PREMIÈRE
PARTIE
UNE DIMINUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION
« AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT
ET AFFAIRES
RURALES » (AAFAR) AFIN DE CONTRIBUER AU REDRESSEMENT DES FINANCES
PUBLIQUES
Comme d'autres missions budgétaires, la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) ne couvre que partiellement les moyens correspondant à l'effort budgétaire consenti à destination des politiques publiques qu'elle vise.
En effet, en examinant cette mission, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ne sont formellement saisis que d'un cinquième environ des dépenses destinées au secteur agricole entendu au sens large. Le total des dépenses publiques en direction de l'agriculture, qui s'élèvera en 2025 à environ 25,6 milliards d'euros, contre 25,7 milliards d'euros en 2024 selon les montants communiqués par le Ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA), comprend en effet, en sus des dépenses budgétaires de la mission à proprement parler et du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CAS DAR), 21,2 milliards d'euros de concours publics à l'agriculture.
La part de la mission dans le total des concours publics consacrés en 2025 à l'agriculture recule toutefois en raison de la diminution des crédits qui lui sont alloués (4,62 milliards d'euros en autorisations d'engagement contre 5,37 milliards votés en LFI 2024) du fait notamment de la forte baisse des crédits réellement pilotables - à savoir ceux consacrés à la planification écologique.
Les rapporteurs spéciaux tiennent, à titre liminaire, à nuancer considérablement cette diminution, bien qu'elle paraisse importante si l'on se contente de comparer le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 et la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.
D'une part, l'effort demandé à la mission en vue de contribuer au redressement des finances publiques est moindre que celui demandé à d'autres missions et demeure mesuré au regard du contexte budgétaire très contraint.
D'autre part, les crédits alloués à la mission dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2024 traduisaient un effort considérable de la part de l'État sur la politique agricole, le budget 2025 revenant dans une lignée très proche des budgets antérieurs. Enfin, il faut noter que l'État, au global, compense partiellement la baisse affichée des crédits de la mission par un effort supplémentaire en termes de dépenses fiscales et sociales au travers de dispositifs qui étaient très attendus1(*).
La répartition de ces différents concours publics, par exercice depuis 2021, est récapitulée dans le tableau ci-après.
Concours publics à l'agriculture, l'alimentation et à la forêt
(Crédits de paiement, exprimés en millions(s) d'euros)
|
Montant des concours publics engagé par exercice |
||||
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
|
Budget européen PAC |
9 494 |
9 975 |
9 384 |
9 384 |
9 384 |
dont Paiements directs |
6 736 |
6 726 |
6 736 |
6 736 |
6 718 |
dont Programmes sectoriels et Mesures de marché |
640 |
640 |
640 |
640 |
658 |
dont deuxième pilier |
2 118 |
2 609 |
2 008 |
2 008 |
2 008 |
Budget État (Loi de finances initiale jusqu'en 2024 et projet de loi de finances pour 2025) |
5 418 |
5 444 |
6 479 |
7 507 |
7 243 |
dont budget mission AAFAR |
3 038 |
3 007 |
3 858 |
4 747 |
4 436 |
dont budget mission « enseignement secondaire » - programme 143 « enseignement technique agricole » |
1 483 |
1 527 |
1 596 |
1 696 |
1 731 |
dont budget mission MIRES (Programme 142) |
363 |
378 |
424 |
443 |
431 |
dont CAS DAR |
126 |
126 |
126 |
146 |
146 |
dont taxe fiscales affectées |
408 |
406 |
475 |
475 |
499 |
Allègement charges sociales et fiscales |
5 657 |
5 943 |
6 497 |
6 823 |
7 042 |
dont baisse des cotisations individuelles des exploitants |
283 |
278 |
280 |
290 |
302 |
dont allègements de cotisations patronales |
5 374 |
5 665 |
6 217 |
6 533 |
6 740 |
Autres dépenses fiscales |
2 315 |
2 695 |
2 310 |
2 239 |
2 172 |
dont dépenses fiscales agricoles |
2 059 |
2 513 |
2 127 |
2 048 |
1 981 |
dont dépenses fiscales forêt |
256 |
182 |
183 |
191 |
191 |
Compléments régionaux PAC |
284 |
283 |
400 |
400 |
400 |
Retraitement des données (double décompte social) |
- 207 |
- 130 |
- 561 |
- 578 |
- 612 |
Total agriculture crédits nationaux |
13 467 |
14 235 |
15 125 |
16 391 |
16 245 |
Total agriculture tous concours |
22 961 |
24 210 |
24 509 |
25 775 |
25 629 |
Source : Commission des finances du Sénat à partir de données fournies par le ministère de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt (MASAF)
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DE LA MISSION POUR 2025
Le contexte général que connaissent les acteurs du secteur agricole français est particulièrement morose et la mission AAFAR doit faire face au défi de concilier les fortes attentes liées aux enjeux et les moyens qui devront être optimisés.
