N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 3

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : DÉVELOPPEMENT AGRICOLE
ET RURAL

Rapporteurs spéciaux : MM. Christian KLINGER et Victorin LUREL

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La mission comprend en 2025 quatre programmes : le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » qui porte les dispositifs d'aide aux filières agricoles et forestières ainsi que les financements attribués par l'État en cofinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC) ; le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » qui couvre pour l'essentiel des interventions visant à assurer la maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires affectant les animaux, les végétaux et les produits alimentaires, ne réservant qu'une faible partie de ses interventions à la sécurité sanitaire des aliments proprement dite ; le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » qui porte la plupart des moyens nécessaires à la couverture des coûts de gestion des missions du ministère et enfin le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales » qui couvre les compensations et allègements qui bénéficiaient antérieurement de l'affectation d'une part des recettes de la TVA.

Inscrit depuis le projet de loi de finances pour 2023, le programme 382 « Protection animale » ne figure déjà plus dans le projet de loi de finances pour 2025, mais les politiques publiques et les moyens qu'il portait sont absorbés par le programme 206.

I. UNE DIMINUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION AFIN DE CONTRIBUER AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES ET QUI NE DEVRAIT PAS ALTÉRER LES ENGAGEMENTS

A. UNE DIMINUTION DE 6,5 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT PRINCIPALEMENT AU DÉTRIMENT DE LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE ET DES CONTRÔLES SUR L'ALIMENTATION

La mission est mobilisée en 2025 en vue de contribuer à l'objectif de redressement des finances publiques : le texte déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale envisage une baisse globale des autorisations d'engagement de 13,46 % et de 6,56 % par rapport à 2024. La diminution des moyens alloués à la mission budgétaire est supportée essentiellement par les actions considérées comme pilotables par le ministère, c'est-à-dire celles qui portent d'une part la planification écologique et d'autre part les politiques de sécurité et de qualité sanitaire de l'alimentation.

Les quatre programmes de la mission voient ainsi leurs crédits évoluer en 2025 de manière divergente :

- le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt » (2,51 milliards d'euros en autorisation d'engagement contre 3,17 milliards en 2024) voit les crédits consacrés à la protection sociale, à la gestion des crises et des aléas et à la prise en charge assurantielle augmenter. À l'inverse, les moyens alloués au développement durable et à la planification écologique au sein du programme chutent (par rapport à la LFI 2024, l'action 29 « planification écologique » du programme perd ainsi 600 millions d'euros en AE et 300 millions d'euros en CP) ;

- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation » (926,9 millions d'euros contre 1,03 milliard en LFI 2024 en AE) connaît une diminution, là aussi en raison de la baisse des moyens alloués à la planification écologique (l'action 09 « Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires » voit son enveloppe réduite de 90 millions d'euros en AE et de 45 millions d'euros en CP) ainsi qu'aux moyens dédiés aux contrôles alimentaires. Les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur les conséquences potentielles de ce choix, dans un contexte sanitaire mondial toujours plus incertain. Toutefois, le ministère fait valoir que la baisse des crédits ne doit pas masquer la hausse du nombre d'équivalents temps-plein travaillés (ETPT) consacrés à la sécurité sanitaire et alimentaire (2 299 EPTT à fin 2023 contre 2 350 EPTT prévus à fin 2024) ;

- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » (732 millions d'euros contre 702 millions d'euros en 2024) bénéficie d'une hausse des crédits du programme pour rattraper le retard lié au report, depuis plusieurs années, d'investissements indispensables, en particulier sur le plan informatique, afin d'assurer une traçabilité sanitaire des animaux plus efficace et avant divers projets immobiliers de regroupement d'une partie du personnel du ministère sur le site de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort ;

- le programme 381 « Allégements du cout du travail en agriculture » (448,5 millions d'euros en PLF 2025 contre 423 millions d'euros en LFI 2024) connaît une progression bienvenue de ses crédits permettant de lutter contre le travail non déclaré et la dégradation des conditions de travail.

Récapitulatif en AE en en CP des moyens alloués par programme en 2024 et 2025

(en millions d'euros)

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Programmes

LFI
pour 2024

PLF
pour 2025

Évolution

LFI
pour 2024

PLF
pour 2025

Évolution

149 - Compétitivité
et durabilité de l'agriculture,
de l'agroalimentaire, de la forêt (de la pêche et de l'aquaculture)

3 176,6

2 511,9

- 20,92 %

2 735, 9

2 458,5

- 10,14 %

206 - Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

1 036,1

926,9

- 10,54 %

905,7

860,5

- 4,99 %

215 - Conduite et pilotage
des politiques de l'agriculture

702,2

732,3

+ 4,28 %

682,4

668,2

- 2,08 %

381 - Allègements du coût
du travail en agriculture

423

448,5

+ 6,03 %

423

448,5

+ 6,03 %

Total pour la mission AAFAR*

5 337,9

4 619,6

- 13,46 %

4 746,9

4 435,6

- 6,56 %

* En tenant compte du P382 en 2024 « Soutien aux associations de protection animale et aux refuges » (1 million d'euros), supprimé pour 2025.

Source : projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2025

B. UNE DIMINUTION DES CRÉDITS POUR 2025 QUI NE DEVRAIT TOUTEFOIS PAS ENTRAVER LES PROMESSES FORMULÉES À L'ÉGARD DU MONDE AGRICOLE

L'effectivité d'une baisse des crédits dans le PLF pour 2025 est indéniable mais les rapporteurs spéciaux se sont principalement attachés à vérifier que le niveau des crédits envisagés pour 2025 était en adéquation avec le périmètre des politiques publiques conduites et qu'il permettait de couvrir les besoins pour financer les 70 engagements formulés en faveur des agriculteurs.

Certaines aides d'urgence ont déjà été versées en cours d'année 2024 pour un total de 270 millions d'euros bénéficiant à plus de 30 000 agriculteurs (fonds d'urgence pour les agriculteurs dont le troupeau est touché par la maladie hémorragique épizootique -MHE-, aide d'urgence pour l'agriculture biologique, fonds d'urgence pour la filière viticole, fonds d'urgence en raison des aléas climatiques, etc.). D'autres mesures d'urgences ont été annoncées et sont en cours de mobilisation : un fonds hydraulique agricole (20 millions d'euros), un fonds pour l'agriculture méditerranéenne doté de 50 millions d'euros (dont 30 millions d'euros feront l'objet d'un appel à projet qui sera lancé par FranceAgriMer au mois de décembre prochain).

