PREMIÈRE PARTIE
UNE DIMINUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT
ET AFFAIRES RURALES » (AAFAR) AFIN DE CONTRIBUER AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Comme d'autres missions budgétaires, la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) ne couvre que partiellement les moyens correspondant à l'effort budgétaire consenti à destination des politiques publiques qu'elle vise.

En effet, en examinant cette mission, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ne sont formellement saisis que d'un cinquième environ des dépenses destinées au secteur agricole entendu au sens large. Le total des dépenses publiques en direction de l'agriculture, qui s'élèvera en 2025 à environ 25,6 milliards d'euros, contre 25,7 milliards d'euros en 2024 selon les montants communiqués par le Ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA), comprend en effet, en sus des dépenses budgétaires de la mission à proprement parler et du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CAS DAR), 21,2 milliards d'euros de concours publics à l'agriculture.

La part de la mission dans le total des concours publics consacrés en 2025 à l'agriculture recule toutefois en raison de la diminution des crédits qui lui sont alloués (4,62 milliards d'euros en autorisations d'engagement contre 5,37 milliards votés en LFI 2024) du fait notamment de la forte baisse des crédits réellement pilotables - à savoir ceux consacrés à la planification écologique.

Les rapporteurs spéciaux tiennent, à titre liminaire, à nuancer considérablement cette diminution, bien qu'elle paraisse importante si l'on se contente de comparer le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 et la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

D'une part, l'effort demandé à la mission en vue de contribuer au redressement des finances publiques est moindre que celui demandé à d'autres missions et demeure mesuré au regard du contexte budgétaire très contraint.

D'autre part, les crédits alloués à la mission dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2024 traduisaient un effort considérable de la part de l'État sur la politique agricole, le budget 2025 revenant dans une lignée très proche des budgets antérieurs. Enfin, il faut noter que l'État, au global, compense partiellement la baisse affichée des crédits de la mission par un effort supplémentaire en termes de dépenses fiscales et sociales au travers de dispositifs qui étaient très attendus1(*).

La répartition de ces différents concours publics, par exercice depuis 2021, est récapitulée dans le tableau ci-après.

Concours publics à l'agriculture, l'alimentation et à la forêt

(Crédits de paiement, exprimés en millions(s) d'euros)

 

Montant des concours publics engagé par exercice

2021

2022

2023

2024

2025

Budget européen PAC

9 494

9 975

9 384

9 384

9 384

dont Paiements directs

6 736

6 726

6 736

6 736

6 718

dont Programmes sectoriels et Mesures de marché

640

640

640

640

658

dont deuxième pilier

2 118

2 609

2 008

2 008

2 008

Budget État (Loi de finances initiale jusqu'en 2024 et projet de loi de finances pour 2025)

5 418

5 444

6 479

7 507

7 243

dont budget mission AAFAR

3 038

3 007

3 858

4 747

4 436

dont budget mission « enseignement secondaire » - programme 143 « enseignement technique agricole »

1 483

1 527

1 596

1 696

1 731

dont budget mission MIRES (Programme 142)

363

378

424

443

431

dont CAS DAR

126

126

126

146

146

dont taxe fiscales affectées

408

406

475

475

499

Allègement charges sociales et fiscales

5 657

5 943

6 497

6 823

7 042

dont baisse des cotisations individuelles des exploitants

283

278

280

290

302

dont allègements de cotisations patronales

5 374

5 665

6 217

6 533

6 740

Autres dépenses fiscales

2 315

2 695

2 310

2 239

2 172

dont dépenses fiscales agricoles

2 059

2 513

2 127

2 048

1 981

dont dépenses fiscales forêt

256

182

183

191

191

Compléments régionaux PAC

284

283

400

400

400

Retraitement des données (double décompte social)

- 207

- 130

- 561

- 578

- 612

Total agriculture crédits nationaux

13 467

14 235

15 125

16 391

16 245

Total agriculture tous concours

22 961

24 210

24 509

25 775

25 629

Source : Commission des finances du Sénat à partir de données fournies par le ministère de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt (MASAF)

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DE LA MISSION POUR 2025

Le contexte général que connaissent les acteurs du secteur agricole français est particulièrement morose et la mission AAFAR doit faire face au défi de concilier les fortes attentes liées aux enjeux et les moyens qui devront être optimisés.