Le secteur agricole est, en premier lieu, particulièrement sensible aux fortes tensions internationales du moment : impact de la crise ukrainienne sur les cours, tensions commerciales entre l'Europe et la Chine qui frappent déjà les spiritueux français2(*), incertitudes quant au degré de protectionnisme américain qui résultera de l'élection présidentielle du mois de novembre, craintes des professionnels sur la concurrence déloyale que pourrait engendrer l'entrée en vigueur d'un accord UE-MERCOSUR, etc.
En deuxième lieu, les aléas climatiques et sanitaires ont durement frappé les milieux agricoles ces dernières années : fortes précipitations depuis un an qui peuvent avoir un impact important sur certaines filières, d'où par exemple la diminution marquée ces derniers mois des récoltes de blé, multiplication des foyers contagieux et des abattages imposés, etc.
Par ailleurs, la situation économique générale (poussée inflationniste en 2023 et début 2024, hausse de l'épargne en raison des incertitudes sur l'avenir qui contribue à une baisse de la consommation, etc.) est défavorable au secteur.
Ce contexte exacerbe d'autant plus les tensions qu'approchent les élections des membres des 88 chambres d'agriculture départementales, interdépartementales ou territoriales et des 2 chambres d'agriculture de région sans chambre territoriale (Ile-de-France et Corse), prévues en janvier 2025, soit au moment même où le Parlement devrait reprendre l'examen du projet de loi d'orientation agricole.
Ce panorama d'ensemble ne contribue pas à relancer l'attractivité d'un secteur par ailleurs caractérisé par une forte diminution du nombre d'exploitants et d'exploitations3(*) et par un vieillissement des exploitants4(*) ainsi que le relevait la Cour des comptes dans une enquête remise à la commission des finances au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances5(*).
Comme l'ensemble des concours publics destinés à l'agriculture, les crédits de la mission pour 2025 sont particulièrement scrutés par les professionnels du secteur.
Ces crédits de la mission AAFAR seront répartis, en 2025, entre quatre programmes, le programme 382 « Protection animale » étant supprimé (cf. infra) :
- le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » qui porte les dispositifs d'aide aux filières agricoles et forestières, et les financements attribués par l'État en cofinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC) ;
- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » qui couvre pour l'essentiel, en dépit de son intitulé, des interventions visant à assurer la maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires affectant les animaux, les végétaux et les produits alimentaires, ne réservant qu'une faible partie de ses interventions à la sécurité sanitaire des aliments proprement dite ;
- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » est le programme support du ministère de l'agriculture et réunit la plupart des moyens nécessaires à la couverture des coûts de gestion des missions du ministère (en dehors de l'enseignement agricole qui est porté par le programme 143 « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire ») ;
- et enfin le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales », créé par la loi de finances pour 2023, qui est doté par l'affectation de mesures de transfert (les dépenses objets du programme bénéficiaient antérieurement de l'affectation d'une part des recettes de la TVA).