Pour mémoire, d'autres mesures étaient attendues par ailleurs par le monde agricole (nouveau plan national loup, publication de mesures règlementaires sur le contentieux agricole, sur les obligations légales de débroussaillement, sur la simplification des mesures administratives préalables au curage, etc.) ou ont vocation à être prises à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (prise en compte des 25 meilleures années pour le calcul de la pension de retraite, relèvement de 1,2 à 1,25 SMIC du seuil de dégressivité du dispositif travailleurs occasionnels -demandeurs d'emploi, dit TO-DE) ou du projet de loi d'orientation agricole dont l'examen par le Parlement devrait reprendre en janvier 2025. De nouvelles mesures sont également en cours de discussion à l'échelle européenne.

Un nombre important d'engagements trouvent aussi une traduction en première partie du projet de loi de finances pour 2025 (non-imposition sous condition de 30 % des reprises de dotation pour épargne de précaution, la transformation de la dotation pour stock de vaches en une provision comptable ainsi que des avantages fiscaux destinés à favoriser la transmission de patrimoine vers les jeunes agriculteurs) et à travers les crédits budgétaires inscrits dans la présente mission pour favoriser le renouvellement des générations agricoles, alléger le coût du travail et permettre les dépenses de personnel qui garantissent un niveau satisfaisant de services rendus aux agriculteurs.

Les rapporteurs spéciaux considèrent donc que la baisse des crédits de la mission n'entrave pas la capacité à répondre aux promesses formulées.

La baisse des crédits de la mission peut également être nuancée sur un temps plus long compte tenu de l'enveloppe exceptionnelle de l'année 2024 au regard des budgets antérieurs. La comparaison du PLF 2025 avec les lois de finances initiales de 2022 et 2023 n'est pas non plus opportune, dans la mesure où l'insuffisance des crédits votés avait entraîné des ouvertures massives de crédits en cours d'exercice, en AE comme en CP. Pour apprécier objectivement le niveau des crédits 2025, les rapporteurs spéciaux ont donc choisi d'opérer une comparaison entre les crédits exécutés en 2023 et le PLF pour 2025. Cette comparaison fait ressortir une certaine continuité entre les crédits exécutés en 2023 et les crédits ouverts en 2025.

Les autorisations d'engagement et les crédits de paiement par programme :
exécution 2023 et PLF pour 2025.

(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)

Source : Commission des finances du Sénat

C. LE RÔLE CLÉ DES DIX OPÉRATEURS, GLOBALEMENT PRÉSERVÉS SUR LE PLAN BUDGÉTAIRE

La mission compte dix opérateurs. Deux sont frappés d'une diminution des crédits alloués via le programme 149 : l'Agence de services et de paiement (ASP) et l'Institut français du cheval et de l'équitation. Plusieurs organismes auditionnés ont alerté les rapporteurs spéciaux sur un nombre important de « défaillances », ou en tout cas d'actions perçues comme telles, de l'ASP dans le paiement d'aides agricoles en particulier. Les délais de traitement trop longs, les lourdeurs administratives et les difficultés liées au système informatique de l'ASP restent notamment mis en avant s'agissant des missions en lien avec l'agriculture.

Parmi les huit autres opérateurs, trois bénéficient d'une consolidation de leurs moyens, entre autres afin de faire face à la densification progressive de leurs missions : FranceAgriMer, l'Office de développement de l'économie agricole d'Outre-mer et le Centre national de la propriété forestière, même si les rapporteurs spéciaux seront attentifs à la question du plafond d'emploi, et pas seulement aux moyens budgétaires, chez les opérateurs forestiers.

Les cinq derniers opérateurs voient leurs moyens se stabiliser ou évoluer très légèrement pour des raisons conjoncturelles. C'est le cas de l'Office national des forêts, l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail - ANSES, l'Institut national de formation des personnels du ministère de l'agriculture, l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique et enfin l'Institut national de l'origine et de la qualité.

II. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL » (CAS DAR), DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'INNOVATION EN MATIÈRE AGRICOLE

A. DES CRÉDITS QUI RESTENT RÉGULIÈREMENT SOUS-CONSOMMÉS MÊME SI LES REMARQUES DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX SONT PROGRESSIVEMENT PRISES EN COMPTE

Le plafond de dépenses du CAS-DAR a été rehaussé, dans la loi de finances pour 2024, de 20 millions d'euros pour atteindre 146 millions d'euros, après plusieurs années de stabilité. Les rapporteurs spéciaux se réjouissent de ce rehaussement du plafond qu'ils ont encouragé et considèrent qu'il faut aller au bout de la démarche en fixant désormais un plafond de dépenses aligné d'une part sur les besoins réels, d'autre part sur le prévisionnel de recettes globalement fiable chaque année.

Il ne serait en effet pas durablement justifiable de constater un différentiel important entre les recettes et les dépenses d'un compte d'affectation spéciale, justement fait pour contourner le principe de non affectation et mettre en regard recettes et dépenses liées à une même politique publique. Pour 2024, un différentiel de 6 à 8 millions d'euros devrait de nouveau être constaté en fin d'année et conduira le CAS DAR à présenter un solde comptable excédentaire de plus de 140 millions d'euros (ce solde s'établit à 134,24 millions d'euros à fin 2023).

B. UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE CRITIQUÉ

Les rapporteurs spéciaux réitèrent le point de vue exprimé à plusieurs reprises, et partagé par la Cour des comptes, sur le caractère visiblement inadapté d'un compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ». Le différentiel, année après année, entre les dépenses et les recettes demeure, malgré la revalorisation du plafond de dépenses opéré l'an dernier. Par ailleurs, le CAS DAR remet en cause le principe d'annualité budgétaire en ce qu'il fait l'objet d'une pratique systématique et massive des reports de crédits, et isole le budget général des politiques qui devraient en principe en relever, remettant en cause ainsi le principe d'universalité sans que cela soit pleinement justifié. En outre, les rapporteurs spéciaux partagent aussi les inquiétudes de la Cour sur le coût élevé de gestion du CAS DAR, même si le montant reste modeste au regard du budget global de l'État.

Réunie le mardi 5 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre 2024 la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, les rapporteurs spéciaux avaient reçu 62 % des réponses du ministère de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt à leur questionnaire budgétaire.

PREMIÈRE PARTIE
UNE DIMINUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT
ET AFFAIRES RURALES » (AAFAR) AFIN DE CONTRIBUER AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Comme d'autres missions budgétaires, la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) ne couvre que partiellement les moyens correspondant à l'effort budgétaire consenti à destination des politiques publiques qu'elle vise.

En effet, en examinant cette mission, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ne sont formellement saisis que d'un cinquième environ des dépenses destinées au secteur agricole entendu au sens large. Le total des dépenses publiques en direction de l'agriculture, qui s'élèvera en 2025 à environ 25,6 milliards d'euros, contre 25,7 milliards d'euros en 2024 selon les montants communiqués par le Ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA), comprend en effet, en sus des dépenses budgétaires de la mission à proprement parler et du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CAS DAR), 21,2 milliards d'euros de concours publics à l'agriculture.