Le secteur agricole est, en premier lieu, particulièrement sensible aux fortes tensions internationales du moment : impact de la crise ukrainienne sur les cours, tensions commerciales entre l'Europe et la Chine qui frappent déjà les spiritueux français2(*), incertitudes quant au degré de protectionnisme américain qui résultera de l'élection présidentielle du mois de novembre, craintes des professionnels sur la concurrence déloyale que pourrait engendrer l'entrée en vigueur d'un accord UE-MERCOSUR, etc.

En deuxième lieu, les aléas climatiques et sanitaires ont durement frappé les milieux agricoles ces dernières années : fortes précipitations depuis un an qui peuvent avoir un impact important sur certaines filières, d'où par exemple la diminution marquée ces derniers mois des récoltes de blé, multiplication des foyers contagieux et des abattages imposés, etc.

Par ailleurs, la situation économique générale (poussée inflationniste en 2023 et début 2024, hausse de l'épargne en raison des incertitudes sur l'avenir qui contribue à une baisse de la consommation, etc.) est défavorable au secteur.

Ce contexte exacerbe d'autant plus les tensions qu'approchent les élections des membres des 88 chambres d'agriculture départementales, interdépartementales ou territoriales et des 2 chambres d'agriculture de région sans chambre territoriale (Ile-de-France et Corse), prévues en janvier 2025, soit au moment même où le Parlement devrait reprendre l'examen du projet de loi d'orientation agricole.

Ce panorama d'ensemble ne contribue pas à relancer l'attractivité d'un secteur par ailleurs caractérisé par une forte diminution du nombre d'exploitants et d'exploitations3(*) et par un vieillissement des exploitants4(*) ainsi que le relevait la Cour des comptes dans une enquête remise à la commission des finances au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances5(*).

Comme l'ensemble des concours publics destinés à l'agriculture, les crédits de la mission pour 2025 sont particulièrement scrutés par les professionnels du secteur.

Ces crédits de la mission AAFAR seront répartis, en 2025, entre quatre programmes, le programme 382 « Protection animale » étant supprimé (cf. infra) :

le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » qui porte les dispositifs d'aide aux filières agricoles et forestières, et les financements attribués par l'État en cofinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC) ;

- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » qui couvre pour l'essentiel, en dépit de son intitulé, des interventions visant à assurer la maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires affectant les animaux, les végétaux et les produits alimentaires, ne réservant qu'une faible partie de ses interventions à la sécurité sanitaire des aliments proprement dite ;

- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » est le programme support du ministère de l'agriculture et réunit la plupart des moyens nécessaires à la couverture des coûts de gestion des missions du ministère (en dehors de l'enseignement agricole qui est porté par le programme 143 « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire ») ;

- et enfin le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales », créé par la loi de finances pour 2023, qui est doté par l'affectation de mesures de transfert (les dépenses objets du programme bénéficiaient antérieurement de l'affectation d'une part des recettes de la TVA).

L'ancien programme 382 « Protection animale », qui avait également été créé par la loi de finances pour 2023, (330 000 euros exécutés en CP pour un million d'euros programmés), consacré aux soutiens aux associations de protection des animaux de toutes espèces (en complément d'une action existante du programme 206), ne figure donc plus dans l'architecture du projet de loi de finances pour 2025. Toutefois, les politiques publiques attachées à ce programme demeurent portées par la mission, dans le cadre du programme 206. Il faut préciser que la création de ce programme 382, à l'initiative de l'Assemblée nationale, pour des montants très limités, ne semblait pas indispensable. Ainsi que l'avaient relevé l'an dernier les rapporteurs spéciaux, elle risquait même de faire peser sur les services une charge de gestion administrative disproportionnée, ce que la seule année d'existence du programme a confirmé. Les rapporteurs spéciaux considèrent donc plus optimale l'architecture budgétaire 2025 comprenant quatre programmes.

A. UNE DIMINUTION DES MOYENS ALLOUÉS À LA MISSION PAR RAPPORT À L'ANNÉE 2024 PRINCIPALEMENT AU DÉTRIMENT DE LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE ET DES CONTRÔLES SUR L'ALIMENTATION

La mission est mobilisée en 2025 en vue de contribuer à l'objectif de redressement des finances publiques : le texte déposé par le Gouvernent à l'Assemblée nationale envisage une baisse des autorisations d'engagement de 13,46 % au global et une baisse des crédits de paiement de 6,56 %.