L'ancien programme 382 « Protection animale », qui avait également été créé par la loi de finances pour 2023, (330 000 euros exécutés en CP pour un million d'euros programmés), consacré aux soutiens aux associations de protection des animaux de toutes espèces (en complément d'une action existante du programme 206), ne figure donc plus dans l'architecture du projet de loi de finances pour 2025. Toutefois, les politiques publiques attachées à ce programme demeurent portées par la mission, dans le cadre du programme 206. Il faut préciser que la création de ce programme 382, à l'initiative de l'Assemblée nationale, pour des montants très limités, ne semblait pas indispensable. Ainsi que l'avaient relevé l'an dernier les rapporteurs spéciaux, elle risquait même de faire peser sur les services une charge de gestion administrative disproportionnée, ce que la seule année d'existence du programme a confirmé. Les rapporteurs spéciaux considèrent donc plus optimale l'architecture budgétaire 2025 comprenant quatre programmes.
A. UNE DIMINUTION DES MOYENS ALLOUÉS À LA MISSION PAR RAPPORT À L'ANNÉE 2024 PRINCIPALEMENT AU DÉTRIMENT DE LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE ET DES CONTRÔLES SUR L'ALIMENTATION
La mission est mobilisée en 2025 en vue de contribuer à l'objectif de redressement des finances publiques : le texte déposé par le Gouvernent à l'Assemblée nationale envisage une baisse des autorisations d'engagement de 13,46 % au global et une baisse des crédits de paiement de 6,56 %.
Par ailleurs, le Gouvernement a fait état de sa volonté, postérieurement au dépôt du PLF pour 2025 à l'Assemblée nationale, de réaliser 5 milliards d'euros supplémentaires d'économies, ce qui devrait se traduire par une diminution supplémentaire des CP de la mission de 98,282 millions d'euros. Un amendement en ce sens pourrait être déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale. D'après les informations recueillies, l'imputation de ces éventuelles économies supplémentaires pourrait toucher principalement le programme 149, à hauteur de 74 millions d'euros, le programme 206 pour 18 millions d'euros ainsi que le programme 215 pour 6,2 millions d'euros. Toutefois, la répartition entre les actions au sein des programmes n'est pas connue et les chiffres mentionnés dans le présent rapport ne tiennent donc pas compte de cet amendement.
1. La diminution des crédits de la mission en 2025 cache de fortes disparités entre les quatre programmes
Derrière cette réduction d'ensemble des moyens alloués à la mission se cachent de fortes disparités entre les quatre programmes : les deux principaux programmes en volume sont lourdement amputés par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2024 (- 20,92 % en AE pour le programme 149 et - 10,54 % pour le programme 206) tandis que les deux autres programmes voient leurs crédits revalorisés (+ 4,28 %, également en AE, sur le programme 215 et + 6,03 % sur le programme 381).
Le tableau ci-après récapitule les crédits alloués aux actions et aux sous-actions de chacun des quatre programmes en loi de finances initiale pour 2024 et dans le projet de loi de finances pour 2025 déposé à l'Assemblée nationale.
