EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 5 novembre 2024, sous la présidence de M. Thomas Dossus, vice-président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement » et le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». - La mission « Aide publique au développement » est particulièrement mise à contribution dans le cadre de l'effort budgétaire proposé pour 2025.

Les crédits demandés s'élèvent à 4,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 4,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Pour mémoire, ils ne représentent qu'une partie du montant global de l'aide publique au développement de la France, qui atteint 14,8 milliards d'euros en 2024.

En 2025, le périmètre de la mission intègre le programme 384, qui est nouveau et acte la rebudgétisation du fonds de solidarité pour le développement (FSD). Jusqu'alors, ce fonds sans personnalité juridique était affectataire d'une partie de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et de la taxe sur les transactions financières, pour un montant de 738 millions d'euros. Avec l'entrée en vigueur de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), le FSD est désormais intégré aux crédits de la mission.

En tenant compte des ajustements de périmètre, la baisse des crédits de la mission s'élève à 19 % en AE et à 23 % en CP. Si l'on prend en considération les amendements de crédits annoncés par le Gouvernement pour un montant de 641 millions d'euros en CP, le montant des CP de la mission se situerait à 3,8 milliards d'euros en 2025, soit une baisse de 34,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Il s'agit donc de la mission la plus affectée par les coupes budgétaires, en volume.

En proportion, la mission avait déjà été la plus ponctionnée lors des annulations de crédits en février 2024, avec une réduction de 13 % des crédits votés par le Parlement quelques semaines plus tôt.

Certes, la trajectoire de dépenses proposée par la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales était trop ambitieuse, puisqu'elle fixait l'objectif d'un montant de l'aide publique au développement s'élevant à 0,7 % du revenu national brut en 2030. L'an dernier, nous avons d'ailleurs présenté avec Michel Canévet un amendement visant à diminuer les crédits de la mission.

Pour autant, l'effort demandé me semble disproportionné. Au-delà du coup de rabot qu'elle représente, cette coupe budgétaire traduit un renoncement à l'ambition affichée par la France. Une telle déstabilisation du volume des crédits de la mission, provoquée dans la précipitation, ne sera pas sans conséquence.

En effet, celle-ci frappe jusqu'aux fondamentaux de l'aide publique au développement, dont nous pouvions penser qu'ils seraient préservés : l'aide d'urgence, l'aide alimentaire et l'aide humanitaire. De plus, ces fondamentaux sont touchés dans un moment où les crises sont fortes, partout à travers le monde.

À cet égard, l'exemple récent du Liban est significatif, tout comme celui du Soudan. Ce dernier illustre combien l'effondrement de la sécurité et de la santé dans les États les moins développés multiplie les enjeux pour notre pays, surtout en ce qui concerne la sécurité sanitaire et la question migratoire. Ainsi, 10 millions de Soudanais sont aujourd'hui en exil. À Calais, ils représentent 60 % des migrants. Il est paradoxal de découpler nos ambitions en matière de solidarité internationale et de politique migratoire.

De plus, la suppression de la provision pour crises majeures pose question, eu égard à l'instabilité climatique et géopolitique du monde.

Concernant les contributions multilatérales, nous sommes tentés de saluer la réduction, au sein du programme 110, des participations de la France à de nombreux organismes, ce qui répond aux recommandations de la Cour des comptes.

Cependant, en y regardant de plus près, nous constatons que c'est le programme 209 du ministère des affaires étrangères qui subit l'essentiel des efforts de réduction des crédits. En fait, on s'attaque aux contributions volontaires du programme, qui résultent des choix stratégiques de la France, plutôt qu'à certaines contributions obligatoires relevant du programme 110, pourtant responsables de la rigidification des dépenses.

Les baisses des crédits de la mission, opérées sans discernement, contribueront à l'effort de redressement des finances publiques, mais passeront à côté de l'enjeu de la rationalisation. Ainsi, le Fonds d'études et d'aide au secteur privé (Fasep), particulièrement critiqué par l'inspection générale des finances pour son inefficience, se trouve malgré tout maintenu.

Enfin, l'aide au développement constitue un canal de projection internationale pour nos entreprises, qui peuvent accéder aux marchés émergents par ce biais. À cet égard, les critères d'appel d'offres de l'Agence française de développement (AFD) intègrent dorénavant les dimensions sociale et environnementale, évitant ainsi de privilégier les offres moins-disantes. Sur la totalité des appels d'offres internationaux financés par l'AFD entre 2019 et 2023, la part de marché des entreprises françaises s'élevait à 51 %, ce qui correspond à 800 marchés et à 2,5 milliards d'euros.