Par ailleurs, le Gouvernement a fait état de sa volonté, postérieurement au dépôt du PLF pour 2025 à l'Assemblée nationale, de réaliser 5 milliards d'euros supplémentaires d'économies, ce qui devrait se traduire par une diminution supplémentaire des CP de la mission de 98,282 millions d'euros. Un amendement en ce sens pourrait être déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale. D'après les informations recueillies, l'imputation de ces éventuelles économies supplémentaires pourrait toucher principalement le programme 149, à hauteur de 74 millions d'euros, le programme 206 pour 18 millions d'euros ainsi que le programme 215 pour 6,2 millions d'euros. Toutefois, la répartition entre les actions au sein des programmes n'est pas connue et les chiffres mentionnés dans le présent rapport ne tiennent donc pas compte de cet amendement.

1. La diminution des crédits de la mission en 2025 cache de fortes disparités entre les quatre programmes

Derrière cette réduction d'ensemble des moyens alloués à la mission se cachent de fortes disparités entre les quatre programmes : les deux principaux programmes en volume sont lourdement amputés par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2024 (- 20,92 % en AE pour le programme 149 et - 10,54 % pour le programme 206) tandis que les deux autres programmes voient leurs crédits revalorisés (+ 4,28 %, également en AE, sur le programme 215 et + 6,03 % sur le programme 381).

Le tableau ci-après récapitule les crédits alloués aux actions et aux sous-actions de chacun des quatre programmes en loi de finances initiale pour 2024 et dans le projet de loi de finances pour 2025 déposé à l'Assemblée nationale.

Autorisations d'engagement et crédits de paiement par programme, action et sous-action
pour 2024 et 2025

Programme - Action - Sous-action

Autorisations d'engagement

LFI 2024

PLF 2025

Variation annuelle

FdC et AdP attendus*

Crédits de paiement

LFI 2024

PLF 2025

Variation annuelle

FdC et AdP attendus

149 - Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et
de la forêt

3 176 627 486

2 511 950 264

- 20,92 %

 

2 735 854 589

2 458 472 665

- 10,14 %

 

21 - Adaptation des filières à l'évolution des marchés

269 847 420

251 564 254

- 6,78 %

 

270 989 648

252 169 648

- 6,94 %

 

22 - Gestion des crises et des aléas de la production agricole

284 310 502

304 010 503

+ 6,93%

 

282 172 527

302 872 528

+ 7,34 %

 

23 - Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles

111 404 993

110 904 993

- 0,45 %

 

123 194 993

126 525 487

+ 2,70 %

 

24 - Gestion équilibrée et durable des territoires

548 371 551

520 671 551

- 5,05 %

 

526 494 297

519 431 876

-1,34 %

 

25 - Protection sociale

155 420 000

163 920 000

+5,47 %

 

155 420 000

163 920 000

+5,47 %

 

26 - Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois

298 431 310

295 431 309

- 1,01 %

 

305 741 414

303 803 814

- 0,63 %

 

27 - Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions

477 841 710

492 838 807

+3,14 %

 

477 841 710

492 838 807

+ 3,14 %

 

29 - Planification écologique

1 031 000 000

372 608 847

- 63,86 %

 

594 000 000

296 910 505

- 50,02 %

 

29-01 - Plan haies

110 000 000

30 000 000

- 72,73 %

 

45 000 000

30 000 000

- 33,33 %

 

29-02 - Plan protéines

100 000 000

- 100,00 %

 

65 000 000

- 100,00 %

 

29-03 - Diagnostic carbone

32 000 000

- 100,00 %

 

20 000 000

-100,00 %

 

29-04 - Fonds en faveur de la souveraineté alimentaire
et des transitions

200 000 000

114 608 847

- 42,70 %

 

25 000 000

71 608 847

+ 186,44%

 

29-05 - Décarbonation en agriculture

80 000 000

- 100,00 %

 

80 000 000

- 100,00%

 

29-06 - Soutien au renouvellement forestier

250 000 000

228 000 000

- 8,80 %

 

100 000 000

195 301 658

+ 95,30 %

 

