifiée à l'échelle nationale là où il serait préférable de s'appuyer sur les us et coutumes reconnus de manière constante à l'échelle du département

Les haies en France ne présentent pas un caractère d'homogénéité. À titre d'exemple, les haies bocagères du Nord-Ouest de la France sont très différentes des haies basses du Sud de la France.

La préoccupation du rapporteur Laurent Duplomb, dans sa proposition de loi tendant à répondre à la crise agricole avait été de donner la possibilité au préfet d'adapter localement la définition de la haie, pour tenir compte notamment de la situation particulière des territoires sans tradition bocagère, où il ne serait pas forcément pertinent de parler de « haies » là où la végétation arbustive a plutôt progressé en conséquence de la déprise agricole (cf. ci-dessous deux photos des mêmes parcelles à cinquante ans d'intervalle, fournies par le rapporteur Laurent Duplomb, sur la commune de Saint-Paulien, en Haute-Loire, à partir du site de l'IGN, « Remonter le temps »).

4. Quatre définitions proches de la haie envisagées dans des initiatives législatives récentes ou en cours

Quatre définitions proches de la haie envisagées dans des initiatives législatives récentes ou en cours

PPL tendant à répondre à la crise agricole (code rural et de la pêche maritime)

« Art. L. 126-3 A. - Une haie est une formation linéaire comportant des arbres, arbustes ou arbrisseaux d'une hauteur potentielle et d'une longueur qui sont supérieures à des seuils définis par l'autorité administrative dans le département en fonction des usages constants et reconnus sur le territoire de ce département. »

PLOA initialement déposé (code de l'environnement)

« Art. L. 412-21. - La haie régie par la présente section s'entend de toute unité linéaire de végétation ligneuse comportant plusieurs essences et d'origine humaine, à l'exclusion des allées et alignements d'arbres qui bordent les voies ouvertes à la circulation publique mentionnés à l'article L. 350-3. »

Proposition de Chambres d'agriculture France et de la FNSEA (code de l'environnement)

« Art. L. 412-21. - I. - La haie régie par la présente section s'entend de toute unité linéaire de végétation ligneuse d'origine humaine, implantée à plat, sur talus ou sur creux, remplissant l'un des critères suivants : 1° Présence d'arbustes, et, le cas échéant, présence d'arbres et/ou d'autres ligneux ; 2° Présence d'arbres et d'autres ligneux. Ne sont pas considérés comme haies et ne sont pas régis par cette section : 1° Les alignements d'arbres caractérisés par la présence d'une unité linéaire de végétation ligneuse composée uniquement d'arbres (ni arbustes, ni autres ligneux) ; 2° Les bosquets, constitués d'un élément non linéaire d'arbres ou d'arbustes. »

PLOA tel qu'issu des travaux de la commission des affaires économiques (code de l'environnement)

« Art. L. 412-21. - Sont régies par la présente section les haies d'arbres et d'arbustes, à l'exclusion des allées d'arbres et des alignements d'arbres mentionnés à l'article L. 350-3 et des haies implantées en bordure de bâtiments ou sur une place, qui constituent l'enceinte d'un jardin ou d'un parc attenants à une habitation ou qui se situent à l'intérieur de cette enceinte. Les haies font l'objet d'une gestion durable, qui tient compte de leur caractère dynamique dans le temps et dans l'espace et qui maintient leur multifonctionnalité. Cette gestion durable inclut les travaux d'entretien usuels en vue de valoriser les produits de la haie, notamment la biomasse. »

C. D'autres propositions ont été formulées sur les haies

Pour mémoire, le titre VI de la proposition de loi tendant à répondre à la crise agricole comporte quatre articles destinés à « simplifier la réglementation sur les haies pour favoriser son appropriation par le monde agricole » (art. 36 à 39 de la PPL). À cette fin, elle propose :

· de constituer les chambres départementales d'agriculture en guichet unique d'information sur la réglementation relative aux haies et de leur attribuer, par délégation de l'État et dans des conditions fixées par décret, la compétence du traitement des demandes de déclaration, d'enregistrement ou d'autorisation (art. 36). Confiant la gestion du cadre juridique applicable à la haie à l'organe représentant les intérêts des agriculteurs dans le département, cette proposition était plus « maximaliste » que celle envisagée au présent article avec la déclaration ou l'autorisation uniques, ces dernières restant à la main de l'autorité de l'État dans le département ;

· d'aligner la période maximale d'interdiction des travaux sur les haies sur la période d'interdiction mentionnée dans le plan stratégique national (PSN) relevant de la PAC et conditionnant le bénéfice d'aides publiques (BCAE) (art. 37) - ce que l'article 14 renvoie à un décret en Conseil d'État (alinéas 31) ;

· d'autoriser des dérogations au droit de l'environnement applicable aux haies quand un arrachage s'inscrit dans une opération plus globale de restructuration conduisant in fine à augmenter - ou, à des conditions plus strictes, à maintenir - le linéaire de haie dans un espace agricole (art. 38) ;

· de combler un vide juridique en définissant la haie dans le code rural (art. 39, cf. ci-dessus).

La FNSEA a sollicité pas moins de 14 modifications sur cet article qui, dans l'ensemble consistent à modifier « en dur » les réglementations faisant l'objet de la procédure unique, ou à alléger les contreparties de la procédure unique (compensations non systématiques, suppression de la possibilité de prescriptions complémentaires, suppression des sanctions). Dans le détail, elles visent à :

1. clarifier la définition de la haie, en s'appuyant sur celle de la PAC (cf. encadré ci-dessous) ;

2. limiter la consultation publique dans le cadre de la règlementation « espèces protégées » ;

3. simplifier la procédure d'obtention des avis au titre du code de l'urbanisme ;

4. rendre la procédure d'autorisation exhaustive pour simplifier les démarches administratives ;

5. ne pas appliquer systématiquement la compensation environnementale pour toute destruction de haie ;

6. supprimer la possibilité, pour l'autorité compétente, d'ajouter des prescriptions complémentaires pour le pétitionnaire ;

7. supprimer la sanction prévue pour le défaut d'autorisation ou de déclaration pour une destruction de haie ;

8. simplifier les demandes de dérogation « espèces protégées » pour les projets de destruction et les travaux d'entretien des haies, en s'appuyant sur le mécanisme déjà instauré au bénéfice des projets de production d'énergie renouvelables : la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) ;

9. supprimer la mention des haies dans la réglementation « espaces boisés classés » ;

10. supprimer la réglementation relative à la protection des boisements linéaire et des haies dans le cadre de l'aménagement foncier ;

11. rehausser les seuils de la nomenclature IOTA pour la protection et la consolidation des berges.

D. La propositions des rapporteurs conserve la logique de déclaration unique du Gouvernement, tout en misant sur davantage de territorialisation et de transparence pour faciliter la bonne application de la règle

Les rapporteurs ont déposé un amendement  COM-404 rect., adopté par la commission et approfondissant la logique de l'article 14, qui apporte une sécurisation juridique sous réserve d'avoir procédé à une déclaration unique préalable pour toute destruction de haies et d'attendre un éventuel accord de l'administration pendant une période de deux mois. Il vise à pousser au bout la logique d'« internalisation » de la complexité juridique par l'administration esquissée par cet article.

L'amendement apporte ainsi six principales modifications au texte issu de l'Assemblée nationale :

1) le rétablissement d'une définition plus explicite, moins sujette à interprétation et plus générale de la haie, plus proche de celle de la PAC (applicable également aux particuliers et aux collectivités), qui est la mieux connue du monde rural (art. L. 412-21). Cette définition, qui exclut les alignements d'arbres sans strate arbustive, a une visée pédagogique et vise à rassembler le plus largement possible autour d'une définition.

2) la haie est soumise au principe de gestion durable, dont les principes sont définis au regard des us et coutumes reconnus de manière constante dans le département, et il est précisé que les travaux usuels ne sont pas assimilés à de la destruction de haies. Les destructions de haies pour la sécurité et l'intégrité des personnes et des biens sont par ailleurs possibles, en cas d'urgence, conformément à la directive Habitats. En revanche, il est rappelé que les destructions de haies ayant fait l'objet de financements publics doivent donner lieu au remboursement desdites sommes.

3) l'amendement reprend la procédure de déclaration et d'autorisation uniques préalables prévue par le Gouvernement (L. 412-22 et L. 412-23). Cette procédure administrative a pour fin de « couvrir » les demandeurs au regard des sanctions pénales, par coordination avec l'article 13 du projet de loi qui présume la « non-intentionnalité » des atteintes à l'environnement dans le cas où les formalités ont été respectées, écartant de ce fait les peines infâmantes. Il établit le délai dans lequel l'administration est censée répondre à deux mois, au lieu du « délai défini par un décret en Conseil d'État », afin de garantir que la procédure soit rapide, et prévoit que l'absence de réponse de l'administration vaut « absence d'opposition » au titre des législations visées.

4) en cas de non-respect de la procédure de déclaration ou d'autorisation uniques préalables, l'amendement prévoit l'application d'un régime de sanction moins sévère que celui adopté à l'Assemblée nationale, et mieux proportionné (150 € ou 450 € de contravention selon les cas - contre 75 000 € ou 100 000 € dans le texte proposé initialement par le Gouvernement) (art. L. 412-25). Il convient de préciser ici que cette sanction s'applique sans préjudice d'éventuelles autres sanctions sur le fondement de la douzaine de législations visées au présent article.

En lieu et place d'une compensation uniforme pour toute destruction de haie prévue par le Gouvernement et maintenue dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, l'amendement prévoit des coefficients pouvant varier par département en fonction de l'intérêt écologique d'une haie par typologie de haies et spécificités historiques des territoires en termes d'évolution de la densité de haies, afin notamment de ne pas pénaliser les « bons élèves » des années passées.

5) à des fins de pédagogie et de clarté de la loi, l'amendement prévoit que le préfet de département fixe une date d'interdiction de la taille des haies, face à un vide juridique aujourd'hui pénalisant pour les acteurs, les règles de la PAC étant appliquées dans le cadre des contrôles quand bien même elles ne devraient pas l'être.

6) l'amendement prévoit enfin la mise à disposition, en ligne, d'ici à deux ans, d'une cartographie des protections réglementaires et législatives applicables aux haies (art. L. 412-22), par les directions départementales des territoires, sous l'autorité du préfet, à titre informatif. Ce faisant, les rapporteurs entendent consacrer dans la loi la démarche entreprise par le ministère de la transition écologique au travers de la plateforme EnvErgo (la règlementation environnementale pour les projets de construction et d'aménagement). Ce faisant, il permet à la fois une réflexion de l'administration sur sa doctrine d'application de la réglementation en vigueur, ainsi qu'une clarification et une amélioration de la transparence et du porter-à-connaissance de cette réglementation pour les acteurs censés la respecter, pour plus de sécurité juridique.

En complément, de la consolidation de l'article 14, visant à faciliter les démarches de destruction de haies dans le cadre d'une gestion dynamique et durable de celles-ci, les rapporteurs envisagent de donner en séance un avis favorable à l'insertion, par un article additionnel après l'article 14, de la proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie de Daniel Salmon (GEST - Ille-et-Vilaine), rapportée par Bernard Buis (RDPI - Drôme). Il leur semble en effet que cette proposition de loi, et notamment le crédit d'impôt qu'elle contient pour les pratiques de gestion durable de la haie, constitue le volet incitatif (la « carotte ») qui manque au présent projet de loi en la matière, ce dernier se concentrant sur l'aménagement du volet pénal (le « bâton »).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 14 bis
Extension aux forêts publiques du champ de l'exemption
à la compensation du défrichement prévue pour les boisements
de moins de 40 ans

Cet article vise à étendre aux forêts des collectivités le champ de l'exemption au régime du défrichement prévue pour les boisements de moins de 40 ans en zone de montagne, valable depuis la loi d'initiative sénatoriale du 10 juillet 2023 pour les seules forêts privées. La commission a accueilli très favorablement cet utile complément à cette loi, afin de renforcer la protection des forêts contre les incendies, les glissements de terrain et pour la valorisation agricole des espaces ruraux de montagne.

Après l'adoption d'un amendement rédactionnel, et suivant la proposition des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, la commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Depuis la loi du 10 juillet 2023, il existe deux nouveaux cas dans lesquels il est possible de défricher un terrain boisé privé sans qu'il soit besoin d'obtenir une autorisation

Le défrichement consiste en « toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière » ou en « toute opération volontaire entraînant indirectement et à terme les mêmes conséquences, sauf si elle est entreprise en application d'une servitude d'utilité publique ». À l'inverse, « la destruction accidentelle ou volontaire du boisement ne fait pas disparaître la destination forestière du terrain », qui, même dans cette éventualité, reste soumis au régime du défrichement (article L. 341-1 du code forestier).

À des fins de préservation des forêts, tout défrichement doit être précédé de l'obtention d'une autorisation de défricher auprès de l'administration compétente (article L. 341-3 du code forestier), en pratique la direction départementale des territoires. Pour les collectivités territoriales, mais aussi pour les établissements publics ou d'utilité publique, et pour les sociétés mutualistes et les caisses d'épargne, la même disposition s'applique sur le fondement de l'article L. 214-13 du code forestier. Cela ne vaut pas pour les forêts domaniales.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi d'initiative sénatoriale n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, et de son article 42 ( issu d'un amendement du Gouvernement), il existe deux cas supplémentaires dans lesquels un défrichement peut être effectué sans qu'il soit besoin d'obtenir une autorisation de défrichement :

- « dans les boisements spontanés de première génération sans aucune intervention humaine et âgés de moins de quarante ans en zone de montagne sauf s'ils ont été conservés à titre de réserve boisée » (5° de l'article L. 342-1 précité) ;

- « dans les zones délimitées et spécifiquement définies comme devant être défrichées pour la réalisation d'aménagements, par un plan de prévention des risques naturels prévisibles établi en application des articles L. 562-1 à L. 562-7 du code de l'environnement » (6° du même article).

L'article 42 ne fait que transférer le premier cas (les boisements de moins de 40 ans en montagne) d'une dispense de compensation à une absence d'autorisation, dans un souci de simplification, car une dispense de compensation nécessite une autorisation préalable. Dans le second cas, l'article vise à mieux coordonner le régime du défrichement avec les plans de prévention des risques naturels (relevant du code de l'environnement), en particulier ceux relatifs aux feux de forêt. Il est pour cette raison rappelé à la fin de cet article, par coordination avec le code de l'environnement, que « les exemptions prévues au présent article ne s'appliquent pas lorsque le maintien des bois est prescrit par un plan de prévention des risques naturels ».

II. La proposition adoptée par l'Assemblée nationale - Une extension de l'exemption au régime du défrichement aujourd'hui prévue pour les boisements privés de moins de 40 ans en zone de montagne, aux forêts des collectivités répondant aux mêmes conditions

Lors de l'examen du projet de loi en séance publique, un amendement n°  1987 de la députée Annie Genevard (Doubs) et de plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains a été adopté, donnant lieu à la création de cet article 14 bis.

Cet article procède à une modification en apparence mineure de l'article L. 214-14 du code rural et de la pêche maritime (ajout de la mention du 5° de l'article L. 342-1 du même code). Cela a pour effet d'étendre l'exemption au régime d'autorisation de défricher, valable aujourd'hui pour les bois de moins de quarante ans, en montagne, en forêt privée, aux forêts des collectivités répondant aux mêmes conditions (boisements de moins de 40 ans et en montagne).

III. La position de la commission - Un utile complément à la loi du 10 juillet 2023 pour la protection des espaces ruraux de montagne contre les incendies et pour la valorisation agricole de ces espaces

Cet amendement vient procéder, pour les forêts des collectivités, à la même exemption prévue depuis la loi du 10 juillet 2023 pour les forêts privées.

Il a reçu un avis très favorable du ministre de l'agriculture au banc, qui a relevé qu'il s'inscrivait dans le prolongement de cette loi pour clarifier l'articulation entre plusieurs réglementations pouvant apparaître contradictoires.

La commission souscrit pleinement à cette vision. Selon un chiffre avancé par le rapporteur Laurent Duplomb, environ 40 000 hectares sont rendus à la friche chaque année, du fait de la déprise agricole. Cette fermeture des milieux, en particulier en zones de montagne, a pour effet d'accroître certains risques naturels, en particulier de feux de forêt ou de glissement de terrain, mais aussi de réduire le potentiel agricole de la « ferme France » (cf. commentaire de l'article 14 ter).

Après avoir adopté l'amendement rédactionnel COM-405 des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, la commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 14 ter (non modifié)
Précision rédactionnelle relative à l'exemption de compensation
pour défrichement pour les zones dans lesquelles la reconstitution
des boisements après coupe rase est interdite ou réglementée

Cet article adopté en séance publique à l'Assemblée nationale vise à déroger au régime de l'autorisation de défrichement pour lutter contre la déprise agricole et favoriser la mise en valeur agricole, dans certaines zones, définies par le conseil départemental, au sein desquelles le reboisement (plantation, semis...) peut être interdit ou réglementé. Partageant l'intention de l'auteur de cet amendement, les rapporteurs y voient une utile clarification rédactionnelle, n'ayant cependant pas une portée juridique aussi évidente que celle qui a pu lui être prêtée lors des débats à l'Assemblée nationale.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - De nombreuses terres agricoles, délaissées, en sont réduites à l'état de friche, ce qui limite le potentiel productif de l'agriculture française

Le recul de la surface agricole utile (SAU) dans de nombreux départements est souvent attribué au phénomène d'urbanisation, qui conduit à l'artificialisation d'espaces naturels, agricoles et forestiers. Toutefois, en parallèle de ce phénomène, actif, de conversion d'usage des terres, il existe un phénomène plus passif de délaissement, lié à la déprise agricole, qui se traduit le plus souvent par de l'enfrichement, en particulier dans les zones accidentées, par exemple dans le Bourbonnais (Allier).

Un rapport d'octobre 2023 du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) sur les « Stratégies d'usage des terres en France dans l'objectif d'assurer la souveraineté alimentaire et de préserver la biodiversité141(*) » a évalué qu'en France, environ 2,7 à 3 millions d'hectares de terres seraient « en état d'abandon », soit plus de 10 % de la surface agricole utile du pays.

Cette notion recouvre « les terres agricoles - privées ou publiques - abandonnées, délaissées, sans usage, ou en friche [, c'est-à-dire] : des terres agricoles non utilisées, à l'exception des forêts au sens de la définition FAO/IFN, non urbanisées ; sans valorisation, qu'elle soit agricole (au sens de l'article L. 311-1 du code rural) ou à finalité environnementale, énergétique ou cynégétique ; non intégrées dans un système d'assolement. Sont inclues dans ce périmètre les terres « incultes ou manifestement sous-exploitées » (au sens de l'article L. 125-1 du code rural) et les « biens vacants et sans maîtres » (au sens de l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques) ».

Or, les terrains boisés sont protégés du défrichement par un régime d'autorisation qui a été conçu pour être très protecteur des forêts (articles L. 341-1 à L. 341-10 du code forestier).

Une compétence demeure cependant en parallèle pour le conseil départemental, « afin de favoriser une meilleure répartition des terres entre les productions agricoles, la forêt, les espaces de nature ou de loisirs et les espaces habités en milieu rural et d'assurer la préservation de milieux naturels ou de paysages remarquables », dans la définition des « zones dans lesquelles des plantations et des semis d'essences forestières ou dans lesquelles la reconstitution après coupe rase peuvent être interdits ou réglementés » (article L. 126-1 du code rural).

Parmi d'autres exemptions à l'obligation d'autorisation de défrichement prévues à l'article L. 342-1 du code forestier, figurent « les zones définies en application du 1° de l'article L. 126-1 du code rural et de la pêche maritime dans lesquelles la reconstitution des boisements après coupe rase est interdite ou réglementée ». Ces zones doivent être d'une superficie inférieure à un seuil déterminé par le conseil départemental.

II. La proposition adoptée par l'Assemblée nationale - La volonté de déroger au régime du défrichement pour favoriser la mise en valeur agricole dans certaines zones définies par le conseil départemental

Lors de l'examen du projet de loi d'orientation en séance publique, un amendement n°  3580 du député André Chassaigne (Puy-de-Dôme) et de plusieurs de ses collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine a été adopté, donnant lieu à la création de cet article 14 ter.

Cet amendement de repli était en discussion commune avec les amendements n°s 2429, 2430 et 2431 du même auteur, retirés au profit de celui-ci à l'occasion des débats.

Ayant reçu un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, cet amendement a été présenté comme permettant de déroger au régime du défrichement - et donc d'échapper à l'obligation de compensation attachée à ce régime - dans les « zones à reconquérir pour l'agriculture », au sein desquelles le défrichement n'aurait plus besoin d'être compensé.

En plus de permettre une mise en valeur agricole ou pastorale dans ces zones touchées par la déprise agricole, à des fins de maintien du potentiel agricole, cet amendement est supposé favoriser l'ouverture des milieux, ce qui peut avoir un effet bénéfique, par exemple, pour la biodiversité et la protection contre les incendies.

III. La position de la commission - Une utile clarification rédactionnelle, n'ayant cependant pas une portée juridique aussi évidente que celle qui a pu lui être prêtée lors des débats à l'Assemblée nationale

Cet amendement se borne en fait à corriger une erreur matérielle, en supprimant, au 3° de l'article L. 342-1 du code forestier, le renvoi à une référence (le 1° de l'article L. 126-1 du code rural et de la pêche maritime) qui, en réalité, n'existait pas.

Les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville souhaitent donc souligner que cet article 14 ter n'a pas la portée juridique qui lui a été prêtée lors des débats à l'Assemblée nationale.

Étant favorables à toute clarification du droit, ils ont cependant proposé à la commission l'adoption conforme de cet article.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 14 quater (nouveau)
Exclusion des constructions, ouvrages, installations
ou aménagements nécessaires à l'activité agricole
du décompte des terres artificialisées, pour toute surface agricole

Issu de l'adoption en commission de l'amendement COM-637 de M. Jean-Claude Anglars (Les Républicains - Aveyron), rapporteur pour avis pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, cet article vise à exclure les constructions, ouvrages, installations ou aménagements nécessaires à l'activité agricole du décompte des terres artificialisées. Cet amendement a été accueilli favorablement par les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, pour cette raison simple : c'est que le principal levier pour limiter l'artificialisation des sols est le maintien de notre agriculture.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

I. La situation actuelle - Les modalités de calcul de l'artificialisation des sols à compter de 2031 pourraient constituer un frein au développement des activités agricoles

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets prévoit un changement de modalité de comptabilisation du rythme de l'artificialisation des sols à compter de 2031 :

- alors que jusqu'à cette date le calcul de la trajectoire définie par le législateur repose sur la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf), ce qui permet de ne pas comptabiliser la construction de bâtiments agricoles - ces derniers étant par convention considérés comme des Enaf ;

- au-delà de 2031, seront au contraire pris en compte l'occupation et l'usage effectif des sols, ce qui réintégrera les bâtiments agricoles dans le champ des constructions contribuant à l'artificialisation.

La construction de bâtiments agricoles pourrait ainsi être contrainte par l'enveloppe insuffisante d'artificialisation de la commune d'implantation.

C'est pourquoi M. Jean-Claude Anglars avait déposé un amendement pour exclure les bâtiments agricoles du décompte de l'artificialisation, sur la proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux. Adopté en séance publique en mars 2023, il n'a toutefois pas été retenu dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

II. La position de la commission - Un amendement bienvenu à la fois pour assurer directement la souveraineté alimentaire de notre pays et contribuer indirectement à la réduction de l'artificialisation des sols

Dans la continuité des efforts déjà déployés dans cette direction, en tant que rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur le présent texte par M. Anglars, et en tant que président du groupe de suivi sur le ZAN pour M. Cambier, deux amendements COM- 637 et COM- 131, portant article additionnel, ont été déposés.

Les deux amendements visent à exclure les emprises nécessaires à l'activité agricole du décompte des terres artificialisées ; la différence entre les deux réside dans le fait que celui de M. Anglars vise toute surface agricole, tandis que celui de M. Cambier est limité aux constructions nécessaires à des surfaces en-dessous d'un certain seuil (« surface agricole utile est inférieure à un plafond fixé par le représentant de l'État dans le département, qui ne peut être inférieur à deux fois la surface agricole utile moyenne des exploitations agricoles du département ») qui, en pratique, serait au minimum d'une centaine d'hectares (compte tenu des SAU moyennes, oscillant entre 50 et 70 hectares, d'un département à l'autre).