L'ampleur de cette coupe budgétaire porte atteinte à l'action humanitaire menée par la France, ne permet pas de rationaliser nos contributions multilatérales et aura un impact économique qui n'est pas pris en compte. L'effort légitime demandé à la mission, comme aux autres, doit être abordé avec nuance et pragmatisme, pour éviter la faute politique qui consisterait à abîmer la voix de la France à l'international. Les mesures d'économies demandées me paraissent disproportionnées et mettent en péril notre influence dans le monde. J'émettrai donc un avis de rejet de ces crédits.

M. Michel Canévet, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». - Comme vient de l'indiquer Raphaël Daubet, la mission connaît une diminution de ses CP de près d'un quart et la trajectoire fixée par la loi de programmation du 4 août 2021 paraît aujourd'hui caduque. J'en tire toutefois des conclusions différentes de celles de mon corapporteur.

La forte contraction des moyens de la mission constitue le revers d'une trajectoire de dépenses trop ambitieuse. En effet, entre 2017 et 2023, le volume de la mission avait progressé de 40 %. Dans un contexte budgétaire dégradé, il n'est pas illégitime de s'interroger sur le volume et la qualité de nos dépenses publiques en la matière. Plusieurs pays ont d'ailleurs revu à la baisse leurs objectifs d'aide publique au développement ces dernières années.

En premier lieu, je rappellerai que l'augmentation importante des moyens de notre politique de développement présentait deux limites principales.

D'abord, le quasi-doublement des moyens de la mission s'est accompagné d'une rigidification croissante des dépenses. Si l'on examine le programme 110, géré par la direction générale du Trésor, nous constatons que la baisse des dépenses est entravée par le volume conséquent des restes à payer. Ce programme comprend en effet d'importantes dépenses obligatoires, en particulier des contributions internationales à de grands fonds multilatéraux et des crédits de bonification des prêts de l'AFD. Le caractère pluriannuel de ces dépenses limite les marges de manoeuvre budgétaires du Gouvernement.

Ensuite, la trajectoire de notre aide publique au développement a conduit à un risque de sous-exécution des crédits et de dispersion des dépenses. Certaines enveloppes, comme les crédits de l'aide-projet ou la provision pour crises majeures, faisaient chaque année l'objet d'une sous-exécution. S'agissant des contributions internationales, la récente enquête de la Cour des comptes a souligné que nous contribuons au budget de 271 entités multilatérales, parfois pour des sommes modiques et donc peu efficaces.

Je salue à cet égard les efforts fournis par la direction générale du Trésor et la direction générale de la mondialisation, qui ont su, en réaction à la réduction de l'enveloppe budgétaire, concentrer les dépenses sur leurs priorités stratégiques et abandonner des instruments plus accessoires. La forte réduction de la participation française aux fonds fiduciaires de la Banque mondiale en 2025 en est une illustration.

En second lieu, ces coupes franches appellent une ligne claire. La redéfinition du montant des crédits de l'aide au développement doit être l'occasion de mieux définir nos objectifs et la doctrine d'utilisation de nos instruments. En ce sens, nous identifions trois priorités pour les prochains exercices.

D'abord, il paraît indispensable d'opérer une véritable revue de dépenses de nos contributions internationales. Le renouvellement de nombreux fonds verticaux en 2026 devra constituer l'occasion, pour le Gouvernement et le Parlement, de réexaminer l'ensemble des participations aux entités multilatérales, pour mieux sélectionner nos versements.

Dans le même sens, il faudra établir une doctrine claire quant à l'articulation entre les canaux multilatéraux et bilatéraux qu'emprunte notre aide. Il en est de même concernant l'articulation avec les instruments européens d'aide au développement : le Fonds européen de développement (FED), auquel nous versons encore 144 millions d'euros de crédits cette année alors qu'il est en voie progressive d'extinction, et l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (NDICI).

Ensuite, trois ans après l'adoption de la loi de programmation, il apparaît indispensable de concrétiser l'objectif d'amélioration de l'évaluation de cette politique publique. En ce sens, nous regrettons la trop lente concrétisation des instruments introduits par la loi. Ainsi, le premier rapport annuel relatif à la politique de développement n'a été remis qu'en juin dernier et la commission d'évaluation de l'aide publique au développement ne sera mise en place que début 2025 ; il nous faudra suivre son installation avec attention.

