EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 4 décembre 2024, la commission a examiné le rapport de M. Bernard Buis sur la proposition de loi n° 839 (2022-2023) en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Pour commencer ma présentation sur cette proposition de loi, présentée par Daniel Salmon, en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, j'aurais pu évoquer cette photographie qui trône dans la salle de notre commission, sur laquelle la haie brille plus par son absence que par sa présence, à la différence des éoliennes qui ont poussé au milieu des champs de colza.
Je citerai plutôt le géographe Louis Poirier, lequel n'est autre que le véritable nom de l'écrivain Julien Gracq qui, dans les années 1930, prédisait : « Le bocage nous apparaît comme une forme autrefois rationnelle d'exploitation de la terre [...]. On peut le définir comme une forme de vie économique aujourd'hui fossile. [...] Le bocage est une forme économique qui mourra d'une transformation sociale. »
Les années d'après-guerre lui ont donné raison. Considérée comme un « obstacle à l'utilisation rationnelle du sol » dans un décret de 1955, la haie a fait les frais du remembrement. Le ministre Edgard Pisani a regretté les conséquences du remembrement sur le paysage, tout en reconnaissant sa légitimité pour la productivité et l'amélioration des conditions de travail agricole.
Il faut cependant se garder d'une histoire linéaire de la haie, pour au moins deux raisons : d'une part, la haie était une « culture » économique, visant à produire des fagots pour le chauffage et de la litière - loin des idéalisations nostalgiques du bocage ; d'autre part, les chiffres montrent une accélération récente de la perte de haies, passant de 10 500 kilomètres par an entre 2006 et 2014 à 23 600 kilomètres par an entre 2017 et 2021, sur environ 1,55 million de kilomètres sur pied - des chiffres qui, comme notre collègue Laurent Duplomb ne manque pas de le souligner, gagneraient à être fiabilisés par l'observatoire de la haie, un réseau entre les deux ministères compétents, l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), l'Office français de la biodiversité (OFB) et l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), chargé d'élaborer un référentiel cartographique pour connaître et suivre la progression des haies, et qui a d'ores et déjà été lancé dans le cadre du pacte en faveur de la haie.
Les politiques publiques ont changé du tout au tout : il y a quatre-vingts ans, l'État finançait la destruction de haies ; désormais, il finance leur plantation et parfois leur entretien.
Faut-il voir là une incohérence temporelle de la puissance publique ? Je ne le crois pas : c'est un mouvement dialectique. « Les haies ont été plantées pour des raisons économiques, avant d'être détruites pour de nouvelles raisons économiques », et elles sont replantées aujourd'hui pour des raisons écologiques. De ce point de vue, les haies sont un outil « tout en un » : effet brise-vent, régulation thermique, stockage de carbone, auxiliaires de culture, rétention d'eau, lutte contre l'érosion, abri et nichage pour toute la petite faune de nos campagnes.
Mais l'intuition, que je partage et qui sous-tend la proposition de loi, c'est que la reconquête des haies aura besoin de s'appuyer sur des motivations économiques plus concrètes pour les agriculteurs, au-delà de l'évitement des coûts provoqués par la dégradation de l'environnement, lesquels restent souvent diffus.
En résumé, la proposition de loi vise à mettre en place une certification publique fiable, prévue à l'article 2, afin d'établir un cadre incitatif à la gestion durable des haies, en favorisant une valorisation économique du bois des haies par les chaufferies, à l'article 3, et en rémunérant les agriculteurs pour leur gestion durable des haies via un crédit d'impôt, à l'article 4. En effet, le bonus « haies », qui serait porté de 7 euros à 20 euros par hectare en 2025, est loin d'épuiser la problématique du financement de la haie.
À cela s'ajoute la consécration législative d'une stratégie de reconquête de la haie, avec des objectifs en kilomètres de haies, et un observatoire pour suivre cette progression, prévu à l'article 1er.
Pourquoi légiférer, me direz-vous ? L'exécutif a déjà agi : le pacte en faveur de la haie, annoncé fin 2023, prévoyait 110 millions d'euros par an pour atteindre un objectif de 50 000 kilomètres de gain net du linéaire de haies. Cependant, la réduction de 73 % des crédits alloués à la haie, dès la deuxième année de ce pacte, témoigne de ce que les priorités peuvent changer. Il est donc naturel d'ancrer certaines mesures dans la loi. La haie ne remplit toutes ses fonctions qu'au bout de plusieurs années et a besoin de prévisibilité.
