C. UNE COMMISSION D'ENQUÊTE PORTANT SUR LA GESTION DES SERVICES PUBLICS

Le système d'aides publiques regroupe l'ensemble des avantages financiers octroyés par les autorités publiques, qu'il s'agisse de l'Union européenne, de l'État, de ses opérateurs, des établissements publics ou privés chargés d'une mission de service public administratif, ainsi que des collectivités territoriales. En France, plus de 2 000 dispositifs de ce type sont destinés aux entreprises, prenant la forme d'aides financières directes ou indirectes, à l'instar des exonérations fiscales ou sociales, et poursuivant divers objectifs d'intérêt général, notamment la lutte contre la désindustrialisation, la promotion de la décarbonation de l'économie et le soutien à l'innovation.

Selon l'exposé des motifs accompagnant la proposition de résolution, ce système, dont le montant cumulé s'élève à « 240 milliards d'euros aujourd'hui », présente des défaillances notables. L'attribution des aides publiques souffre d'un manque de « transparence » et de l'absence de « conditions sociales, fiscales ou écologiques » attachées à leur octroi. Relevant, à cet égard, que certaines grandes entreprises bénéficiaires d'avantages financiers ont récemment mis en oeuvre d'importants plans sociaux, les auteurs de la proposition de résolution observent que « l'octroi massif d'aides publiques n'empêche pas les fermetures de sites, les licenciements, les délocalisations et les destructions d'emplois ».

En réponse à ce constat, et s'appuyant sur les observations formulées par le commissariat général au plan dans un rapport de 2003 soulignant l'illisibilité du système français d'aides publiques aux entreprises19(*), les auteurs souhaitent « recenser [...] les aides publiques versées » aux grandes entreprises, définies comme employant plus de 1 000 salariés et générant un chiffre d'affaires net mondial d'au moins 450 millions d'euros, ainsi qu'à leurs sous-traitants. Une comparaison avec les aides versées aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) est également envisagée.

L'objectif poursuivi est « d'enquêter sur l'efficacité de cette dépense publique et son impact économique, social et environnemental ». À cet effet, la commission d'enquête est destinée, au-delà d'une revue des aides existantes, à examiner :

· les conditions d'attribution de ces avantages financiers dans le cadre d'une réflexion sur l'évolution de leur régime de conditionnalité ;

· les modalités de contrôle exercées par les autorités publiques quant à l'utilisation de ces aides par les entreprises, notamment au regard des engagements pris en contrepartie de leur versement. Une attention particulière est portée à leur contribution au développement économique et social.

Aussi, bien que le dépôt de cette proposition de résolution ait été motivée par l'annonce de plans de suppressions d'emplois par plusieurs groupes français, notamment Michelin et Auchan, en novembre 2024, son champ d'investigation dépasse l'examen de pratiques isolées. Il s'inscrit dans une perspective d'évaluation des politiques économiques et industrielles françaises, en examinant les modalités d'attribution des aides publiques, le contrôle de leur utilisation et leur contribution réelle aux objectifs d'intérêt général, parmi lesquels la lutte contre le chômage.

Le champ d'investigation retenu s'inscrit ainsi pleinement dans le cadre d'une enquête portant sur la gestion d'un service public. Aussi, la proposition de résolution entre dans le périmètre défini à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée, sans qu'il soit nécessaire d'interroger le garde des sceaux aux fins de connaître l'existence d'éventuelles poursuites judiciaires en cours.

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Dès lors, la commission des lois a constaté que la proposition de résolution n° 165 (2024-2025) est recevable.

Il n'existe donc aucun obstacle à la création de cette commission d'enquête par la procédure du « droit de tirage ».


* 19 Commissariat général du plan, Les aides publiques aux entreprises : une gouvernance, une stratégie, octobre 2003.

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