Plus direct et aisément applicable, l'amendement de M. Anglars a reçu un avis favorable des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville :

- à la fois pour contribuer à l'objectif recherché par cette loi d'assurer la souveraineté alimentaire de notre pays ;

- et pour contribuer à l'objectif de réduction de l'artificialisation des sols, dans la mesure où certains bâtiments ou infrastructures peuvent s'avérer nécessaires au maintien d'activités agricoles.

En effet, aux yeux des rapporteurs et de la commission, le principal levier pour limiter l'artificialisation des sols est le maintien de notre agriculture.

C'est, du reste, parfaitement cohérent avec l'objectif de ce projet de loi d'orientation agricole de favoriser l'installation et la transmission des exploitations agricoles, en vue d'assurer le renouvellement des générations face au défi démographique particulièrement aigu de la décennie à venir : cela passe notamment par la capacité des exploitants à mobiliser le foncier nécessaire à leur installation, l'une des principales contraintes à ce jour.

La commission a donc adopté l'article ainsi rédigé.

Article 14 quinquies (nouveau)
Espace de transition végétalisé non artificialisé entre les espaces agricoles
et les espaces urbanisés au sein de la zone urbaine ou à urbaniser,
à la charge de l'aménageur

Issu de l'adoption en commission de quatre amendements identiques COM-129 rect., 28 rect. bis, 10 rect., 90 rect. de MM. Laurent, Hervé, Mme Lassarade et M. Pla, cet article vise à instituer, à la charge des aménageurs et non des agriculteurs, des espaces de transition végétalisés non artificialisés entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés. Le but est d'apporter une solution à la question non résolue des interfaces entre agriculture et zones urbaines, uniquement dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme (PLU), en excluant les communes soumises au règlement national d'urbanisme (RNU) et celles disposant d'une carte communale, généralement plus petites et, de ce fait, moins concernées par ces problématiques d'interface. Par ailleurs, les amendements créent une dérogation aux zones de non-traitement (ZNT) pour les espaces non résidentiels peu fréquentés, comme les parkings.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

I. La situation actuelle - Des zones de non-traitement répondant à des objectifs légitimes mais dont la charge est in fine imposée aux seuls agriculteurs par la réduction de la surface agricole

Selon une jurisprudence constante du Conseil d'État, interprétant le I de l'article L. 253-3 du code rural et de la pêche maritime, pris pour la transposition de l'article 12 de la directive européenne du 21 octobre 2009142(*), il appartient à l'autorité administrative compétente de prendre toute mesure d'interdiction, de restriction ou de prescription particulière, s'agissant de la mise sur le marché, de la délivrance, de l'utilisation et de la détention de produits phytopharmaceutiques qui s'avère nécessaire à la protection de la santé publique et de l'environnement.

Ainsi, le Conseil d'État a, par une décision du 26 juin 2019143(*), annulé l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-3 du code rural et de la pêche maritime144(*), dans la mesure où celui-ci ne prévoyait pas de dispositions destinées à protéger les riverains des zones traitées par des produits phytopharmaceutiques.

En outre, l'article 83 de la loi Égalim du 30 octobre 2018145(*) a créé le III de l'article L. 253-3 du code rural et de la pêche maritime qui, à partir du 1er janvier 2020, subordonne l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux.

C'est dans ce contexte qu'un décret du 27 décembre 2019146(*) est venu préciser le contenu et les modalités d'élaboration des « chartes d'engagements » des utilisateurs formalisant les mesures de protection auxquelles l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation est subordonnée. Un arrêté du même jour prévoit en outre l'institution de zones de non-traitement à proximité des zones d'habitation, avec des distances de sécurité fixées à 5, 10 ou 20 mètres selon les caractéristiques des produits et du traitement et sous réserve d'une distance supérieure prévue par l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du produit concerné147(*).

Toutefois, par une décision du 26 juillet 2021148(*), le Conseil d'État a notamment annulé l'article 8 de l'arrêté du 27 décembre 2019 en tant qu'il prévoit des distances de sécurité insuffisantes pour les produits classés comme suspectés d'être cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction (CMR2). Ces distances étaient fixées à 10 mètres pour les cultures hautes et 5 mètres pour les cultures basses et pouvaient, sous conditions, être réduites. Elles sont désormais fixées à 10 mètres, sans dérogation possible149(*).

Justifiée par une forte demande sociétale et par les exigences légales précitées, l'institution de ces zones de non-traitement aggrave le phénomène de perte de surface agricole déjà engendré par l'extension de l'urbanisation et l'artificialisation des sols.

Ainsi, il est estimé que plus de 1 000 hectares (soit l'équivalent de presque 1 400 terrains de football) de l'appellation Champagne ont été atteints par l'institution des zones de non-traitement, soit 3 % du vignoble, causant d'importantes pertes de revenus pour les viticulteurs. Ces pertes importantes sont à la charge exclusive des agriculteurs qui subissent ces pertes de surface agricole utile.

II. Le dispositif envisagé - L'institution d'un espace de transition entre les espaces agricoles et les nouveaux espaces urbanisés, à la charge des aménageurs et non plus des agriculteurs

A. Un dispositif envisagé de longue date

Pour résoudre cette difficulté qui pèse sur les agriculteurs, la sénatrice Françoise Férat (Union centriste - Marne) avait, le 7 avril 2022, déposé une proposition de loi n° 607 (2021-1022) visant à adapter les zones de non-traitement aux réalités territoriales et à y créer des zones végétalisées, cosignée par cinquante-deux de ses collègues issus des groupes Union centriste (UC), Les Républicains (LR), Les Indépendants - République et territoires (LIRT) et Rassemblement démocratique et social européen (RDSE).

Frappée de caducité, cette première proposition de loi a été reprise par une proposition de loi n° 125 (2023-3024) visant à protéger les terres agricoles et à créer des zones végétalisées intégrant des zones de non-traitement déposée le 17 novembre 2023 par Mme Anne-Sophie Romagny (UC - Marne). Cette proposition de loi est à l'origine de plusieurs amendements en discussion commune, le plus exhaustif étant l'amendement COM-2 rect. quater de Mme Romagny.

En substance, cet amendement exhaustif prévoit, par la création d'un article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, de rendre obligatoire l'intégration d'un espace de transition végétalisé non artificialisé le long des espaces agricoles, à la charge de l'aménageur, pour tous les projets d'aménagement et de constructions autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune dont la liste est mentionnée à l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme.

En outre, il est prévu la création d'un article L. 151-1-3 du code de l'urbanisme qui disposerait que les orientations d'aménagement et de programmation, prévues dans les plans locaux d'urbanisme (PLU), définissent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les conditions dans lesquelles les projets de construction et d'aménagement situés en limite d'un espace agricole intègrent un espace de transition végétalisé non artificialisé entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés au sein de la zone urbaine ou à urbaniser, et ce à la charge de l'aménageur.

Ces zones de transition seraient réputées zones de non-traitement (ZNT), de telle sorte que la charge créée par l'institution des zones de non-traitement serait reportée sur les aménageurs à l'initiative d'opérations d'urbanisation, plutôt que sur les agriculteurs. Exceptionnellement, il serait possible de recourir à un traitement dans ces espaces de transition, après avis favorable de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

Enfin, est proposée une modification du III de l'article L. 253-3 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. L'amendement vise à permettre au décret d'application de ces dispositions de déterminer des zones non résidentielles, en raison de la faiblesse des risques sanitaires induits par la brièveté de leur fréquentation (parkings, espaces végétalisés d'agrément des entreprises...) pouvant être exemptées de ces obligations.

B. Un dispositif proposé sous des formes légèrement différentes par plusieurs sénateurs de territoires viticoles

Outre l'amendement COM-2 rect. quater de Mme Romagny, deux séries d'amendements proposent la création d'espaces de transition végétalisés à la charge des aménageurs :

- déposés par le président du groupe d'études « Vigne et Vin » (LR - Charente-Maritime) Daniel Laurent, les amendements COM-129 rect. (modifiant les dispositions applicables aux communes disposant d'un PLU) et COM-130 rect. (modifiant le règlement national d'urbanisme pour les communes sans PLU et sans carte communale) ;

- les amendements COM-10, COM-28 et COM-90, déposés par Mme Florence Lassarade (LR - Gironde), M. Loïc Hervé (UC - Haute-Savoie) et M. Sébastien Pla (Socialiste, Écologiste et Républicain - Aude), identiques à l'amendement COM-129 rect., et l'amendement COM-100, identique à l'amendement COM-130 rect., également déposé par M. Pla.

III. La position de la commission - Un dispositif équilibré respectant les impératifs de simplification de la production agricole et de protection des riverains

Attachés à l'objectif de simplification de l'activité agricole, les rapporteurs soutiennent la création de ces espaces de transition à la charge des aménageurs, allégeant la charge pesant sur les agriculteurs tout en respectant l'objectif de protection des riverains.

Parmi les trois dispositifs proposés, l'amendement proposé Daniel Laurent a retenu la préférence des rapporteurs, dans la mesure où il restait cantonné aux seules communes dotées d'un plan local d'urbanisme (PLU), les projets de lotissement étant moins fréquents les communes soumises au règlement national d'urbanisme ou dotées d'une carte communale.

Aussi, les rapporteurs ont proposé à MM. Pla, Hervé, et Mme Lassarade de rectifier leurs amendements 10, 28 et 90, ce qu'ils accepté, afin de les rendre identiques à celui de Daniel Laurent, en incluant l'exception aux zones de non-traitement dans les espaces faiblement fréquentés, pour leur donner un avis favorable - Mme Romagny n'a, elle pas rectifié son amendement. Les amendements 100 et 130, qui prévoyaient l'application de la mesure ont, en revanche, reçu un avis défavorable.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 15
Accélération de la prise de décision des juridictions en cas de contentieux
contre des projets d'ouvrage hydraulique agricole et d'installation
ou extension d'élevage

Cet article vise à « accélérer la prise de décision des juridictions en cas de contentieux contre des projets d'ouvrage hydraulique agricole et d'installations d'élevage » afin de renforcer le potentiel productif de la « ferme France ». Comptant 31 alinéas, il introduit en pratique un nouveau chapitre XV (sur « le contentieux de certaines décisions en matière agricole ») au titre VII du livre VII du code de justice administrative (relatif aux « dispositions spéciales en matière de jugement »). Il crée en son sein trois dispositions spéciales pour les projets entrant dans le champ de cet article (listés à l'article L. 77-15-1 du CJA) :

- une annulation seulement partielle en cas d'irrégularités et un sursis à statuer permettant à la partie mise en cause de régulariser certains vices de procédure (article L. 77-15-2 du CJA), transposition à l'agriculture d'un régime spécial relatif aux énergies renouvelables ;

- un référé-suspension plus rapide (L. 77-15-3 du CJA), transposition à l'agriculture d'un régime spécial relatif à l'urbanisme ;

- une suspension de la durée de validité d'une autorisation, tant qu'un contentieux est en cours devant une juridiction, pour que ce délai reprenne une fois la décision rendue, sans crainte que l'échéance intervienne avant un jugement (article L. 77-15-4 du CJA).

Ces dispositions ont fait l'objet d'interrogations quant à leur constitutionnalité, alors que deux d'entre elles transposent des mesures existant dans d'autres secteurs à l'agriculture.

Sur le fond, les rapporteurs jugent que l'attention portée à cet article a été disproportionnée au regard de son impact réel, et considèrent qu'il ne constitue qu'une solution partielle pour améliorer la capacité productive de la ferme France. Pour autant, , les rapporteurs ont entendu le sécuriser juridiquement, avant d'en renforcer la portée, par un élargissement de son champ d'application.

À cette fin, à l'initiative des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, la commission des affaires économiques a adopté trois amendements pour justifier l'article 15 au regard de l'objectif de souveraineté alimentaire, pour étendre son application aux projets multi-usages et non uniquement aux projets à finalité principalement agricole, et pour appliquer deux des trois procédures contentieuses spéciales prévues à cet article aux litiges en cours, comme envisagé initialement dans le projet de loi.

I. La situation actuelle - Un déclin de la capacité productive de la ferme France qui s'expliquerait pour partie par un passage à l'échelle plus complexe pour les exploitations françaises, à cause de freins juridiques

La souveraineté agricole et alimentaire de la France, fixée comme objectif à l'article 1er du présent de loi, est en réalité compromise par des taux d'auto-approvisionnement en constante érosion sur les dernières années, en particulier pour les produits animaux (90 % pour les oeufs, mais 74 % pour le porc et 58 % pour le poulet).

Cette dégradation a été bien documentée par le rapport des sénateurs Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, sur « La compétitivité de la ferme France ». Elle est le miroir d'une capacité productive en déclin, en lien avec la mise en concurrence de l'objectif de production avec d'autres impératifs, qui ont bénéficié d'une attention croissante des citoyens et des pouvoirs publics (santé, environnement, limitation des nuisances pour les riverains).

En pratique, cette attention a pu se traduire par des mobilisations citoyennes ou par des recours juridiques formés par des riverains ou des associations de protection de l'environnement ou de protection animale, en particulier contre des projets de stockage d'eau ou d'extension d'élevages (dans ce dernier cas, notamment dans les filières plus intensives comme la filière porcine ou l'aviculture).

Dans un contexte de concurrence accrue avec des productions étrangères qui ne sont pas astreints aux mêmes standards de production, l'élevage des filières porcine et avicole s'est industrialisé, un modèle économique à coûts réduits s'opposant aux labels et à la montée en gamme, et qui suscite des oppositions.

Par ailleurs, dans le contexte du changement climatique, alors que la France recourt moins que ses voisins à l'irrigation, l'adaptation par la constitution de réserves de substitution a pu être freinée, en plus de conflits sociaux, par des démarches juridiques d'associations devant le juge administratif et des tentatives de blocage par la force de ces projets.

Ainsi, l'étude d'impact du projet de loi compte « 57 contentieux relatifs à des projets agricoles ayant un impact sur les eaux et 54 contentieux relatifs à des projets d'élevage sont actuellement pendants devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel », sans compter d'autres éventuels recours sur le fondement d'autres dispositions que les régimes relatifs aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ou aux installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) ayant une incidence sur l'eau. Par ailleurs, les projets que la perspective de recours a découragés sont une réalité qui ne peut, par définition, être prise en compte dans ces statistiques.

Droit au recours, bonne administration de la justice
et égalité de traitement : des principes protégés par des principes
ou objectifs de rang constitutionnel

L'étude d'impact du projet de loi rappelle la protection constitutionnelle et conventionnelle du droit au recours juridictionnel effectif (article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 du Conseil constitutionnel, article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales). La CJUE avait jugé qu'« il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire150(*) ».

Elle rappelle également l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice (articles 12, 15 et 16 de la DDHC et, par exemple, décision n° 2019-778 DC du Conseil constitutionnel).

Elle mentionne enfin l'égalité de traitement devant la justice (articles 6 et 16 de la DDHC et, par exemple, décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011), auquel il peut être dérogé tant que les différences de traitement ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que sont assurées aux justiciables des garanties égales quant au respect des droits de la défense.

Au total, de cette attention accrue des citoyens et de la capacité de mobilisation et d'ingénierie accrue des associations, il résulte une multiplication des recours à différents stades des projets agricoles, et un allongement significatif des procédures contentieuses (à titre d'exemple, déjà plus de dix ans depuis le lancement d'un projet d'ouvrage de stockage d'eau dans la Vienne) et, en moyenne, 4 ans et 6 mois entre l'octroi d'une autorisation administrative pour les IOTA et la décision de justice définitive). Or, il s'agit bien souvent de projets structurants, impliquant de longues démarches administratives, ainsi que des investissements significatifs, amortis sur l'ensemble de la durée de vie de l'exploitation, qui ont, de ce fait, besoin d'un minimum de sécurité juridique pour être entrepris.

Pour légitimes qu'elles soient, cette attention citoyenne ainsi que cette mobilisation et cette capacité d'ingénierie accrues des associations ont pu conduire, de façon contreproductive, à un ralentissement de la croissance de la production par rapport à la croissance des besoins. De façon incidente, cela a pu nourrir une hausse des importations de denrées alimentaires en provenance tant du marché intérieur de l'UE que de pays tiers, produites à des conditions environnementales et sanitaires souvent moins-disantes par rapport aux standards en vigueur en France.

II. Le dispositif envisagé - Trois règles spéciales pour accélérer la prise de décision des juridictions, réduire l'incertitude juridique, et ainsi encourager les projets de stockage d'eau et de création ou extension d'élevages d'une certaine taille

L'objectif de l'article 15 est d'« accélérer la prise de décision des juridictions en cas de contentieux contre des projets d'ouvrage hydraulique agricole et d'installations d'élevage » afin de renforcer le potentiel productif de la « ferme France ».

Comptant 31 alinéas, il introduit un nouveau chapitre XV (sur « le contentieux de certaines décisions en matière agricole ») au titre VII du livre VII du code de justice administrative (relatif aux « dispositions spéciales en matière de jugement »). Il crée en son sein quatre articles distincts.

A. L'article L. 77-15-1 (alinéas 4 à 8) - Champ d'application des dispositions spéciales

Cet article établit tout d'abord la liste des projets auxquels le chapitre XV du code de justice administrative, portant dispositions spéciales en matière agricole, est applicable. Il s'agit :

· des projets nécessitant des installations, ouvrages, travaux ou activités (IOTA) soumis à autorisation, « à condition qu'ils poursuivent à titre principal une finalité culturale, sylvicole, aquacole ou d'élevage » (alinéa 6). Les ouvrages destinés à permettre un prélèvement sur les eaux souterraines sont en revanche expressément exclus ;

· des projets nécessitant une installation soumise au régime des ICPE et destinée à l'élevage de bovins, de porcs, de lapins, de volailles, de gibiers à plumes, ainsi qu'aux couvoirs et à la pisciculture (alinéa 7).

Les conditions sont, dans chacun de ces deux cas, cumulatives (il ne faut pas l'une ou l'autre des conditions (IOTA ou ICPE ou finalité agricole), mais les deux (IOTA ou ICPE et finalité agricole).

Le chapitre est applicable à neuf types de décisions individuelles relatives aux projets de stockage d'eau ou de création/extension d'élevage pour lesquels une déclaration ou autorisation ICPE ou IOTA est nécessaire (y compris les annexes comme les silos de stockage, ou les plans d'épandage), énumérés ci-dessous (alinéas 9 à 19) :

1. l'autorisation environnementale ;

2. l'absence d'opposition ou l'arrêté de prescriptions particulières sur les IOTA ;

3. la dérogation à la protection des sites d'intérêt géologique, des habitats naturels, des espèces animales ou végétales et de leurs habitats ;

4. l'absence d'opposition au titre du régime d'évaluation des incidences Natura 2000 ;

5. le récépissé de déclaration ou l'enregistrement d'ICPE ;

6. l'autorisation de défrichement de bois et forêts pour les particuliers, diverses personnes morales dans l'hexagone et dans les Outre-mer ;

7. les autorisations pour travaux aux abords des monuments historiques ou pour travaux dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ;

8. les mesures prescrites visant à la détection, à la conservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique du patrimoine archéologique ;

9. et la non-opposition à déclaration préalable ou le permis de construire, d'aménager ou de démolir.

Sont aussi couvertes par ce nouveau chapitre les décisions prorogeant ou transférant les décisions énumérées ci-dessus, ainsi que les décisions les modifiant ou les complétant.

B. L'article L. 77-15-2 (alinéas 20 à 24) - Une annulation seulement partielle en cas d'irrégularités et un sursis à statuer permettant à la partie mise en cause de régulariser certains vices de procédure

Cet article transpose à l'agriculture l'article 23 de la loi « AER151(*) » (codifié à l'art. L. 181-18 du code de l'environnement), qui visait à protéger les projets d'énergie renouvelable contre les recours dilatoires.

Ainsi, en application de cet article, à l'occasion d'un recours contre un projet de stockage de l'eau ou de construction/extension d'élevage, le juge devrait par principe (sauf décision contraire motivée et sauf autre moyen fondé contre la décision attaquée) :

· prononcer, s'il y a lieu, une annulation seulement partielle, limitée à la phase de l'instruction ou à la partie de l'autorisation entachée d'irrégularité, et demander au préfet de reprendre l'instruction à cette phase ou partie (alinéa 21) ;

· sursoir à statuer et fixer un délai dans lequel l'une des parties peut lui notifier la régularisation des vices régularisables (alinéa 22), qui peuvent être des vices « entachant la forme, la procédure ou le bien-fondé de la décision » (étude d'impact).

Dans ces deux cas, il détermine s'il faut ou non suspendre l'exécution des parties « non viciées » de la décision attaquée.

C. L'article L. 77-15-3 (alinéas 25 à 27) -- Un référé-suspension plus rapide, transposition à l'agriculture d'un régime spécial existant en matière d'urbanisme

Cet article est inspiré d'une réforme du référé-suspension en matière d'urbanisme (art. L. 600-3 du code de l'urbanisme).

Le référé-suspension permet à un justiciable de demander au juge « la suspension de l'exécution [d'une décision administrative], ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » (article L. 521-1 du code de justice administrative).

Cette disposition spéciale raccourcit le délai dans lequel un référé-suspension peut être introduit contre des projets de stockage de l'eau ou de construction/extension d'élevage, en le ramenant au délai fixé pour la cristallisation des moyens devant le juge saisi en premier ressort (alinéa 25)

Il raccourcit également à un mois le délai, après le recours, dans lequel le juge est tenu de rendre sa décision sur un référé-suspension sur ce type de projets (alinéa 27). En temps normal, le juge des référés doit d'ores et déjà se prononcer dans un délai compris entre 48 heures et un mois après l'audience, mais ce délai peut être dépassé si l'affaire le nécessite.

En outre, la condition d'urgence nécessaire pour qu'un requérant soit fondé à introduire un référé-suspension est présumée satisfaite pour ces projets, ce qui a pour double effet, d'un côté, d'améliorer le droit au recours et, de l'autre, de « forcer » le prononcé d'une décision sur le fond - quant au doute sérieux sur la légalité - plutôt que sur la forme - défaut de caractère urgent (alinéa 26). Toutefois, cette présomption d'urgence serait, selon la jurisprudence du Conseil d'État152(*), dépourvue de caractère irréfragable. Cela signifie que le juge pourra l'écarter au besoin.

À noter, enfin, le requérant ne serait toujours pas tenu au délai fixé par le présent article (même délai que celui fixé pour la cristallisation des moyens devant le juge saisi en premier ressort) pour introduire un référé-suspension dans quatre cas, qui échappent donc aux rigueurs de cet article, en raison de leur gravité particulière (début de l'alinéa 25) :

- requête fondée sur l'absence d'étude d'impact (art. L. 122-2 du code de l'environnement) ;

- requête fondée sur l'absence d'évaluation environnementale contre une décision d'approbation d'un document de planification ou de programmation prévu par la loi (art. L. 122-11 du code de l'environnement) ;

- requête formée contre une décision sans la participation du public alors qu'elle était requise (art. L. 123 B du code de l'environnement) ;

- requête formée contre une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, dans le cadre d'une enquête publique, si cette requête comporte un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci (art. L. 123-16 du code de l'environnement).

D. L'article L. 77-15-4 (alinéa 28) - Une suspension de la durée de validité d'une autorisation, tant qu'un contentieux est en cours devant une juridiction, pour que ce délai reprenne une fois la décision rendue, sans crainte que l'échéance intervienne avant un jugement

Cet article vise à éviter la caducité d'autorisations accordées par l'administration dans le cadre d'un projet de stockage d'eau ou de création/extension d'élevage, en suspendant leur durée de validité lorsque ces projets ont fait l'objet de recours, tant que la décision de justice définitive (« décision juridictionnelle irrévocable au fond ») n'est pas rendue (« notifiée au bénéficiaire »). Cela vaut pour les décisions d'autorisation attaquées, mais également pour toute décision d'autorisation relative à un projet par ailleurs attaqué.