29-07 - Dynamisation de l'aval bois-matériaux

200 000 000

- 100,00 %

 

200 000 000

- 100,00 %

 

29-08 - Défense des forêts contre les incendies (DFCI)

34 000 000

- 100,00 %

 

34 000 000

- 100,00 %

 

29-09 - Graines et plants, et travaux forestiers

10 000 000

- 100,00%

 

10 000 000

- 100,00 %

 

29-10 - Forêt en outre-mer

15 000 000

- 100,00 %

 

15 000 000

- 100,00 %

 

206 - Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

1 036 116 696

926 923 512

- 10,54 %

8 243 188

6 568 267

905 703 711

860 481 527

- 4,99 %

8 243 188

6 568 267

01 - Santé, qualité et protection des végétaux

41 181 243

34 473 200

- 16,29 %

2 824 000

1 568 625

39 947 383

34 304 200

- 14,13 %

2 824 000

1 568 625

02 - Lutte contre les maladies animales, protection et bien-être animal

128 973 619

122 920 670

- 4,69 %

3 419 188

1 829 616

125 345 666

122 920 670

- 1,93%

3 419 188

1 829 616

03 - Sécurité sanitaire de l'alimentation

118 722 635

112 272 579

- 5,43 %

2 000 000

3 003 326

93 171 463

108 272 579

+ 16,21 %

2 000 000

3 003 326

04 - Actions transversales

96 008 557

126 086 557

+ 31,33 %

 

96 008 557

118 632 564

+ 23,56 %

 

05 - Élimination des cadavres et des sous- produits animaux

4 000 000

4 000 000

   

4 000 000

4 000 000

   

06 - Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation

391 320 142

359 677 352

- 8,09 %

 

391 320 142

359 677 352

- 8,09 %

 

08 - Qualité de l'alimentation et offre alimentaire

5 910 500

6 810 500

+ 15,23 %

166 700

5 910 500

6 810 500

+ 15,23 %

166 700

09 - Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires

250 000 000

160 682 654

- 35,73 %

 

150 000 000

105 863 662

- 29,42 %

 

215 - Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

702 172 089

732 254 065

+ 4,28 %

5 987 119

6 822 452

682 371 204

668 189 597

- 2,08 %

5 987 119

6 822 452

01 - Moyens de l'administration centrale

222 877 724

182 370 570

- 18,17 %

556 031

562 976

228 978 050

183 722 523

- 19,76 %

556 031

562 976

02 - Évaluation de l'impact des politiques publiques et information économique

18 830 499

13 468 347

- 28,48 %

2 288 318

3 070 083

18 830 499

12 468 347

- 33,79 %

2 288 318

3 070 083

03 - Moyens des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, des directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer)

335 735 607

380 581 476

+ 13,36 %

2 569 624

2 217 449

335 939 843

380 785 714

+ 13,35 %

2 569 624

2 217 449

04 - Moyens communs

124 728 259

155 833 672

+ 24,94 %

573 146

971 944

98 622 812

91 213 013

- 7,51 %

573 146

971 944

381 - Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

423 000 000

448 500 000

+ 6,03 %

 

423 000 000

448 500 000

+ 6,03 %

 

01 - Allègements de cotisations et contributions sociales

423 000 000

448 500 000

+ 6,03 %

 

423 000 000

448 500 000

+ 6,03 %

 

Totaux

5 337 916 271

4 619 627 841

- 13,46 %

14 230 307

13 390 719

4 746 929 504

4 435 643 789

- 6,56 %

14 230 307

13 390 719

*FdC et AdP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : programmes annuels de performance annexés au projet de loi de finances pour 2025

2. Des orientations qui conduisent en particulier à limiter les crédits alloués à la planification écologique et aux politiques de sécurité et de qualité sanitaire de l'alimentation

Dans l'ensemble, la diminution des moyens alloués à la mission budgétaire est donc importante. Cette diminution, d'environ 600 millions d'euros en tout en AE, est supportée essentiellement, en valeur absolue, sur les seules actions considérées comme pilotables par le ministère, c'est-à-dire :

- les actions qui portent la planification écologique, lesquelles absorbent une très grande part des économies demandées à la mission (par rapport à la LFI 2024, l'action 29 « Planification écologique » du programme 149 perd ainsi 600 millions d'euros en AE et 300 millions d'euros en CP et l'action 09 « Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires » du programme 206 voit son enveloppe réduite de 90 millions d'euros en AE et 45 millions d'euros en CP) ;

- et les politiques de sécurité et de qualité sanitaire de l'alimentation (l'action 06 « Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation » du programme 206 perd plus de 30 millions d'euros en AE comme en CP par rapport à la LFI pour 2024).