La part de la mission dans le total des concours publics consacrés en 2025 à l'agriculture recule toutefois en raison de la diminution des crédits qui lui sont alloués (4,62 milliards d'euros en autorisations d'engagement contre 5,37 milliards votés en LFI 2024) du fait notamment de la forte baisse des crédits réellement pilotables - à savoir ceux consacrés à la planification écologique.

Les rapporteurs spéciaux tiennent, à titre liminaire, à nuancer considérablement cette diminution, bien qu'elle paraisse importante si l'on se contente de comparer le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 et la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

D'une part, l'effort demandé à la mission en vue de contribuer au redressement des finances publiques est moindre que celui demandé à d'autres missions et demeure mesuré au regard du contexte budgétaire très contraint.

D'autre part, les crédits alloués à la mission dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2024 traduisaient un effort considérable de la part de l'État sur la politique agricole, le budget 2025 revenant dans une lignée très proche des budgets antérieurs. Enfin, il faut noter que l'État, au global, compense partiellement la baisse affichée des crédits de la mission par un effort supplémentaire en termes de dépenses fiscales et sociales au travers de dispositifs qui étaient très attendus1(*).

La répartition de ces différents concours publics, par exercice depuis 2021, est récapitulée dans le tableau ci-après.

Concours publics à l'agriculture, l'alimentation et à la forêt

(Crédits de paiement, exprimés en millions(s) d'euros)

 

Montant des concours publics engagé par exercice

2021

2022

2023

2024

2025

Budget européen PAC

9 494

9 975

9 384

9 384

9 384

dont Paiements directs

6 736

6 726

6 736

6 736

6 718

dont Programmes sectoriels et Mesures de marché

640

640

640

640

658

dont deuxième pilier

2 118

2 609

2 008

2 008

2 008

Budget État (Loi de finances initiale jusqu'en 2024 et projet de loi de finances pour 2025)

5 418

5 444

6 479

7 507

7 243

dont budget mission AAFAR

3 038

3 007

3 858

4 747

4 436

dont budget mission « enseignement secondaire » - programme 143 « enseignement technique agricole »

1 483

1 527

1 596

1 696

1 731

dont budget mission MIRES (Programme 142)

363

378

424

443

431

dont CAS DAR

126

126

126

146

146

dont taxe fiscales affectées

408

406

475

475

499

Allègement charges sociales et fiscales

5 657

5 943

6 497

6 823

7 042

dont baisse des cotisations individuelles des exploitants

283

278

280

290

302

dont allègements de cotisations patronales

5 374

5 665

6 217

6 533

6 740

Autres dépenses fiscales

2 315

2 695

2 310

2 239

2 172

dont dépenses fiscales agricoles

2 059

2 513

2 127

2 048

1 981

dont dépenses fiscales forêt

256

182

183

191

191

Compléments régionaux PAC

284

283

400

400

400

Retraitement des données (double décompte social)

- 207

- 130

- 561

- 578

- 612

Total agriculture crédits nationaux

13 467

14 235

15 125

16 391

16 245

Total agriculture tous concours

22 961

24 210

24 509

25 775

25 629

Source : Commission des finances du Sénat à partir de données fournies par le ministère de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt (MASAF)

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DE LA MISSION POUR 2025

Le contexte général que connaissent les acteurs du secteur agricole français est particulièrement morose et la mission AAFAR doit faire face au défi de concilier les fortes attentes liées aux enjeux et les moyens qui devront être optimisés.

Le secteur agricole est, en premier lieu, particulièrement sensible aux fortes tensions internationales du moment : impact de la crise ukrainienne sur les cours, tensions commerciales entre l'Europe et la Chine qui frappent déjà les spiritueux français2(*), incertitudes quant au degré de protectionnisme américain qui résultera de l'élection présidentielle du mois de novembre, craintes des professionnels sur la concurrence déloyale que pourrait engendrer l'entrée en vigueur d'un accord UE-MERCOSUR, etc.

En deuxième lieu, les aléas climatiques et sanitaires ont durement frappé les milieux agricoles ces dernières années : fortes précipitations depuis un an qui peuvent avoir un impact important sur certaines filières, d'où par exemple la diminution marquée ces derniers mois des récoltes de blé, multiplication des foyers contagieux et des abattages imposés, etc.

Par ailleurs, la situation économique générale (poussée inflationniste en 2023 et début 2024, hausse de l'épargne en raison des incertitudes sur l'avenir qui contribue à une baisse de la consommation, etc.) est défavorable au secteur.

Ce contexte exacerbe d'autant plus les tensions qu'approchent les élections des membres des 88 chambres d'agriculture départementales, interdépartementales ou territoriales et des 2 chambres d'agriculture de région sans chambre territoriale (Ile-de-France et Corse), prévues en janvier 2025, soit au moment même où le Parlement devrait reprendre l'examen du projet de loi d'orientation agricole.

Ce panorama d'ensemble ne contribue pas à relancer l'attractivité d'un secteur par ailleurs caractérisé par une forte diminution du nombre d'exploitants et d'exploitations3(*) et par un vieillissement des exploitants4(*) ainsi que le relevait la Cour des comptes dans une enquête remise à la commission des finances au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances5(*).

Comme l'ensemble des concours publics destinés à l'agriculture, les crédits de la mission pour 2025 sont particulièrement scrutés par les professionnels du secteur.

Ces crédits de la mission AAFAR seront répartis, en 2025, entre quatre programmes, le programme 382 « Protection animale » étant supprimé (cf. infra) :

le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » qui porte les dispositifs d'aide aux filières agricoles et forestières, et les financements attribués par l'État en cofinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC) ;

- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » qui couvre pour l'essentiel, en dépit de son intitulé, des interventions visant à assurer la maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires affectant les animaux, les végétaux et les produits alimentaires, ne réservant qu'une faible partie de ses interventions à la sécurité sanitaire des aliments proprement dite ;

- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » est le programme support du ministère de l'agriculture et réunit la plupart des moyens nécessaires à la couverture des coûts de gestion des missions du ministère (en dehors de l'enseignement agricole qui est porté par le programme 143 « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire ») ;

- et enfin le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales », créé par la loi de finances pour 2023, qui est doté par l'affectation de mesures de transfert (les dépenses objets du programme bénéficiaient antérieurement de l'affectation d'une part des recettes de la TVA).