E. Une application rétroactive pour l'article L. 77-15-4, mais pas pour les deux autres articles

Enfin, les trois derniers alinéas de l'article 15 précisent les modalités d'application de ces articles, notamment la date à partir de laquelle ils s'appliquent. Hormis pour l'article L. 77-15-4 (suspension du délai de validité d'une autorisation) qui s'appliquera rétroactivement, ils ne produiront leur effet que sur les requêtes enregistrées après la date de publication de la loi (art. L. 77-15-2, annulation partielle et régularisation des vices véniels) ou sur les décisions d'autorisation prises après l'entrée en vigueur de la présente loi (art. L. 77-15-3, sur le référé-suspension).

III. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale - Le Gouvernement est revenu sur l'application aux litiges en cours prévue aux articles L. 77-15-2 et L. 77-15-4 en séance

Aucun amendement n'a été adopté à l'article 15 lors de l'examen du texte par la commission des affaires économiques. Trente amendements avaient été déposés, dont plusieurs visaient la suppression de cet article.

En séance publique, bien que 46 amendements aient initialement été déposés, seul un amendement du Gouvernement n° 4306 a été adopté. Cet amendement prévoit l'application uniforme de l'ensemble des mesures contentieuses de l'article 15 « aux décisions administratives prises à compter du 1er septembre 2024 », revenant ainsi sur la rétroactivité initialement prévue par les alinéas 29 à 31 de l'article pour l'application spécifique des articles L. 77-15-2, L. 77-15-3 et L. 77-15-4.

Le Gouvernement justifie cet amendement par « des raisons de bonne administration de la justice et de sécurité juridique ». Dans l'exposé des motifs, il affirme précisément vouloir laisser aux justiciables, juridictions et services administratifs « un délai suffisant pour appréhender et anticiper les nouvelles mesures contentieuses introduites ». Il entend défendre « une meilleure sécurité juridique » en excluant l'application de nouvelles normes contentieuses aux litiges en cours. Enfin, il souhaite permettre « une cohérence avec le décret portant adaptation de la procédure contentieuse aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux installations classées pour la protection de l'environnement en matière d'élevage et aux autorisations environnementales, dont la publication doit intervenir prochainement » et qui s'appliquerait aux mêmes décisions.

IV. La position de la commission - Bien que cet article ne constitue qu'une solution partielle pour améliorer la capacité productive de la ferme France, les rapporteurs ont entendu le sécuriser juridiquement et élargir son champ d'application

A. Une attention portée à cet article disproportionnée au regard de son impact réel sur les projets de stockage d'eau et de création ou d'extension d'élevage

Sur le fond, il s'agit du seul article du projet de loi d'orientation portant sur les moyens de production agricole (eau, bâtiments d'élevage), encore que de façon très indirecte, sous le prisme de la limitation des recours contre les projets de constitution de réserve d'eau ou de construction/extension d'élevage.

Très attendue par certaines filières, cette accélération de la prise de décision des juridictions a donc été très bien accueillie par les représentants du monde agricole, et constitue au contraire un repoussoir pour de nombreuses associations de protection de l'environnement, de protection animale, et partis ou syndicats prônant un profond changement du modèle agricole actuel.

Les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville s'étonnent de la forte attention politique et médiatique portée à cet article 15, dont les conséquences concrètes seront finalement très réduites puisque, selon l'étude d'impact, elles « ne concerne[nt] au total qu'une centaine de recours » à ce jour.

En outre, comme le souligne l'étude d'impact, « les dispositions du présent article ne sont pas de nature à modifier les décisions prises par l'autorité administrative au regard des dispositions du code de l'environnement. Elles n'ont dès lors ni pour objet ni pour effet de soustraire les projets agricoles concernés au contrôle par le juge de leur légalité, notamment au regard des dispositions du code de l'environnement ». En atteste le fait que, contrairement aux I des articles 16 et 17, le resserrement des délais prévus au présent article pour former un recours contre un projet d'ouvrage hydraulique agricole et d'installation d'élevage ne contreviendrait pas au principe législatif de non-régression en matière environnementale (9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement), car il ne modifie pas directement les règles relatives à la protection de l'environnement et ne préjuge en rien du sens de la décision rendue par le juge.

De surcroît, l'article 15 ne changera pas fondamentalement la situation des porteurs de projets, l'étude d'impact mentionnant « l'objectif d'obtenir une décision juridictionnelle définitive dans un délai moyen de deux ans ».

Du reste, cette restriction des voies de recours et des effets de ces recours ne semble pas pouvoir être d'un grand secours pour les plus petits exploitants, dont la rentabilité et les capacités d'ingénierie sont en général plus limitées, et qui, en tout état de cause, ne peuvent se permettre d'attendre deux ans pour mener à bien un projet.

B. Compte tenu du risque de constitutionnalité pesant sur cet article, les rapporteurs ont entendu le sécuriser et en renforcer la portée

En dépit de toutes ces limites, les dispositions de l'article 15 sont juridiquement les plus fragiles du projet de loi, le Conseil d'État ayant jugé qu'elles « sont susceptibles de présenter des risques de constitutionnalité au regard notamment du principe d'égalité devant la justice, [et qu'elles] comportent des inconvénients importants en termes de sécurité juridique pour les justiciables et, plus généralement, pour la bonne administration de la justice ». Compte tenu de ce risque, le Conseil d'État avait d'ailleurs proposé de ne pas retenir ces dispositions. À l'occasion de saisines dans le cadre de consultations obligatoires, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (CSTACAA) et la Commission supérieure du Conseil d'État avaient précédemment rendu un avis défavorable sur cet article.

Pour autant, cet article a suscité des commentaires très élogieux de la part des différentes filières entendues dans le cadre des auditions (filières animales pour les projets d'élevage et, par exemple, filière maïs, pour les projets de stockage d'eau). C'est pourquoi les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville ont cherché à en consolider l'assise juridique, en précisant tout d'abord par un amendement  COM-406 que c'est en tant qu'ils « concourent à l'objectif de souveraineté alimentaire » introduit à l'article 1er du présent texte que les projets agricoles bénéficiant de procédures spéciales à l'occasion de contentieux les visant. Cette précision contribue à en renforcer la justification, au regard du principe de l'égalité devant la loi.

En outre, un amendement  COM-636 du rapporteur pour avis Jean-Claude Anglars a été adopté après un avis de sagesse des rapporteurs, afin d'étendre ces procédures contentieuses spéciales aux projets de stockage d'eau « répondant à un besoin agricole » plutôt qu'aux projets poursuivant à titre principal une finalité agricole. Son objectif est de faire en sorte que les usages agricoles n'effacent pas les autres usages. Il a par ailleurs pour conséquence d'élargir l'application de ces règles contentieuses spéciales à de plus nombreux projets de stockage d'eau, dans une logique multi-usages.

Ces précisions faites, les rapporteurs ont enfin fait adopter à la commission l'amendement  COM-407 prévoyant que les réformes régularisant les vices véniels et suspendant le délai de validité d'autorisations le temps d'un recours soient applicables aux litiges et décisions en cours à la date de la publication de la présente loi.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 16
Relèvement du seuil de ICPE pour les chiens de protection de troupeau
et habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance
pour fixer les règles de responsabilité pénale des éleveurs
en cas de dommages causés par leur chien de troupeau

Cet article vise à faciliter le recours aux chiens de protection de troupeau par les éleveurs et les bergers pour faire face à la prédation du loup. Il se compose de deux dispositions distinctes, toutes deux demandées par Chambres d'agriculture France à l'hiver 2023 : « que les chiens de protection soient exclus des règles relatives aux ICPE », et « que soit étudiée une voie de déresponsabilisation des éleveurs en cas d'accidents du fait de l'usage de chiens de protection de troupeau contre le loup ».

En ce sens, l'article 16 prévoit la non-opposabilité du principe de non-régression environnementale à la modification de la nomenclature ICPE en ce qui concerne les chiens de protection et une habilitation à légiférer par ordonnance pour fixer les règles d'engagement de la responsabilité pénale en cas de dommages causés par ces chiens de protection. Les députés ont introduit directement dans la loi un régime d'absence de responsabilité des éleveurs pour les dommages causés par leurs chiens de protection.

Suivant l'avis des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, la commission a d'abord adopté un amendement COM- 409 pour permettre un relèvement des seuils ICPE pour tous les chiens et pas les seuls chiens de protection, à des fins de simplification. Elle demandera au ministre les contours exacts de la réforme prévue par décret.

Elle a ensuite consolidé juridiquement la protection des éleveurs en excluant les circonstances aggravantes et en clarifiant les prescriptions à respecter pour bénéficier du régime d'absence de responsabilité, pour plus d'acceptabilité de la mesure et une meilleure conciliation des usages ( COM- 411).

Elle a également introduit le principe symbolique d'interdiction de refus, sur le motif de présence des chiens de protection, d'un renouvellement de convention de pâturage ( COM- 412 des rapporteurs).

Elle a par ailleurs adopté deux amendements identiques COM- 551 rect. et COM- 558 rect. de M. Bleunven et Mme Berthet pour faciliter la reconnaissance de la non-protégeabilité des troupeaux de bovins. Elle a enfin adopté un amendement rédactionnel COM- 410.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Promu et financé par le Gouvernement dans le cadre du plan « loup », le recours aux chiens de protection de troupeau n'est pas sans poser difficulté à d'autres usages des espaces naturels

Dans le cadre du « plan national d'actions loup et activités d'élevage 2024- 2029 », en complément de la modification des protocoles de tirs et des règles d'indemnisation déjà actée par des arrêtés de février 2024, le Gouvernement cherche à promouvoir les mesures de protection, et en particulier le recours aux chiens de protection de troupeau.

A. Un recours aux chiens de protection de troupeau pouvant être freiné par le régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE)

Or, ce recours aux chiens de protection de troupeau semble pouvoir être freiné de façon incidente par les règles environnementales qui s'attachent à la détention de plus de dix chiens.

Comme l'indique l'étude d'impact, « la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), qui s'applique aux propriétaires de plus de neuf chiens, apparaît disproportionnée au regard des objectifs de cette réglementation. À l'heure actuelle, les élevages de chiens relèvent de la rubrique 2120 de la nomenclature des ICPE (annexée à l'article R. 511- 9 du code de l'environnement) à partir de la détention de 10 animaux. Dans ce cadre, les exploitations disposant de 10 à 50 chiens sont soumises au régime de la déclaration, celles disposant de 51 à 250 chiens à celui de l'enregistrement et au-delà c'est un régime d'autorisation qui s'applique. Le régime actuel s'applique de la même manière aux propriétaires de chiens de protection des troupeaux que pour les activités d'élevage, de vente, de détention, de refuge ou fourrière. »

En pratique, ce seuil peut avoir pour effet, d'après la Fédération nationale ovine (FNO - fédération spécialisée de la FNSEA), d'assujettir au régime ICPE des élevages qui, en raison d'un faible nombre de bêtes, seraient restés en dessous des seuils de déclaration ou d'autorisation en l'absence de chiens de protection de troupeau.

Or, une dérogation aux règles générales de la police spéciale des installations classées, par voie réglementaire, contreviendrait au principe législatif de non-régression en matière environnementale. Introduit par la loi n° 2016- 1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, ce principe a pour effet que la protection de l'environnement « ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment » (9° du II de l'article L. 110- 1 du code de l'environnement). Selon le Conseil d'État, il « s'impose au pouvoir réglementaire », même si c'est uniquement « lorsqu'il détermine des règles relatives à l'environnement153(*) » et non pour toute disposition législative.

Cependant, selon la même décision, dans la mesure où ce qu'une loi peut faire, une autre peut le défaire, ce principe n'est pas invocable « lorsque le législateur a entendu en écarter l'application dans un domaine particulier ou lorsqu'il a institué un régime protecteur de l'environnement et confié au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions de mise en oeuvre de dérogations qu'il a lui-même prévues à ce régime ».

B. Des conflits d'usage avec d'autres activités de pleine nature (randonnée, VTT, promenade avec chien)

En outre, le recours aux chiens de protection de troupeau, qui sont aujourd'hui plus de 6 500, est découragé par un nombre croissant de conflits d'usage dans les estives, pouvant déboucher sur des attaques d'usagers de la montagne par ces chiens de protection.

Pour certains, cette problématique « cache un malaise plus profond dans l'activité agro-pastorale154(*) », et suscite les craintes non seulement des usagers de la nature, mais aussi des acteurs du tourisme montagnard (office de tourisme, parcs nationaux ou autres).

L'étude d'impact du projet de loi fait état d'« une centaine d'incidents sérieux dont certains conduisent à des dépôts de plaintes, voire, dans les cas les plus graves, à des condamnations pénales des éleveurs ».

En effet, l'éleveur est tenu responsable de ces attaques en raison du principe que l'on est « responsable de tout animal que l'on a sous sa garde155(*) », un principe général du droit civil.

Il existe en droit pénal un délit de mise en danger délibérée de la personne d'autrui, « lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait156(*) ». En outre, « dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ».

En l'absence de statut particulier de « chien de protection des troupeaux », ou même de « chien de travail », avec des règles particulières afférentes, il n'existe pas d'exonération ou de transfert de responsabilité civile ou pénale à l'État à ce jour.

II. Le dispositif envisagé - Deux dispositions distinctes destinées à faciliter le recours aux chiens de protection de troupeau par les éleveurs et les bergers pour faire face à la prédation du loup

Destiné à faciliter le recours aux chiens de protection de troupeau face à la prédation du loup, cet article se compose de deux dispositions distinctes, toutes les deux demandées par Chambres d'agriculture France dans un document que l'établissement avait diffusé à l'hiver 2023 (« que les chiens de protection soient exclus des règles relatives aux ICPE », et « que soit étudiée une voie de déresponsabilisation des éleveurs en cas d'accidents du fait de l'usage de chiens de protection de troupeau contre le loup »).

La première de ces recommandations figurait également dans le rapport du CGAAER mentionné supra157(*), tandis que sur la seconde, ce même rapport se montrait plus sceptique - notamment quant à la définition d'un statut de chien de protection ou, plus général, de chien de travail, complexe juridiquement à mettre en oeuvre.

A. La non-opposition du principe de non-régression environnementale à la modification de la nomenclature ICPE en ce qui concerne des chiens de protection de troupeau

La première des deux dispositions (I de l'article 16) dispose que le principe de non-régression environnementale n'est pas opposable à la modification de la nomenclature ICPE pour les chiens de protection de troupeau (élevage, détention, vente...), permettant au Gouvernement de procéder dans un second temps à cette modification par simple décret en Conseil d'État.

1) Une disposition précisée par le Gouvernement après son examen critique par le Conseil d'État

Pour rappel, ce I a été substantiellement modifié après l'avis du Conseil d'État, avant son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale.

En effet, dans son avis sur le texte qui lui avait été transmis, le Conseil d'État avait, comme pour la possibilité de modification des seuils et critères ICPE pour la valorisation des sous-produits animaux dont la laine à l'article 17, constaté « que [les] dispositions [étaient] dépourvues d'utilité et [proposé], en conséquence, de ne pas les retenir ».

Il relevait en particulier que la rédaction initialement envisagée n'exonérait pas « le pouvoir réglementaire du respect des exigences prévues par les textes législatifs relatifs à la protection de l'environnement, en particulier le principe de non-régression de la protection de l'environnement posé par le 9 du II de l'article L. 110- 1 du code de l'environnement ». Ce point a donc été explicitement précisé dans la rédaction du texte déposé à l'Assemblée nationale.

2) Par la même occasion, le champ matériel de l'exonération a été restreint

La nomenclature ICPE peut être modifiée en échappant au principe de non-régression pour les seuls « chiens de protection de troupeau », une notion qui au demeurant n'est pas définie, et non plus pour tous les « chiens ». Cela semble pouvoir se justifier par le fait que la rédaction précédente allait bien au-delà de ce qui était affiché : elle aurait par exemple été applicable à un éleveur de chiens à Paris. Toutefois, il convient de remarquer qu'il n'existe pas de définition juridique de ce qu'est un chien de protection de troupeau.

B. Une habilitation à légiférer par ordonnance pour encourager les éleveurs à recourir aux chiens de protection des troupeaux, par des règles adaptées d'engagement de la responsabilité pénale des éleveurs

Le II de l'article 16 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de six mois158(*), « pour encourager les éleveurs à recourir aux chiens de protection des troupeaux en prévoyant des règles adaptées d'engagement de la responsabilité pénale des éleveurs en cas de dommages causés par ces chiens ».

Le Conseil d'État avait indiqué que cette habilitation à légiférer par ordonnance « n'appel[ait] pas d'observation de [s]a part ».

Pour mémoire une proposition de loi visant à définir et encadrer le régime de responsabilité concernant les chiens de protection des troupeaux avait été déposée en octobre 2022 à l'Assemblée nationale159(*). Ce texte proposait que :

- « tout fait de morsure d'une personne par un chien de protection des troupeaux relève de la responsabilité de l'État » et que « l'État engage une action récursoire s'il est avéré que le propriétaire du chien de protection des troupeaux a commis un manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement » (article 1er) ;

- la responsabilité civile du propriétaire d'un animal « ne s'applique pas si l'animal est un chien de protection des troupeaux », cette responsabilité incombant à l'État (article 2) ;

- la responsabilité du propriétaire d'un animal en cas d'aboiements durables, répétés ou intenses, portant atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, « ne s'applique pas si l'animal est un chien de protection des troupeaux » (article 3).

Le dispositif envisagé par le Gouvernement pourrait éventuellement s'en inspirer, bien que le rapport du CGAAER mentionné plus haut n'encourage pas cette piste. Il faut toutefois remarquer qu'à cet article 16, le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance ne permet pas d'exonérer les éleveurs de responsabilité civile.

III. En séance publique à l'Assemblée nationale, une suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnance et une inscription « en dur » d'une présomption d'absence de responsabilité des éleveurs en cas de dommages

Un seul amendement, n° CE3391, du rapporteur Pascal Lavergne (Renaissance - Gironde), a été adopté lors de l'examen de cet article par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Il se borne à faire courir le délai dans lequel un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement à quatre mois à compter de la promulgation de l'ordonnance (et non plus quatre mois à compter de la publication de l'ordonnance). Auparavant, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, saisie pour avis, avait proposé d'étendre la durée de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, de six à douze mois. Ces amendements n'ont finalement pas été adoptés par la commission des affaires économiques.

En séance publique, un amendement n°  4813 de M. Pascal Lavergne et de ses collègues rapporteurs a été adopté, inscrivant « en dur » la disposition qu'il était envisagé d'introduire en droit dans le cadre d'une habilitation à légiférer par ordonnance.

Cet amendement crée une présomption simple d'absence de responsabilité pénale pour les propriétaires ou détenteurs de chiens de protection de troupeau en cas de dommages causés par ces animaux dans le cadre de leur action de protection.

Plus précisément, il présume l'absence de « maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » et, ce faisant, exclut l'application du délit d'atteinte involontaire à l'intégrité d'autrui, qu'il ait résulté d'une agression une incapacité totale de travail (ITT) de plus de trois mois (article 222- 19- 2 du code pénal, puni de trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende) ou une ITT de moins de trois mois (article 222- 20- 2 du code pénal, puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende).

Cette présomption est simple, ou réfragable, c'est-à-dire que la victime peut apporter des éléments de preuve pour démontrer à l'occasion d'un litige que la responsabilité de l'éleveur peut être engagée. Ainsi, les éleveurs ne sont pas exonérés de toute responsabilité pénale.

Par ailleurs, la présomption n'est admise que lorsque les prescriptions imposées par les réglementations applicables aux chiens de protection de troupeau ont été respectées, à savoir :

- l'identification du chien (art. L. 212- 10 du CRPM) ;

- le cas échéant, les mesures de prévention éventuellement prescrites par le maire ou le préfet pour prévenir le danger, pouvant consister en une évaluation comportementale du chien, en une formation pour son propriétaire ou détenteur et en l'obtention d'une attestation d'aptitude (art. L. 211- 11 du CRPM) ;

- le cas échéant, l'évaluation comportementale demandée par le maire (art. L. 211- 14- 1 du CRPM) ;

- le cas échéant, la déclaration des cas des morsures, l'évaluation comportementale demandée par le maire, une formation et l'obtention d'une attestation d'aptitude (art. L. 211- 14- 2 du CRPM) ;

- les éventuelles mesures de police municipale (art. L. 2212- 2 du CGCT) et de police administrative (art. L. 2215- 1 du CGCT).

L'amendement vise ainsi à protéger les éleveurs du risque de condamnations pénales, afin de lever un frein psychologique au recours aux chiens de protection de troupeau (après le frein réglementaire que le I de cet article entend lever, en relevant le seuil de la nomenclature ICPE pour la rubrique sur les chiens).

Il convient enfin de remarquer que les victimes conserveraient le droit d'obtenir de la part du propriétaire ou du détenteur du chien le versement de dommages-intérêts dans le cadre d'une procédure civile.

IV. La position de la commission - Regrettant que l'article 16 ne traite que des dommages collatéraux environnementaux et pénaux des chiens de protection, et non de leur cause même - le loup -, la commission a toutefois entendu faire preuve de pragmatisme

De façon générale, sur cet article 16, les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville souhaitent faire remarquer que le lien entre chiens de protection de troupeau et souveraineté alimentaire ou renouvellement des générations est assez ténu.

Sur la méthode, les rapporteurs étaient peu satisfaits, dans sa première rédaction, de ce premier article « coquille vide » (le second étant à l'article 17), demandant au Parlement de donner un blanc-seing au Gouvernement, soit par le renvoi à un décret, soit par une habilitation à légiférer par ordonnance.

A. À titre liminaire, les rapporteurs souhaitent souligner la fuite en avant dans laquelle la politique de préservation du loup a conduit les pouvoirs publics

Les rapporteurs rappellent que sans le loup, il n'y aurait pas de patous, et donc pas d'article 16 pour en limiter les dommages collatéraux. Cet article traite les conséquences, mais pas la cause, des conflits d'usage en zone de montagne.

Ils protestent contre la tendance rampante qui a consisté, avant la démarche finalement entreprise par le Gouvernement pour déclasser le loup de son statut de protection stricte dans la convention de Berne puis la directive Habitats, à sacrifier la conciliation des usages en montagne, et plus largement certains aspects de la vie en ruralité, à la préservation du loup.

En insistant pour que les éleveurs prennent des chiens de protection, très imposants, de type molossoïde, pour se protéger du loup, on impose en effet aux éleveurs une charge supplémentaire qu'ils n'ont jamais demandée.

Leur vocation est éleveur de brebis ou de chèvres, pas de chiens. Les chiens de protection sont un pis-aller mais ne peuvent pas constituer l'alpha et l'omega de la protection de l'élevage face au loup.

Or, les éleveurs et bergers font face à des réactions de plus en plus souvent hostiles des autres usagers de la montagne, alors qu'ils n'ont rien demandé. Le loup d'un côté, les chiens de protection de l'autre : pour eux, c'est la double peine. Ils font face à des difficultés croissantes d'accès aux pâturages en raison des craintes suscitées par ces chiens de protection.

Encourager la détention de chiens de protection, en tentant de réduire les conséquences pour les éleveurs des dommages causés par ces chiens aux autres usagers de la montagne est une approche alambiquée, qui ne réglera que quelques cas symboliques par an se retrouvant devant les tribunaux, mais ne réglera pas les problèmes au quotidien liés à ces animaux : conflits croissants avec d'autres usagers de la nature, convocations en mairie ou au commissariat, lettres de riverains, réunions amiables de conciliation....

Il faut relever également que cette « présomption simple d'absence de responsabilité pénale pour les propriétaires ou détenteurs de chiens de protection de troupeau en cas de dommages causés par ces animaux, s'appliquant si les prescriptions imposées par les réglementations applicables aux chiens de protection de troupeau ont été respectées » ne trouve pas sa place dans un chapitre censé « simplifier l'activité des agriculteurs » sans susciter quelques interrogations, eu égard à la complexité juridique de cette solution.

Les rapporteurs remarquent enfin que le Gouvernement n'est pas à une contradiction près, puisqu'il s'apprête à procéder à une régression environnementale et à une atténuation de la responsabilité pénale des éleveurs afin de protéger l'espèce lupine.

B. Le I est une mesure technique, mais il faut un engagement du ministre sur la modification précise qu'il opérera dans la nomenclature ICPE

S'agissant du I, alors que le texte précédent visait explicitement un « relèvement des seuils » et une « modification des critères », la nouvelle version évoque simplement une « modification de la nomenclature ICPE », permettant en théorie d'envisager par décret des formes de dérogation, pour les chiens de protection, autres qu'un simple relèvement des seuils.

