II. UNE ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONFORME À LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

A. DANS UN CONTEXTE GÉOSTRATÉGIQUE BOULEVERSÉ, LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE POUR LA PÉRIODE 2024-2030 PRÉVOIT UNE HAUSSE CONSÉQUENTE DES MOYENS DES ARMÉES

L'invasion de l'Ukraine lancée par la Russie le 24 février 2022 et la guerre qui se poursuit depuis lors constituent un tournant stratégique majeur pour la sécurité en Europe. Elles marquent le retour de l'affrontement entre États souverains et de la guerre de haute intensité en Europe, avec un emploi désinhibé de la force. Elle se caractérise également par un changement d'échelle de la conflictualité, qui se déploie sur tous les champs, aussi bien sur les trois champs historiques (terre, mer, airs) que dans les nouveaux lieux de conflictualité (cyber, information, espace, fonds marins, etc.), et par un volume des unités de combat engagées sans commune mesure avec les combats des dernières décennies.

Ces évolutions s'inscrivent dans le prolongement des tendances géopolitiques identifiées depuis plusieurs années par les principaux documents stratégiques publiés par les armées françaises9(*).

Le bouleversement géostratégique induit par la guerre en Ukraine avait amené le Parlement, à l'initiative du Président de la République, à décider d'interrompre la loi de programmation militaire (LPM) prévue pour la période 2019-2025, au profit d'une nouvelle LPM couvrant la période 2024-2030, entrée en vigueur le 1er août 202310(*). Cette nouvelle LPM poursuit et amplifie l'effort de « réparation » entrepris par la LPM 2019-202511(*).

Elle prévoit une enveloppe de 400 milliards d'euros en CP pour la période, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » (CAS « Pensions »), soit une hausse de plus de 100 milliards d'euros par rapport à la précédente programmation.

Trajectoire budgétaire de la LPM 2024-2030

(en milliards d'euros courants)

 

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Total
2024-2030

LPM adoptée

47,2

50,5

53,7

56,9

60,4

63,9

67,4

400,00

Variation par rapport à l'année N - 1

+ 3,3

+ 3,3

+ 3,2

+ 3,2

+ 3,5

+ 3,5

+ 3,5

Note : Le périmètre de la LPM 2024-2030 porte sur les CP de la mission « Défense » à périmètre constant, hors contribution au CAS « Pensions ».

Source : commission des finances du Sénat

Les CP de la mission, à périmètre constant, hors contribution au CAS « Pensions », doivent être portés à 67,4 milliards d'euros en 2030. La trajectoire programmée prévoit ainsi un taux de croissance annuel moyen de 6,1 % des crédits de la mission, dans la lignée de la programmation précédente. En 2030, les CP annuels de la mission seraient supérieurs de 23,4 milliards d'euros à la dernière année précédant la programmation, à savoir 2023.

Trajectoire en crédits de paiement prévue par la LPM 2024-2030

(en milliards d'euros courants et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après la LPM 2024-2030

Doivent s'y ajouter 13,3 milliards d'euros tirés de trois leviers :

- un financement interministériel du soutien à l'Ukraine (1,2 milliard d'euros) ;

- des ajustements de dépenses (6,2 milliards d'euros) ;

- des ressources extrabudgétaires (5,9 milliards d'euros, REB).

Décomposition des ressources complémentaires prévues au profit des armées
par la LPM 2024-2030

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les informations transmises par le ministère des armées lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire 2024-2030

Trajectoire des ressources extrabudgétaires exécutées (2019-2022)
et prévisionnelles (2024-2030)

(en millions d'euros)

Source : réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial12(*) lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire 2024-2030

Il est à noter que la programmation intègre une prise en compte de l'impact de l'inflation à hauteur de 30 milliards d'euros sur la période.


* 9 Dès 2017, la Revue nationale stratégique de défense et de sécurité nationale (RSDSN) faisait état d'un « durcissement des menaces » dont il résultait « un risque accru d'escalade et de montée aux extrêmes entre États, potentiellement jusqu'au franchissement du seuil nucléaire ». La Revue nationale stratégique (RNS) présentée par le Président de la République le 9 novembre 2022 s'inscrivait ainsi dans la continuité de la précédente. Tirant les premiers enseignements de la guerre en Ukraine, la RNS insistait sur la nécessité de se préparer à des conflits placés sous le triple signe du retour du fait nucléaire, de la haute intensité et de l'hybridité. Pour faire face à un éventuel « engagement majeur sous la voûte nucléaire de l'agresseur », elle soulignait explicitement « le besoin de masse et de densité de l'action interarmées ». Elle rappelait également l'importance de renforcer notre capacité à nous défendre et à agir dans les champs hybrides, notamment cyber.

* 10 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 11 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 12 Alors en qualité de rapporteur pour avis.

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