Nous avons mené une dizaine d'auditions en une petite semaine : l'impression que j'en ai retirée est que la proposition de loi et l'ambition qu'elle traduit étaient très bien reçues par la plupart des acteurs entendus.
Des réserves ont été exprimées sur la coordination de cette proposition de loi avec d'autres textes ou logiques : le projet de loi de finances (PLF), le pacte en faveur de la haie et l'adaptation aux réalités de terrain, trois sujets autour desquels je vais structurer mon propos.
Notre premier souci a été d'articuler l'article 4 de la proposition de loi avec le PLF en cours d'examen. Dans sa rédaction initiale, cet article prévoit d'accorder un crédit d'impôt forfaitaire de 3 500 euros par an aux agriculteurs certifiés pour la gestion durable de leurs haies.
Avec Daniel Salmon, nous proposons de supprimer cet article. Nous avons déposé un amendement au PLF prévoyant que 60 % des dépenses engagées pour la gestion durable des haies soient éligibles au crédit d'impôt, avec un plafond de 4 500 euros.
Cet amendement, cosigné par soixante-cinq collègues de tous les groupes du Sénat, a été adopté vendredi, recevant un double avis de sagesse de la commission des finances et du Gouvernement. C'est une très bonne chose et un premier pas, car je suis persuadé que c'est par des incitations et non par des sanctions que les pouvoirs publics changeront le regard des agriculteurs sur les haies, souvent perçues aujourd'hui comme des charges.
L'article 4 est la carotte financière nécessaire pour s'engager dans la gestion durable, par opposition au bâton du droit pénal environnemental.
Notre collègue Laurent Duplomb, qui était le troisième cosignataire de l'amendement au projet de loi de finances, a également été intéressé par cette démarche incitative. Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA) se concentre sur l'arrachage des haies, négligeant le besoin d'une mesure incitative pour leur gestion durable, sur le modèle du dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (Defi forêt) pour les « bons élèves », recommandée par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) en 2023. Or, au-delà de l'arrachage, l'érosion du linéaire se produit plutôt par un défaut d'entretien.
Pour autant, ne nous méprenons pas : le souhait de mettre en place un tel crédit d'impôt ne signifie pas que la haie serait une charge nécessitant des subventions.
Notre intention est non pas de « convertir les derniers paysans en gardiens d'une nature transformée en paysage pour citadins », mais de les aider à trouver un intérêt dans la gestion durable des haies, qui sont aussi des actifs économiques, sources de revenus.
En effet, elles rendent des services écosystémiques. Au-delà de l'intérêt écologique, il s'agit aussi d'un gain en résilience à l'échelle de la parcelle se traduisant par un gain économique à l'échelle de l'exploitation. Les haies peuvent améliorer le rendement des cultures sur une surface allant jusqu'à vingt fois leur hauteur.
Elles sont aussi source de revenus grâce au bois énergie issu de haies gérées durablement, qui est en lui-même une ressource valorisable. La filière bois-énergie est de plus en plus demandeuse d'un approvisionnement durable en bois bocager, répondant aux attentes de leurs clients, notamment les chaufferies publiques.
Un deuxième point d'attention au cours de mes travaux a été l'articulation entre la proposition de loi, et en particulier son article 1er, qui a été déposée en juillet 2023, et le pacte en faveur de la haie du ministère de l'agriculture, publié en octobre 2023.
Pour capitaliser sur ce qui existe déjà, nous proposons différents amendements.
Ceux-ci visent, premièrement, à faire du pacte la première déclinaison de la stratégie en la matière, en harmonisant les temporalités pour fixer les premiers objectifs en 2030 - nul besoin de tout reprendre à nouveau. La proposition de loi va toutefois plus loin que le pacte puisqu'elle fixe des objectifs allant jusqu'à 2050, soit au terme de quatre plans d'actions.