Autorisations d'engagement et crédits de
paiement par programme, action et sous-action |
||||||
Programme - Action - Sous-action |
Autorisations d'engagement LFI 2024 PLF 2025 |
Variation annuelle |
FdC et AdP attendus* |
Crédits de paiement LFI 2024 PLF 2025 |
Variation annuelle |
FdC et AdP attendus |
149 - Compétitivité et
durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et |
3 176 627 486 2 511 950 264 |
- 20,92 % |
2 735 854 589 2 458 472 665 |
- 10,14 % |
||
21 - Adaptation des filières à l'évolution des marchés |
269 847 420 251 564 254 |
- 6,78 % |
270 989 648 252 169 648 |
- 6,94 % |
||
22 - Gestion des crises et des aléas de la production agricole |
284 310 502 304 010 503 |
+ 6,93% |
282 172 527 302 872 528 |
+ 7,34 % |
||
23 - Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles |
111 404 993 110 904 993 |
- 0,45 % |
123 194 993 126 525 487 |
+ 2,70 % |
||
24 - Gestion équilibrée et durable des territoires |
548 371 551 520 671 551 |
- 5,05 % |
526 494 297 519 431 876 |
-1,34 % |
||
25 - Protection sociale |
155 420 000 163 920 000 |
+5,47 % |
155 420 000 163 920 000 |
+5,47 % |
||
26 - Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois |
298 431 310 295 431 309 |
- 1,01 % |
305 741 414 303 803 814 |
- 0,63 % |
||
27 - Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions |
477 841 710 492 838 807 |
+3,14 % |
477 841 710 492 838 807 |
+ 3,14 % |
||
29 - Planification écologique |
1 031 000 000 372 608 847 |
- 63,86 % |
594 000 000 296 910 505 |
- 50,02 % |
||
29-01 - Plan haies |
110 000 000 30 000 000 |
- 72,73 % |
45 000 000 30 000 000 |
- 33,33 % |
||
29-02 - Plan protéines |
100 000 000 |
- 100,00 % |
65 000 000 |
- 100,00 % |
||
29-03 - Diagnostic carbone |
32 000 000 |
- 100,00 % |
20 000 000 |
-100,00 % |
||
29-04 - Fonds en faveur de la
souveraineté alimentaire |
200 000 000 114 608 847 |
- 42,70 % |
25 000 000 71 608 847 |
+ 186,44% |
||
29-05 - Décarbonation en agriculture |
80 000 000 |
- 100,00 % |
80 000 000 |
- 100,00% |
||
29-06 - Soutien au renouvellement forestier |
250 000 000 228 000 000 |
- 8,80 % |
100 000 000 195 301 658 |
+ 95,30 % |
||
29-07 - Dynamisation de l'aval bois-matériaux |
200 000 000 |
- 100,00 % |
200 000 000 |
- 100,00 % |
||
29-08 - Défense des forêts contre les incendies (DFCI) |
34 000 000 |
- 100,00 % |
34 000 000 |
- 100,00 % |
||
29-09 - Graines et plants, et travaux forestiers |
10 000 000 |
- 100,00% |
10 000 000 |
- 100,00 % |
||
29-10 - Forêt en outre-mer |
15 000 000 |
- 100,00 % |
15 000 000 |
- 100,00 % |
||
206 - Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation |
1 036 116 696 926 923 512 |
- 10,54 % |
8 243 188 6 568 267 |
905 703 711 860 481 527 |
- 4,99 % |
8 243 188 6 568 267 |
01 - Santé, qualité et protection des végétaux |
41 181 243 34 473 200 |
- 16,29 % |
2 824 000 1 568 625 |
39 947 383 34 304 200 |
- 14,13 % |
2 824 000 1 568 625 |
02 - Lutte contre les maladies animales, protection et bien-être animal |
128 973 619 122 920 670 |
- 4,69 % |
3 419 188 1 829 616 |
125 345 666 122 920 670 |
- 1,93% |
3 419 188 1 829 616 |
03 - Sécurité sanitaire de l'alimentation |
118 722 635 112 272 579 |
- 5,43 % |
2 000 000 3 003 326 |
93 171 463 108 272 579 |
+ 16,21 % |
2 000 000 3 003 326 |
04 - Actions transversales |
96 008 557 126 086 557 |
+ 31,33 % |
96 008 557 118 632 564 |
+ 23,56 % |
||
05 - Élimination des cadavres et des sous- produits animaux |
4 000 000 4 000 000 |
4 000 000 4 000 000 |
||||
06 - Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation |
391 320 142 359 677 352 |
- 8,09 % |
391 320 142 359 677 352 |
- 8,09 % |
||
08 - Qualité de l'alimentation et offre alimentaire |
5 910 500 6 810 500 |
+ 15,23 % |
166 700 |
5 910 500 6 810 500 |
+ 15,23 % |
166 700 |
09 - Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires |
250 000 000 160 682 654 |
- 35,73 % |
150 000 000 105 863 662 |
- 29,42 % |
||
215 - Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture |
702 172 089 732 254 065 |
+ 4,28 % |