L'ancien programme 382 « Protection animale », qui avait également été créé par la loi de finances pour 2023, (330 000 euros exécutés en CP pour un million d'euros programmés), consacré aux soutiens aux associations de protection des animaux de toutes espèces (en complément d'une action existante du programme 206), ne figure donc plus dans l'architecture du projet de loi de finances pour 2025. Toutefois, les politiques publiques attachées à ce programme demeurent portées par la mission, dans le cadre du programme 206. Il faut préciser que la création de ce programme 382, à l'initiative de l'Assemblée nationale, pour des montants très limités, ne semblait pas indispensable. Ainsi que l'avaient relevé l'an dernier les rapporteurs spéciaux, elle risquait même de faire peser sur les services une charge de gestion administrative disproportionnée, ce que la seule année d'existence du programme a confirmé. Les rapporteurs spéciaux considèrent donc plus optimale l'architecture budgétaire 2025 comprenant quatre programmes.

A. UNE DIMINUTION DES MOYENS ALLOUÉS À LA MISSION PAR RAPPORT À L'ANNÉE 2024 PRINCIPALEMENT AU DÉTRIMENT DE LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE ET DES CONTRÔLES SUR L'ALIMENTATION

La mission est mobilisée en 2025 en vue de contribuer à l'objectif de redressement des finances publiques : le texte déposé par le Gouvernent à l'Assemblée nationale envisage une baisse des autorisations d'engagement de 13,46 % au global et une baisse des crédits de paiement de 6,56 %.

Par ailleurs, le Gouvernement a fait état de sa volonté, postérieurement au dépôt du PLF pour 2025 à l'Assemblée nationale, de réaliser 5 milliards d'euros supplémentaires d'économies, ce qui devrait se traduire par une diminution supplémentaire des CP de la mission de 98,282 millions d'euros. Un amendement en ce sens pourrait être déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale. D'après les informations recueillies, l'imputation de ces éventuelles économies supplémentaires pourrait toucher principalement le programme 149, à hauteur de 74 millions d'euros, le programme 206 pour 18 millions d'euros ainsi que le programme 215 pour 6,2 millions d'euros. Toutefois, la répartition entre les actions au sein des programmes n'est pas connue et les chiffres mentionnés dans le présent rapport ne tiennent donc pas compte de cet amendement.

1. La diminution des crédits de la mission en 2025 cache de fortes disparités entre les quatre programmes

Derrière cette réduction d'ensemble des moyens alloués à la mission se cachent de fortes disparités entre les quatre programmes : les deux principaux programmes en volume sont lourdement amputés par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2024 (- 20,92 % en AE pour le programme 149 et - 10,54 % pour le programme 206) tandis que les deux autres programmes voient leurs crédits revalorisés (+ 4,28 %, également en AE, sur le programme 215 et + 6,03 % sur le programme 381).

Le tableau ci-après récapitule les crédits alloués aux actions et aux sous-actions de chacun des quatre programmes en loi de finances initiale pour 2024 et dans le projet de loi de finances pour 2025 déposé à l'Assemblée nationale.

Autorisations d'engagement et crédits de paiement par programme, action et sous-action
pour 2024 et 2025

Programme - Action - Sous-action

Autorisations d'engagement

LFI 2024

PLF 2025

Variation annuelle

FdC et AdP attendus*

Crédits de paiement

LFI 2024

PLF 2025

Variation annuelle

FdC et AdP attendus

149 - Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et
de la forêt

3 176 627 486

2 511 950 264

- 20,92 %

 

2 735 854 589

2 458 472 665

- 10,14 %

 

21 - Adaptation des filières à l'évolution des marchés

269 847 420

251 564 254

- 6,78 %

 

270 989 648

252 169 648

- 6,94 %

 

22 - Gestion des crises et des aléas de la production agricole

284 310 502

304 010 503

+ 6,93%

 

282 172 527

302 872 528

+ 7,34 %

 

23 - Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles

111 404 993

110 904 993

- 0,45 %

 

123 194 993

126 525 487

+ 2,70 %

 

24 - Gestion équilibrée et durable des territoires

548 371 551

520 671 551

- 5,05 %

 

526 494 297

519 431 876

-1,34 %

 

25 - Protection sociale

155 420 000

163 920 000

+5,47 %

 

155 420 000

163 920 000

+5,47 %

 

26 - Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois

298 431 310

295 431 309

- 1,01 %

 

305 741 414

303 803 814

- 0,63 %

 

27 - Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions

477 841 710

492 838 807

+3,14 %

 

477 841 710

492 838 807

+ 3,14 %

 

29 - Planification écologique

1 031 000 000

372 608 847

- 63,86 %

 

594 000 000

296 910 505

- 50,02 %

 

29-01 - Plan haies

110 000 000

30 000 000

- 72,73 %

 

45 000 000

30 000 000

- 33,33 %

 

29-02 - Plan protéines

100 000 000

- 100,00 %

 

65 000 000

- 100,00 %

 

29-03 - Diagnostic carbone

32 000 000

- 100,00 %

 

20 000 000

-100,00 %

 

29-04 - Fonds en faveur de la souveraineté alimentaire
et des transitions

200 000 000

114 608 847

- 42,70 %

 

25 000 000

71 608 847

+ 186,44%

 

29-05 - Décarbonation en agriculture

80 000 000

- 100,00 %

 

80 000 000

- 100,00%

 

29-06 - Soutien au renouvellement forestier

250 000 000

228 000 000

- 8,80 %

 

100 000 000

195 301 658

+ 95,30 %

 

29-07 - Dynamisation de l'aval bois-matériaux

200 000 000

- 100,00 %

 

200 000 000

- 100,00 %

 

29-08 - Défense des forêts contre les incendies (DFCI)

34 000 000

- 100,00 %

 

34 000 000

- 100,00 %

 

29-09 - Graines et plants, et travaux forestiers

10 000 000

- 100,00%

 

10 000 000

- 100,00 %

 

29-10 - Forêt en outre-mer

15 000 000

- 100,00 %

 

15 000 000

- 100,00 %

 

206 - Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

1 036 116 696

926 923 512

- 10,54 %

8 243 188

6 568 267

905 703 711

860 481 527

- 4,99 %

8 243 188

6 568 267

01 - Santé, qualité et protection des végétaux

41 181 243

34 473 200

- 16,29 %

2 824 000

1 568 625

39 947 383

34 304 200

- 14,13 %

2 824 000

1 568 625

02 - Lutte contre les maladies animales, protection et bien-être animal

128 973 619

122 920 670

- 4,69 %

3 419 188

1 829 616

125 345 666

122 920 670

- 1,93%

3 419 188

1 829 616

03 - Sécurité sanitaire de l'alimentation

118 722 635

112 272 579

- 5,43 %

2 000 000

3 003 326

93 171 463

108 272 579

+ 16,21 %

2 000 000

3 003 326

04 - Actions transversales

96 008 557

126 086 557

+ 31,33 %

 

96 008 557

118 632 564

+ 23,56 %

 