Ils tendent, deuxièmement, à renommer la stratégie en « stratégie pour la gestion durable et la reconquête de la haie » pour insister sur le caractère dynamique et quantitatif de la gestion. Cela peut paraître symbolique, mais les symboles ont leur importance : Daniel Salmon a accepté de renommer son texte en proposition de loi « en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie ». Cette formule de « gestion durable » me semblait bien, en outre, souligner l'opportunité tant économique qu'écologique que recouvrent la plantation et l'entretien des haies.
Troisièmement, les amendements visent à préciser que les objectifs fixés dans la loi demeurent bien des objectifs et, partant, ne sauraient constituer des engagements sur le fondement desquels l'État pourrait faire l'objet d'une condamnation - les termes « tendre à » sont ainsi préférés au terme « atteindre ». Le salut pour les haies viendra non pas des à-coups des décisions de justice condamnant l'État pour inaction, mais bien plutôt d'une dynamique choisie par les acteurs de terrain.
Quatrièmement, ils prévoient de réviser à la baisse, de façon substantielle, les objectifs quantitatifs fixés dans la loi en termes de linéaire de haies, de haies gérées durablement - 50 000 kilomètres nets en 2030 contre le double initialement - ou de biomasse mobilisée, afin de les rendre plus crédibles et plus en phase avec le pacte.
J'en viens au troisième, et dernier, point d'attention : l'adaptation aux réalités de terrain, notamment en ce qui concerne la certification, un des points sans aucun doute les plus discutés avec l'auteur du texte.
Nous avons rapidement convergé sur la nécessité de fixer des principes de gestion durable dans la loi et de reconnaître, par arrêté conjoint des ministres compétents, une ou plusieurs certifications satisfaisant ces principes. Il aurait également été possible de laisser la concurrence jouer sans régulation publique ou, au contraire, de faire du label Haie porté par l'association Afac-Agroforesteries un label public unique, sur le modèle de l'agriculture biologique ou des différents labels de la qualité et de l'origine des produits.
Il y a, comme souvent en matière de labels, une tension entre l'ambition et la lisibilité de la certification, d'une part, et sa massification, de l'autre. Nous avons retenu une option médiane afin de laisser la possibilité à d'autres démarches d'émerger, tout en garantissant un haut niveau d'exigence par une décision conjointe des ministres.
Actuellement, il n'y a pas de doute : seul le référentiel de l'Afac-Agroforesteries est suffisamment mature et rigoureux pour remplir les critères fixés dans la loi, et il n'est pas envisageable de reconnaître publiquement une démarche qui serait moins-disante.
Nous avons aussi acté le principe d'un cahier des charges national incluant des critères adaptés aux différentes caractéristiques du sol et du climat d'une région donnée : on ne peut évidemment attendre la même approche s'agissant de haies bocagères, de haies basses en milieu méditerranéen, ou encore de haies des grandes plaines céréalières. Pour autant, il est clair que cela ne doit pas être le prétexte à un éclatement des référentiels, voire à leur assouplissement - nous y veillerions avec un soin particulier dans le suivi de l'application de la loi, si le texte était voté.
Pour finir, à l'article 3, nous précisons que les schémas régionaux biomasse devront inclure des objectifs d'approvisionnement en bois issu de haies gérées durablement. Nous reviendrons peut-être sur cet article en séance, car le Gouvernement semble réticent à l'idée de détailler dans la loi la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse. C'est un point important : on parle là du débouché économique de la haie.
Vous l'aurez compris, le travail a été intense et constructif avec notre collègue Daniel Salmon qui a pu participer à la plupart des auditions. Nous avons convergé sur le fait que l'on replanterait des haies avec et pour l'agriculture, et non contre elle.
Au total, nous avons donc co-déposé dix-sept amendements à l'identique avec Daniel Salmon, afin de respecter le gentlemen's agreement conclu en 2009 s'agissant des propositions de loi inscrites dans le cadre d'un espace réservé d'un groupe d'opposition : la commission ne peut ainsi modifier le texte au stade de son examen en commission qu'avec l'accord du groupe l'ayant inscrit à l'ordre du jour.
Mes chers collègues, j'espère que ce rapport et ce texte recueilleront l'unanimité : c'est, me semble-t-il, à notre portée !