Enfin, la baisse du volume de la mission impose une actualisation des objectifs de notre politique de développement. À ce titre, les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) de juillet 2023 apparaissent en décalage avec les moyens dont nous disposerons dans les années à venir. Il faudra changer son fonctionnement et associer davantage le Parlement à la définition de notre politique de développement.

En conclusion, je vous invite à adopter les crédits de la mission et ceux du compte de concours financier « Prêts aux États étrangers ».

M. Patrice Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur les programmes « Aide économique et financière au développement » et « Solidarité à l'égard des pays en développement ». - J'ai entendu les deux rapporteurs spéciaux : l'un s'est positionné dans le champ politique et l'autre dans celui de la gestion budgétaire.

D'abord, la pauvreté s'accroît dans le monde, la malnutrition demeure un problème majeur et la santé comme l'éducation restent plus que jamais essentielles.

De plus, notre intervention soulève la question de l'interdépendance à l'échelle mondiale, qui est de plus en plus prégnante et dont la conscience est largement partagée. Des efforts sont menés dans les domaines de l'alimentation, de la biodiversité, de la gestion de l'eau, de la lutte contre le réchauffement climatique ou encore de la gestion des flux migratoires. Sur toutes ces questions, l'interdépendance est réelle et la France doit jouer son rôle.

On peut s'interroger sur le caractère raisonnable de la diminution proposée des crédits. Quel message est ainsi exprimé, auprès des Français et de l'opinion publique mondiale, quant aux responsabilités que la France considère comme siennes au niveau international, à un moment où elle est contestée, en Afrique en particulier ?

On peut aussi questionner les conséquences qu'une telle baisse aura sur les actions menées sur le terrain, notamment par des ONG déjà touchées de plein fouet par la diminution des crédits qui a eu lieu cette année.

Il nous reste des auditions à mener et je conviens que certains éléments budgétaires méritent rationalisation. Cependant, sur le plan politique et compte tenu des conséquences à prévoir sur les actions en cours, il me semble difficile de pouvoir émettre un avis favorable.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Certes, des efforts de rationalisation sont à fournir, mais il faudrait balayer devant notre porte. Entre 2017 et 2023, le volume de la mission a augmenté de 40 % et il s'est accompagné d'une rigidification de la dépense, qui est contraire à l'idée d'autorisation parlementaire.

Avec le décret de février dernier, des coupes sérieuses ont déjà eu lieu et le Gouvernement en propose de nouvelles.

Il nous faut considérer l'évolution récente de la relation de la France avec ses partenaires en matière de développement international. Ainsi, certains pays lui ont soudainement demandé de quitter des territoires qu'elle aidait depuis longtemps.

Je souscris à la nécessité d'actualiser les objectifs de la politique d'aide au développement. En effet, on ne peut pas penser qu'en diminuant nos moyens, nous pourrons continuer à mener les mêmes actions. Ce travail d'actualisation doit être réalisé de manière collégiale et s'appuyer sur le point de vue du Parlement.

Mme Nathalie Goulet. - Il a toujours été difficile d'évaluer l'efficacité de la politique d'aide au développement.

Je m'interroge sur la taxe sur les billets d'avion : à combien s'élève-t-elle ? Qui la collecte ? Une société privée s'en charge-t-elle ? Comment est-elle redistribuée ?

J'en viens au centre de crise et de soutien (CDCS), qui constitue une pépite de notre diplomatie et dont l'activité risque d'être pénalisée par la baisse des moyens alloués à l'aide humanitaire. Quelles diminutions de budget sont prévues ?

- Présidence de M. Thomas Dossus, vice-président -

M. Vincent Delahaye. - Je félicite Michel Canévet pour son courage. En effet, il est rare qu'un rapporteur spécial donne un avis favorable à des crédits qui baissent à ce point ; il s'agit d'une bonne jurisprudence, qui devrait nous inspirer.

Il me semble irresponsable d'avoir augmenté de façon considérable les crédits de la mission ces dernières années, sans avoir les moyens de les financer.

Je n'avais pas voté la loi de programmation de 2021. Le coût démesuré du nouveau siège du groupe AFD m'a également interpellé. Où en est-on à ce sujet ? Que sont devenus ces locaux largement surdimensionnés ?