5 987 119 6 822 452 |
682 371 204 668 189 597 |
- 2,08 % |
5 987 119 6 822 452 |
01 - Moyens de l'administration centrale |
222 877 724 182 370 570 |
- 18,17 % |
556 031 562 976 |
228 978 050 183 722 523 |
- 19,76 % |
556 031 562 976 |
02 - Évaluation de l'impact des politiques publiques et information économique |
18 830 499 13 468 347 |
- 28,48 % |
2 288 318 3 070 083 |
18 830 499 12 468 347 |
- 33,79 % |
2 288 318 3 070 083 |
03 - Moyens des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, des directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer) |
335 735 607 380 581 476 |
+ 13,36 % |
2 569 624 2 217 449 |
335 939 843 380 785 714 |
+ 13,35 % |
2 569 624 2 217 449 |
04 - Moyens communs |
124 728 259 155 833 672 |
+ 24,94 % |
573 146 971 944 |
98 622 812 91 213 013 |
- 7,51 % |
573 146 971 944 |
381 - Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
423 000 000 448 500 000 |
+ 6,03 % |
423 000 000 448 500 000 |
+ 6,03 % |
||
01 - Allègements de cotisations et contributions sociales |
423 000 000 448 500 000 |
+ 6,03 % |
423 000 000 448 500 000 |
+ 6,03 % |
||
Totaux |
5 337 916 271 4 619 627 841 |
- 13,46 % |
14 230 307 13 390 719 |
4 746 929 504 4 435 643 789 |
- 6,56 % |
14 230 307 13 390 719 |
*FdC et AdP : fonds de concours et attributions de produits.
Source : programmes annuels de performance annexés au projet de loi de finances pour 2025
2. Des orientations qui conduisent en particulier à limiter les crédits alloués à la planification écologique et aux politiques de sécurité et de qualité sanitaire de l'alimentation
Dans l'ensemble, la diminution des moyens alloués à la mission budgétaire est donc importante. Cette diminution, d'environ 600 millions d'euros en tout en AE, est supportée essentiellement, en valeur absolue, sur les seules actions considérées comme pilotables par le ministère, c'est-à-dire :
- les actions qui portent la planification écologique, lesquelles absorbent une très grande part des économies demandées à la mission (par rapport à la LFI 2024, l'action 29 « Planification écologique » du programme 149 perd ainsi 600 millions d'euros en AE et 300 millions d'euros en CP et l'action 09 « Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires » du programme 206 voit son enveloppe réduite de 90 millions d'euros en AE et 45 millions d'euros en CP) ;
- et les politiques de sécurité et de qualité sanitaire de l'alimentation (l'action 06 « Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation » du programme 206 perd plus de 30 millions d'euros en AE comme en CP par rapport à la LFI pour 2024).
En effet, de nombreuses dépenses au sein de la mission ne sont pilotables qu'à la marge, qu'il s'agisse des co-financements européens (qui sont perdus si l'État renonce à sa part de la dépense), des dépenses de personnel (les missions du ministère ne se prêtent que très peu à une contractualisation de courte durée) ou des aides allouées dans le cadre de crises sanitaires ou climatiques dont on pourrait difficilement priver les exploitants concernés dans le contexte actuel.
Le Gouvernement a donc fait le choix, pour respecter le cadre budgétaire fixé, d'une option politique de court terme, qui sera probablement fortement débattue même s'il est vrai que les alternatives sont restreintes dans un ministère qui doit souvent privilégier la mobilisation rapide de moyens pour atténuer les effets des crises, plutôt que l'investissement durable. Les conséquences de ces choix sont commentées dans la deuxième partie du présent rapport consacrée aux crédits par programme.
De la réduction des crédits découle un net recul du verdissement de la mission. La loi de finances pour 2020 a prévu que le Gouvernement remette au Parlement, en annexe à chaque projet de loi de finances, un rapport consacré à « l'impact environnemental du budget ». Ce résultat est obtenu en comptabilisant « les crédits budgétaires, taxes affectées et dépenses fiscales ayant un impact favorable sur l'environnement ».