Il ne me reste plus qu'à vous donner lecture du périmètre de l'article 45 que je vous propose de retenir. Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives : à la stratégie, à la trajectoire et aux objectifs chiffrés en matière de gestion durable de la haie, ainsi qu'au suivi de cette programmation ; à la certification de la gestion et la distribution durables de la haie, à ses modalités d'agrément par l'État, de suivi et de contrôle ; à la stratégie, à la trajectoire et aux objectifs chiffrés en matière d'approvisionnements énergétiques issus de haies gérées durablement, ainsi qu'au suivi de cette programmation ; enfin, aux mesures incitatives de nature fiscale en matière de gestion et de distribution durables de la haie.
M. Daniel Salmon, auteur de la proposition de loi. - Je remercie le rapporteur et rappelle que, même si l'examen de cette proposition de loi - programmé le 19 décembre prochain - est compromis du fait de la perspective d'une censure du Gouvernement, cette étape de l'examen en commission enverra un signal positif aux acteurs de la filière et à l'ensemble des parties prenantes de la gestion durable de la haie.
Depuis 1950, près de 70 % du linéaire de haies ont disparu des territoires ruraux. La déprise agricole qui a été à l'oeuvre a, en effet, conduit à une augmentation de la surface de la forêt française et à la disparition, en parallèle, des haies, en raison des évolutions du monde agricole : alors qu'elles bénéficiaient du statut d'infrastructures, qu'elles étaient considérées comme un patrimoine essentiel et qu'elles occupaient une place prépondérante dans les baux ruraux jusqu'aux années 1950, elles ont ensuite été vues non plus comme une source de richesses, mais comme un élément improductif et inutile.
Depuis plusieurs années pourtant, les bénéfices des haies sont peu à peu reconsidérés dans leurs dimensions agronomique, environnementale et économique : stockage de carbone, renforcement de la biodiversité et des trames vertes, contribution à l'attractivité et à l'économie des territoires par la production de biomasse - on pense d'ailleurs au bois, mais les feuilles viennent également enrichir les sols -, modification des conditions climatiques locales, allongement du cycle de l'eau - nécessaire, comme l'ont illustré les récents aléas climatiques -, limitation de l'érosion des sols, ombre et confort apportés au bétail.
Avec le lancement du pacte en faveur de la haie en début d'année, l'ensemble des acteurs - administration et agriculteurs - se sont mobilisés dans un calendrier serré, et le développement de filières de valorisation a été lancé par appel à projets afin que la haie retrouve une place économique dans les exploitations agricoles et dans les territoires.
Cette proposition de loi se veut complémentaire du pacte en faveur de la haie ; elle doit permettre de fixer un niveau suffisant d'ambition pour être à la hauteur des enjeux cités. Elle veut non pas concurrencer le pacte, mais au contraire l'appuyer sur de nombreux points. À l'heure où le Gouvernement réduit de manière draconienne le financement du pacte, elle définit un cadre incitatif et rémunérateur, utile pour les agriculteurs, en se concentrant en priorité sur le linéaire existant, qu'il convient d'entretenir dans le cadre d'une gestion durable.
Il s'agit donc de redonner à la haie une attention suffisante pour qu'elle remplisse ses fonctions, et de prévoir les moyens financiers et techniques nécessaires pour une gestion durable. Il est primordial qu'elle devienne un atelier économique à part entière des exploitations - avec les filières de l'énergie et de la litière animale notamment - et que ses services environnementaux soient reconnus. Ce cadre économique est indispensable pour ne plus mettre la préservation des haies sous perfusion d'argent public ou uniquement sous obligation réglementaire. On le voit bien, c'est par l'incitation et la rentabilité que l'on fera évoluer la vision qu'ont les agriculteurs de la haie.
Ce cadre incitatif et rémunérateur est un point essentiel de cette proposition de loi au travers du crédit d'impôt inscrit dans le PLF, aux côtés du développement de filières bois locales, vertueuses pour l'économie du territoire et adossées à l'approvisionnement des chaufferies collectives issues des haies gérées durablement.