Toutefois, avec la rédaction du texte initialement déposé à l'Assemblée nationale, le Parlement se bornerait à écarter le principe de non-régression environnementale pour laisser le champ libre au pouvoir réglementaire sur les ICPE, sans avoir son mot à dire pour la définition concrète de ces seuils et critères.

Bien que fixer un régime dérogatoire directement dans la loi sécuriserait la position du Sénat et serait source de prévisibilité juridique, cela ferait perdre en souplesse - il faudrait passer par la loi pour toute modification du régime ICPE - et en lisibilité - certaines règles seraient fixées dans la loi et d'autres dans le règlement. Cette option n'a donc pas été retenue par les rapporteurs mais, comme à chaque point du texte où il est renvoyé au décret ou à l'ordonnance, ils ont demandé au Gouvernement d'expliquer ce qu'il comptait faire.

C. La consolidation de l'aménagement de la responsabilité pénale des propriétaires et détenteurs de chiens pour les dommages commis lors d'actions de protection du troupeau

Sur le II de l'article 16, bien que le Sénat soit par principe plutôt défiant à l'égard des ordonnances, force est de reconnaître que ce choix avait été opéré, comme l'indique le cabinet du ministre, par simple manque de temps, le droit pénal et civil ne relevant pas du coeur de métier du ministère de l'agriculture.

Le champ de l'habilitation finalement très restrictif retenu par le Gouvernement était une invitation à inscrire ces règles « en dur », directement dans la loi, le champ d'une habilitation à légiférer par ordonnance ne pouvant être étendu par amendement parlementaire (article 38 de la Constitution). Le Gouvernement semblait disposé à travailler en ce sens avec les parlementaires et, de fait, les rapporteurs de l'Assemblée nationale ont proposé un régime permettant d'écarter par défaut la responsabilité des propriétaires et détenteurs de chiens, sauf imprudence.

Les rapporteurs ont d'abord convenu qu'il fallait renoncer à définir les chiens de protection pour l'application tant du I que du II de cet article. Une méthode simple aurait été de cantonner la définition aux chiens issus des races à même d'assumer le rôle de chien de protection ou aux chiens ayant fait l'objet d'aides publiques dans le cadre du plan loup, mais le risque eût été de ne pas couvrir l'ensemble de ces chiens de protection.

Aussi, et à des fins de simplification, les rapporteurs ont proposé un amendement COM-409 permettant de faire évoluer les seuils ICPE pour tous les chiens, et non plus les seuls chiens de protection, sur la suggestion de la direction générale de la prévention des risques - direction d'administration centrale compétente en matière d'ICPE - compte tenu du risque de complexité inhérent à la multiplication de régimes spécifiques d'une part, et à la difficulté pour définir un chien de protection d'autre part.

Ils ont par ailleurs, par un amendement COM-411 adopté par la commission, souhaité clarifier :

- que la protection des propriétaires et éleveurs ne vaut pas dans les cas où il n'y a pas de circonstance aggravante, afin de renforcer l'acceptabilité de cette mesure et d'améliorer la conciliation des usages dans les espaces partagés ;

- les prescriptions à respecter, notamment en termes de formation du propriétaire ou du détenteur et d'évaluation comportementale du chien, pour prétendre bénéficier de ce régime exonératoire de responsabilité, en particulier dans les cercles les moins concernés par la prédation historiquement.  

D. D'autres mesures sécurisant, simplifiant et libérant le pastoralisme face à la prédation du loup

Enfin, cet article laisse de côté plusieurs règles non environnementales, comme celles relatives à l'identification des chiens, à leur divagation et à l'évaluation comportementale que peut demander le maire en cas de danger pour les personnes ou les animaux domestiques, qui s'ajoutent au régime des ICPE. Parmi les autres propositions de Chambres d'agriculture France, dans un document qui avait circulé à l'automne, avant que cet article soit introduit dans le projet de loi, figurait la proposition que les communes ne puissent plus interdire la présence de chiens de protection des troupeaux en raison des incidents occasionnés par les promeneurs / randonneurs.

Les rapporteurs ont repris cette proposition par un amendement COM- 412, symboliquement important, qui demande à motiver les refus de renouvellement de convention de pâturage et exclut le recours à des chiens de protection parmi ces motifs de non-renouvellement. Il s'observe en effet un nombre croissant de refus, par des maires, de conventions de pâturage pour les troupeaux d'ovins, qui impliquent des patous, au profit d'éleveurs de bovins, qui ne sont pas protégés par ces chiens. Une véritable double peine pour ces éleveurs ovins.

En outre, les rapporteurs ont souhaité sécuriser les éleveurs bovins, équins et asins, face à la prédation par deux amendements identiques COM- 551 rect. de M. Bleunven et COM- 558 rect. de Mme Berthet, rectifiés à la demande des rapporteurs pour mentionner un arrêté ( un tel arrêté a été soumis à consultation du public au début de l'année). Ces amendements permettent de reconnaître plus facilement la non-protégeabilité pour ces animaux.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 17
Non-opposition du principe de non-régression environnementale
à la modification de la nomenclature ICPE pour la valorisation
des sous-produits lainiers et habilitation du Gouvernement à légiférer
par ordonnance pour modifier la déclaration
et l'autorisation ICPE et Iota dans le domaine de l'aquaculture

Cet article vise à permettre deux mesures d'allègement de normes environnementales bien distinctes, la première relative à la valorisation de la laine, et la seconde relative à la production aquacole. Il s'agit en effet de deux filières économiques qui brillent par leur absence en France alors que la relocalisation de ces activités serait écologiquement vertueuse.

Constatant que cet article 17 est, après l'article 16, un second article « coquille vide », les rapporteurs de la commission des affaires économiques, Laurent Duplomb et Franck Menonville, ont entendu lui donner plus de substance en proposant l'adoption de quatre amendements, deux au sujet de la valorisation des produits de la laine (tant à des fins de fertilisation qu'à des fins vestimentaires), et deux au sujet du développement de la filière aquacole en France (en raccourcissant le délai de l'ordonnance et en inscrivant directement dans la loi le principe d'une déclaration unique au regard des règles relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et installations, ouvrages, travaux et activités (Iota) ayant une incidence sur l'eau.

La commission des affaires économiques a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Valorisation de la laine et production aquacole : deux filières économiques qui brillent par leur absence en France alors que la relocalisation de ces activités serait écologiquement vertueuse

A. La valorisation de la laine est freinée par des règles environnementales peu adaptées

À l'instar des haies, la valorisation sur l'exploitation des coproduits animaux, notamment de la laine et des peaux d'ovins, en était venue à illustrer pour le syndicat agricole majoritaire, lors de la contestation agricole de l'hiver 2024, le caractère parfois contreproductif des normes qui s'imposent aux agriculteurs. La valorisation de ces coproduits s'inscrit dans une logique vertueuse d'économie circulaire, par exemple pour du paillage ou de l'amendement des sols, mais paraît découragée par des démarches administratives chronophages et complexes. Par voie de conséquence, comme l'indique la Fédération nationale ovine (FNO - fédération spécialisée de la FNSEA), « les peaux d'ovins et la laine représentent aujourd'hui une charge pour les abattoirs et les éleveurs alors qu'elles constituent une ressource naturelle pour la confection textile, la construction ou la protection des sols ».

Plus concrètement, la Fédération nationale ovine résume ainsi la problématique rencontrée par les éleveurs : ils « sont confrontés à un empilement des réglementations qui bloquent toute innovation. Tel est le cas par exemple du compostage de la laine à la ferme, qui nécessite pour les éleveurs d'obtenir un agrément sanitaire mais surtout un enregistrement au titre des Installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), alors que l'activité même de l'élevage de brebis ne le nécessite pas. Cette obligation et les contraintes qui vont avec, font qu'à ce stade, aucun éleveur ne fera la démarche d'officialiser le compostage de sa laine alors même qu'elle ne trouve aucun débouché et que les agriculteurs de manière générale sont à la recherche d'azote d'origine naturelle. [Il faudrait que] la laine [obtienne] une dérogation au même titre que les effluents d'élevage et ne [soit] pas soumise à la réglementation ICPE pour un compostage en ferme inférieur à 3 tonnes par jour. »

Or, un tel aménagement de la police spéciale des installations classées, par voie réglementaire, contreviendrait au principe législatif de non-régression en matière environnementale. Introduit par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, ce principe a pour effet que la protection de l'environnement « ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment » (9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement). Selon le Conseil d'État, ce principe « s'impose au pouvoir réglementaire », même si c'est uniquement « lorsqu'il détermine des règles relatives à l'environnement160(*) » et non pour toute disposition législative.

Cependant, selon la même décision, dans la mesure où ce qu'une loi peut faire, une autre peut le défaire, ce principe n'est pas invocable « lorsque le législateur a entendu en écarter l'application dans un domaine particulier ou lorsqu'il a institué un régime protecteur de l'environnement et confié au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions de mise en oeuvre de dérogations qu'il a lui-même prévues à ce régime ».

B. Un taux d'auto-approvisionnement en produits de l'aquaculture alarmant et une difficulté à créer de nouveaux projets

Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la production mondiale de poisson devrait augmenter de 15 % en 2026 par rapport à la moyenne 2014-2026, et le principal moteur de cette augmentation serait l'aquaculture, dont la production devrait augmenter de 34 % sur la même période, dépassant la barre des 100 millions de tonnes pour la première fois en 2025 - soit davantage que la pêche capturée. Or, à cette même échéance de 2026, 90 % de la production aquacole proviendrait d'Asie, et 63 % de Chine.

Dans ce contexte, la Commission européenne plaide, dans le cadre du Pacte vert, pour le développement de l'aquaculture durable. En France, il existe un plan « Aquacultures d'avenir 2021-2027 », qui a pour objectif, entre autres, de doubler la production de bars et de daurades sur la période (de 5 000 à 10 000 tonnes, pour une consommation de 20 000 tonnes par an, en forte croissance).

Le Haut-commissariat au plan (HCP) a publié en novembre 2023 une « note stratégique » intitulée « Le développement de l'aquaculture : un enjeu de souveraineté alimentaire », démontrant la dépendance de la France en matière de produits de la pêche et de l'aquaculture, que reflète un taux d'auto-approvisionnement de la France de seulement 30 % (couverture de la consommation nationale par la production nationale). Cette catégorie de produits constitue le deuxième déficit commercial de la France en matière alimentaire (4,6 Md€ en 2021 et 5,7 Md€ en 2022), derrière les fruits et légumes (7 Md€ en 2021 et 7,3 Md€ en 2022), ces derniers faisant l'objet d'un plan de souveraineté présenté lors du salon international de l'agriculture de 2023.

Selon le Comité interprofessionnel des produits de l'aquaculture (CIPA), ce seraient même 4 poissons d'élevage sur 5 consommés en France qui seraient importés, pour un taux d'auto-approvisionnement en produits de l'aquaculture de seulement 8,7 %. Le HCP a cherché à saisir cette réalité pour alerter le grand public via la confection d'un « indice sashimis » qui témoigne, pour les 4 produits concernés, d'un déficit commercial cumulé de près de 3 Md€ en 2022 (soit 400 000 tonnes sur l'année en volume).

Alors que la France a mis au point les techniques d'élevage aquacole mises en oeuvre en Grèce (80 000 tonnes de bars et daurades produites par an) et en Turquie (220 000 tonnes) et pourrait bénéficier du maillage territorial de la filière pêche pour la transformation, afin de « produire à des coûts concurrentiels et dans des conditions satisfaisantes au niveau environnemental » (HCP), une vingtaine d'entreprises seulement sont actives en France et aucune nouvelle autorisation d'exploiter n'a été délivrée en vingt-cinq ans, si bien que la production française en bars et daurades s'élève à 5 000 tonnes par an, c'est-à-dire moins que la production annuelle de la principale ferme grecque.

La principale explication, selon le HCP, résiderait dans « la complexité et le cumul des diverses réglementations applicables au secteur aquacole (sanitaires et zoosanitaires, environnementales, en matière de transports des animaux, d'urbanisme, de distance à respecter entre une exploitation d'élevage et les habitations, d'installation et de foncier voire de valorisation de la qualité et de l'origine des produits), source d'incompréhension et de difficultés pour les professionnels du secteur. Cette situation de confusion freine la création de nombreuses fermes piscicoles et crée une distorsion de concurrence vis-à-vis de nos partenaires européens, sans pour autant emporter des avantages environnementaux et sanitaires déterminants. Elle est également à l'origine du découragement voire du renoncement de nombreux porteurs de projets, qui doivent parfois attendre plusieurs années pour obtenir les autorisations adéquates. »

La pisciculture est en effet soumise à déclaration (capacité de production en eau de mer comprise entre 5 et 20 tonnes par an) voire à autorisation (capacité de production en eau douce et en eau de mer supérieure à 20 tonnes par an) au titre de la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). La nomenclature ICPE est établie par décret en Conseil d'État après avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Le droit de l'UE161(*) prescrit en outre que certains des sites soumis à autorisation doivent faire l'objet d'une étude d'incidence ou une étude d'impact, en vue de réduire les nuisances environnementales et les risques de pollutions associées.

Peuvent également être soumis à déclaration ou à autorisation (sauf s'ils sont « non classés ») les « installations, ouvrages, travaux et activités » (Iota) non domestiques entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts même non polluants (articles L. 214-2 et R. 214-1 du code de l'environnement). La nomenclature Iota est établie par décret en Conseil d'État, après avis du Comité national de l'eau.

Ces démarches doivent être réalisées avant la mise en activité du site. Il est à noter cependant que, depuis l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, les autorisations ICPE et Iota peuvent faire l'objet d'une « autorisation environnementale unique ». En outre, ces installations pourraient, pour les plus importantes d'entre elles, être labellisées « site industriel clés en main » - dispositif gouvernemental lancé en 2020, dérogeant aux droits à l'information et à la participation du public, pour « purger » diverses procédures d'autorisation et études environnementales ou patrimoniales sur un site avant même que des investisseurs ne manifestent leur intention de s'y implanter, et ainsi accélérer ces implantations.

II. Le dispositif envisagé - Deux mesures d'allègement de normes environnementales bien distinctes, la première relative à la valorisation de la laine, et la seconde relative à l'aquaculture

La logique et la structure (I, décret en Conseil d'État ; II, habilitation à légiférer par ordonnance) de l'article 17 sont très proches de celle de l'article 16.

Toutefois, l'article 17 contient deux mesures thématiquement bien distinctes, chacune ouvrant la possibilité d'un allègement de normes environnementales différent.

A. Un allègement des normes relatives aux sous-produits lainiers

La première (I de l'article) vise simplement à rendre possible une modification ultérieure des seuils et des critères de la nomenclature ICPE pour les sous-produits lainiers, par décret en Conseil d'État, sans contrevenir au principe de non-régression en matière environnementale.

B. Un allègement des normes relatives à l'aquaculture

La seconde (II de l'article) habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de douze mois, pour « adapter le régime, en matière d'aquaculture, [des sites] classés dans la nomenclature [ICPE] ou [Iota] », avec ensuite un délai de 4 mois pour la ratification. Elle semble résulter directement des propositions du comité interministériel de la mer qui, comme le rappelle le Haut-commissariat au plan dans sa note, « a appelé de ses voeux en 2021 la nécessité de simplifier les démarches administratives en instaurant un régime d'autorisation simplifié, dit `régime d'enregistrement', pour les piscicultures d'une capacité de production comprise entre 20 et 100 tonnes, [qui] n'a pour l'instant pas eu lieu ».

III. Aucune modification n'a été adoptée par l'Assemblée nationale

Des douze amendements déposés sur cet article lors de l'examen du texte au stade de la commission à l'Assemblée nationale, aucun n'a été adopté. Parmi ces amendements, trois étaient des amendements de suppression162(*), deux ont souhaité revenir sur l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance163(*), un plus spécifiquement sur le principe de non-régression164(*), deux ont proposé d'exclure certaines installations aquacoles des dispositions de l'article165(*) et deux ont, au-delà des dispositions de l'article, souhaité plus largement en interdire d'autres166(*).

De même, aucun des seize amendements discutés en séance publique n'a été retenu par les députés. Parmi ces amendements, deux, respectivement déposés par la députée Marie Pochon et les membres du groupe LFI-NUPES167(*) proposaient une réécriture globale de l'article de façon à remplacer l'exception faite au principe de non-régression et le recours aux ordonnances par la fixation d'un objectif de « structuration et de valorisation de la filière laine française ». Comme en commission, deux amendements étaient à nouveau des amendements de suppression de l'article 17168(*), un visait à supprimer l'exception au principe de non-régression169(*), trois autres le recours aux ordonnances170(*), trois ont souhaité exclure certaines installations aquacoles des dispositions de l'article171(*) et enfin cinq amendements ont proposé plus largement d'en interdire d'autres172(*).

IV. La position de la commission - Un second article « coquille vide » auquel les rapporteurs de la commission des affaires économiques ont entendu donner plus de substance

Les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville jugent que cet article 17 est disparate, « fourre-tout », puisqu'il inclut deux mesures de simplification bien distinctes.

Selon eux, il constitue par ailleurs une seconde « coquille vide », dans la mesure où c'est le Gouvernement, par ordonnance ou par décret, qui est habilité à prendre des mesures, la loi n'étant ici qu'un passage obligé pour le Gouvernement et non un moyen de donner de l'autorité aux normes en question.

Enfin, même si ces mesures techniques semblent aller dans le bon sens, elles paraissent anecdotiques. De ce fait, ils se sont interrogés avec certains syndicats agricoles quant à la pertinence de les faire figurer (en particulier le I) dans un projet de loi d'orientation agricole, censé être structurant pour l'agriculture des dix prochaines années.

A. La non-opposabilité du principe de non-régression environnementale aux ICPE en matière de sous-produits lainiers

Pour le I, la rédaction est la même qu'à l'article 16 sur les chiens de protection de troupeau et, du coup, appelle une même remarque : le présent projet de loi ne procède pas directement à la modification des seuils et critères des ICPE, celle-ci relevant du domaine réglementaire. Dans la rédaction actuelle, le Parlement se borne à écarter le principe de non-régression environnementale pour laisser le champ libre au pouvoir réglementaire, mais il n'aura pas son mot à dire pour la définition concrète de ces seuils et critères.

Pour rappel, le I a été substantiellement modifié après l'avis du Conseil d'État, avant son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale.

En effet, dans son avis sur le texte qui lui avait été transmis, le Conseil d'État avait, comme pour la possibilité de modification des seuils et critères ICPE pour l'élevage de chiens à l'article 16, constaté « que [les] dispositions [étaient] dépourvues d'utilité et [proposé], en conséquence, de ne pas les retenir ». Il relevait en particulier que la rédaction initialement envisagée n'exonérait pas « le pouvoir réglementaire du respect des exigences prévues par les textes législatifs relatifs à la protection de l'environnement, en particulier le principe de non-régression de la protection de l'environnement posé par le 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ». Ce point a donc été explicitement précisé dans la rédaction du texte déposé à l'AN.

Seulement, par la même occasion, le champ matériel de l'exonération a été restreint : la nomenclature ICPE peut être modifiée en échappant au principe de non-régression pour les seuls « sous-produits lainiers » et non plus pour tous les « sous-produits animaux, notamment la laine ». Cela exclut donc à la fois les peaux d'ovins et les produits de l'équarrissage, restreignant significativement le champ de cette exonération.

Sur ce volet, deux amendements ont été adoptés en commission, afin de faciliter la valorisation de la laine de façon plus large, tant sous forme d'engrais que sous forme de vêtements :

- un amendement COM-638 de Jean-Claude Anglars, présenté au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, prévoit la possibilité d'autorisations de mise sur le marché, pour les sous-produits lainiers, en tant que matières fertilisantes et amendements, dès lors que leur procédé de fabrication satisfait à l'évaluation préalable prévue à l'article L. 255-7 du code rural et de la pêche maritime (efficacité, absence d'effet nocif sur la santé humaine, animale et sur l'environnement) ;

- un amendement COM-415 des rapporteurs étend la non-opposabilité du principe de non-régression environnementale à la laine lavée, au-delà des seuls sous-produits lainiers, les nomenclatures pour le compostage de la laine et sa transformation n'étant en effet pas les mêmes. À ce jour, les rares laveries qui opèrent sur le territoire sont freinées par des seuils ICPE de 500 tonnes par an, ce qui ne favorise pas la constitution d'une filière de valorisation de la laine à des fins vestimentaires en France.

B. Le raccourcissement du délai de l'habilitation à légiférer par ordonnance et de premières réponses directement dans la loi face aux multiples freins auxquels font face les projets aquacoles

Au sein d'un projet de loi par ailleurs quasi muet sur la pêche (hormis l'article 1er qui la déclare, au même titre que l'agriculture et l'aquaculture, « d'intérêt général majeur », et l'article 15, qui restreint les recours contre les projets piscicoles), le II est pleinement cohérent avec la position défendue de longue date par la commission des affaires économiques173(*), puisqu'il vise à encourager la production sur le territoire national des produits de l'aquaculture, pour lesquels le taux d'auto-approvisionnement de la France est, comme rappelé plus haut, extrêmement bas.

Alors que la ferme aquacole la plus importante de France à ce jour, celle du groupe Aquanord à Gravelines dans le Nord, produit 1 500 tonnes de bars et de daurades, plusieurs projets de plus grande ampleur initiés ces dernières années ont en effet fait face à des blocages administratifs et juridiques, notamment :

- un projet de la société Aquafrais de doublement de sa capacité d'élevage de bars et de daurades (de 600 à 1 200 t) dans la baie de Cannes dans les Alpes-Maritimes, sans extension de son emprise, simplement grâce à des fonds plus importants, est réputé présenter « toutes les garanties » selon la mission régionale de l'autorité environnementale, mais l'enquête publique a été plus défavorable ;

- un projet de la société norvégienne Smart Salmon à Plouisy dans les Côtes-d'Armor (en périphérie de Guingamp, à 30 km de la mer) visant la production de 8 000 tonnes de saumon par an sur 10 hectares, a fait l'objet de manifestations, avant d'être bloqué par la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol ;

- un projet de l'entreprise Local Ocean ambitionnant de produire 9 000 tonnes de saumons par an à Boulogne-sur-Mer (zone portuaire de Capécure), dans le Pas-de-Calais, sur un site de 12 hectares (dont 4 pour l'élevage), a fait l'objet d'un avis de la mission régionale d'autorité environnementale en 2022, d'un avis simple du Parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d'Opale, et a été soumis à enquête publique en 2023 ;

- un projet du groupe Pure Salmon pour élever 10 000 saumons au Verdon-sur-Mer en Gironde sur 15 hectares, dont la construction était envisagée en 2023, a fait l'objet de pétitions, et sa demande d'autorisation ICPE a un temps été suspendue par l'État. Ce site avait été envisagé dans un premier temps près de Boulogne-sur-Mer mais avait été découragé.

Les contestations se fondent notamment sur des motifs environnementaux - artificialisation de terres agricoles, prélèvement d'eau dans le milieu naturel, rejet de déchets d'azote et de phosphore pouvant avoir un impact sur la qualité de l'eau, bien-être animal (densité, risque accru en cas d'incident) - mais aussi, pour les représentants de la pêche artisanale, sur des considérations de concurrence. De façon générale, la filière aquacole souffre d'une moindre acceptabilité sociétale que la conchyliculture (parcs à huîtres...), désormais acceptée comme partie intégrante du paysage littoral.

C'est dans ce contexte que le HCP propose un plan d'action pour 2030, dont deux des cinq axes consistent à :

- « proposer aux futurs aquaculteurs des sites clés en main et des kits techniques d'installation pour un accès simple et sécurisant au foncier (sur le modèle des sites industriels clé en main) » ;

- et à « simplifier les procédures administratives nationales encadrant l'octroi et le renouvellement des autorisations d'exploitation ainsi que les contrôles ».