05 - Élimination des cadavres et des sous- produits animaux

4 000 000

4 000 000

   

4 000 000

4 000 000

   

06 - Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation

391 320 142

359 677 352

- 8,09 %

 

391 320 142

359 677 352

- 8,09 %

 

08 - Qualité de l'alimentation et offre alimentaire

5 910 500

6 810 500

+ 15,23 %

166 700

5 910 500

6 810 500

+ 15,23 %

166 700

09 - Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires

250 000 000

160 682 654

- 35,73 %

 

150 000 000

105 863 662

- 29,42 %

 

215 - Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

702 172 089

732 254 065

+ 4,28 %

5 987 119

6 822 452

682 371 204

668 189 597

- 2,08 %

5 987 119

6 822 452

01 - Moyens de l'administration centrale

222 877 724

182 370 570

- 18,17 %

556 031

562 976

228 978 050

183 722 523

- 19,76 %

556 031

562 976

02 - Évaluation de l'impact des politiques publiques et information économique

18 830 499

13 468 347

- 28,48 %

2 288 318

3 070 083

18 830 499

12 468 347

- 33,79 %

2 288 318

3 070 083

03 - Moyens des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, des directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer)

335 735 607

380 581 476

+ 13,36 %

2 569 624

2 217 449

335 939 843

380 785 714

+ 13,35 %

2 569 624

2 217 449

04 - Moyens communs

124 728 259

155 833 672

+ 24,94 %

573 146

971 944

98 622 812

91 213 013

- 7,51 %

573 146

971 944

381 - Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

423 000 000

448 500 000

+ 6,03 %

 

423 000 000

448 500 000

+ 6,03 %

 

01 - Allègements de cotisations et contributions sociales

423 000 000

448 500 000

+ 6,03 %

 

423 000 000

448 500 000

+ 6,03 %

 

Totaux

5 337 916 271

4 619 627 841

- 13,46 %

14 230 307

13 390 719

4 746 929 504

4 435 643 789

- 6,56 %

14 230 307

13 390 719

*FdC et AdP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : programmes annuels de performance annexés au projet de loi de finances pour 2025

2. Des orientations qui conduisent en particulier à limiter les crédits alloués à la planification écologique et aux politiques de sécurité et de qualité sanitaire de l'alimentation

Dans l'ensemble, la diminution des moyens alloués à la mission budgétaire est donc importante. Cette diminution, d'environ 600 millions d'euros en tout en AE, est supportée essentiellement, en valeur absolue, sur les seules actions considérées comme pilotables par le ministère, c'est-à-dire :

- les actions qui portent la planification écologique, lesquelles absorbent une très grande part des économies demandées à la mission (par rapport à la LFI 2024, l'action 29 « Planification écologique » du programme 149 perd ainsi 600 millions d'euros en AE et 300 millions d'euros en CP et l'action 09 « Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires » du programme 206 voit son enveloppe réduite de 90 millions d'euros en AE et 45 millions d'euros en CP) ;

- et les politiques de sécurité et de qualité sanitaire de l'alimentation (l'action 06 « Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation » du programme 206 perd plus de 30 millions d'euros en AE comme en CP par rapport à la LFI pour 2024).

En effet, de nombreuses dépenses au sein de la mission ne sont pilotables qu'à la marge, qu'il s'agisse des co-financements européens (qui sont perdus si l'État renonce à sa part de la dépense), des dépenses de personnel (les missions du ministère ne se prêtent que très peu à une contractualisation de courte durée) ou des aides allouées dans le cadre de crises sanitaires ou climatiques dont on pourrait difficilement priver les exploitants concernés dans le contexte actuel.

Le Gouvernement a donc fait le choix, pour respecter le cadre budgétaire fixé, d'une option politique de court terme, qui sera probablement fortement débattue même s'il est vrai que les alternatives sont restreintes dans un ministère qui doit souvent privilégier la mobilisation rapide de moyens pour atténuer les effets des crises, plutôt que l'investissement durable. Les conséquences de ces choix sont commentées dans la deuxième partie du présent rapport consacrée aux crédits par programme.

De la réduction des crédits découle un net recul du verdissement de la mission. La loi de finances pour 2020 a prévu que le Gouvernement remette au Parlement, en annexe à chaque projet de loi de finances, un rapport consacré à « l'impact environnemental du budget ». Ce résultat est obtenu en comptabilisant « les crédits budgétaires, taxes affectées et dépenses fiscales ayant un impact favorable sur l'environnement ».

En l'espèce, le budget 2025 de la mission AAFAR porte un total de 1,87 milliard d'euros favorables à l'environnement répartis entre 1,43 milliard d'euros de crédits budgétaires et taxes affectées et 444 millions d'euros de dépenses fiscales, contre 2,3 milliards d'euros de crédits budgétaires et taxes affectées, et un peu moins de 500 millions de dépenses fiscales l'an dernier. Cela traduit un budget agricole et forestier moins engagé en matière environnementale en 2025 qu'en 2024. Ce choix, contraint par la situation budgétaire, contraste avec le PLF pour 2024 au cours duquel une action « planification écologique » avait été créée dans chacun des programmes 149 et 206.

Concernant le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt », ce sont 1,04 milliard d'euros qui avaient été ouverts en AE comme en CP en 2024, au sein de dix sous-actions menées dans le cadre de la lutte contre le dérèglement climatique et afin d'atténuer ses effets notamment par la décarbonation, mais aussi en réduisant la pression sur la biodiversité et en gérant mieux les ressources naturelles (cf. infra pour le détail de chacun des programmes).

Au sein du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », l'action 09, créée en 2024, est consacrée à la planification écologique. Alors qu'elle avait été dotée de 250 millions d'euros en AE et 150 millions d'euros en CP, consacrés à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, les crédits ouverts chutent respectivement à 160,7 millions d'euros et 105,8 millions d'euros en 2025 (cf. infra).

3. Après une forte revalorisation de ses moyens en 2024, la diminution envisagée pour 2025 se traduit par le retour à un niveau de crédits proche de celui exécuté en 2023

La diminution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement alloués à la mission pour 2025, même si elle est importante, doit être nuancée. Outre le maintien (évoqué supra) du total des concours publics alloués à l'agriculture en 2025 grâce à l'effort fiscal et social consenti via la première partie du PLF et via le PLFSS en cours d'examen par le Parlement, il faut souligner que la diminution est consécutive à une année 2024 qui avait mobilisé un niveau tout à fait exceptionnel de crédits en loi de finance initiale. Certes, une partie de ces crédits, au cours de l'année 2024, a fait l'objet d'annulation6(*) sans compter le recours au gel et au surgel en cette fin d'année 2024, mais si' l'on s'en tient au périmètre du total des crédits ouverts, le montant de l'enveloppe consacré à l'agriculture est sensiblement équivalent au dernier exercice intégralement exécuté, c'est-à-dire 2023.