Le rapporteur et moi-même avons déposé en commun dix-sept amendements de compromis en vue d'atteindre des objectifs quantitatifs en termes de kilomètres de haies gérées durablement à l'horizon 2030, ainsi qu'en termes de production de biomasse : nous avons tâché de retenir les chiffrages les plus probants, sur la base d'une concertation avec les différents acteurs, cette proposition de loi n'étant en aucun cas « hors sol » et s'appuyant sur les réalités de terrain. Des compromis ont également été trouvés sur les différents labels qui doivent conditionner le crédit d'impôt.
J'espère que ce travail stimulant et constructif portera ses fruits, afin d'aller vers une reconstruction de la haie, au bénéfice de nos agriculteurs et de l'environnement de notre pays.
M. Lucien Stanzione. - Depuis 1950, nous avons perdu 70 % de nos haies, amer constat quand on connaît la richesse et les services inestimables que ces infrastructures naturelles sont capables d'offrir : elles protègent les sols, améliorent la qualité de l'eau, renforcent la biodiversité par leurs fonctions d'habitat et de corridor, tout en jouant un rôle clé pour l'aménagement du territoire et la lutte contre le changement climatique.
Sénateur d'un département à vocation agricole, je mène un travail en faveur de l'agriculture diversifiée, de la gestion durable de l'eau et de la biodiversité, et je mesure chaque jour l'importance de la préservation et de la reconquête des haies. Cette proposition de loi est essentielle en termes d'aménagement du territoire, pour l'avenir de nos paysages et pour la préservation de la biodiversité. Elle fixe des objectifs à la fois ambitieux, réalistes et surtout indispensables : 100 000 kilomètres supplémentaires de haies d'ici à 2030, un linéaire en gestion durable d'environ 1,5 million de kilomètres en 2050. Elle repose de plus sur des mesures concrètes, dont la création d'un observatoire national, un label de la gestion durable, des incitations fiscales fortes pour les agriculteurs et l'intégration des haies dans notre stratégie nationale de biomasse.
Malheureusement, face aux renoncements du Gouvernement en matière de planification écologique qui affectent les crédits consacrés à la haie dans le PLF pour 2025, nous avons une responsabilité historique : mettre fin à la disparition massive de nos haies, dont le solde annuel reste largement négatif, et engager l'indispensable reconquête des écosystèmes.
Le temps presse, mais nous avons les moyens et la volonté politique pour agir, ce texte ayant en effet largement été cosigné par les membres de notre groupe. Je tiens à souligner la grande qualité du travail effectué par notre collègue Daniel Salmon et le rapporteur Bernard Buis. L'ensemble des sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de ce texte. Un amendement en faveur des haies sera d'ailleurs peut-être défendu par notre groupe dans le cadre du PLF pour 2025, en fonction des événements parlementaires de ce mercredi 4 décembre.
M. Henri Cabanel. - Je salue le travail accompli par le rapporteur et l'auteur de la proposition de loi. Nous voterons en faveur de ce texte. Au travers de cette proposition de loi, nous reconnaîtrons les services rendus à la société par les haies, qu'il s'agisse du stockage du carbone ou de la rétention de l'eau. Représentant un département dans lequel la viticulture est prédominante, je souligne que les haies sont aussi essentielles pour les petites parcelles que pour les grandes étendues propres aux régions céréalières.
M. Vincent Louault. - Lors de mon installation, j'ai commencé par planter cinq kilomètres de haies : il y a un mois, j'ai reçu un courrier de l'un de mes propriétaires me demandant de les arracher au motif que je porterais atteinte à son bien, ce qui montre bien les contradictions qui peuvent exister.
Si j'entends les arguments qui justifient cette proposition de loi, certains aspects me semblent complexes, notamment en termes de labellisation : évitons les usines à gaz alors que nous venons de débattre d'un texte permettant d'alléger les contraintes pesant sur la profession agricole. Si 70 % des haies ont disparu depuis 1950, je tiens à souligner que le nombre d'agriculteurs a diminué dans les mêmes proportions, même si cet aspect n'a pas l'air de vous poser problème. J'ignore si les deux phénomènes sont liés...
M. Yannick Jadot. - Bien sûr qu'ils le sont !
M. Vincent Louault. - Il faut bien évidemment se préoccuper de la protection des haies, même si le chiffre de 23 000 kilomètres de haies disparaissant chaque année fait l'objet de débats. J'ai en effet un doute sur notre capacité à recenser précisément les haies, l'IGN éprouvant apparemment des difficultés dans ce domaine.