En effet, de nombreuses dépenses au sein de la mission ne sont pilotables qu'à la marge, qu'il s'agisse des co-financements européens (qui sont perdus si l'État renonce à sa part de la dépense), des dépenses de personnel (les missions du ministère ne se prêtent que très peu à une contractualisation de courte durée) ou des aides allouées dans le cadre de crises sanitaires ou climatiques dont on pourrait difficilement priver les exploitants concernés dans le contexte actuel.

Le Gouvernement a donc fait le choix, pour respecter le cadre budgétaire fixé, d'une option politique de court terme, qui sera probablement fortement débattue même s'il est vrai que les alternatives sont restreintes dans un ministère qui doit souvent privilégier la mobilisation rapide de moyens pour atténuer les effets des crises, plutôt que l'investissement durable. Les conséquences de ces choix sont commentées dans la deuxième partie du présent rapport consacrée aux crédits par programme.

De la réduction des crédits découle un net recul du verdissement de la mission. La loi de finances pour 2020 a prévu que le Gouvernement remette au Parlement, en annexe à chaque projet de loi de finances, un rapport consacré à « l'impact environnemental du budget ». Ce résultat est obtenu en comptabilisant « les crédits budgétaires, taxes affectées et dépenses fiscales ayant un impact favorable sur l'environnement ».

En l'espèce, le budget 2025 de la mission AAFAR porte un total de 1,87 milliard d'euros favorables à l'environnement répartis entre 1,43 milliard d'euros de crédits budgétaires et taxes affectées et 444 millions d'euros de dépenses fiscales, contre 2,3 milliards d'euros de crédits budgétaires et taxes affectées, et un peu moins de 500 millions de dépenses fiscales l'an dernier. Cela traduit un budget agricole et forestier moins engagé en matière environnementale en 2025 qu'en 2024. Ce choix, contraint par la situation budgétaire, contraste avec le PLF pour 2024 au cours duquel une action « planification écologique » avait été créée dans chacun des programmes 149 et 206.

Concernant le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt », ce sont 1,04 milliard d'euros qui avaient été ouverts en AE comme en CP en 2024, au sein de dix sous-actions menées dans le cadre de la lutte contre le dérèglement climatique et afin d'atténuer ses effets notamment par la décarbonation, mais aussi en réduisant la pression sur la biodiversité et en gérant mieux les ressources naturelles (cf. infra pour le détail de chacun des programmes).

Au sein du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », l'action 09, créée en 2024, est consacrée à la planification écologique. Alors qu'elle avait été dotée de 250 millions d'euros en AE et 150 millions d'euros en CP, consacrés à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, les crédits ouverts chutent respectivement à 160,7 millions d'euros et 105,8 millions d'euros en 2025 (cf. infra).

3. Après une forte revalorisation de ses moyens en 2024, la diminution envisagée pour 2025 se traduit par le retour à un niveau de crédits proche de celui exécuté en 2023

La diminution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement alloués à la mission pour 2025, même si elle est importante, doit être nuancée. Outre le maintien (évoqué supra) du total des concours publics alloués à l'agriculture en 2025 grâce à l'effort fiscal et social consenti via la première partie du PLF et via le PLFSS en cours d'examen par le Parlement, il faut souligner que la diminution est consécutive à une année 2024 qui avait mobilisé un niveau tout à fait exceptionnel de crédits en loi de finance initiale. Certes, une partie de ces crédits, au cours de l'année 2024, a fait l'objet d'annulation6(*) sans compter le recours au gel et au surgel en cette fin d'année 2024, mais si' l'on s'en tient au périmètre du total des crédits ouverts, le montant de l'enveloppe consacré à l'agriculture est sensiblement équivalent au dernier exercice intégralement exécuté, c'est-à-dire 2023.