Interrogé sur la baisse du niveau des AE et des CP, et sur les conséquences que cela pourrait avoir sur les politiques publiques menées, le cabinet de la ministre a ainsi indiqué aux rapporteurs spéciaux que seule une comparaison entre les textes initiaux de 2022 et 2023, d'une part, et 2025, d'autre part, était pertinente en insistant sur le fait que l'année 2024 avait concentré des efforts exceptionnels et n'était pas représentative des moyens habituellement alloués.

Le cabinet a confirmé cette position par écrit : « Les crédits alloués à la mission AAFAR dans le cadre du PLF 2025 connaissent une augmentation de 52,5 % en AE et 47,6 % en CP comparativement aux montants PLF 2022 et de 19 % en AE et de 15 % en CP par rapport aux montants PLF 20237(*). »

Les rapporteurs spéciaux conviennent du caractère exceptionnel de l'année 2024 au regard des budgets antérieurs. Il leur semble, en revanche, que la comparaison du PLF 2025 avec les lois de finances initiales de 2022 et 2023 n'est pas opportune, dans la mesure où l'insuffisance des crédits votés initialement lors de ces exercices 2022 et 2023, avait entraîné des ouvertures massives de crédits en cours d'exercice, en AE comme en CP, comme l'illustre le tableau ci-après.

Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires » entre la loi de finances initiale et les crédits effectivement exécutés en 2022 et 2023

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

2022

2023

Exécution / LFI 2023

Exécution 2023/2022

   

LFI

Exécution

LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

2 785,8

2 976,4

+ 6,8 %

2 825,8

3 068,7

+ 242,9

+ 8,6 %

+ 92,3

+ 3,1 %

CP

2 677,5

2 885,4

+ 7,8 %

2 850,6

3 076,5

+ 225,9

+ 7,9 %

+ 191,1

+ 6,6 %

109 - Aide à l'accès au logement

AE

13 079,4

13 078,5

- 0,0 %

13 371,3

13 290,8

- 80,5

- 0,6 %

+ 212,3

+ 1,6 %

CP

13 079,4

13 079,4

- 0,0 %

13 371,3

13 290,8

- 80,5

- 0,6 %

+ 211,4

+ 1,6 %

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

1 064,5

962,1

- 9,6 %

1 567,1

1 395,6

- 171,5

- 10,9 %

+ 433,5

+ 45,1 %

CP

1 064,5

891,7

- 16,2 %

1 145,8

1 089,2

- 56,6

- 4,9 %

+ 197,5

+ 22,1 %

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

282,2

382,5

+ 35,6 %

380,8

396,8

+ 16,1

+ 4,2 %

+ 14,3

+ 3,7 %

CP

284,9

338,0

+ 18,6 %

313,8

340,1

+ 26,3

+ 8,4 %

+ 2,1

+ 0,6 %

147 - Politique de la ville

AE

558,3

551,5

- 1,2 %

597,9

565,4

- 32,5

- 5,4 %

+ 13,9

+ 2,5 %

CP

558,3

551,8

- 1,2 %

597,9

565,5

- 32,4

- 5,4 %

+ 13,7

+ 2,5 %

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

147,1

328,1

+ 123,0 %

158,0

116,4

- 41,6

- 26,4 %

- 211,7

- 64,5 %

CP

176,4

137,7

- 21,9 %

104,5

148,5

+ 44,0

+ 42,1 %

+ 10,8

+ 7,8 %

Total mission

AE

17 917,4

18 279,1

+ 2,0 %

18 900,9

18 833,7

- 67,1

- 0,4 %

+ 554,6

+ 3,0 %

CP

17 841,1

17 884,0

+ 0,2 %

18 383,8

18 510,6

+ 126,8

+ 0,7 %

+ 626,6

+ 3,5 %

Note : AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI : budgétisation en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement ou de résultats de la gestion.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux ont d'ailleurs rappelé, à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des Comptes de l'État pour 20238(*), que les crédits de la mission AAFAR votés en lois de finances initiale en 2022 et 2023 ne pouvait en aucun cas servir de référence.

Ils considèrent donc qu'en aucune manière on ne peut prétendre que la mission AAFAR bénéficierait d'une revalorisation de ses crédits dans le PLF pour 2025 par rapport aux exercices 2022 et 2023. Pour apprécier objectivement le niveau des crédits 2025, les rapporteurs spéciaux ont donc choisi d'opérer une comparaison entre les crédits exécutés en 2023 et le PLF pour 2025.

Il apparaît alors que le niveau total des autorisations d'engagement et des crédits de paiement pour la mission AAFAR dans le PLF déposé pour 2025 est proche des moyens effectivement consommés en 2023, même si la répartition par programme diffère.

Ainsi, en autorisations d'engagement, les moyens ouverts pour 2025 par rapport aux moyens effectivement consommés en 2023 diminuent de « seulement » 1,66 %.

Les autorisations d'engagement par programme : exécution 2023 et PLF pour 2025

(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)

Source : commission des finances du Sénat

En crédits de paiement, la baisse des moyens pour 2025 par rapport aux moyens effectivement consommés en 2023 est de 5,79 %, là aussi avec des différences entre les programmes qu'illustre le graphique ci-après.

Les crédits de paiement par programmes : exécution 2023 et PLF pour 2025

(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)

Source : Commission des finances du Sénat

S'agissant toujours des crédits de paiement, le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » bénéficierait donc de 2,46 milliards d'euros en 2025 contre 2,87 milliards d'euros exécutés en 2023 (ce montant exécuté était de 3,28 milliards d'euros en 2022, de 2,38 milliards d'euros en 2021 et de 1,71 milliard d'euros en 2020).

Les trois autres programmes voient leurs crédits de paiement ouverts pour 2025 dépasser le montant exécuté en 2023. Pour le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », les quelque 860 millions d'euros ouverts en CP pour 2025 sont à mettre en regard avec les 770,29 millions d'euros exécutés en 2023 (en exécution, les CP s'élevaient à 791,68 millions d'euros en 2022, 608,3 millions d'euros en 2021 et 555,6 millions d'euros en 2020).

S'agissant du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », qui bénéficiera en 2025 de 668 millions d'euros, c'est même une hausse de 11,8 % par rapport aux 597,4 millions d'euros exécutés en CP en 2023 ;

Il en est de même pour le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales » : avec 449 millions d'euros ouverts en CP pour 2025, le programme disposera de 3,7 % de crédits supplémentaires par rapport à la dépense constatée de 433 millions d'euros en CP 2023.