Les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville ont d'abord pu constater que les régimes ICPE et Iota ont bel et bien constitué jusqu'à présent un obstacle important pour l'implantation de projets significatifs et le développement de l'aquaculture. Ils ont noté l'existence de nombreux autres freins réglementaires ou législatifs, identifiés par le HCP, celui-ci mentionnant, pêle-mêle :

- les difficultés à voir les arrêtés d'exploitation (autorisation administrative préalable indispensable pour exercer) délivrés ou renouvelés par les services de l'État ;

- la complexité des règles de la police de l'eau relatives aux étangs (interdiction de la vidange de la plupart des étangs du 1er novembre au 31 mars dans un cours d'eau de première catégorie) ;

- l'inadéquation du cadre applicable pour l'élevage conjoint de certaines espèces, frein au développement de l'aquaculture multitrophique intégrée (AMTI) ;

- l'impossibilité d'accéder à la certification Haute valeur environnementale pour la pisciculture ;

- l'obsolescence de la valeur locative servant de référence à la taxe foncière applicable aux propriétaires d'étangs ;

- la multiplicité des autorisations administratives à obtenir (régime des concessions de cultures marines, régime du règlement sanitaire départemental, permis de construire, agrément sanitaire, zoosanitaire et de transport).

Le choix de l'ordonnance plutôt que du décret et la nature de l'habilitation (« adapter le régime » et non « modifier la nomenclature ») semblent montrer que le Gouvernement est ouvert à une modification plus large en matière d'aquaculture que pour les sous-produits lainiers et les chiens de protection de troupeau. En effet, l'habilitation à légiférer par ordonnance pour cet article, plutôt que le recours au décret, pour les nomenclatures ICPE et Iota, serait assez surprenante puisque ces nomenclatures relèvent de la voie réglementaire.

C'est également ce que semble montrer le délai dans lequel le Gouvernement est autorisé à légiférer, qui est plus long (il est de douze mois), alors que celui prévu à l'article 17 pour l'ordonnance sur les chiens de protection est de six mois - et quatre mois après la promulgation pour le dépôt d'un projet de loi de ratification, dans les deux cas.

Les parlementaires n'auraient pu étendre le champ de l'ordonnance à de nouvelles simplifications (art. 38 C). Aussi, par l'adoption d'un amendement COM-413 des rapporteurs, la commission a souhaité inscrire dans la loi une première partie de la simplification des régimes applicables au secteur de la pisciculture qui était attendue par ordonnance, à des fins de reconquête de la souveraineté alimentaire.

Il est en effet apparu, lors des auditions, que d'utiles précisions pouvaient être apportées dès à présent : ainsi, cet amendement prévoit un régime unique de déclaration, tenant lieu des procédures applicables aux installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) ayant une incidence sur l'eau et des procédures relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).

En complément, un amendement  COM-414 des rapporteurs raccourcit le délai de l'habilitation à légiférer par ordonnance à six mois, au lieu d'un an initialement, dans la mesure où une partie de la réforme est déjà introduite dans la loi, ce qui devrait faciliter la tâche du pouvoir exécutif. Les rapporteurs insistent à cet égard sur le fait qu'une capacité de production de 500 tonnes serait le seuil pertinent au-dessus duquel devrait s'appliquer le régime de l'autorisation, sur le modèle de l'Espagne. En dessous de ce seuil, il serait plus pertinent d'appliquer le régime de la déclaration.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 17 bis (nouveau)
Consécration et définition des étangs piscicoles,
reconnaissance des services écosystémiques qu'ils rendent
et, à ce titre, de la possibilité d'un soutien spécifique

Cet article vise à remédier au manque de reconnaissance et d'appui apportés à la pisciculture d'étang en France malgré d'indéniables atouts historiques et géographiques. Il résulte de l'adoption de deux amendements de M. Guillaume Chevrollier (Les Républicains - Mayenne) et Mme Nadia Sollogoub (Union centriste - Nièvre), qui avaient déposé en juin 2023 une proposition de loi n° 748 (2022-2023) relative aux étangs piscicoles, composée de deux articles.

Les deux amendements adoptés permettent de créer un cadre relatif aux étangs piscicoles dans le code de l'environnement, en leur donnant une définition, en reconnaissant les services écosystémiques qu'ils rendent et, à ce titre, la possibilité d'un soutien spécifique de la part de la puissance publique.

Il s'agit d'une consécration symboliquement importante, contribuant à la réhabilitation d'un patrimoine historique millénaire et donnant un cadre juridique en vue d'un soutien plus appuyé à ces activités.

Suivant la proposition des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, la commission a donc adopté ces deux amendements portant article additionnel.

I. La situation actuelle - Un manque de reconnaissance et d'appui à la pisciculture d'étang en France malgré d'indéniables atouts historiques, géographiques, économiques et écologiques

Un étang piscicole peut être défini comme « un plan d'eau, naturel ou artificiel, relié aux milieux aquatiques, utilisé pour une activité d'aquaculture et toute autre activité liée à l'étang lui-même, à l'instar de l'élevage d'espèces animales et végétales aquatiques destinées à la consommation, au repeuplement, à l'ornement, à des fins expérimentales ou scientifiques, ainsi qu'à la valorisation touristique et de loisir » (exposé des motifs de la proposition de loi mentionnée infra).

Les étangs constituent un patrimoine historique et géographique millénaire, sur l'ensemble du territoire national, malheureusement trop peu exploité et mis en valeur.

D'après la note stratégique « Le développement de l'aquaculture : un enjeu de souveraineté alimentaire » du Haut-Commissariat au plan (HCP) publiée en novembre 2023, la France compte « environ 112 000 hectares d'étangs piscicoles (120 000 étangs au total) » (chiffres de l'association française des professionnels de la pisciculture d'étangs).

Dans le même temps, le phénomène de dépendance de la France en matière de produits de la pêche et de l'aquaculture, que reflète un taux d'auto-approvisionnement de la France de seulement 30 % (couverture de la consommation nationale par la production nationale), est bien connu.

La pisciculture d'étang, du fait de son insuffisant développement (malgré la présence en France d'élevages de truites arc-en-ciel, d'esturgeons, de carpes, brochets et sandres) contribue pour partie à cette situation, bien qu'elle ne constitue qu'un segment assez réduit d'un secteur d'activité beaucoup plus large.

Le Haut-Commissariat au plan rappelle en effet que « la production totale des étangs français est d'environ 12 000 tonnes, dont 75 % sont destinés au repeuplement (rivières et étangs, principalement dans un but de pêche sportive) et seuls 22 % le sont pour la consommation humaine ».

Cela la situe loin derrière plusieurs pays d'Europe centrale comme la République tchèque, la Pologne et la Hongrie, alors qu'il s'agit d'une source de protéines animales à faible empreinte environnementale.

Source : Haut-Commissariat au plan

Au-delà du rôle qu'elle pourrait être amenée à jouer en matière de reconquête de notre souveraineté alimentaire, la pisciculture d'étang rend d'ores et déjà de nombreux services pour les espaces ruraux, en particulier en matière d'aménagement du territoire, de loisirs et de paysages.

Les étangs sont par ailleurs l'une des traductions concrètes de la problématique plus large de la gestion de l'eau dans les espaces ruraux. Ils sont le témoignage, de la compatibilité du stockage de l'eau avec la préservation de l'environnement, dans la mesure où ils rendent également de nombreux services écosystémiques (environnementaux, économiques, culturels...), au nombre de 39 selon une étude récente174(*) (parmi lesquels la rétention d'azote et de phosphore, la séquestration du carbone, la puissance hydrique, la navigation récréative, l'irrigation, les poissons...).

II. La position de la commission - Une consécration symboliquement importante, contribuant à la réhabilitation d'un patrimoine historique millénaire et donnant le cadre à un soutien plus appuyé à ces activités

Deux sénateurs de départements ruraux de l'ouest et du centre de la France, M. Guillaume Chevrollier (Les Républicains - Mayenne) et Mme Nadia Sollogoub (Union centriste - Nièvre) ont déposé une proposition de loi n° 748 (2022-2023) relative aux étangs piscicoles, le 16 juin 2023, renvoyée à la commission des affaires économiques.

Composée de deux articles, cette proposition de loi entendait créer un cadre relatif aux étangs piscicoles dans le code de l'environnement, en lui donnant une définition (art. 1er), en reconnaissant les services écosystémiques qu'ils rendent et, à ce titre, la possibilité d'un soutien spécifique de la part de la puissance publique (art. 2).

La commission a adopté l'amendement COM-79 (reprenant l'article 1er de cette proposition de loi) portant article additionnel de M. Guillaume Chevrollier, cosigné par Mme Nadia Sollogoub, qui vise à apporter une consécration aux étangs piscicoles et à leur donner une définition, à l'article L. 431-6 du code de l'environnement : il s'agit de « tout plan d'eau naturel ou artificiel relié aux milieux aquatiques utilisé pour une activité d'aquaculture et toute autre activité liée à l'étang lui-même ». Il est précisé, à des fins de simplification administrative, que « les dispositions relatives aux étangs piscicoles s'appliquent également aux installations de transformation et de commercialisation situées à leurs abords immédiats et nécessaires à leur exploitation », une disposition cohérente avec l'objectif de l'article 17 de faciliter la création de projets d'aquaculture, bien qu'il s'agisse ici plus spécifiquement d'eau douce. Cette définition vise à harmoniser la définition des étangs piscicoles et donc l'application des règles relatives à cette activité sur tout le territoire.

La commission a ensuite adopté l'amendement COM-80 portant article additionnel du même auteur (avec la même cosignataire) qui complète l'édifice.

Cet amendement crée un article L. 431-9 du code de l'environnement reconnaissant que « les étangs piscicoles génèrent des services écosystémiques et des valeurs d'usage. En plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et de leur contribution à la souveraineté alimentaire, ils constituent une source d'aménités ». Il prévoit qu'« à ce titre, ils font l'objet d'un soutien spécifique », au travers d'un « arrêté du ministre chargé de l'agriculture ». L'amendement n'a pas été jugé irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution (irrecevabilité financière) car il est simplement fait état d'un soutien spécifique, sans préciser s'il s'agit d'un soutien financier ou, à titre d'exemple, d'un plan d'actions, de mesures réglementaires levant des contraintes à l'exercice de l'activité piscicole, ou de la valorisation par l'affichage environnemental des services rendus par les productions piscicoles d'eau douce.

Les deux amendements ont été joints lors du montage du texte par les services de la commission.

Le ministère de l'agriculture a indiqué dans sa contribution qu'il lui semblait que les outils actuels du code de l'environnement suffisaient à apporter cette reconnaissance.

Pour autant, cet apport du Sénat au projet de loi d'orientation a paru symboliquement important aux yeux des rapporteurs, en ce qu'il contribue à la réhabilitation d'un patrimoine historique millénaire. Il souligne par ailleurs que le principe d'aménager le territoire pour accéder à l'eau est ancien et légitime, et que la souveraineté alimentaire et la préservation de l'environnement ne s'opposent pas nécessairement. Enfin, il est en cohérence et non en contradiction avec l'action du Gouvernement (action 3 de la mesure 14 de la Stratégie nationale biodiversité 2030, action 17 du Plan national milieux humides et Plan aquacultures d'avenir 2021-2027, qui identifie le recours aux paiements pour services environnementaux comme une action à mettre en place) et la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture a engagé un premier travail de recensement des services écosystémiques rendus par les étangs.

Après l'adoption des deux amendements portant article additionnel, la commission a donc adopté cet article.

Article 18
Extension des compétences des départements en matière de production,
transport et stockage de l'eau potable

Cet article vise à permettre aux départements d'intervenir dans le domaine de la production, du transport et du stockage de l'eau potable, dans le cadre de l'adhésion à un syndicat ou par l'intermédiaire d'un mandat de maitrise d'ouvrage

À l'Assemblée nationale, cet article n'a pas fait l'objet de modification au stade de la commission. En séance publique les députés ont adopté trois amendements identiques visant à supprimer la condition d'inscription dans les statuts de l'EPCI ou du syndicat mixte s'attachant à l'intervention du département, prévue au présent article.

La commission des affaires économiques du Sénat approuve cet article qui permet aux départements de venir plus facilement en appui à certains projets. En effet, les capacités d'intervention des départements dans le petit cycle de l'eau sont à l'heure actuelle trop étroites, puisqu'ils ne peuvent intervenir que par des financements et de l'ingénierie territoriale, en vertu de la solidarité territoriale prévue au sein du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Au stade de l'examen en commission, et à l'invitation de ses rapporteur, la commission n'a pas souhaité modifier le dispositif, à l'exception de l'adoption d'un amendement rédactionnel du rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ( COM-639), considérant qu'au regard de l'adoption par le Sénat de la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » en octobre 2024, et contenant une disposition similaire au présent article, le débat devait avoir lieu en séance publique, en présence du Gouvernement.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Une capacité restreinte d'intervention des départements dans le petit cycle de l'eau

Les départements peuvent intervenir dans le domaine du grand cycle de l'eau sur le fondement du 3° de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, relatif à l'approvisionnement en eau brute. À ce titre, leur intervention peut viser à soutenir des projets agricoles.

En revanche, concernant le petit cycle de l'eau, le bloc communal dispose d'une compétence exclusive au titre de l'article L. 2224-7-1 du CGCT, qui dispose que « les communes sont compétentes en matière de distribution d'eau potable ».

La loi dite « NOTRe » du 7 août 2015 procède au transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux EPCI à fiscalité propre. Les communautés de communes disposent, sous certaines conditions, d'un délai courant jusqu'au 1er janvier 2026 pour se voir transférer ces compétences.

En outre, comme le rappelle l'étude d'impact, les départements ne sauraient se fonder sur la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 2224-7-1175(*) pour intervenir en matière de petit cycle de l'eau, cette précaution visant historiquement à organiser le transfert de compétence vers la commune.

C'est sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 3211-1 du CGCT176(*) que les départements peuvent intervenir, mais cette intervention est limitée. L'étude d'impact indique que « la solidarité territoriale n'est toutefois pas une compétence autonome, mais une modalité d'action qui ne se conçoit qu'en complémentarité de l'action des collectivités territoriales et groupements compétents. Elle se traduit par la possibilité, pour les départements, de venir en appui financier du bloc communal, pour la réalisation de leurs projets ».

Aussi, le département dispose actuellement de deux dispositifs de soutien en matière d'eau potable, au titre de cette solidarité territoriale :

· le financement : en vertu du I de l'article L. 1111-10 du CGCT177(*), le département peut contribuer au financement de projets dont la maitrise d'ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements, à leur demande ;

· l'ingénierie territoriale : l'article L. 3232-1-1 du CGCT donne la possibilité aux départements de mettre à la disposition des communes rurales ou EPCI, qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences, une assistance technique dans les domaines notamment de l'assainissement, de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l'entretien des milieux aquatiques178(*).

En dehors de ces champs, le département n'est pas compétent pour produire, stocker, transporter et distribuer de l'eau potable.

II. Le dispositif envisagé - Permettre une intervention plus large du département

L'article prévoit deux possibilités d'intervention du département dans le domaine de la production, du transport et du stockage de l'eau potable. Pour cela, il modifie le paragraphe 2 de la sous-section 2 du chapitre IV du titre II du livre II du CGCT pour y insérer deux articles L. 2224-7-8 et L. 2224-7-9.

D'une part, l'article L. 2224-7-7 prévoit qu'un EPCI à fiscalité propre ou un syndicat mixte compétent pourrait déléguer à un département la maitrise d'ouvrage dans ces mêmes domaines, sous réserve que les statuts de l'EPCI ou du syndicat l'autorise. Cette délégation se ferait dans les conditions du mandat de maitrise d'ouvrage prévues par le code de la commande publique, à titre gratuit.

D'autre part, l'article L. 2224-7-9 prévoit la possibilité de créer des syndicats mixtes ouverts dans les domaines mentionnés précédemment, et composés d'un ou plusieurs départements limitrophes et d'EPCI ou syndicats mixtes fermés.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. En commission

En commission, les députés ont adopté l'article sans modification.

B. En séance publique

En séance publique, les députés ont adopté trois amendements identiques 1441, 2188 et 4580 visant à supprimer la condition d'autorisation, dans les statuts du syndicat mixte ou l'EPCI, de l'intervention du département.

Un amendement 4423 des rapporteurs procède en outre à une précision rédactionnelle.

IV. La position de la commission - Une possibilité d'intervention des départements bienvenue, mais ne devant pas masquer la problématique plus globale et persistante de la gestion des compétences « eau » et « assainissement »

La commission approuve cette disposition pragmatique, permettant aux départements d'intervenir lorsque le contexte local s'y prête. L'assouplissement voté en séance publique à l'Assemblée nationale est également bienvenu. En effet, l'autorisation dans les statuts apparaissait surabondante et de nature à complexifier les interventions, qui ne revêtent en rien un caractère obligatoire.

La commission note que cette disposition figure par ailleurs à l'article 4 de la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » de Jean-Michel Arnaud et plusieurs de ses collègues, adoptée par le Sénat le 17 octobre 2024. Cette proposition de loi a été adoptée dans un esprit constructif avec le précédent Gouvernement, qui s'était engagé à inscrire le texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Dans son discours de politique générale du 14 janvier à l'Assemblée nationale, le premier ministre François Bayrou a indiqué que son Gouvernement « confortera les avancées sur des sujets très attendues comme l'eau l'assainissement (...). Les initiatives parlementaires prises en ce sens devront aboutir. ».

Aussi, au stade de l'examen en commission, et à l'invitation de ses rapporteurs, la commission n'a pas souhaité modifier outre mesure un dispositif ayant fait consensus à l'Assemblée nationale ainsi qu'au Sénat, au travers de l'article 4 de la proposition de loi précitée.

Elle a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (COM-639).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 19 (non modifié)
Adaptation des règles relatives
à la représentativité multi-professionnelle dans le secteur agricole

Cet article vise à créer un régime dérogatoire au sein du code rural et de la pêche maritime, relatif à la représentativité nationale et multi-professionnelle dans le secteur agricole. Il se borne à tirer les conséquences de la rationalisation du nombre de conventions collectives en agriculture, et de l'impossibilité corrélative, pour une organisation professionnelle d'employeurs, de remplir l'ensemble des critères existants, et figurant au sein du code du travail, relatifs à cette même représentativité.

À l'Assemblée nationale, les députés ont adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur Pascal Lavergne en commission ainsi qu'un amendement également rédactionnel du rapporteur en séance publique.

La commission des affaires économiques du Sénat approuve cette modification, qui adapte notre droit à la rationalisation du nombre de conventions collectives en agriculture.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. La situation actuelle - La réduction du nombre de conventions collectives dans le domaine agricole entraînera, lors de la prochaine mesure d'audience, l'impossibilité pour une organisation d'être qualifiée de représentative au niveau multi-professionnel dans ce secteur

Depuis d'importantes évolutions législatives intervenues en 2014179(*) et 2016180(*), la représentativité des organisations patronales repose essentiellement sur une mesure d'audience181(*).

Aussi, l'article L. 2151-1 du code du travail établit un socle de critères cumulatifs à respecter pour qu'une organisation professionnelle d'employeurs soit considérée comme représentative. Ces critères, identiques à ceux relatifs à la représentativité syndicale, sont les suivants :

1) Le respect des valeurs républicaines ;

2) L'indépendance ;

3) La transparence financière ;

4) Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation ;

5) L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ;

6) L'audience, qui se mesure en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation.

À la suite d'un accord entre organisations patronales, la loi du 5 mars 2014 établit un nouveau niveau de représentativité, multi-professionnel, en plus du niveau national et interprofessionnel. Il s'agit d'une représentativité dérogatoire pour les secteurs dits « hors champs » en raison de leurs spécificités. Elle concerne les entreprises de la production agricole, de l'économie sociale et solidaire et des professions libérales, le spectacle vivant et enregistré ayant complété cette liste en 2016.

La reconnaissance du niveau multi-professionnel permet aux organisations de ces secteurs reconnues comme représentatives d'être associées aux négociations nationales interprofessionnelles. Il ne s'agit cependant pas d'un niveau particulier de négociation d'accords collectifs de travail.

Pour être représentative au niveau national et multi-professionnel, une organisation doit remplir plusieurs critères, figurant à l'article L. 2152-2 du code du travail :

· satisfaire aux critères 1) à 5) énoncés à l'article L. 2151-1 ;

· être représentative ou compter des organisations représentatives au niveau de la branche professionnelle dans au moins 10 conventions collectives relevant d'un secteur « hors champ » concerné (agriculture, économie sociale et solidaire, spectacle vivant et enregistré) et ne relevant pas du champ couvert par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;

· accueillir au moins 15 organisations relevant de l'un des secteurs « hors-champ » ;

· justifier d'une implantation territoriale couvrant au moins un tiers du territoire national soit au niveau départemental, soit au niveau régional.

La dernière mesure a été effectuée en 2021, et l'arrêté du 19 mars 2021 fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et multi-professionnelles dans le secteur des activités agricoles, déclare la FNSEA comme représentative au niveau multi-professionnel.

Cependant, comme l'indique l'étude d'impact, « dans le secteur agricole, le critère des dix conventions collectives est plus difficile à satisfaire à mesure que diminue, sous l'effet du processus de restructuration, le nombre de branches professionnelles ». Une convention unique de la production agricole (convention « de la production agricole / CUMA »182(*)), déposée en septembre 2020 et étendue par arrêté en décembre183(*), pour une entrée en vigueur au 1er avril 2021, est venue se substituer aux 137 conventions collectives locales couvrant ce même champ, au sein desquelles la FNSEA était seule représentative.

Aussi, sans ajustement législatif du critère relatif aux dix conventions collectives, aucune organisation ne pourra être qualifiée de représentative au niveau multi-professionnel lors de la prochaine mesure d'audience, en 2025.

II. Le dispositif proposé - la création d'un régime dérogatoire pour traiter uniquement de la représentativité nationale et multi-professionnelle du secteur agricole

L'article vise à créer, dans le CRPM, un article L. 500-1 au sein d'un titre préliminaire au livre V, « Organismes professionnels agricoles », et disposant que sont représentatives au niveau national et multi-professionnel, les organisations professionnelles d'employeurs qui ne relèvent pas du champ couvert par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel et qui remplissent quatre conditions :

1) relever des activités agricoles mentionnées aux 1° à 4° de l'article L 722-1 et au 2° de l'article L. 722-20 du CRPM ;

2) remplir les conditions prévues aux 1) à 4) de l'article L. 2152-2 du code du travail184(*) ;

3) accueillir au moins 15 organisations adhérentes relevant du champ des activités mentionnées au 1) ;

4) être représentatives dans au moins une des branches agricoles relevant des activités agricoles mentionnées au 1).

Tirant les conséquences de la création, au sein du CRPM, d'un régime dérogatoire concernant la représentativité nationale et multi-professionnelle dans le secteur agricole, l'article procède aux ajustements nécessaires au sein du code du travail en modifiant l'article L. 2152-2 pour :

· supprimer les références, aux troisième et quatrième alinéas au secteur agricole ;

· ajouter un alinéa renvoyant, pour la représentativité nationale et multi-professionnelle au sein de ce même secteur, aux dispositions dérogatoires créées au sein du CRPM.

Dans son avis, le Conseil d'État indique que cet article « se borne à tirer les conséquences de cette réduction à une seule convention collective de branche dans le secteur agricole ».

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. En commission

En commission, les députés ont adopté deux amendements rédactionnels CE3392 et CE3393 du rapporteur Pascal Lavergne.

B. En séance publique

En séance publique, les députés ont adopté un amendement rédactionnel 4425 des rapporteurs.

IV. La position de la commission - des dispositions techniques se bornant à tirer les conséquences de la réduction du nombre de conventions collectives dans le secteur agricole

La commission approuve cette évolution nécessaire de notre droit, pour prendre en compte le processus de rationalisation du nombre de conventions collectives en agriculture.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 19 bis A (nouveau)
Simplification de la structure des instances représentatives du personnel
dans le réseau des chambres d'agriculture

Introduit par un amendement COM-569 présenté par M. Yves Bleunven, cet article vise à simplifier la structure des instances représentatives du personnel dans le réseau des chambres d'agriculture, en accord avec la position retenue par l'accord national relatif aux instances de représentation du personnel signé par les partenaires sociaux de la Commission nationale de concertation et de proposition (CNCP) du réseau des chambres d'agriculture le 17 juillet 2023. Il prévoit une suppression des commissions paritaires au profit des comités sociaux et économiques (CSE) qui deviendraient l'unique instance de représentation de l'ensemble du personnel des chambres d'agriculture.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

I. La situation actuelle - La coexistence de différentes instances de représentation du personnel des chambres d'agriculture

Établissements publics placés sous la tutelle de l'État et administrés par des élus issus du monde agricole185(*), les chambres d'agriculture emploient des salariés de droit public et de droit privé.