J'avais alors souhaité que nous recentrions l'aide au développement sur les pays les plus pauvres, qui reçoivent à peine la moitié des sommes allouées à l'ensemble des pays. Le conseil d'administration de l'AFD s'est-il saisi de tous les projets ? Fonctionne-t-il de façon correcte ?

M. Éric Jeansannetas. - Deux points de vue s'affrontent en effet et l'un est gestionnaire.

Ce rude coup de rabot fragilise-t-il nos actions en faveur de la vaccination et des associations féministes dans le monde, en faveur de la lutte contre la famine et la malnutrition ? Les crédits sont-ils préservés dans ces domaines ou s'agit-il d'un affaiblissement complet en la matière ? Réduire ces actions de solidarité internationale peut poser de graves problèmes et jouer sur notre stabilité future.

M. Victorin Lurel. - Certes, il faut faire des efforts, mais ce qui est proposé me semble lourd et disproportionné.

Au 31 décembre 2024, selon votre graphique, les restes à payer représentent près de 8 milliards d'euros. Vous proposez une trajectoire pour les absorber, mais, au-delà de 2027, il restera encore plus de 5 milliards d'euros à financer. Une grande partie des crédits sont ainsi absorbés. La mission n'est-elle pas dès lors cantonnée à une inertie totale, qui entraîne une perte de rayonnement pour la France ?

Il y a plusieurs années, nous avions eu un débat sur les critères d'éligibilité et d'attribution des aides. Quels sont les critères aujourd'hui retenus ? Sont-ils objectivables ? La Chine est-elle encore considérée comme un pays prioritaire pour l'attribution de l'aide publique au développement ?

M. Grégory Blanc. - L'approche proposée est davantage comptable que gestionnaire.

Sur les 14 milliards d'euros de dépenses, la moitié concernera les collectivités territoriales, de manière directe ou indirecte. De plus, les domaines de l'écologie et de l'éducation se trouvent dans le viseur. Enfin, des ponctions ont lieu sur les agences et l'aide humanitaire.

Cependant, peu de réformes structurelles sont proposées, notamment en ce qui concerne les doublons et l'organisation de l'État, ce qui me semble symptomatique.

Deux approches s'affrontent dans la façon d'analyser ces crédits, mais j'entends peu de nuance dans les propos des deux rapporteurs spéciaux. Il ne s'agit pas seulement de valider ou non ces crédits ; nous pourrions aussi augmenter et réduire certaines enveloppes.

M. Jean-Marie Mizzon. - La France est-elle un pays généreux ou pingre ? Je ne dispose pas de points de comparaison avec les autres pays européens.

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - La part de la taxe sur les billets d'avion à destination de l'aide publique au développement s'élève à 206 millions d'euros en 2024, le reste allant au budget général de l'État. Je suis incapable de vous répondre sur le mode de collecte. Il nous faut développer une expertise sur le sujet et demander des éclairages au rapporteur du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Paradoxalement, les moyens dédiés au CDCS augmenteront en 2025, à hauteur de 20 millions d'euros. Comme nous le disions l'an dernier, nous sommes de ceux qui préfèrent utiliser la provision de 270 millions d'euros de cette structure plutôt qu'apporter de l'argent, étant donné le contexte budgétaire. Identifions d'abord les masses monétaires en jeu puis, si besoin était en cours d'année, abondons le Centre par un collectif budgétaire !

Pour ce qui concerne l'humanitaire, il est clair que la France ne résout pas les crises qui traversent le monde au travers de sa seule action. Nous visons un tel objectif en contribuant à des organisations multilatérales, par exemple au Programme alimentaire mondial (PAM) dont M. Daubet et moi avons rencontré à Rome les représentants pour nous renseigner sur leur action. La coordination permet en outre d'intervenir sur des territoires comme celui de Gaza ou les pays africains où la France est honnie.

L'AFD a pour objectif de s'installer en 2027 dans de nouveaux locaux que nous avions déjà eu l'occasion de juger surdimensionnés - le projet de ce déménagement a été élaboré en 2020 - et qui le sont plus encore à l'heure actuelle. En effet, les modes de travail ont changé entre-temps. Nous avons interrogé l'organisme sur la part de ses locaux considérés comme surnuméraires. Pour le moment, aucune estimation n'existe. À l'époque, je parlais de 20 000 mètres carrés sur les 50 000 du lieu, mais le nombre de 8 000 mètres carrés nous a été avancé.