Votre initiative est louable, mais il convient d'éviter toute complexification supplémentaire.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Prenons garde, en effet, à ne pas empiler un trop grand nombre de dispositifs. S'agissant du crédit d'impôt, faut-il comprendre que nous allons subventionner des agriculteurs qui arrachent des haies ?
M. Franck Montaugé. - Je souscris à la proposition relative à la mise en place de paiements pour services environnementaux (PSE) pour les haies au regard des services écosystémiques qu'elles rendent.
Par ailleurs, ce débat s'inscrit dans le cadre plus général de la qualité des sols, même s'il n'existe guère de consensus entre nous à ce sujet, ce que je regrette. Un texte portant sur la qualité des sols - en particulier agricoles -, récemment examiné ici, n'a hélas pas été accueilli favorablement.
M. Bernard Buis, rapporteur. - M. Louault peut être rassuré sur la complexité dans la mesure où le dispositif est entièrement facultatif. En revanche, l'intégration dans le dispositif est obligatoire pour bénéficier du crédit d'impôt : ce dernier n'est pas une subvention, mais il est lié aux travaux effectivement réalisés, à hauteur de 60 % du montant des dépenses.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Une personne qui a précédemment arraché des haies pourrait donc en bénéficier.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Une coupe peut être bénéfique pour une haie, puisqu'elle peut entraîner un recépage et la création de nouvelles haies, les variétés n'étant parfois plus adaptées aux besoins actuels.
M. Daniel Salmon. - Ce crédit d'impôt est orienté vers la gestion durable des haies et ne s'assimile pas à une aide à la replantation. Le coût d'entretien d'un kilomètre linéaire de haie est estimé à 450 euros par an, et pèse sur l'agriculteur. Dans la mesure où il est question d'une haie productive et d'une culture, le crédit d'impôt a vocation à valoriser cet entretien.
Par ailleurs, monsieur Louault, vous avez raison de souligner les doutes existant sur les chiffres. L'IGN travaille sur le sujet et procédera, à l'avenir, à une mise à jour des linéaires tous les trois ans, en rappelant que personne ne s'était plus occupé des haies pendant des décennies. De surcroît, la définition des haies était très floue, d'où l'intérêt de créer un observatoire dédié.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Les amendements rédactionnels identiques COM-18 et COM-1 sont adoptés.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Les amendements identiques COM-19 et COM-2 tendent à remplacer les mots « atteindre » par les mots « tendre vers », les objectifs de la stratégie devant être atteints parce qu'il y a une volonté politique et non sous la contrainte de décisions de justice.
Les amendements identiques COM-19 et COM-2 sont adoptés.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Les amendements identiques COM-21 et COM-4 visent à préciser que la trajectoire d'augmentation du linéaire de haies sur le territoire métropolitain s'entend de façon nette, et non de façon brute. La nuance est de taille, car on aura beau replanter, si l'on ne tient pas compte des arrachages ou disparitions de haies, le linéaire n'augmentera pas.
Les amendements identiques COM-21 et COM-4 sont adoptés.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Les amendements identiques COM-20 et COM-3 prévoient de modifier les objectifs quantitatifs fixés dans la loi et dans la stratégie à l'horizon 2030 et 2050, afin de les rendre plus crédibles, comme l'ont suggéré tous les acteurs entendus.
Les amendements identiques COM-20 et COM-3 sont adoptés.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Les amendements identiques COM-25 et COM-8 tendent à porter la durée de la stratégie pour la gestion durable et la reconquête de la haie prévue à l'article 1er à six ans, contre cinq ans dans le texte de départ. Ce faisant, nous entendons mettre en cohérence la temporalité de cette stratégie avec celle du pacte en faveur de la haie.
Les amendements identiques COM-25 et COM-8 sont adoptés.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Les amendements identiques COM-23 et COM-6 visent à préciser le périmètre au sein duquel l'objectif de gain net de linéaire de haies en kilomètres s'applique, en précisant que cela concerne également les territoires d'outre-mer. L'enjeu des haies y est important dans la mesure où peuvent s'y observer de fortes pluies provoquant l'érosion des sols, ce qui constitue une menace pour leur autonomie alimentaire,
Les amendements identiques COM-23 et COM-6 sont adoptés.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Les amendements identiques COM-24 et COM-7 prévoient de renommer la stratégie « de reconquête de la haie » en « stratégie pour la gestion durable et la reconquête de la haie ».