Ces personnels sont simultanément soumis aux dispositions du statut du personnel des chambres d'agriculture et à plusieurs dispositions du code rural et de la pêche maritime, en particulier les articles L. 514-3-1 et L. 514-3-2, lesquels fixent notamment les outils et critères de représentativité des organisations syndicales du réseau des chambres.

Dans ce cadre, et depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 22 décembre 2017186(*), dite « Ordonnance Macron », et de son décret d'application du 29 décembre 2017187(*), le réseau des chambres d'agriculture dispose des instances représentatives du personnel suivantes :

- d'un côté, les commissions paritaires départementales ou d'établissement et les commissions paritaires régionales : fondées par le statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, elles sont chargées de veiller à l'application des dispositions statutaires et conventionnelles qui régissent les conditions d'emploi du personnel de droit public et de droit privé ;

- de l'autre, le comité social et économique (CSE) : instance représentative inspirée du secteur privé et ne couvrant, le cas échéant, que le personnel de droit privé.

Cette structuration est à l'origine, dans certaines chambres, de la cohabitation de deux systèmes de négociation, sous forme de commissions paritaires au niveau de la chambre départementale ou régionale d'agriculture d'une part, et de comités sociaux et économiques d'autre part. Une coexistence relativement récente, qui a eu pour conséquence négative un relatif manque de clarté dans la définition des rôles dévolus à chacune des instances, une multiplication des réunions portant sur des sujets identiques ou encore des situations de cumul des mandats par les mêmes représentants du personnel, conduisant à un manque de lisibilité du personnel sur les rôles et prérogatives de chaque instance.

II. Le dispositif envisagé - Une suppression des commissions paritaires au profit des CSE qui deviendraient l'unique instance de représentation de l'ensemble du personnel des chambres d'agriculture

En réponse à ces difficultés, les partenaires sociaux de la Commission nationale de concertation et de proposition (CNCP) du réseau des chambres d'agriculture ont signé le 17 juillet 2023 l'accord national relatif aux instances de représentation du personnel. Celui-ci prévoit la suppression des commissions paritaires au profit des CSE, comme instance unique de représentation de l'ensemble du personnel, de droit public comme de droit privé.

Néanmoins, l'application de cet accord suppose une modification législative du code rural et de la pêche maritime, lequel mentionne expressément les commissions paritaires des chambres d'agriculture en ses articles L. 514-3-1 et L. 514-3-2. Considérant que ces dispositions sont de nature à résoudre les problématiques d'organisation et d'efficience constatées, M. Bleunven a ainsi proposé l'adoption d'un amendement COM-569 portant article additionnel après l'article 19 visant à permettre l'application de l'accord susmentionné.

Pour ce faire, l'article 19 bis A prévoit précisément :

- six ajustements à l'article L. 514-3-1, incluant le remplacement de la mention des commissions paritaires par les comités sociaux et économiques et l'ajustement des références à l'article L. 2122-4 du code du travail concernant la représentativité de ces organisations ;

- deux modifications de l'article L. 514-3-2, en remplaçant aux deuxième et quatrième alinéas la notion de « délégué du personnel » par celle de « représentant du personnel au comité social et économique ».

III. La position de la commission - Une unification opportune des instances de représentation du personnel

Partageant le constat réalisé par les partenaires sociaux de la Commission nationale de concertation et de proposition et M. Bleunven, les rapporteurs estiment eux aussi qu'il convient de mettre fin à cette dualité des instances de représentation du personnel des chambres d'agriculture. L'amendement COM-569 y mettant fin, les rapporteurs accueillent favorablement la proposition formulée par M. Bleunven.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 19 bis B (nouveau)
Missions et pouvoirs de Chambres d'agriculture France
au sein du réseau des chambres d'agriculture

Introduit par quatre amendements identiques COM-570 rect., COM-21, COM-51 et COM-108 rect. de M. Bleunven, Mme Vérien, MM. Duffourg et Longeot, cet article vise à doter Chambres d'agriculture France d'outils supplémentaires pour exercer ses missions, en intégrant au sein de l'article L. 513-2 du code rural et de la pêche maritime des dispositions similaires à celles respectivement prévues dans le code de commerce et le code de l'artisanat pour Chambres de commerce et d'industrie France (CCI France) et Chambres des métiers et de l'artisanat France (CMA France).

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

I. La situation actuelle - Des missions et prérogatives précisément circonscrites

Conformément à l'article L. 513-2 du code rural et de la pêche maritime, « l'établissement Chambres d'agriculture France assure l'animation de l'ensemble du réseau des chambres d'agriculture et représente ce dernier auprès des personnes publiques mentionnées au premier alinéa de l'article L. 513-1 ». Ses missions, décrites à ce même article L. 513-1, incluent :

- une contribution « à la définition des orientations et des conditions de mise en oeuvre des politiques agricoles, du développement rural et de l'environnement, définies par l'État et l'Union européenne, ainsi que dans le cadre international » ;

- un concours « à la coopération pour le développement de l'agriculture des pays tiers » ;

- « la gestion d'un observatoire national de l'installation pour analyser les données relatives à l'installation et à la transmission » ;

- « la collecte et le traitement de données relatives aux exploitations, collectées par les établissements mentionnés à l'article L. 212-7 » ;

- la possibilité d'assurer « la collecte et le traitement de données relatives à l'identification et à la traçabilité des animaux ».

Pour assurer les missions prévues à cet article, Chambres d'agriculture France dispose d'outils de suivi et d'orientation, décrits à l'article L. 513-2.

II. Le dispositif envisagé - Un renforcement du pouvoir normatif de Chambres d'agriculture France

L'article 19 quater entend consolider et étendre les outils dont dispose Chambres d'agriculture France en vertu de l'article L. 513-2 en prévoyant les cinq modifications suivantes :

- alors que le code rural et de la pêche maritime dispose actuellement que l'établissement Chambres d'agriculture France « gère les projets de portée nationale intéressant le réseau », il est prévu d'ajouter qu'il « détermine » aussi lesdits projets, tout en gardant son pouvoir de gestion (modification au 3° du deuxième alinéa de l'article L. 513-2) ;

- alors que les modalités de répartition des dépenses relatives aux projets de portée nationale, adoptés par délibération de Chambres d'agriculture France, sont aujourd'hui fixées par décret, il est prévu de permettre à l'établissement d'adopter lui-même par délibération de telles modalités (modification au 3° du deuxième alinéa de l'article L. 513-2) ;

- alors que l'établissement se borne aujourd'hui à « développer » une offre nationale de services mise en oeuvre et en assurer le suivi, il est prévu de permettre à l'établissement de « définir » une telle offre (modification au 4° du deuxième alinéa de l'article L. 513-2) ;

- alors qu'aujourd'hui, l'établissement adopte des « normes communes, qui peuvent être assorties d'indicateurs d'activité et de performance, pour le suivi de l'exercice des missions des établissements du réseau notamment pour l'établissement des données administratives, immobilières, budgétaires et comptables et la consolidation des comptes du réseau », il est prévu que l'établissement « adopte des normes d'intervention pour les établissements du réseau et s'assure du respect de ces normes » (modification au 7° du deuxième alinéa de l'article L. 513-2) ;

- enfin, alors qu'aujourd'hui certaines des recommandations formulées, soumises à une procédure contradictoire, peuvent s'imposer aux établissements audités dans des conditions fixées par voie réglementaire, il est prévu que ces recommandations puissent être imposées sans intervention d'un tel acte réglementaire (modification du 8° du deuxième alinéa de l'article L. 513-2).

III. La position de la commission - Une extension utile du pouvoir normatif de Chambres d'agriculture France, un acteur incontournable de la politique d'installation des jeunes en agriculture

Souhaitées par Chambres d'agriculture France, ces modifications s'inspirent des dispositions respectivement prévues pour CCI France à l'article L. 711-16 du code de commerce et pour CMA France à l'article L. 332-1 du code de l'artisanat.

Elles ont vocation à permettre à l'établissement de disposer d'un pouvoir normatif qui pourra être précisé par voie réglementaire, mais aura pour finalité d'encadrer et d'harmoniser l'exercice des missions obligatoires confiées aux différents établissements du réseau, de négocier et de définir avec l'État les priorités du contrat d'objectifs et de performance (COP), et de définir les conditions et modalités communes d'organisation et de fonctionnement du réseau, assurant ainsi une meilleure coordination et une efficacité accrue des actions au sein du réseau des chambres d'agriculture. 

Ainsi, elles complètent utilement les outils normatifs dont dispose Chambres d'agriculture France pour mener à bien ses missions et lui permettre ainsi d'étendre l'autonomie nécessaire à la réalisation de ses missions.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 19 bis C (nouveau)
Consécration d'une exigence de mixité au sein des listes candidates
à l'élection, par le deuxième collège, des délégués cantonaux
de la mutualité sociale agricole

Issu de l'adoption de l'amendement n° COM-615 d'Annick Billon, cet article vise à favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions de délégué cantonal de la mutualité sociale agricole élu par le collège « salariés », en prévoyant que les listes candidates doivent compter au moins un candidat de chaque sexe parmi les trois premiers noms de la liste.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

I. La situation actuelle - une absence de mesure législative favorisant l'égal accès des hommes et des femmes à la fonction de délégué cantonal

Les assemblées générales départementales de la mutualité sociale agricole (MSA) représentent la profession agricole en ce qui concerne la protection sociale et familiale en agriculture. Elles ont notamment pour mission de procéder à l'élection des membres des conseils d'administration des caisses de la MSA et se prononcent annuellement sur la gestion des conseils d'administration de ces caisses188(*).

Les membres de ces assemblées sont des délégués cantonaux élus par trois collèges électoraux189(*). Le deuxième collège électoral, composé des salariés agricoles, élit trois délégués cantonaux190(*).

En 2022, la MSA relevait que 688 000 salariées étaient affiliées au régime agricole, soit 38,6 % de l'ensemble des salariés affiliés à ce régime191(*).

Toutefois, en dépit de cette présence importante des femmes dans le salariat, aucune disposition législative ne prévoit de mesure visant à favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux élections de délégué cantonal par le deuxième collège.

II. Le dispositif adopté par la commission - un renforcement utile de la mixité aux élections et à la gouvernance de la MSA

Afin de renforcer la présence des femmes parmi les délégués cantonaux, l'amendement n° COM-615 de Mme Annick Billon vise à prévoir à l'article L. 723-18 du code rural et de la pêche maritime que les listes candidates aux élections par le deuxième collège doivent compter au moins un candidat de chaque sexe parmi les trois premiers noms de la liste.

Permettant de renforcer utilement l'égal accès des hommes et des femmes à la fonction de délégué cantonal, la commission a approuvé le dispositif proposé.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 19 bis (non modifié)
Adaptation des règles relatives à la représentativité multi-professionnelle
dans les secteurs de l'économie sociale et solidaire et du spectacle vivant

Cet article vise à tirer les conséquences de la réduction du nombre de conventions collectives dans les secteurs de l'économie sociale et solidaire et du spectacle vivant en supprimant l'exigence de représentativité dans au moins dix conventions collectives, qui conditionnait jusque lors la représentativité au niveau national et multi-professionnel des organisations professionnelles de ces secteurs, pour le remplacer par un critère tiré de la représentativité « dans le plus grand nombre de branches ». Il s'inscrit dans le prolongement direct de l'article 19 relatif à la représentation multi-professionnelle dans le secteur agricole

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - La réduction du nombre de conventions collectives dans le domaine de l'économie sociale et solidaire et du spectacle vivant complexifie la reconnaissance d'organisations d'employeurs représentatives au niveau national et multi-professionnel

Comme développé dans le commentaire de l'article 19 du présent projet de loi, sont représentatives au niveau national et multi-professionnel les organisations professionnelles d'employeurs qui sont représentatives ou dont les organisations adhérentes sont représentatives dans au moins dix conventions collectives relevant soit des activités agricoles, soit de l'économie sociale et solidaire, soit du secteur du spectacle vivant et enregistré. Ces conventions collectives doivent en outre ne pas relever du champ couvert par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel192(*).

Si le Gouvernement avait prévu, à l'article 19 du projet de loi, des mesures d'adaptation relatives à la représentativité de ces organisations d'employeurs dans le secteur agricole, celui-ci n'avait pas prévu de mesure d'adaptation pour les secteurs du spectacle vivant et de l'économie sociale et solidaire.

Or, ces secteurs, comme celui de l'agriculture, connaissent eux aussi une rationalisation du nombre de conventions collectives qui, mécaniquement, rend plus difficile l'atteinte du seuil de dix conventions collectives prévu par le 2° de l'article L. 2152-2 du code du travail.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale - un assouplissement du critère de représentativité au niveau des conventions collectives

Face à ce constat, Mme Géraldine Bannier, du groupe Les Démocrates, et les autres députés de son groupe ont, par deux amendements identiques n°  1597 et 4628, proposé en séance publique de supprimer ce critère fixe de dix conventions collectives dans les secteurs de l'économie sociale solidaire et du spectacle vivant. Le dispositif proposé remplace ce critère par un critère exigeant une représentativité « dans le plus grand nombre de branches ».

Avec avis favorable de la commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté les amendements proposés.

III. La position de la commission - une adaptation utile et nécessaire du droit positif

De même que pour l'article 19, la commission approuve cette évolution nécessaire du droit positif qui prend en compte de manière opportune le processus de rationalisation du nombre de conventions collectives dans les secteurs du spectacle vivant et de l'économie sociale et solidaire.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 20
Procédure d'extension des accords interprofessionnels

Issu de l'adoption en commission à l'Assemblée nationale d'une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 19, cet article vise à faciliter le recours à des extensions d'accords interprofessionnels et ainsi à renforcer le poids relatif des organisations interprofessionnelles dans la procédure, en prévoyant :

- d'autoriser les organisations interprofessionnelles à proposer à l'administration l'inclusion, dans les accords dont elles demandent l'extension, de « mesures nécessaires et proportionnées visant à en garantir le respect » ;

- de préciser que la décision d'extension des accords interprofessionnels doit être appréciée en fonction d'un « intérêt économique général pour les opérateurs économiques dont les activités sont liées aux produits concernés » ;

- de revenir sur la suspension du délai d'instruction de la demande d'extension en cas de notification de l'accord à la Commission européenne ;

- de spécifier que les décisions de refus d'extension de ces accords soient motivées « de manière circonstanciée » par l'administration.

Dans sa version issue de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, l'article 20 prévoyait également de réduire le délai dont dispose ordinairement l'administration pour statuer sur une demande d'extension, de deux mois renouvelables à un mois renouvelable. Cette disposition a été supprimée par les députés en séance publique.

Conscients de l'intérêt de l'extension des accords interprofessionnels pour renforcer le poids de ces interprofessions et ainsi mieux structurer les filières agricoles, les rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb se montrent favorables à l'esprit de l'article 20. Ils ont proposé l'adoption d'un amendement visant à restaurer la réduction du délai d'instruction qui avait été introduite par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, avant d'être supprimée en séance.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Les accords conclus par une organisation interprofessionnelle peuvent être étendus à l'ensemble des membres des professions qu'elle couvre, dans des conditions déterminées par le droit de l'Union européenne et la loi, et sous le contrôle de l'administration

A. L'adoption des accords interprofessionnels et leur extension sont essentiellement encadrées par des dispositions du règlement OCM et du code rural et de la pêche maritime

Depuis l'entrée en vigueur du code rural et de la pêche maritime, les dispositions relatives aux organisations interprofessionnelles agricoles figurent aux articles L. 631- 1 à L. 631- 12 du code rural et de la pêche maritime (CRPM). Elles sont, pour l'essentiel et en substance, issues de la loi du 10 juillet 1975193(*). En règle générale, elles s'inscrivent dans le cadre européen du règlement du 11 décembre 2013, portant organisation commune des marchés et des produits agricoles (dit « OCM194(*) »). Celui-ci fixe notamment des conditions de reconnaissance des organisations interprofessionnelles ainsi que des critères de représentativité, à hauteur d'au moins deux tiers du volume de la production, du commerce ou de la transformation du ou des produits concernés195(*).

Le regroupement en organisation interprofessionnelle permet la conclusion régulière d'accords interprofessionnels, entendus comme des décisions négociées et signées par les acteurs de l'interprofession et applicables à l'intégralité de ses membres. Dès lors que l'organisation interprofessionnelle est reconnue par les pouvoirs publics196(*), celle-ci peut, conformément à l'article L. 632- 3 du CRPM, demander à l'administration de rendre obligatoires, en tout ou partie, pour une durée déterminée, les dispositions contenues dans ses accords à l'ensemble des professions couvertes par le champ de l'interprofession : on parle alors d'accords étendus.

Les articles L. 632- 3 et L. 632- 4 du CRPM énoncent les conditions auxquelles sont subordonnés les accords interprofessionnels pour pouvoir prétendre à leur extension par l'administration.

Ces accords doivent faire l'objet d'une adoption dans le cadre d'une interprofession préalablement reconnue par les pouvoirs publics. En outre, de tels accords nécessitent une décision unanime des familles professionnelles représentées au sein de l'interprofession, sans qu'il soit en revanche nécessaire que la décision de chaque famille professionnelle ait elle-même été prise à l'unanimité des membres qui la composent197(*). Une telle condition d'unanimité n'empêche donc pas l'extension de l'accord à certains membres des interprofessions opposés à l'accord : c'est tout l'intérêt de l'accord étendu.

Sur un plan matériel, de tels accords doivent prévoir « des actions communes ou visant un intérêt commun conformes à l'intérêt général et compatibles avec la législation de l'Union européenne » et, plus généralement, respecter « les conditions prévues par le droit de l'Union européenne applicables à ces accords ». Cela inclut notamment les conditions de l'article 164 du règlement OCM, qui fixe une liste limitative de quatorze objets pouvant être poursuivis par les accords prétendant à une extension. Cela inclut aussi les conditions de l'article 165 du règlement OCM, qui porte quant à lui sur les accords portant contributions financières des non-membres, lesquelles peuvent être exigées dans le cas où l'interprofession dispose de règles étendues au titre de l'article 164 et où les activités couvertes par ces règles présentent « un intérêt économique général pour les opérateurs économiques dont les activités sont liées aux produits concernés ».

L'article L. 632- 4 du code rural et de la pêche maritime précise, lui, les conditions générales d'instruction des demandes d'extension. Il prévoit pour l'autorité compétente un délai de « deux mois à compter de la réception de la demande présentée par l'organisation interprofessionnelle » pour statuer sur l'extension sollicitée, ou « de trois mois » lorsque, dans des conditions établies par le même article, l'Autorité de la concurrence est saisie. Le même article prévoit en outre une possibilité de « prolonger ce délai de deux mois non renouvelables » si des documents complémentaires sont nécessaires à l'instruction de la demande d'extension, et prévoit, en son neuvième alinéa, une suspension des délais d'instruction « jusqu'à la réception de l'avis de la Commission européenne ou l'expiration du délai qui lui est imparti » en cas de notification de l'accord auprès de cette dernière en application de l'article 5 de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015198(*). Enfin, il précise qu'en absence de notification de l'administration au terme du délai qui lui est imparti, la demande d'extension est « réputée acceptée » et dispose que « les décisions de refus d'extension doivent être motivées ».

B. Une première disposition tendant à simplifier l'octroi d'extensions d'accords interprofessionnels avait été envisagée par le Gouvernement, avant d'être retirée suivant l'avis du Conseil d'État

Souhaitant faciliter le recours aux extensions d'accords interprofessionnels, outil très apprécié des interprofessions et favorisant une structuration utile des filières, le Gouvernement affichait dans son avant-projet de loi de mars 2024 la volonté de limiter le contrôle de l'administration dans l'octroi des demandes d'extension formulées par les interprofessions.

Pour ce faire, l'article 19 de l'avant-projet prévoyait une modification de l'article L. 632- 3 du code rural et de la pêche maritime de façon à remplacer la possibilité d'étendre de tels accords par une obligation d'extension, en cas de respect des conditions précitées. Le Gouvernement entendait ainsi réaffirmer que le contrôle auquel procède l'État lors de l'extension des accords interprofessionnels est bien un simple contrôle de régularité et de conformité à la loi, mais en aucun cas un contrôle d'opportunité.

Néanmoins, dans son avis sur le texte, le Conseil d'État proposait de ne pas retenir ces dispositions, qu'il ne jugeait « ni nécessaires, ni opportunes ».

D'une part, le Conseil d'État a en effet rappelé que si, en vertu de l'article L. 632- 3 du code rural et de la pêche maritime, l'administration apprécie la compatibilité de l'accord avec les exigences précitées (compatibilité avec le droit de l'Union européenne, poursuite d'un « intérêt commun conforme à l'intérêt général », reconnaissance préalable de l'interprofession ou encore adoption des dispositions à l'unanimité des membres de l'interprofession), le droit en vigueur ne l'autorise pas pour autant à exercer un contrôle d'opportunité.

D'autre part, il a souligné que « la modification proposée pourrait avoir pour effet de placer l'autorité administrative en situation de compétence liée pour étendre les accords », ce qui serait contraire à l'article 164 du règlement « OCM », tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne199(*), mais aussi à l'article L. 632- 3 du code rural et de la pêche maritime.

Conformément à l'avis du Conseil d'État, les dispositions de l'article 19 n'ont alors pas été retenues dans le projet de loi déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale.

II. La proposition de l'Assemblée nationale - Plusieurs mesures visant à renforcer le poids relatif des organisations interprofessionnelles dans l'extension des accords interprofessionnels ont été introduites par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, et modifiées seulement à la marge en séance publique

L'article 20 est issu de l'adoption en commission à l'Assemblée nationale d'une série de neuf amendements portant articles additionnels après l'article 19, respectivement déposés par les députés Frédéric Descrozaille du groupe Renaissance, Julien Dive et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, ainsi que Dominique Potier et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés200(*).

Reprenant l'esprit insufflé par le Gouvernement dans l'article 19 de son avant-projet de loi de mars 2024, ces amendements visent à simplifier les conditions d'extension des accords interprofessionnels tout en confortant le rôle des organisations concernées. Pour ce faire, ils introduisent au sein d'un nouvel article 20 des modifications du code rural et de la pêche maritime selon quatre axes.

Premièrement, l'article 20 entend compléter l'article L. 632- 2- 1 de façon à autoriser les organisations interprofessionnelles à proposer à l'administration l'inclusion, au sein des accords dont elle demande l'extension, « de mesures nécessaires et proportionnées visant à en garantir le respect ». Sous réserve de l'aval de l'administration, cette mesure pourrait amener les interprofessions à disposer de mécanismes de sanction leur permettant de s'assurer du respect des accords interprofessionnels étendus.

Deuxièmement, l'article 20 prévoit de recentrer l'évaluation de l'extension des accords interprofessionnels autour du critère de poursuite d'un intérêt économique pour les acteurs concernés, en remplaçant, à l'article L. 632- 3, les mots « communs conformes à l'intérêt général » par les mots « économique général pour les opérateurs économiques dont les activités sont liées aux produits concernés ». La présence d'un « intérêt économique général pour les acteurs économiques dont les activités sont liées aux produits concernés » est aujourd'hui employée en ces termes par l'article 165 du règlement OCM, qui en fait une condition à la possibilité d'étendre spécifiquement les obligations de contributions financières, aux non-membres d'une interprofession. En retenant cette même mention, l'article 20 arrête une formule moins sujette à interprétation que la notion d'« intérêt commun conforme à l'intérêt général » aujourd'hui retenue dans le droit national pour l'extension des accords interprofessionnels.

Troisièmement, l'article 20 modifie le délai d'instruction dont dispose l'administration pour statuer sur une demande d'extension, dans la version issue de la commission, par deux mesures : d'abord en réduisant le délai ordinaire mentionné à l'article L. 632- 4 du code rural et de la pêche maritime de « deux mois renouvelables », à « un mois renouvelable » ; ensuite en revenant sur la suspension du délai en cas de notification de l'accord à la Commission européenne par une suppression de la dernière phrase du neuvième alinéa du même article.

Enfin, l'article 20 vient préciser par un ajout au dernier alinéa du L. 632- 4 que les décisions de refus d'extension de ces accords doivent être motivées « de manière circonstanciée » par l'administration. L'exigence de motivation est d'ores et déjà requise, mais ne précise pas, en l'état actuel, « de manière circonstanciée ».