Interrogé sur la baisse du niveau des AE et des CP, et sur les conséquences que cela pourrait avoir sur les politiques publiques menées, le cabinet de la ministre a ainsi indiqué aux rapporteurs spéciaux que seule une comparaison entre les textes initiaux de 2022 et 2023, d'une part, et 2025, d'autre part, était pertinente en insistant sur le fait que l'année 2024 avait concentré des efforts exceptionnels et n'était pas représentative des moyens habituellement alloués.

Le cabinet a confirmé cette position par écrit : « Les crédits alloués à la mission AAFAR dans le cadre du PLF 2025 connaissent une augmentation de 52,5 % en AE et 47,6 % en CP comparativement aux montants PLF 2022 et de 19 % en AE et de 15 % en CP par rapport aux montants PLF 20237(*). »

Les rapporteurs spéciaux conviennent du caractère exceptionnel de l'année 2024 au regard des budgets antérieurs. Il leur semble, en revanche, que la comparaison du PLF 2025 avec les lois de finances initiales de 2022 et 2023 n'est pas opportune, dans la mesure où l'insuffisance des crédits votés initialement lors de ces exercices 2022 et 2023, avait entraîné des ouvertures massives de crédits en cours d'exercice, en AE comme en CP, comme l'illustre le tableau ci-après.

Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires » entre la loi de finances initiale et les crédits effectivement exécutés en 2022 et 2023

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

2022

2023

Exécution / LFI 2023

Exécution 2023/2022

   

LFI

Exécution

LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

2 785,8

2 976,4

+ 6,8 %

2 825,8

3 068,7

+ 242,9

+ 8,6 %

+ 92,3

+ 3,1 %

CP

2 677,5

2 885,4

+ 7,8 %

2 850,6

3 076,5

+ 225,9

+ 7,9 %

+ 191,1

+ 6,6 %

109 - Aide à l'accès au logement

AE

13 079,4

13 078,5

- 0,0 %

13 371,3

13 290,8

- 80,5

- 0,6 %

+ 212,3

+ 1,6 %

CP

13 079,4

13 079,4

- 0,0 %

13 371,3

13 290,8

- 80,5

- 0,6 %

+ 211,4

+ 1,6 %

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

1 064,5

962,1

- 9,6 %

1 567,1

1 395,6

- 171,5

- 10,9 %

+ 433,5

+ 45,1 %

CP

1 064,5

891,7

- 16,2 %

1 145,8

1 089,2

- 56,6

- 4,9 %

+ 197,5

+ 22,1 %

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

282,2

382,5

+ 35,6 %

380,8

396,8

+ 16,1

+ 4,2 %

+ 14,3

+ 3,7 %

CP

284,9

338,0

+ 18,6 %

313,8

340,1

+ 26,3

+ 8,4 %

+ 2,1

+ 0,6 %

147 - Politique de la ville

AE

558,3

551,5

- 1,2 %

597,9

565,4

- 32,5

- 5,4 %

+ 13,9

+ 2,5 %

CP

558,3

551,8

- 1,2 %

597,9

565,5

- 32,4

- 5,4 %

+ 13,7

+ 2,5 %

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

147,1

328,1

+ 123,0 %

158,0

116,4

- 41,6

- 26,4 %

- 211,7

- 64,5 %

CP

176,4

137,7

- 21,9 %

104,5

148,5

+ 44,0

+ 42,1 %

+ 10,8

+ 7,8 %

Total mission

AE

17 917,4

18 279,1

+ 2,0 %

18 900,9

18 833,7

- 67,1

- 0,4 %

+ 554,6

+ 3,0 %

CP

17 841,1

17 884,0

+ 0,2 %

18 383,8

18 510,6

+ 126,8

+ 0,7 %

+ 626,6

+ 3,5 %

Note : AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI : budgétisation en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement ou de résultats de la gestion.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux ont d'ailleurs rappelé, à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des Comptes de l'État pour 20238(*), que les crédits de la mission AAFAR votés en lois de finances initiale en 2022 et 2023 ne pouvait en aucun cas servir de référence.

Ils considèrent donc qu'en aucune manière on ne peut prétendre que la mission AAFAR bénéficierait d'une revalorisation de ses crédits dans le PLF pour 2025 par rapport aux exercices 2022 et 2023. Pour apprécier objectivement le niveau des crédits 2025, les rapporteurs spéciaux ont donc choisi d'opérer une comparaison entre les crédits exécutés en 2023 et le PLF pour 2025.