B. UNE DIMINUTION DES CRÉDITS POUR 2025 QUI NE DEVRAIT TOUTEFOIS PAS ENTRAVER LES PROMESSES FORMULÉES À L'ÉGARD DU MONDE AGRICOLE

L'effectivité d'une baisse des crédits dans le PLF pour 2025 apparaît donc indéniable mais le périmètre de cette diminution peut être nuancé. Les rapporteurs spéciaux se sont donc principalement attachés à vérifier que le niveau des crédits envisagés pour 2025 est en adéquation avec le périmètre des politiques publiques conduites et qu'il intègre les engagements qui ont été pris à l'égard des agriculteurs.

En effet, des tensions sociales chez les agriculteurs dans de nombreux États européens, dont la France, au premier semestre 2024, ont conduit le Gouvernement Attal, puis le Gouvernement Barnier, à formaliser 70 engagements en tout, en faveur des agriculteurs.

Certaines aides d'urgence ont été versées en cours d'année 2024 pour un total de 270 millions d'euros versés à plus de 30 000 agriculteurs (fonds d'urgence pour les agriculteurs dont le troupeau est touché par la maladie hémorragique épizootique -MHE-, aide d'urgence pour l'agriculture biologique, fonds d'urgence pour la filière viticole, fonds d'urgence en raison des aléas climatiques, etc.).

D'autres mesures d'urgences ont été annoncées et sont en cours de mobilisation : un fonds hydraulique agricole (20 millions d'euros), un fonds pour l'agriculture méditerranéenne doté de 50 millions d'euros (dont 30 millions d'euros feront l'objet d'un appel à projet qui sera lancé par FranceAgriMer au mois de décembre prochain).

Certaines mesures attendues, non budgétaires ou fiscales, ont par ailleurs été prises (nouveau plan national loup, publication de mesures règlementaires sur le contentieux agricole, sur les obligations légales de débroussaillement, sur la simplification des mesures administratives préalables au curage, etc.) ou ont vocation à être prises à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (prise en compte des 25 meilleures années pour le calcul de la pension de retraite, relèvement de 1,2 à 1,25 SMIC du seuil de dégressivité du dispositif travailleurs occasionnels -demandeurs d'emploi, dit TO-DE) ou du projet de loi d'orientation agricole dont l'examen devrait reprendre en janvier 2025.

Quelques promesses sont également en cours de discussion à l'échelle européenne.

Toutefois, un nombre important d'engagements doit encore trouver une traduction au plan national sur le fondement du projet de loi de finances pour 2025. Certains engagements se traduisent par des dispositions fiscales qui figurent en première partie du projet de loi de finances pour 2025 (non-imposition sous condition de 30 % des reprises de dotation pour épargne de précaution, la transformation de la dotation pour stock de vaches en une provision comptable ainsi que des avantages fiscaux destinés à favoriser la transmission de patrimoine vers les jeunes agriculteurs). Les rapporteurs spéciaux renvoient au rapport du rapporteur général sur la première partie du PLF pour le détail des mesures prises.

Quelques-uns des engagements pris à l'égard des agriculteurs le seront sur le fondement des crédits budgétaires votés en seconde partie de la loi de finances. Les rapporteurs spéciaux se sont donc penchés sur l'adéquation des crédits budgétaires proposés aux engagements pris. Ils considèrent, à l'issue des nombreux échanges conduits que la baisse des crédits de la mission, même si elle donne lieu à des arbitrages qui seront politiquement débattus, n'entrave pas la capacité du Gouvernement à disposer des moyens de répondre, au cours de l'année 2025, aux attentes légitimes des agriculteurs. Ils constatent notamment le maintien des crédits destinés à favoriser le renouvellement des générations agricoles et à alléger le coût du travail. Par ailleurs, même si des améliorations devront sans doute être apportées, les dépenses de personnel pour 2025 devraient permettre de ne pas entraver le niveau de services rendus aux agriculteurs.

1. La pérennisation des crédits budgétaires consacrés au renouvellement des générations

Le renouvellement des générations constitue un défi d'ampleur pour le secteur agricole. Alors que la moitié des nouveaux entrants dans le secteur n'est pas issu du monde agricole9(*), et ne dispose en conséquence d'aucun bien foncier agricole, la mise en place de politiques volontaristes pour attirer de nouveaux exploitants et travailleurs agricoles constitue une nécessité pour rétablir la souveraineté alimentaire. Comme le relevait la Cour des comptes dans une enquête remise à la commission des finances au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances10(*), 43 % des exploitants sont à l'heure actuelle âgés de 55 ans ou plus, et susceptibles de partir à la retraite d'ici à 2033. L'âge moyen des agriculteurs français est ainsi passé de 50,2 ans en 2010 à 51,4 ans en 2020. Or, le profil des candidats à l'installation évolue lui aussi. Si la transmission des exploitations s'est longtemps faite dans un cadre familial, elle s'opère également aujourd'hui au profit de nouveaux arrivants.

Une démarche volontariste pour rétablir l'attractivité du secteur agricole doit être mise en place et concerner tous les aspects de la vie professionnelle des intervenants : l'accès à la profession par des formations de qualité, l'accès au foncier agricole, le bénéfice d'un revenu digne, un juste rapport de force avec les autres acteurs économiques, une fiscalité adaptée, etc. Se sont ainsi multipliées les initiatives législatives11(*), en particulier pour l'accès au foncier, que ce soit pour faciliter l'accès à la propriété, ou à la location (comme c'est le cas de 40 % des exploitants agricoles aujourd'hui).

Le financement de l'aide à l'installation des agriculteurs provient à la fois de financements européens12(*), alloués par l'intermédiaire des régions, de dispositifs fiscaux (évoqués supra), d'avantages sociaux comme des exonérations de cotisations sociales à la mutualité sociale agricole (MSA) spécifiquement tournées vers les primo-installants, ainsi que de dotations budgétaires finançant des aides directes à l'installation ou des prêts bonifiés13(*).

Du fait de la transmission aux conseils régionaux de la gestion des aides non-surfaciques, en application de la PAC 2023-2027, incluant la « dotation aux jeunes agriculteurs » ainsi que les aides liées à la modernisation des installations, lesquelles constituent un vecteur indispensable avant toute transmission, l'action 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » avait vu ses crédits diminuer entre 2023 et 2024 (123 millions d'euros pour 2024 contre 172 millions d'euros en 2023). Cet état de fait avait été compensé par un cumul des crédits supplémentaires à destination des régions qui avait abouti, au final, à un maintien des aides à l'installation en 2024. Ces crédits d'aide à l'installation sont globalement pérennisés pour 2025, répondant là aussi aux engagements pris, d'autant qu'ils viennent en complément des mesures fiscales d'incitation à la transmission des exploitations agricoles au profit de jeunes agriculteurs portées à l'article 19 de la première partie du projet de loi de finances pour 2025.