En l'espèce, le budget 2025 de la mission AAFAR porte un total de 1,87 milliard d'euros favorables à l'environnement répartis entre 1,43 milliard d'euros de crédits budgétaires et taxes affectées et 444 millions d'euros de dépenses fiscales, contre 2,3 milliards d'euros de crédits budgétaires et taxes affectées, et un peu moins de 500 millions de dépenses fiscales l'an dernier. Cela traduit un budget agricole et forestier moins engagé en matière environnementale en 2025 qu'en 2024. Ce choix, contraint par la situation budgétaire, contraste avec le PLF pour 2024 au cours duquel une action « planification écologique » avait été créée dans chacun des programmes 149 et 206.
Concernant le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt », ce sont 1,04 milliard d'euros qui avaient été ouverts en AE comme en CP en 2024, au sein de dix sous-actions menées dans le cadre de la lutte contre le dérèglement climatique et afin d'atténuer ses effets notamment par la décarbonation, mais aussi en réduisant la pression sur la biodiversité et en gérant mieux les ressources naturelles (cf. infra pour le détail de chacun des programmes).
Au sein du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », l'action 09, créée en 2024, est consacrée à la planification écologique. Alors qu'elle avait été dotée de 250 millions d'euros en AE et 150 millions d'euros en CP, consacrés à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, les crédits ouverts chutent respectivement à 160,7 millions d'euros et 105,8 millions d'euros en 2025 (cf. infra).
3. Après une forte revalorisation de ses moyens en 2024, la diminution envisagée pour 2025 se traduit par le retour à un niveau de crédits proche de celui exécuté en 2023
La diminution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement alloués à la mission pour 2025, même si elle est importante, doit être nuancée. Outre le maintien (évoqué supra) du total des concours publics alloués à l'agriculture en 2025 grâce à l'effort fiscal et social consenti via la première partie du PLF et via le PLFSS en cours d'examen par le Parlement, il faut souligner que la diminution est consécutive à une année 2024 qui avait mobilisé un niveau tout à fait exceptionnel de crédits en loi de finance initiale. Certes, une partie de ces crédits, au cours de l'année 2024, a fait l'objet d'annulation6(*) sans compter le recours au gel et au surgel en cette fin d'année 2024, mais si' l'on s'en tient au périmètre du total des crédits ouverts, le montant de l'enveloppe consacré à l'agriculture est sensiblement équivalent au dernier exercice intégralement exécuté, c'est-à-dire 2023.
Interrogé sur la baisse du niveau des AE et des CP, et sur les conséquences que cela pourrait avoir sur les politiques publiques menées, le cabinet de la ministre a ainsi indiqué aux rapporteurs spéciaux que seule une comparaison entre les textes initiaux de 2022 et 2023, d'une part, et 2025, d'autre part, était pertinente en insistant sur le fait que l'année 2024 avait concentré des efforts exceptionnels et n'était pas représentative des moyens habituellement alloués.
Le cabinet a confirmé cette position par écrit : « Les crédits alloués à la mission AAFAR dans le cadre du PLF 2025 connaissent une augmentation de 52,5 % en AE et 47,6 % en CP comparativement aux montants PLF 2022 et de 19 % en AE et de 15 % en CP par rapport aux montants PLF 20237(*). »
Les rapporteurs spéciaux conviennent du caractère exceptionnel de l'année 2024 au regard des budgets antérieurs. Il leur semble, en revanche, que la comparaison du PLF 2025 avec les lois de finances initiales de 2022 et 2023 n'est pas opportune, dans la mesure où l'insuffisance des crédits votés initialement lors de ces exercices 2022 et 2023, avait entraîné des ouvertures massives de crédits en cours d'exercice, en AE comme en CP, comme l'illustre le tableau ci-après.
Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires » entre la loi de finances initiale et les crédits effectivement exécutés en 2022 et 2023
(en millions d'euros et en pourcentage)
2022 |
2023 |
Exécution / LFI 2023 |
Exécution 2023/2022 |
|||||||||||
LFI |
Exécution |
LFI |
Exécution |
en volume |
en % |
en volume |
en % |
|||||||
177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
AE |
2 785,8 |
2 976,4 |
+ 6,8 % |
2 825,8 |
3 068,7 |
+ 242,9 |
+ 8,6 % |
+ 92,3 |
+ 3,1 % |
||||
CP |
2 677,5 |
2 885,4 |
+ 7,8 % |
2 850,6 |
3 076,5 |
+ 225,9 |
+ 7,9 % |
+ 191,1 |
+ 6,6 % |
|||||
109 - Aide à l'accès au logement |
AE |
13 079,4 |
13 078,5 |
- 0,0 % |
13 371,3 |
13 290,8 |
- 80,5 |
- 0,6 % |
+ 212,3 |
+ 1,6 % |
||||
CP |
13 079,4 |
13 079,4 |
- 0,0 % |
13 371,3 |
13 290,8 |
- 80,5 |
- 0,6 % |
+ 211,4 |
+ 1,6 % |
|||||
135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat |
AE |
1 064,5 |
962,1 |
- 9,6 % |
1 567,1 |
1 395,6 |
- 171,5 |
- 10,9 % |
+ 433,5 |
+ 45,1 % |
||||
CP |
1 064,5 |
891,7 |
- 16,2 % |
1 145,8 |
1 089,2 |
- 56,6 |
- 4,9 % |
+ 197,5 |
+ 22,1 % |
|||||
112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire |
AE |
282,2 |
382,5 |
+ 35,6 % |
380,8 |
396,8 |
+ 16,1 |
+ 4,2 % |
+ 14,3 |
+ 3,7 % |
||||
CP |
284,9 |
338,0 |
+ 18,6 % |
313,8 |
340,1 |
+ 26,3 |
+ 8,4 % |
+ 2,1 |
+ 0,6 % |
|||||
147 - Politique de la ville |
AE |
558,3 |
551,5 |
- 1,2 % |
597,9 |
565,4 |
- 32,5 |
- 5,4 % |
+ 13,9 |
+ 2,5 % |
||||
CP |
558,3 |
551,8 |
- 1,2 % |
597,9 |
565,5 |
- 32,4 |
- 5,4 % |
+ 13,7 |
+ 2,5 % |
|||||
162 - Interventions territoriales de l'État |
AE |
147,1 |
328,1 |
+ 123,0 % |
158,0 |
116,4 |
- 41,6 |
- 26,4 % |
- 211,7 |
- 64,5 % |
||||
CP |
176,4 |
137,7 |
- 21,9 % |
104,5 |
148,5 |
+ 44,0 |
+ 42,1 % |
+ 10,8 |
+ 7,8 % |
|||||
Total mission |
AE |
17 917,4 |
18 279,1 |
+ 2,0 % |
18 900,9 |
18 833,7 |
- 67,1 |
- 0,4 % |
+ 554,6 |
+ 3,0 % |
||||
CP |
17 841,1 |
17 884,0 |
+ 0,2 % |
18 383,8 |
18 510,6 |
+ 126,8 |
+ 0,7 % |
+ 626,6 |
+ 3,5 % |
Note : AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI : budgétisation en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement ou de résultats de la gestion.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les rapporteurs spéciaux ont d'ailleurs rappelé, à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des Comptes de l'État pour 20238(*), que les crédits de la mission AAFAR votés en lois de finances initiale en 2022 et 2023 ne pouvait en aucun cas servir de référence.
Ils considèrent donc qu'en aucune manière on ne peut prétendre que la mission AAFAR bénéficierait d'une revalorisation de ses crédits dans le PLF pour 2025 par rapport aux exercices 2022 et 2023. Pour apprécier objectivement le niveau des crédits 2025, les rapporteurs spéciaux ont donc choisi d'opérer une comparaison entre les crédits exécutés en 2023 et le PLF pour 2025.