Trois amendements ont été discutés par les députés en séance publique.

Deux amendements n° 4231 et 4147, visant respectivement à revenir sur la notion d'« intérêt général économique » et sur l'ajout de l'exigence de motivation « de manière circonstanciée » en cas de refus d'une demande d'extension, ont été rejetés par l'Assemblée nationale.

Un amendement n° 4232 de la députée Marie Pochon (Écologistes-NUPES) a néanmoins été adopté avec le double avis favorable de la commission et du Gouvernement. Cet amendement supprime la réduction du délai d'instruction de deux mois à « un mois renouvelable ».

Les autres dispositions de l'article 20 ont été maintenues.

III. La position de la commission - Des simplifications du cadre d'extension des accords interprofessionnels utiles et de nature à favoriser les activités des filières

Conscients de l'intérêt de l'extension des accords interprofessionnels pour renforcer le poids de ces interprofessions et ainsi mieux structurer les filières agricoles, mais aussi des difficultés pouvant être rencontrées par les interprofessions dans l'extension de leurs accords, les rapporteurs Franck Menonville et Laurent Duplomb soutiennent les mesures adoptées par l'Assemblée nationale, qui permettent une simplification bienvenue du cadre législatif en la matière.

Ils regrettent en revanche l'adoption en séance de l'amendement revenant sur la réduction du délai d'instruction de deux mois à « un mois renouvelable ». En effet, cette réduction avait pour objectif de répondre à un besoin clair des acteurs des filières, lesquels sont trop souvent confrontés à de longs délais d'instruction, les empêchant ainsi de répondre efficacement aux nombreux défis conjoncturels et aux évolutions du marché auxquels ils font face.

Ainsi, la commission a adopté un amendement COM- 419 des rapporteurs qui, conformément à la position de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, vise à réduire le délai dont dispose l'administration pour statuer sur l'extension des accords interprofessionnels, en ramenant la procédure d'instruction mentionnée à l'article L. 632- 4 de deux à un mois, tout en préservant la possibilité pour l'autorité compétente de prolonger ce délai d'un mois supplémentaire si cela est nécessaire.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 21
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance
pour sécuriser l'application dans les collectivités d'outre-mer
de dispositions du code rural et de la pêche maritime
relatives à l'enseignement agricole

Cet article a pour objet d'autoriser le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à la révision et à l'actualisation des dispositions de nature législative spécifiques à l'outre-mer en vigueur à la date de publication de l'ordonnance, au sein du titre IV du livre VIII du code rural et de la pêche maritime, en vue de sécuriser l'application de ce livre dans ces territoires, notamment en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Suivant la proposition des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, la commission a adopté un amendement visant à faire passer la durée de cette habilitation de dix-huit mois à six mois, puis a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Une application partielle en outre-Mer des dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives à l'enseignement agricole

En l'état actuel du droit, les dispositions du livre VIII du code rural et de la pêche maritime, relatives à l'enseignement agricole, sont applicables en Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, mais elles ne le sont pas en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, en application des articles L. 843-3 et D. 843-3 du même code. En raison de cette non-application, l'État et en particulier le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ne peuvent exercer de façon satisfaisante leurs compétences en matière d'enseignement agricole dans ces territoires tout en respectant les compétences propres de ces collectivités.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale - Une habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance à la révision de certaines dispositions spécifiques à l'outre-mer au sein du titre IV du livre VIII du code rural et de la pêche maritime

Dans ce contexte, le Gouvernement a ainsi déposé un amendement portant article additionnel, qui est aujourd'hui l'article 21 du projet de loi. Cet article vise à permettre au Gouvernement de légiférer par ordonnance pour modifier le titre IV du livre VIII du code rural et de la pêche maritime et ainsi en assurer l'application dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer.

Pour ce faire, l'article 21 précise que les dispositions concernées devront poursuivre l'un des six objets suivants :

- « remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification, en incluant les dispositions de nature législative qui n'auraient pas été codifiées et en adaptant le plan et la rédaction des dispositions codifiées » ;

- « abroger les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet » ;

- « adapter, le cas échéant, ces dispositions à l'évolution des caractéristiques et contraintes particulières des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution » ;

- « étendre, le cas échéant, ces dispositions à l'évolution des caractéristiques et contraintes particulières des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution » ;

- « étendre, le cas échéant dans le respect des règles de partage des compétences prévues par la loi organique, l'application de ces dispositions, selon le cas, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires » et « procéder, si nécessaire, à l'adaptation des dispositions déjà applicables dans ces collectivités » ;

- « répartir dans des divisions les articles relevant respectivement de la compétence de l'État, de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, en procédant à une nouvelle numérotation de ceux-ci » ;

- « mettre les autres codes et lois qui mentionnent ces dispositions en cohérence avec la nouvelle rédaction adoptée ».

Enfin, l'article 21 octroie au Gouvernement « un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi » pour procéder à la rédaction de ces ordonnances, et prévoit, pour chacune d'entre elles, le dépôt devant le Parlement d'un projet de loi de ratification « dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance ».

En séance publique, les députés de l'Assemblée nationale ont adopté l'amendement n° 4307 du Gouvernement, avec avis favorable de la commission.

III. La position de la commission - Une habilitation pertinente mais assortie d'un délai excessif

La commission admet l'intérêt de l'habilitation sollicitée par le Gouvernement pour procéder à la sécurisation de l'application des dispositions relatives à l'enseignement agricole en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Néanmoins, elle accueille avec étonnement le délai de dix-huit mois accepté par l'Assemblée nationale, sur la proposition du Gouvernement, pour procéder à ces ajustements. Un délai de six mois, amplement suffisant pour procéder à la mise en cohérence requise, lui paraît plus adéquat pour exécuter rapidement les mesures nécessaires à l'application de ces dispositions sans empiéter excessivement sur le domaine du législateur.

En ce sens, les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville ont présenté un amendement COM-420 visant à réduire la durée de la présente habilitation de dix-huit à six mois, adopté par la commission.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 22
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance
en vue d'assurer la cohérence générale des textes
au regard des dispositions de la présente loi

Cet article vise à autoriser le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et pour une durée de deux ans, à la mise en cohérence des textes existants avec les dispositions de la présente loi et à l'abrogation des dispositions devenues sans objet.

Suivant la proposition des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, la commission a adopté un amendement visant à réduire à six mois la durée de cette habilitation.

I. La situation actuelle - Un projet de loi pouvant générer des incohérences normatives

Le projet de loi, initialement composé de 19 articles, a été considérablement enrichi par les députés. Ainsi, le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale et transmis au Sénat comporte 45 articles et modifie de nombreuses dispositions du code rural et de la pêche maritime et du code de l'environnement. Elle modifie par ailleurs huit autres codes, à savoir : le code pénal ; le code de l'éducation ; le code des douanes ; le code des relations entre le public et l'administration ; le code forestier ; le code de justice administrative ; le code général des collectivités territoriales et enfin le code du travail.

Comme pour tout projet de loi, ces nombreuses modifications ont potentiellement pu rendre sans objet certaines dispositions et la mise en cohérence d'autres dispositions pourrait s'imposer.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale - Une habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnance, à une mise en cohérence du droit existant avec le présent texte

Pour remédier à ces difficultés potentielles, le Gouvernement a déposé, en vue de son examen en séance publique, un amendement n° 4308 portant article additionnel, qui est devenu l'article 22 de ce texte. Cet amendement visait à autoriser le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, « à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi visant à assurer la cohérence des textes avec les dispositions de la présente loi et à abroger les dispositions devenues sans objet » et ce dans « un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi », étant précisé qu'un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement pour chaque ordonnance « dans un délai de trois mois à compter de sa publication ».

L'Assemblée nationale a adopté l'amendement du Gouvernement, avec avis favorable de la commission.

III. La position de la commission - Une habilitation pertinente, mais à nouveau assortie d'un délai excessif

La commission reconnaît la nécessité de l'habilitation sollicitée par le Gouvernement pour procéder à une mise en cohérence générale du droit existant.

Néanmoins, de même que pour l'article 21, elle exprime de vives réserves quant au délai de deux ans proposé par le Gouvernement pour accomplir cette tâche, lequel est selon elle excessif et injustifié, d'autant plus au regard de la durée des travaux qui ont précédé l'examen du projet de loi.

En ce sens, les rapporteurs ont présenté un amendement COM- 421, adopté par la commission, visant à réduire la durée de l'habilitation à six mois, délai qu'ils jugent amplement suffisant pour exécuter rapidement les mesures nécessaires à la stabilité du droit et adéquat pour ne pas empiéter excessivement sur les prérogatives du Parlement.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 23 (supprimé)
Demande de rapport au Parlement étudiant la possibilité
d'instaurer une aide au passage de relais pour les exploitants proches
de la retraite mettant leur exploitation à disposition
d'un jeune agriculteur pour son installation

Cet article vise à demander au Gouvernement la remise au Parlement d'un rapport étudiant la possibilité d'instaurer une « aide au passage de relais », qui serait allouée aux exploitants agricoles à moins de cinq ans de l'âge légal de départ à la retraite, à condition qu'ils cessent définitivement leur activité et mettent leur exploitation à disposition d'un jeune agriculteur dans le but de la transmettre.

Soutenant la mise en place de cette aide, qui répond parfaitement à leur souci de compléter la réforme organisationnelle de la politique d'installation prévue par le présent projet de loi d'orientation (article 10) par un volet davantage incitatif, les rapporteurs ont proposé à la commission de supprimer cette demande de rapport au profit, à l'article 8 bis A et directement dans le code rural, d'un objectif de mise en place de ce dispositif. En séance, les rapporteurs demanderont au Gouvernement de donner toute sa portée à cet article programmatique en créant en tant que telle cette aide, ce qui leur serait impossible compte tenu de l'irrecevabilité des amendements aggravant une charge publique.

La commission a donc supprimé le présent article.

I. La proposition adoptée par l'Assemblée nationale - Une demande de rapport sur un dispositif de renforcement du tuilage entre cédants et repreneurs, demandé de longue date par plusieurs organisations professionnelles agricoles

Lors de l'examen du projet de loi d'orientation en séance publique à l'Assemblée nationale, l'adoption de quatre amendements identiques201(*) portant article additionnel a donné lieu à la création de l'article 23.

Cet article demande un rapport du Gouvernement remis au Parlement dans un délai de douze mois, « étudiant la possibilité d'instaurer une aide au passage de relais qui serait allouée aux chefs d'exploitation agricoles âgés de cinquante-neuf ans au moins ayant exercé cette activité à titre principal pendant une durée minimale, s'ils cessent définitivement leur activité agricole et rendent leurs terres et les bâtiments d'exploitation disponibles pour une installation aidée ou la consolidation d'une installation aidée ». La demande de rapport précise que cette aide au passage « serait servie à l'intéressé jusqu'à l'âge légal de la retraite ».

Elle prendrait la forme d'une allocation financière d'environ 1 100 €/mois (en référence au minimum de retraite à 85 % du Smic) et d'une prise en charge des cotisations sociales maladie et retraite de l'exploitant. En vitesse de croisière, elle représenterait une dizaine de dossiers par département et par an, pour une enveloppe totale d'environ 13 M€.

Ce dispositif a pour but de favoriser le « tuilage » entre un exploitant agricole proche de la retraite et en proie à des difficultés, et un jeune agriculteur candidat à l'installation. Il est également avant tout présenté par les organisations professionnelles agricoles comme une éventuelle réponse, parmi d'autres, au mal-être des agriculteurs. En effet, le suicide des agriculteurs touche à 60 % la frange des 55-70 ans, lié à un « mal-être, spécifiquement à cet âge, multifactoriel et pouvant être consécutif à un sentiment d'inutilité, d'un mal-être lié à la transmission ou à la retraite ».

II. La position de la commission - Une demande de rapport sur un dispositif aux contours déjà bien définis, dont les rapporteurs posent le principe par la création de l'article programmatique 8 bis A, et que la commission propose au Gouvernement de concrétiser en levant le gage

Cet article prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'aide au passage de relais. Or, selon les rapporteurs, il n'est plus temps de demander un énième rapport sur cette aide faisant l'objet d'un large consensus à la fois pour favoriser l'installation et pour donner une porte de sortie à des exploitants agricoles en fin de carrière qui seraient en proie à des difficultés.

Entre le rapport du député Damaisin portant sur l'identification et l'accompagnement des agriculteurs en difficulté et prévention du suicide (2020), celui des sénateurs Cabanel et Férat, « Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse » (2021) et les diverses publications syndicales à propos de cette aide, les rapports ne manquent pas sur ce dispositif.

Aussi les rapporteurs ont-ils proposé un amendement COM-422, adopté par la commission, supprimant cette demande de rapport sur l'aide relais.

Après avoir envisagé de concrétiser cette mesure par la création d'un article en posant le principe et les modalités, ils s'en sont tenus à un objectif programmatique, afin de respecter l'article 40 de la Constitution.

Ils ont de ce fait proposé l'adoption d'un amendement COM-380 portant article additionnel après l'article 8 (cf. commentaire de l'article 8 bis A, résultant de l'adoption de cet amendement), dans l'un des titres programmatiques du projet de loi d'orientation.

En séance, les rapporteurs demanderont au Gouvernement de donner toute sa portée à cet article programmatique en instaurant cette aide en tant que telle, ce qui leur serait impossible compte tenu de l'irrecevabilité des amendements aggravant une charge publique.

La commission a supprimé cet article.

Article 24 (supprimé)
Demande de rapport sur les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) consacrés aux contrôles sur le miel importé

Cet article prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, évaluant les moyens financiers et humains de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) consacrés au renforcement des contrôles à l'entrée des miels en Europe et en France, formulant des recommandations pour améliorer ce contrôle.

Tout en partageant l'intention des auteurs de cet article, la commission a adopté un amendement COM-423 de suppression, déposé par les rapporteurs.

L'article 24 a donc été supprimé.

I. La situation actuelle - Une proportion considérable des miels consommés au sein du marché intérieur sont frelatés, en particulier ceux importés de Chine et de Turquie

Les pratiques frauduleuses sont fréquentes s'agissant de la commercialisation des produits de l'apiculture, et en particulier du miel. Ainsi, d'après une étude du Joint Research Centre de la Commission européenne du 23 mars 2023, sur un échantillon de 320 lots de miels, 147 soit 46 % des miels consommés au sein du marché intérieur pourraient être frelatés, notamment ceux issus de l'importation de Turquie et de Chine. La principale pratique dénoncée consiste à couper du miel avec des sirops de sucre à base de riz, de blé ou de betterave sucrière, en contradiction avec les normes européennes.

Le besoin d'améliorer l'information apportée aux consommateurs, pour les aider à faire des choix éclairés, et de protéger les producteurs européens de la concurrence déloyale, est donc patent.

C'est pourquoi le Parlement européen a adopté le 10 avril 2024 la directive modifiant quatre des sept directives dites « petit-déjeuner » de 2001, celles relatives respectivement au miel, aux jus de fruits et assimilés, aux confitures et assimilés, et aux laits de conserve.

Dans le cadre de la stratégie « De la ferme à la table », la Commission européenne avait en effet émis une proposition de modification de ces normes anciennes de plus de vingt ans en avril 2023. Le Parlement européen et le Conseil de l'UE avaient trouvé un accord politique sans difficulté fin janvier 2024 dans le cadre du trilogue, après avoir exprimé leurs positions respectives, très proches, début décembre.

Il ne reste plus qu'au Conseil à approuver formellement l'accord politique, après quoi les pays européens auront toutefois encore deux ans avant de devoir appliquer ces nouvelles règles.

S'agissant du miel, la directive modificative prévoit que « les pays d'origine des mélanges de miel devront figurer sur l'étiquette par ordre décroissant avec la part en pourcentage de chaque origine. Les États membres auront la possibilité d'exiger la part en pourcentage des quatre parts les plus importantes uniquement lorsqu'elles représentent plus de 50 % du mélange. La Commission est habilitée par les colégislateurs à introduire des méthodes d'analyse harmonisées pour détecter le frelatage du miel par le sucre, une méthode uniforme de traçabilité de l'origine du miel et des critères permettant de s'assurer que le miel n'est pas surchauffé lorsqu'il est vendu au consommateur final. Une plateforme sera mise en place pour conseiller la Commission sur ces questions. »

C'est la consécration du principe de l'affichage de « l'ordre pondéral décroissant » demandé de longue date par le Sénat. Ce principe connaît cependant deux limites : d'une part, seuls les quatre premiers États sont concernés, ce qui maintient le flou sur d'éventuelles origines supplémentaires ; d'autre part, une marge de 5 % est prévue dans l'indication de la proportion de chaque origine.

II. La proposition adoptée par l'Assemblée nationale - La remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les moyens financiers et humains de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) consacrés au contrôle des miels importés

La création de l'article 24 résulte de l'adoption en séance publique à l'Assemblée nationale, de l'amendement n°  3805 de la députée Marie Pochon (Ecologiste - Drôme).

Cet article prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, évaluant les moyens financiers et humains de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) consacrés au renforcement des contrôles à l'entrée des miels en Europe et en France, formulant des recommandations pour améliorer ce contrôle.

II. La position de la commission - Tout en partageant l'intention des auteurs de cet article, la commission a adopté un amendement de suppression, déposé par les rapporteurs.

La commission et les rapporteurs partagent l'intention de l'auteure de cet article, sur la problématique désormais bien identifiée des miels frelatés et sur le manque de transparence sur l'origine des miels.

Précédemment, la commission avait demandé la consécration du principe de l'ordre pondéral décroissant :

- à l'article 2 de la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires (qui reprenait des dispositions jugées cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel). Cet article n'était toutefois pas opposable juridiquement en raison de sa non-conformité au droit de l'Union européenne relatif aux obligations de notification des règles techniques à la Commission européenne. En ne prévoyant pas d'entrée en vigueur différée de ces articles, le législateur n'avait pas respecté la période de statu quo de trois mois ;

- puis à l'article 13 de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs (« Égalim 2 »), le législateur a prévu que le consommateur soit « informé de tous les pays d'origine des miels composant un mélange de miels en provenance de plus d'un État membre de l'Union européenne ou d'un pays tiers, qui sont indiqués sur l'étiquette du produit. »

Enfin, la sénatrice Anne-Catherine Loisier avait également plaidé pour « des analyses régulières du miel afin de s'assurer de son origine géographique et florale ainsi que de son absence d'adultération », dans un amendement à la proposition de loi compétitivité de la ferme France adopté par le Sénat. Il n'était, lui non plus, pas conforme au droit de l'UE, les règles de commercialisation relevant de la compétence exclusive de l'UE.

Sur la proposition des rapporteurs (amendement COM-423), la commission a cependant supprimé la demande de rapport sur les moyens consacrés à la protection du miel face aux importations frauduleuses.

Ils estiment en effet que la problématique est déjà bien documentée.

En effet, la révision de la « directive petit-déjeuner » vient tout juste d'être approuvée au niveau européen et ne sera pas entrée en vigueur avant 2026. Cette modification très attendue des règles européennes intervient selon les rapporteurs au bon niveau, et le Sénat veillera tout particulièrement à sa bonne transposition en droit interne, probablement dans la loi à l'occasion d'une loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE).

La question des effectifs de la DGCCRF doit par ailleurs être traitée à l'occasion des débats budgétaires.

La commission a supprimé l'article.


* 1 Rapport d'information n° 528 (2018-2019) au nom de la commission des affaires économiques par le groupe d'études « Agriculture et alimentation », sur la place de l'agriculture française sur les marchés mondiaux, par M. Laurent Duplomb.

* 2 Rapport d'information n° 905 (2021-2022) au nom de la commission des affaires économiques sur la compétitivité de la ferme France, par MM. Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou.

* 3 Le blé, le poulet, la pomme, le lait et la tomate.

* 4 FranceAgriMer, Souveraineté alimentaire : un éclairage par les indicateurs de bilan, février 2023.

* 5 Entendus comme des points de pourcentage d'auto-approvisionnement. Ce taux était, selon le plan de souveraineté publié par le Gouvernement, et hors agrumes et fruits exotiques, de 62,7 %en 2020, en baisse de 11 % en 20 ans.

* 6 Plan de souveraineté pour la filière des fruits et légumes, mai 2023.

* 7 Agreste, Graph'Agri 2023.

* 8 Georg Jellinek, L'État moderne et son droit, Panthéon-Assas, 2004

* 9 Transformations de l'agriculture et des consommations alimentaires, paru le 27/02/2024.

* 10 Agreste Bourgogne-Franche-Comté, La filière moutarde, décembre 2016.

* 11 Proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, présentée par MM. Laurent Duplomb, Pierre Louault, Serge Mérillou et plusieurs de leurs collègues.

* 12 Séance du 16 mai 2023, compte-rendu intégral des débats.

* 13 Amendements n° 70 rect. Quinquies et n° 79 rect.

* 14 Communiqué de presse du 3 avril 2024 du ministère de l'agriculture.

* 15Conférence de presse de M. Gabriel Attal, Premier ministre, sur la crise agricole, la souveraineté agricole, la reconnaissance du métier d'agriculteur, la rémunération des agriculteurs, la protection des agriculteurs face à la concurrence déloyale, la simplification des normes et le renouvellement des générations d'agriculteurs, Paris le 21 février 2024, disponible sur le site internet vie-publique.fr.

* 16 Déclaration de Rome de 1996, disposition en suivi ce lien :

https://viacampesina.org/fr/1996-declaration-de-rome-de-la-via-campesina-qui-definit-la-souverainete-alimentaire-pour-la-premiere-fois/

* 17 En ce sens, voir la déclaration de Dakar du 21 mai 2003 ou de Nyéléni du 27 février 2007, à l'occasion du forum mondial sur la souveraineté alimentaire, organisé par un collectif d'organisation rassemblant Amis de la Terre International, Via Campesina, la Marche des Femmes, le Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l'Afrique de l'Ouest, le Fonds mondial pour la nature et le Forum mondial des pêcheurs.

* 18 La définition complète proposée est la suivante : « la capacité d'autodétermination d'un État sur les systèmes alimentaires qui se déploient sur son territoire. Cette capacité s'entend à la fois comme capacité à définir les systèmes souhaitables (conditions de production, normes alimentaires, représentations partagées, règles de l'échange) et capacité à traduire ce souhaitable en réel, c'est-à-dire à faire appliquer ou faire évoluer ces systèmes alimentaires dans la direction attendue par les citoyens, par temps de paix autant qu'en période de crise. » FranceAgriMer, Souveraineté alimentaire : un éclairage par les indicateurs de bilan, mars 2023

* 19 Avis 2024-04 du 20 mars 2024, disponible en suivant ce lien :

https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2024/2024_04_PLOSA.pdf

* 20 À cet égard, le CESE indique, dans son avis que « le CESE a bien noté que la production de biomasse par l'agriculture est destinée à la souveraineté alimentaire, mais aussi la décarbonation de l'économie. À cet égard, il souhaite que soit clairement soulignée la priorité à accorder à la production d'alimentation par rapport à celle d'énergie ».

* 21 Conseil d'État, Réflexions sur l'intérêt général, Rapport public 1999.

* 22 Ibid.

* 23 Article L. 211-2-1.

* 24 Article 60 quater de la loi « Climat et résilience », issu de l'amendement COM-1696 de Laurent Duplomb.

* 25 Amendement COM-1740 à l'article 61 bis.

* 26 Ainsi que celles des chapitres Ier des titres II et III.

* 27 Voir le commentaire de l'article 1er bis

* 28 A noter que toutes les dispositions de la Charte ne sont pas directement invocables devant le juge administratif

* 29 L'agriculture, « intérêt général majeur » de la Nation : ça change quoi ? Le Club des juristes, 3 avril 2024

* 30 https://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl1847-ei.pdf

* 31 Il convient de noter que M. Guinard souligne aussi le risque élevé, selon lui, de contentieux s'attachant à ces possibles effets, entre agriculteurs et associations de défenses de l'environnement, mais aussi entre agriculteurs aux pratiques agricoles différentes.

* 32 CE625, CE3331, CE3292, CE1705, CE810, CE3415, CE2162, CE2165, CE2835, CE166, CE167, CE211, CE3417, CE3412, CE2371, CE2990, CE3104, CE3440, CE270, CE1824, CE2284, CE1817, CE2991, CE2277, CE1977, CE3236, CE3442, CE3444, CE2999, CE1305, CE3532 des rapporteurs, CE2460, CE6.