Il apparaît alors que le niveau total des autorisations d'engagement et des crédits de paiement pour la mission AAFAR dans le PLF déposé pour 2025 est proche des moyens effectivement consommés en 2023, même si la répartition par programme diffère.

Ainsi, en autorisations d'engagement, les moyens ouverts pour 2025 par rapport aux moyens effectivement consommés en 2023 diminuent de « seulement » 1,66 %.

Les autorisations d'engagement par programme : exécution 2023 et PLF pour 2025

(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)

Source : commission des finances du Sénat

En crédits de paiement, la baisse des moyens pour 2025 par rapport aux moyens effectivement consommés en 2023 est de 5,79 %, là aussi avec des différences entre les programmes qu'illustre le graphique ci-après.

Les crédits de paiement par programmes : exécution 2023 et PLF pour 2025

(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)

Source : Commission des finances du Sénat

S'agissant toujours des crédits de paiement, le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » bénéficierait donc de 2,46 milliards d'euros en 2025 contre 2,87 milliards d'euros exécutés en 2023 (ce montant exécuté était de 3,28 milliards d'euros en 2022, de 2,38 milliards d'euros en 2021 et de 1,71 milliard d'euros en 2020).

Les trois autres programmes voient leurs crédits de paiement ouverts pour 2025 dépasser le montant exécuté en 2023. Pour le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », les quelque 860 millions d'euros ouverts en CP pour 2025 sont à mettre en regard avec les 770,29 millions d'euros exécutés en 2023 (en exécution, les CP s'élevaient à 791,68 millions d'euros en 2022, 608,3 millions d'euros en 2021 et 555,6 millions d'euros en 2020).

S'agissant du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », qui bénéficiera en 2025 de 668 millions d'euros, c'est même une hausse de 11,8 % par rapport aux 597,4 millions d'euros exécutés en CP en 2023 ;

Il en est de même pour le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales » : avec 449 millions d'euros ouverts en CP pour 2025, le programme disposera de 3,7 % de crédits supplémentaires par rapport à la dépense constatée de 433 millions d'euros en CP 2023.


* 1 Le projet de loi de finances ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 portent des dispositifs très attendus par le secteur agricole comme la prise en compte des 25 meilleures années dans le calcul des pensions de retraite, la non-imposition sous condition de 30 % des reprises de dotation pour épargne de précaution, la transformation de la dotation pour stock de vaches en une provision comptable ainsi que des avantages fiscaux destinés à favoriser la transmission de patrimoine vers les jeunes agriculteurs.

* 2 La Fédération française des spiritueux a fait valoir, lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, le fait que « l'instauration de droits supplémentaires sur les eaux de vie de vin en Chine et le retour possible de droits supplémentaires aux Etats-Unis met en péril les deux-tiers de la valeur exportée ».

* 3 En moins de soixante-dix ans, le nombre d'exploitants a été divisé par cinq : de plus de 2,5 millions en 1955, le nombre d'exploitants est passé à 764 000 en 2000 puis à 496 000 en 2020. Corollaire de cette évolution, le nombre d'exploitations agricoles diminue fortement pour se situer en France métropolitaine à 389 000 en 2020.

* 4 43 % des exploitants sont à l'heure actuelle âgés de 55 ans ou plus, et susceptibles de partir à la retraite d'ici à 2033. L'âge moyen des agriculteurs français est ainsi passé de 50,2 ans en 2010 à 51,4 ans en 2020, année du dernier recensement agricole.

* 5 Cour des comptes, La politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, communication à la commission des finances du Sénat, avril 2023.

* 6 Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a abouti à l'annulation, en AE comme en CP de 60 011 065 euros sur le programme 215 et de 10 512 570 euros sur le programme 206.

* 7 Réponse apportée par le cabinet de la ministre à la suite d'un questionnaire complémentaire des rapporteurs spéciaux postérieur à l'audition.

* 8 Rapport n° 34, tome II, annexe 3 (2024-2025) de MM. Christian KLINGER et Victorin LUREL, déposé le 16 octobre 2024 : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », annexé au rapport du Rapporteur général sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des Comptes de l'État pour 2023.

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