Les amendements identiques COM-24 et COM-7 sont adoptés.
Les amendements rédactionnels identiques COM-26 et COM-9 sont adoptés.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Les amendements identiques COM-22 et COM-5 visent à modifier les objectifs quantitatifs fixés dans la loi et dans la stratégie en termes de mobilisation de matière sèche issue de haies gérées durablement. Nous formulons l'hypothèse que 500 000 tonnes de matière sèche par an seraient déjà un progrès très significatif.
Les amendements identiques COM-22 et COM-5 sont adoptés.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Les amendements identiques COM-28 et COM-11 visent à supprimer les diverses mentions du « label Haie » opérées directement dans la loi dans la version initiale de la proposition.
Les amendements identiques COM-28 et COM-11 sont adoptés.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Les amendements identiques COM-33 et COM-17 tendent à clarifier les critères de gestion durable qui s'appliqueraient dans le cadre de la certification prévue au présent article.
Les amendements identiques COM-33 et COM-17 sont adoptés.
Les amendements rédactionnels identiques COM-29 et COM-12 sont adoptés.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Je suis très attaché aux amendements identiques COM-34 et COM-16, qui visent à préciser que la ou les certifications qui seraient agréées pour la gestion durable des haies devront nécessairement inclure des critères et prescriptions territoriaux spécifiques.
Une évolution en cours du label Haie vise à intégrer cette exigence d'adaptation territoriale, mais il semble que des marges de progrès demeurent. Le but n'est pas de multiplier les méthodes d'une même certification, ce qui se traduirait par une perte de lisibilité pour l'ensemble des acteurs et par un risque de contournement : c'est pour cela qu'il reste un cahier des charges national, ce qui rassure notre collègue Daniel Salmon.
Les amendements identiques COM-34 et COM-16 sont adoptés.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Les amendements identiques COM-27 et COM-10 sont parmi les plus structurants de cette proposition de loi. Ils définissent les conditions dans lesquelles les certifications publiques ou privées satisfaisant les conditions de gestion durable de la haie et de distribution durable de la haie prévues dans la loi peuvent être reconnues par la puissance publique.
Il est bon de laisser jouer un peu la concurrence, mais la concurrence et la régulation des labels doit les pousser vers une amélioration constante. Cela ne saurait en aucun cas être un prétexte à un affaiblissement des critères de gestion et de distribution durables.
Les amendements identiques COM-27 et COM-10 sont adoptés.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Pour faire exception au consensus sur les autres points, je dois confesser que j'aurais préféré « écraser » la rédaction de l'article 3, car les ministères étaient un peu réticents à l'idée de détailler dans la loi cet aspect particulier de la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse. Ce n'est le cas pour aucune autre source d'énergie, mais l'auteur de la proposition de loi tenait à cette mesure et n'a pas souhaité co-déposer un tel amendement.
En attendant d'y revenir peut-être, les amendements identiques COM-30 et COM-13 visent à inscrire l'objectif d'approvisionnement en bois issu de haies gérées durablement dans les schémas régionaux biomasse, à ce stade en complément de son inscription dans la stratégie nationale biomasse. Cela me semble mieux traduire l'intention initiale de l'auteur du texte, à savoir des objectifs fixés dans chaque région.
Les amendements identiques COM-30 et COM-13 sont adoptés.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Bernard Buis, rapporteur. - Un amendement transpartisan au PLF pour 2025 a été déposé et reprend, de manière consolidée, le dispositif proposé par l'article 4, d'où ces amendements identiques de suppression COM-31 et COM-14.
Les amendements identiques COM-31 et COM-14 sont adoptés.
L'article 4 est supprimé.
Article 5
L'article 5 est adopté sans modification.