Il apparaît alors que le niveau total des autorisations d'engagement et des crédits de paiement pour la mission AAFAR dans le PLF déposé pour 2025 est proche des moyens effectivement consommés en 2023, même si la répartition par programme diffère.
Ainsi, en autorisations d'engagement, les moyens ouverts pour 2025 par rapport aux moyens effectivement consommés en 2023 diminuent de « seulement » 1,66 %.
Les autorisations d'engagement par programme : exécution 2023 et PLF pour 2025
(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)
Source : commission des finances du Sénat
En crédits de paiement, la baisse des moyens pour 2025 par rapport aux moyens effectivement consommés en 2023 est de 5,79 %, là aussi avec des différences entre les programmes qu'illustre le graphique ci-après.
Les crédits de paiement par programmes : exécution 2023 et PLF pour 2025
(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)
Source : Commission des finances du Sénat
S'agissant toujours des crédits de paiement, le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » bénéficierait donc de 2,46 milliards d'euros en 2025 contre 2,87 milliards d'euros exécutés en 2023 (ce montant exécuté était de 3,28 milliards d'euros en 2022, de 2,38 milliards d'euros en 2021 et de 1,71 milliard d'euros en 2020).
Les trois autres programmes voient leurs crédits de paiement ouverts pour 2025 dépasser le montant exécuté en 2023. Pour le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », les quelque 860 millions d'euros ouverts en CP pour 2025 sont à mettre en regard avec les 770,29 millions d'euros exécutés en 2023 (en exécution, les CP s'élevaient à 791,68 millions d'euros en 2022, 608,3 millions d'euros en 2021 et 555,6 millions d'euros en 2020).
S'agissant du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », qui bénéficiera en 2025 de 668 millions d'euros, c'est même une hausse de 11,8 % par rapport aux 597,4 millions d'euros exécutés en CP en 2023 ;
Il en est de même pour le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales » : avec 449 millions d'euros ouverts en CP pour 2025, le programme disposera de 3,7 % de crédits supplémentaires par rapport à la dépense constatée de 433 millions d'euros en CP 2023.
* 1 Le projet de loi de finances ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 portent des dispositifs très attendus par le secteur agricole comme la prise en compte des 25 meilleures années dans le calcul des pensions de retraite, la non-imposition sous condition de 30 % des reprises de dotation pour épargne de précaution, la transformation de la dotation pour stock de vaches en une provision comptable ainsi que des avantages fiscaux destinés à favoriser la transmission de patrimoine vers les jeunes agriculteurs.
* 2 La Fédération française des spiritueux a fait valoir, lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, le fait que « l'instauration de droits supplémentaires sur les eaux de vie de vin en Chine et le retour possible de droits supplémentaires aux Etats-Unis met en péril les deux-tiers de la valeur exportée ».
* 3 En moins de soixante-dix ans, le nombre d'exploitants a été divisé par cinq : de plus de 2,5 millions en 1955, le nombre d'exploitants est passé à 764 000 en 2000 puis à 496 000 en 2020. Corollaire de cette évolution, le nombre d'exploitations agricoles diminue fortement pour se situer en France métropolitaine à 389 000 en 2020.
* 4 43 % des exploitants sont à l'heure actuelle âgés de 55 ans ou plus, et susceptibles de partir à la retraite d'ici à 2033. L'âge moyen des agriculteurs français est ainsi passé de 50,2 ans en 2010 à 51,4 ans en 2020, année du dernier recensement agricole.
* 5 Cour des comptes, La politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, communication à la commission des finances du Sénat, avril 2023.
* 6 Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a abouti à l'annulation, en AE comme en CP de 60 011 065 euros sur le programme 215 et de 10 512 570 euros sur le programme 206.
* 7 Réponse apportée par le cabinet de la ministre à la suite d'un questionnaire complémentaire des rapporteurs spéciaux postérieur à l'audition.
* 8 Rapport n° 34, tome II, annexe 3 (2024-2025) de MM. Christian KLINGER et Victorin LUREL, déposé le 16 octobre 2024 : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », annexé au rapport du Rapporteur général sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des Comptes de l'État pour 2023.