* 33 Sous-amendements n° 5411, n° 4965 et id. (n° 5051), n° 5286, n° 5129, n° 4817, n° 5127 et id. (n° 5169), n° 4784, n° 5147, n° 4742, n° 5126, n° 5281 et id. (n° 5408), n° 5340, n° 4743, n° 5130 et id. (n° 5168), n° 4759, n° 5137, n° 5202 et id. (n° 5291), n° 5282, n° 4947, n° 4810 et id. (n° 4978, n° 5050).

* 34 Les chiffres présentés dans cette partie sont issus du dernier recensement agricole de 2020, et disponibles sur le site suivant : https://www.agreste.agriculture.gouv.fr.

* 35 Ce chiffre est de 416 000 en incluant les territoires ultramarins.

* 36 Rapport n° 386 fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, par MM. Didier Guillaume et Philippe Leroy, Sénateurs, 19 février 2014.

* 37 Ce point précis n'était pas absent de la précédente version du IV de l'article L. 1 du CRPM.

* 38 Sous-amendement 4947 de M. Jean-François Lovisolo.

* 39 Sous-amendements identiques 4810, 4978 et 5050.

* 40 Une décision n° 2011 192 QPC du 10 novembre 2011 du Conseil constitutionnel rappelle par exemple que « le secret de la défense nationale participe de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, réaffirmés par la Charte de l'environnement ».

* 41 Huitième alinéa du Préambule

* 42 Amendements n° 70 rect. quinquies de Mme Noël et de plusieurs de ses collègues et n° 79 rect. De M. Menonville et plusieurs de ses collègues, adoptés avec avis défavorable du Gouvernement

* 43 Règlement (UE) n°  1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) n° 1924/2006 et (CE) n° 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) n° 608/2004 de la Commission Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE

* 44 Rapport n° 589 (2022-2023) de Mme Sophie Primas, adopté par la commission des affaires économiques : https://www.senat.fr/rap/l22-589/l22-5893.html#toc40

* 45 Règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) n° 1924/2006 et (CE) n° 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) n° 608/2004 de la Commission Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE

* 46 Chaque ferme est conduite par un chef d'exploitation et, éventuellement, un ou plusieurs coexploitants. En 2020, on dénombre 496 000 chefs d'exploitations ou coexploitants, 207 000 personnes sous statut de main d'oeuvre familiale permanente et 155 000 salariés permanent non familiaux, avec un nombre total de personnes travaillant de façon permanente sur l'exploitation de 966 000, représentant 740 000 équivalents temps plein (Agreste primeur, juillet 2022, n°11)

* 47 La politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, Commission des finances du Sénat, avril 2023.

* 48 Le titre initial était ainsi rédigé : « Former et innover pour le renouvellement des générations et les transitions en agriculture ». Le titre modifié est ainsi rédigé : « Former et mettre l'innovation au service du renouvellement des générations et des transitions en agriculture ».

* 49 Rapport d'activité 2023.

* 50 Projet de décret sur l'organisation de l'enseignement agricole précédé de l'exposé des motifs par le citoyen Tourret, ministre de l'agriculture et du commerce (examiné à l'Assemblée nationale lors de la séance du 17 juillet 1848).

* 51 Rapport d'information n° 874 fait au nom de la mission d'information sur l'enseignement agricole, outil indispensable au coeur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires, pour lequel Nathalie Delattre était rapporteure et Jean-Marc Boyer, président.

* 52 Étude d'impact.

* 53 Art. L. 712-6-2 du code de l'éducation. La composition du conseil académique est fixée à l'article L. 712-4 du même code.

* 54 Exposé des motifs de l'amendement en séance n° 435 rect. bis du Gouvernement, déposé au Sénat, dont est issu l'article 33 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

* 55 Art. L. 232-3 du code de l'éducation.

* 56Art L. 811-15 du code de l'éducation dans sa version résultant de l'article 51 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 et en vigueur jusqu'au 8 août 2019.

* 57 Pour des illustrations récentes : TA Clermont-Ferrand, 21 novembre 2024, n° 2200 045.

* 58 Dans l'enseignement supérieur, le pouvoir disciplinaire en premier ressort appartenait auparavant également au conseil d'administration de l'établissement. Toutefois, l'article 49 de loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a porté création d'un conseil académique, auquel a été transféré ce pouvoir disciplinaire. Dans les établissements supérieurs agricoles en revanche, l'article 59 de la même loi maintient la compétence du conseil d'administration de l'établissement pour exercer le pouvoir disciplinaire.

* 59 Article L. 812-5 du code rural et de la pêche maritime.

* 60 Article L. 814-4 du même code.

* 61 Dans ces conditions, une telle mesure de suspension ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours cf CE, 29 mars 2024, n° 474 450.

* 62 Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAF).

* 63 Rapport n° 18 105, « Implication des établissements d'enseignement technique agricole dans les licences professionnelles », août 2019.

* 64 Plus précisément, il s'agit des établissements mentionnés aux articles L. 811-8, L. 813-8 et L. 813-9 du CRPM, couvrant ainsi l'enseignement public et privé sous contrat avec l'État.

* 65 Article D. 642-66 du code de l'éducation

* 66 Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

* 67  Article L. 243-4 du code rural et de la pêche maritime (CRPM).

* 68  Article L. 241-6 du CRPM.

* 69  Article L. 243-3 du CRPM.

* 70 Même article.

* 71  Article L. 243-2 du CRPM.

* 72 Codifié au chapitre III du titre IV du livre II de la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime (art. D. 243-1 à 3).

* 73 En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000 024 642 908/2024-05-10/

* 74 En italique, l'ajout de l'arrêté du 24 février 2020.

* 75 Il faudrait pour cela qu'existe une fongibilité entre les vétérinaires exerçant sur animaux d'élevage et sur animaux de compagnie, ce qui est peu courant.

* 76 Amendements n° CE3423, CE3424, 3425, 3426, 3428 et 3427.

* 77 Cf. par exemple l'article R. 131-7 du code de l'éducation.

* 78 CGAAER, « Ostéopathie animale : évaluation des compétences et de la qualité de l'enseignement des établissements de formation », mars 2024.

* 79 Directive 98/58/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant la protection des animaux dans les élevages.

* 80 Note de service DGER/SDES/2017-785, 02/10/2017, principes de mise en oeuvre, rappel du cadre réglementaire et accompagnement financier du tutorat vétérinaire rural dans les écoles nationales vétérinaires.

* 81 Voir leur avis sur la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (Maafar) dans le cadre de l'examen du PLF pour 2022 puis du PLF pour 2023.

* 82 CGAAER, décembre 2019, Arthur Tirado, Frédéric Poisson, Bernard Vanhoye, « Installation et maintien dans l'exercice vétérinaire dans les territoires ruraux », rapport n° 18 119.

* 83 Rapports annuels d'activité de 2011 à 2022 :

https://www.veterinaire.fr/communications/rapports-annuels

* 84 Édition 2023, 102 pages :

https://www.veterinaire.fr/communications/actualites/atlas-demographique-2023

* 85 CGAAER, décembre 2023, « Conditions d'exercice des agents d'inspection vétérinaire affectés en abattoirs, et aux conséquences potentielles sur la qualité de l'inspection ».

https://agriculture.gouv.fr/conditions-dexercice-des-agents-dinspection-veterinaire-affectes-en-abattoirs-et-aux-consequences

* 86 CGAAER, février 2020, « Installation et maintien de l'exercice vétérinaire dans les territoires ruraux ».

https://agriculture.gouv.fr/installation-et-maintien-de-lexercice-veterinaire-dans-les-territoires-ruraux-0

* 87 CGAAER, mars 2018, « Étude d'impact des mesures législatives et réglementaires issues de la loi d'avenir pour l'alimentation, l'agriculture et la forêt, concernant la prescription vétérinaire des antibiotiques critiques ».

https://www.anses.fr/fr/content/rapport-du-cgaaer-sur-limpact-de-la-loi-davenir-de-lagriculture-sur-la-prescription

* 88 CGAAER, mars 2024, « Ostéopathie animale - Évaluation du dispositif de l'épreuve d'aptitude et de l'enseignement dispensé par les établissements de formation ».

https://www.vie-publique.fr/rapport/293426-osteopathie-animale-rapport-cgaaer

* 89 Un nouveau recensement agricole a été mené en octobre 2023 mais ses résultats n'ont pas encore été consolidés.

* 90 Sous l'effet notamment de la mise en place des quotas laitiers et de mesures incitant les départs à la retraite des agriculteurs, selon le ministère de l'agriculture.

* 91 En ligne : https://vizagreste.agriculture.gouv.fr/age-et-devenir-des-exploitations-agricoles.html

* 92 François Purseigle et Bertrand Hervieu, Une agriculture sans agriculteurs. La révolution indicible, 2022, Presses de Sciences Po.

* 93 Les agriculteurs ont en moyenne pris leur retraite à l'âge de 63,24 ans en 2022 (MSA), soit plus d'un an après l'âge légal en vigueur à cette date.

* 94 En ligne : https://vizagreste.agriculture.gouv.fr/age-et-devenir-des-exploitations-agricoles.html

* 95 Cette tendance ne semble pas être amenée à changer à l'avenir.

* 96 F. Purseigle et B. Hervieu, op. cit.

* 97 Le démographe français Alfred Sauvy entendait expliquer par ce concept le transfert de population active du secteur primaire (agriculture, forêt, pêche) vers le secteur secondaire (industrie) puis vers le secteur tertiaire (services), doublement lié, selon lui, aux gains de productivité : d'une part, ceux-ci font qu'il y a besoin de moins de main-d'oeuvre pour produire une même quantité dans les secteurs primaire et secondaire (alors que les gains de productivité sont moindres dans le secteur tertiaire) ; d'autre part, l'augmentation des revenus de la population générale accroît la demande en dehors des biens de première nécessité, notamment pour les services et donc le secteur tertiaire.

* 98 Cela résulte de l'intitulé du présent chapitre Ier (orientations programmatiques), ce que confirme l'avis du Conseil d'État sur le présent projet de loi. À ce titre, selon la jurisprudence constante des assemblées ( rapport de M. Marini de 2014, rapport de M. Woerth de 2022), l'irrecevabilité financière de l'article 40 de la Constitution ne trouve pas à s'appliquer à cet article.

* 99 Amendements n°  CE3387, et n°  CE3388.

* 100 Amendement n°  CE3389.

* 101 Adopté par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, saisie pour avis, et donc cosigné par Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis.

* 102 N°  CE506 de M. Dominique Potier (Meurthe-et-Moselle), et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, n°  CE2197 de M. David Taupiac (Gers) et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires (LIOT), n°  CE3240 de Mme Marie Pochon (Drôme) et plusieurs de ses collègues du groupe Ecologistes - Nupes.

* 103 N°  CE506 de M. Dominique Potier (Meurthe-et-Moselle), et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, n°  CE2197 de M. David Taupiac (Gers) et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires (LIOT), n°  CE3240 de Mme Marie Pochon (Drôme) et plusieurs de ses collègues du groupe Ecologistes - Nupes.

* 104 Alors rapporteur pour avis sur la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, M. Travert s'était arrêté dans son avis sur le PLF 2023, sur le service de remplacement, « un levier identifié pour répondre au défi du renouvellement des générations dans le monde agricole » https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-eco/l16b0285-tiii_rapport-avis#_Toc256 000 016

* 105 Est par exemple mentionnée la référence juridique de la Caisse des dépôts et consignations.

* 106 Les amendements n° 2523, n° 3642, n° 2522, n° 5454, n° 2525 et n° 2542, dont les cinq premiers émanent du rapporteur M. Pascal Lecamp et de ses collègues rapporteurs, le dernier ayant été déposé par Mme Anne-Laure Blin (LR).

* 107 Amendements n°160, 156 et 1967

* 108 Amendements n°3642 et 1935.

* 109 Sous-amendements n°5436 et 5534.

* 110 Amendements n°1621, 2704, 4207 et 4439.

* 111 Amendements n° 5547 du Gouvernement, n° 5549 des rapporteurs de la commission des affaires économiques, n° 5548 de M. Potier et du groupe Socialistes et apparentés, n° 5550 de Mme Babault et du groupe Démocrate (MoDem), n° 5551 de Mme Trouvé et du groupe LFI, n° 5553 de M. Dive et du groupe LR, n° 5554 de M. Lamirault et du groupe Horizons, n° 5556 de M. Taupiac et du groupe LIOT, n° 5557 de M. Pacquot et du groupe Renaissance, n° 5559 de M. Chassaigne et du groupe Gauche démocrate et républicaine.

* 112 « M. André Chassaigne : - J'en profite pour formuler quelques observations. La première, c'est que dans les textes de loi, notamment dans les lois d'orientation, nous avons pris l'habitude de fixer des objectifs chiffrés. J'ai constaté, à maintes reprises, que ces objectifs n'avaient absolument pas été atteints. M. Marc Le Fur - Tout à fait ! M. André Chassaigne - Je pourrais citer la loi d'orientation des mobilités : la part du fret ferroviaire devait dépasser les 20 % ; elle est sous les 10 % aujourd'hui. Je pourrais citer la loi sur les énergies renouvelables, qui a donné lieu à des bagarres en séance sur le niveau des objectifs. Plus récemment, nous avons débattu de la part de produits bio dans la restauration collective, qui suppose beaucoup de volonté de la part des collectivités territoriales. Voyez le chemin qu'il reste encore à parcourir ! M. Bruno Millienne - Je suis bien d'accord ! »

* 113 https://www.i4ce.org/loi-orientation-agricole-climat/.

* 114 Les agriculteurs ont en moyenne pris leur retraite à l'âge de 63,24 ans en 2022 (MSA), soit plus d'un an après l'âge légal en vigueur à cette date.

* 115 En ligne : https://vizagreste.agriculture.gouv.fr/age-et-devenir-des-exploitations-agricoles.html

* 116 En ligne :

   https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-04/20 230 412-Politique-installation-nouveaux-agriculteurs.pdf

* 117 Dans ce cas, l'aide est versée au prorata des heures travaillées.

* 118 François Purseigle et Bertrand Hervieu, Une Agriculture sans agriculteurs. La révolution indicible, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2022, 224 p.

* 119 En ligne :

https://www.conseil-etat.fr/avis-consultatifs/derniers-avis-rendus/au-gouvernement/avis-sur-un-projet-de-loi-d-orientation-pour-la-souverainete-agricole-et-le-renouvellement-des-generations-en-agriculture

* 120 https://www.defenseurdesdroits.fr/avis-de-la-defenseure-des-droits-sur-le-projet-de-loi-dorientation-pour-la-souverainete-en-matiere

* 121 Décret n° 2021-1916 du 30 décembre 2021 relatif au recouvrement, à l'affectation et au contrôle des contributions des employeurs au titre du financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage. En ligne :     https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000 044 791 977

* 122 Décret n° 2024-1107 du 3 décembre 2024 modifiant les dispositions applicables au fonds d'assurance-formation des non-salariés agricoles.

En ligne :     https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000 050 714 882

* 123 Voir ici :

        https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements ?dossier_legislatif=DLR5L16N49 726&examen=EXANR5L16PO419610B2436P0D1&recherche_textuelle= %22droit+ %C3 %A0+l %27essai %22.

* 124 Au sein du chapitre préliminaire relatif à « la politique d'installation et de transmission en agriculture » du titre III relatif à « la politique d'installation et le contrôle des structures et de la production ».

* 125 En ligne :

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000 006 071 367/LEGISCTA000 006 152 238/.

* 126https://agriculture.gouv.fr/le-developpement-des-groupements-demployeurs-ge-agricoles

* 127 BOI-BA-CHAMP-10-40 et BOI-BA-CHAMP-10-10-20

* 128 Ces activités sont celles figurant à l'article L. 311-1, article précisant qu'elles ont un caractère civil.

* 129 Le principe de transparence, prévu à l'article L. 323-13 du CRPM, permet à chaque associé d'un groupement agricole d'exploitation en commun total, lorsqu'il contribue au renforcement de la structure, de faire bénéficier sa société des aides de la PAC auxquelles il aurait été en droit de prétendre en tant qu'agriculteur à titre individuel.

* 130 https://www.justice.gouv.fr/sites/default/files/migrations/portail/art_pix/stat_Infostat_182.pdf.

* 131 Amendement COM-126 de M. Pascal Martin, Mme Loisier et MM. Rietmann et Bacci, rapporteurs, complété, en séance publique, de l'amendement 145, des mêmes auteurs.

* 132 Rapport d'information n° 856 (2021-2022) de M. Jean Bacci, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Pascal Martin et Olivier Rietmann, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques, déposé le 3 août 2022.

* 133 L'article 132-1 du code pénal prévoit notamment que « toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée ».

* 134 Étude d'impact.

* 135 PLF pour 2020, jaune budgétaire « Grand plan d'investissement »

* 136 Voir le commentaire de l'article 13.

* 137 Cet article dispose notamment qu'à compter du 1er janvier 2026, les chambres d'agriculture contribuent à la collecte des données relatives aux opérateurs, données étant collectées et centralisées par Chambres d'agriculture France (CDAF). Elles participent de même à la collecte et au traitement des données relatives à l'identification et à la traçabilité des animaux des espèces bovines, ovines et caprines. En cela, l'article clarifie enfin la répartition des compétences, acte l'intégration définitive des instituts de l'élevage au sein des chambres d'agriculture, et affirme le rôle de pilote de CDAF.

* 138 Plan gouvernemental de reconquête de notre souveraineté sur l'élevage, page 17

* 139 Article L. 181-2 du code de l'environnement.

* 140 N° 3551, n° 3552, n° 3553, n° 3554 et n° 3555.

* 141 En ligne :

https://agriculture.gouv.fr/strategies-dusage-des-terres-en-france-dans-lobjectif-dassurer-la-souverainete-alimentaire-et-de

* 142 Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (dite directive « SUD » pour « Sustainable Use of pesticides Directive »).

* 143 CE, 6/5 CHR, 26 juin 2019, Association Générations futures, n° 415426, publié au recueil Lebon.

* 144 NOR : AGRG1632554A.

* 145 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

* 146 Décret n° 2019-1500 du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation.

* 147 Article 8 de l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques et modifiant l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime (NOR : AGRG1937165A).

* 148 CE, 3/8 CHR, 26 juillet 2021, Collectif des maires anti-pesticides et autres, n° 437815, aux tables du recueil Lebon.

* 149 Article 1er de l'arrêté du 14 février 2023 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques et modifiant l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime (NOR : AGRG2301359A).

* 150 CJCE, Grande chambre, 13 mars 2007, Unibet Ltd, affaire C-432/05, pt 39.

* 151 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

* 152 CE, 26 mai 2021, n° 436 902 et CE, 14 avril 2023, n° 460 040.

* 153 Conseil d'État, 27 mars 2023, n° 463 186, 463 187.

* 154 Odile Bossy, « Le partage de l'espace en montagne. Les questions particulières posées par la présence des chiens de protection des troupeaux en alpage », Revue de droit rural, janvier 2012, dossier 8, n° 339.

* 155 Article 1243 du code civil.

* 156 Article 121-3 du code pénal.

* 157 Il s'agissait même de sa première recommandation : « modifier dans les meilleurs délais la réglementation relative aux ICPE pour exclure de la rubrique 2120 (élevages de chiens) les chiens de protection des troupeaux, à l'utilisation desquels elle n'est pas adaptée ».

* 158 Contre 6 mois, par exemple, à l'article 17, pour prendre des mesures de simplification relatives à l'aquaculture.

* 159 Proposition de loi visant à définir et encadrer le régime de responsabilité concernant les chiens de protection des troupeaux, n° 351, de Mme Bénédicte Taurine (La France insoumise - Nouvelle union populaire écologique et sociale - Ariège).

* 160 Conseil d'État, 27 mars 2023, n° 463 186, 463 187.

* 161 Directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, transposée aux articles L. 122-1 et suivants du code de l'environnement.

* 162 Amendements n° CD465, CD377, CD378.

* 163 Amendements n° CE3216, CE1666.

* 164 Amendement n° CE1665.

* 165 Amendements n° CE1667 et CE1668.

* 166 Amendements n° CE1669 et CE1670.

* 167 Amendements n° 3780 et 2779.

* 168 Amendements n° 2780 et 3448.

* 169 Amendement n° 1211.

* 170 Amendements n° 1212, 3518 et 3869.

* 171 Amendements n° 1213, 1214 et 2778.

* 172 Amendements n° 1215, 3519, 1216, 4230 et 4588.

* 173 Cf. le rapport du sénateur Alain Cadec (Côtes-d'Armor - LR), sur « Les Pêcheurs français face au Brexit » en 2021.

* 174 Annette B. G. Janssen et al. (2020), « Shifting states, shifting services: Linking regime shifts to changes in ecosystem services of shallow lakes », Freshwater Biology, DOI: 10.1111/fwb.13582.

* 175 « Toutefois, les compétences en matière d'eau potable assurées à la date du 31 décembre 2006 par des départements ou des associations syndicales créées avant cette date ne peuvent être exercées par les communes sans l'accord des personnes concernées ».

* 176 « Il a compétence pour promouvoir les solidarités, la cohésion territoriale et l'accès aux soins de proximité sur le territoire départemental, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des régions et des communes ».

* 177 « Le département peut, à leur demande, contribuer au financement des projets dont la maitrise d'ouvrage est assurée par les communes, leurs groupements, les établissements publics qui leur sont rattachés ou les sociétés dont ils détiennent une part du capital ».

* 178 « Pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, le département met à la disposition des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences dans le domaine de l'assainissement, de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l'entretien des milieux aquatiques, de la prévention des inondations, de la voirie, de la mobilité, de l'aménagement et de l'habitat, une assistance technique dans des conditions déterminées par convention ».

* 179 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 180 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 181 Avant cela, le principe de la « reconnaissance mutuel » permettait d'établir la représentativité.

* 182 Disponible en suivant ce lien :

https://www.legifrance.gouv.fr/conv_coll/id/KALICONT000 043 036 630

* 183 Arrêté du 2 décembre 2020 portant extension de la convention collective nationale concernant la production agricole et les coopératives d'utilisation de matériel agricole du 15 septembre 2020.

* 184 Respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale de deux ans des le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation.

* 185 Article L. 510-1, 6e alinéa, du code rural et de la pêche maritime.

* 186 Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

* 187 Décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017 relatif au comité social et économique.

* 188 Art. R. 723-106 du CRPM.

* 189 Art. L. 723-15 du CRPM.

* 190 Art. L. 723-18 du CRPM.

* 191 Source : MSA ( Les femmes dans l'agriculture en 2022).

* 192 2° de l'article L. 2152-2 du code du travail.

* 193 Loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l'organisation interprofessionnelle agricole.

* 194 Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés et des produits agricoles (OCM), articles 157, 158, 159, 162, 163, 164 et 165.

* 195 Règlement (UE) n° 1308/2013 précité, article 164.

* 196 Si l'acte de formation d'une interprofession est en lui-même libre et indépendant des pouvoirs publics, les interprofessions peuvent faire l'objet d'une reconnaissance par arrêté ministériel après avis du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire. L'article L. 632-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit les objectifs pouvant être poursuivis par les organisations interprofessionnelles reconnues. Au niveau européen, ces conditions de reconnaissance sont encadrées par les articles 157, 158, 159, 162 et 163 du règlement OCM.

* 197 Conseil d'État, 3/8 SSR, 28 novembre 2011, CIDEF, n° 334 183.

* 198 Une telle notification est nécessaire si lesdits accords interprofessionnels et les arrêtés reconnaissant leur extension constituent des « règles techniques » au sens de ladite directive.

* 199 CJUE, 5e chambre, 29 juin 2023, Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel) c. Ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, affaires jointes C-501/22 à C-504/22.

* 200 Amendements n° CE901, CE1524, CE2110, CE899, CE1526, CE2107, CE2108, CE900 et CE2111.

* 201 Amendements n° 19 de M. Julien Dive et plusieurs de ses collègues du groupe LR, n° 1013 de M. Descoeur (LR), n° 1536 de M. Dubois (LR) et n° 4028 de M. Taupiac et plusieurs de ses collègues du groupe LIOT.

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