Intitulé de la proposition de loi
M. Bernard Buis, rapporteur. - Les amendements identiques COM-32 et COM-15 visent à changer l'intitulé de la proposition de loi par cohérence avec les modifications apportées dans le texte et dans l'intitulé de la stratégie afin d'insister, avec la notion de « gestion durable », sur les interventions actives de l'homme et sur une approche plus qualitative et moins quantitative de la haie.
Les amendements identiques COM-32 et COM-15 sont adoptés.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Article 1er |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. BUIS, rapporteur |
18 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
M. SALMON |
1 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
19 |
Stratégie "haies" rendue non contraignante dans ses objectifs |
Adopté |
M. SALMON |
2 |
Stratégie "haies" rendue non contraignante dans ses objectifs |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
21 |
Formulation de l'objectif de gain de linéaire de haie en net et non en brut |
Adopté |
M. SALMON |
4 |
Formulation de l'objectif de gain de linéaire de haie en net et non en brut |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
20 |
Révision des objectifs quantitatifs de la stratégie à la baisse pour les rendre plus crédibles et mobilisateurs |
Adopté |
M. SALMON |
3 |
Révision des objectifs quantitatifs de la stratégie à la baisse pour les rendre plus crédibles et mobilisateurs |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
25 |
Modification de la durée de la stratégie et de son point de départ |
Adopté |
M. SALMON |
8 |
Modification de la durée de la stratégie et de son point de départ |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
23 |
Inclusion explicite des territoires ultramarins dans la stratégie "haies" |
Adopté |
M. SALMON |
6 |
Inclusion explicite des territoires ultramarins dans la stratégie "haies" |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
24 |
Modification de l'intitulé de la stratégie pour y inclure la gestion durable |
Adopté |
M. SALMON |
7 |
Modification de l'intitulé de la stratégie pour y inclure la gestion durable |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
26 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
M. SALMON |
9 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
22 |
Révision à la baisse des objectifs quantitatifs de bois issu de haies gérées durablement dans l'approvisionnement en bois énergie, pour plus de crédibilité |
Adopté |
M. SALMON |
5 |
Révision à la baisse des objectifs quantitatifs de bois issu de haies gérées durablement dans l'approvisionnement en bois énergie, pour plus de crédibilité |
Adopté |
Article 2 |
|||
M. BUIS, rapporteur |
28 |
Suppression des mentions du "label haie" opérées directement dans la loi |
Adopté |
M. SALMON |
11 |
Suppression des mentions du "label haie" opérées directement dans la loi |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
33 |
Amendement de clarification sur les critères de gestion durables des haies |
Adopté |
M. SALMON |
17 |
Amendement de clarification sur les critères de gestion durables des haies |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
29 |
Rédactionnel |
Adopté |
M. SALMON |
12 |
Rédactionnel |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
34 |
Principe d'adaptation des critères et prescriptions de gestion durable au contexte pédoclimatique dans le cahier des charges des certifications publiquement reconnues |
Adopté |
M. SALMON |
16 |
Principe d'adaptation des critères et prescriptions de gestion durable au contexte pédoclimatique dans le cahier des charges des certifications publiquement reconnues |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
27 |
Reconnaissance au cas par cas par arrêté ministériel conjoint d'une ou plusieurs certifications répondant aux critères de gestion durable fixés dans la loi en lieu et place de la consécration d'une certification publique unique |
Adopté |
M. SALMON |
10 |
Reconnaissance au cas par cas par arrêté ministériel conjoint d'une ou plusieurs certifications répondant aux critères de gestion durable fixés dans la loi en lieu et place de la consécration d'une certification publique unique |
Adopté |
Article 3 |
|||
M. BUIS, rapporteur |
30 |
Inscription de l'objectif d'approvisionnement en bois issu de haies gérées durablement dans les schémas régionaux biomasse |
Adopté |
M. SALMON |
13 |
Inscription de l'objectif d'approvisionnement en bois issu de haies gérées durablement dans les schémas régionaux biomasse |
Adopté |
Article 4 |
|||
M. BUIS, rapporteur |
31 |
Suppression de l'article 4 |
Adopté |
M. SALMON |
14 |
Suppression de l'article 4 |
Adopté |
M. BUIS, rapporteur |
32 |
Modification de l'intitulé de la proposition de loi |
Adopté |
M. SALMON |
15 |
Modification de l'intitulé de la proposition de loi |
Adopté |