Lors de l'examen de la loi du 4 août 2021, nous avions appelé au recentrage de l'APD sur dix-neuf pays prioritaires, à savoir dix-huit pays africains et Haïti. Or, en 2023, le Cicid, en dehors de toute consultation du Parlement, a décidé de porter la cible à quarante-six pays moins avancés (PMA), ce qui a tendance à diluer l'aide.

Le conseil d'administration de l'AFD avait tendance à avaliser tous les projets qui lui étaient présentés, parfois contre l'avis de ses autorités de tutelle, à savoir, d'une part, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, d'autre part, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour mémoire, les cotutelles n'ont pas la majorité au sein du conseil d'administration. Lors de la dernière réunion, il a fallu l'intervention de l'un de nos collègues, qui est administrateur au sein de cet organisme, pour qu'un projet qui n'avait pas reçu l'aval soit - enfin ! - remis en cause. Il s'agissait alors - je vous réponds par la même, monsieur Lurel - de financer deux entreprises chinoises investissant en Égypte. Le rôle de l'AFD est-il de financer des projets soulevant de telles interrogations contre l'avis de sa tutelle ? Il importe de se concentrer sur l'essentiel.

Malgré les coupes budgétaires, nous continuons à financer assez vigoureusement les actions en faveur des plus fragiles à travers le monde dans le domaine de la santé, à la fois en bilatéral et en multilatéral. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a essayé de préserver l'aide humanitaire, car nous passons de 200 millions à 220 millions d'euros pour le CDCS.

Les projets de l'AFD sont pluriannuels, ce qui explique les restes à payer.

En matière d'aide publique au développement, nous reviendrons en 2025 aux moyens que nous consacrions à cette politique en 2021. Ce n'est pas un recul de retourner à ce niveau ! Il nous faudra toutefois amplifier les politiques d'évaluation - il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs -, car rien n'avance en la matière malgré la décision du législateur en 2021.

L'AFD aura peut-être moins de moyens pour intervenir dans les pays étrangers, mais peut-être son action sera-t-elle plus efficiente dans les départements d'outre-mer et dans les territoires d'outre-mer, qui en ont bien besoin.

M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial. - L'aide alimentaire connaîtra une baisse de 20 millions d'euros et l'aide humanitaire de 395 millions d'euros. Il s'agit bien de baisses pour des aides au fondement de l'aide publique au développement, ce que je trouve un peu problématique.

Devons-nous être comptables ou gestionnaires ? Si nous étions gestionnaires, nous assainirions un certain nombre de pratiques et de participations moins efficientes ou ne répondant pas à nos stratégies. Comme il existe de nombreux restes à payer concernant des engagements pluriannuels, nous réaliserons non pas des économies sur de telles contributions contraignantes, mais sur le reste, par exemple au sein d'instances dans lesquelles nous avions voulu concourir avec les autres pays. La marge de manoeuvre sera donc réduite.

L'AFD intervient en Chine au titre de ses activités bancaires - c'est une réalité -, non pas pour aider ce pays, mais pour favoriser la lutte contre le changement climatique. En effet, dans le cahier des charges stratégique de l'Agence figure le soutien à des actions en la matière. Faut-il se réjouir de cette politique ? Je laisse à chacun le soin d'en juger.

Par ailleurs, la diminution des moyens propres de l'AFD entraînera, de manière contre-intuitive, une baisse du volume des prêts bonifiés portés par l'agence et une augmentation des prêts accordés aux conditions de marché. Je nous mets en garde contre ce danger, à savoir obtenir l'inverse de ce que nous attendions.

D'après les informations que nous avons pu recueillir, les choix concernant le siège de l'Agence sont très critiquables. Malheureusement, la baisse des crédits ne supprimera pas le problème.

M. Vincent Delahaye. - Nous avions prévenu !

M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial. - À nouveau, il ne faut pas frapper au mauvais endroit.

Au sein des États membres de l'OCDE, nous étions le cinquième pays donateur en volume en 2023 et le dixième en pourcentage de revenu national brut (RNB) en 2022. Nous étions pingres en 2017 sur nos contributions internationales et nous sommes plutôt généreux en 2024. L'idée est non pas de redevenir pingre, mais d'être un peu moins généreux.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

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