Toutefois, les rapporteurs spéciaux notent, à ce stade, une exception dans le respect des promesses gouvernementales concernant les crédits budgétaires étatiques à destination des aides du programme d'accompagnement à l'installation et à la transmission en agriculture (AITA) tels qu'ils sont prévus, à ce stade, dans le PLF pour 2025.

Les AITA sont destinées à soutenir l'accompagnement des candidats à l'installation et la transmission des exploitations agricoles. Elles visent notamment à accompagner les jeunes s'installant hors du cadre familial, qui sont, comme indiqué précédemment, de plus en plus nombreux. Ce programme, qui n'est pas cofinancé par l'Union européenne, a pris le relais, en 2018, du programme pour l'installation des jeunes en agriculture et de développement des initiatives locales (PIDIL) en intégrant les dispositifs relevant de la préparation à l'installation. Le programme AITA permet d'adapter, dans les régions, des mesures nationales, ainsi que diverses interventions opérationnelles et financières diversifiées.

En 2023, dernier exercice intégralement exécuté, les crédits d'État pour le programme AITA, qui se sont élevés au total à 14 015 319,17 euros, ont financé principalement trois actions (qui concentrent 85 % des crédits totaux) :

- 31% du total des crédits ont été consacrés aux actions régionales d'animation et de communication en faveur du métier d'agriculteur, de l'installation et de la transmission ;

- 29% aux activités des centres d'élaboration des plans de professionnalisation personnalisés (CEPPP) ;

- et 25 % à l'accueil des porteurs de projet dans les « points accueil-installation ».

Afin de favoriser la mise en place d'interlocuteurs uniques dans le parcours d'aide à l'installation de nouveaux agriculteurs, qui constituent un élément essentiel dans la réussite du dispositif, l'État s'est engagé à relever les crédits budgétaires étatiques destinés à l'AITA à 20 millions d'euros : or, à ce stade, ce sont environ 13 millions d'euros qui sont inscrits en PLF pour 2025 pour l'AITA. Certes, le gouvernement fait valoir que les nouveaux dispositifs d'accompagnement ne seront pas en place dès le 1er janvier 2025 et que les 20 millions d'euros promis s'entendent en année pleine. Les rapporteurs spéciaux considèrent néanmoins qu'une voie intermédiaire entre les 13 millions d'euros inscrits et les 20 millions d'euros estimés pour le nouveau dispositif en année pleine pourrait sans doute être trouvée. Ils notent que les discussions entre le Gouvernement et les chambres d'agriculture se poursuivent sur ce point et ils ne prennent donc pas l'initiative, dans l'immédiat, d'un amendement de mouvement de crédits à ce sujet, préférant que se poursuive le dialogue avec le gouvernement.

2. Une diminution des dépenses de personnel de 52 millions d'euros par rapport à la LFI 2024 mais qui correspond en réalité à une reconduction des dépenses exécutées

La mission est également caractérisée par une diminution des dépenses de personnel. Celles-ci atteignent en 2025 un total de 934,03 millions d'euros en AE comme en CP réparties entre les programmes 206 (358,78 millions d'euros en 2025 contre 390,42 millions en 2024) et 215 (575,25 millions d'euros en 2025 contre 592,44 millions d'euros un an plus tôt) soit une baisse de 48,83 millions d'euros (- 4,97 %).

Cette diminution, si l'on compare le PLF pour 2025 et la LFI pour 2024, est à nuancer puisque dès le début de l'année 2024, le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a abouti à l'annulation, en AE comme en CP, de 60 011 065 euros sur le programme 215 et 10 512 570 euros sur le programme 206, exclusivement sur des dépenses de personnel. Il s'est agi de postes ouverts mais jamais pourvus et qui continueront donc à ne pas l'être en 2025. Les dépenses de personnel ouvertes pour 2025 sont donc supérieures de 18 millions d'euros aux ouvertures réellement constatées en 2024, incluant les mouvements de crédits infra-annuels, et devraient donc permettre de couvrir les besoins pour 2025.

3. Des dispositifs d'allègement du coût du travail préservés

Le dispositif d'exonérations de cotisations patronales sur bas salaires TO-DE (travailleurs ouvriers demandeurs d'emplois) bénéficie à un employeur agricole qui souhaite recruter un travailleur saisonnier. Il est reconduit cette année encore.

Les crédits y afférant sont retracés dans l'action 25 « Protection sociale » du programme 149 (cf. infra). Les allègements du coût du travail en agriculture, qui sont destinés à compenser le manque à gagner lié à cette exonération à la Mutualité Sociale Agricole (MSA), ont été isolés dans le programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture ». Ce programme ne comprend qu'une seule action intitulée « Allègement du coût du travail de la main-d'oeuvre saisonnière » pour un montant de 448,5 millions d'euros en 2025, contre 423 millions d'euros en 2024 (cf. infra pour le commentaire par programme).

Les rapporteurs spéciaux constatent que l'effort porté sur ce dispositif, combiné à diverses mesures relevant du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, témoigne de la volonté gouvernementale de fluidifier le marché de l'emploi agricole, après l'inscription de l'agriculture dans la liste des secteurs de métiers à tension qui facilite le recrutement de la main-d'oeuvre hors Union européenne par la dispense de l'opposabilité de la situation de l'emploi.

II. UNE MISSION COMPRENANT DES PROGRAMMES HÉTÉROGÈNES DONT LES MOYENS ÉVOLUENT DE MANIÈRE DISPARATE EN 2025

La mission comprend quatre programmes et contribue à des politiques publiques particulièrement hétérogènes. Il s'agit par ordre décroissant d'importance budgétaire des programmes 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt » (2,51 milliards d'euros en autorisation d'engagement contre 3,17 milliards en 2024), 206 « Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation » (926,9 millions d'euros contre 1,03 milliard en LFI 2024 en AE), 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » (732 millions d'euros contre 702 millions d'euros en 2024) ainsi qu'un programme plus récent, le programme 381 « Allégements du cout du travail en agriculture » (448,5 millions d'euros en PLF 2025 contre 423 millions d'euros en LFI 2024) pour un total de 4,6 milliards d'euros en AE (ce total était de 5,3 milliards d'euros en 2024).

Comme indiqué supra, le programmes 382 « Soutien aux associations de protection animale et aux refuges », doté d'un million d'euros, disparait en 2025, « absorbé » par le programme 206.

A. LE PROGRAMME 149 « COMPÉTITIVITÉ ET DURABILITÉ DE L'AGRICULTURE, DE L'AGROALIMENTAIRE ET DE LA FORÊT » FORTEMENT AMPUTÉ

Ce programme rassemble les dotations visant à soutenir les filières agricoles et forestières, notamment par la transformation des modèles de production, l'amélioration de la performance économique et environnementale de l'agriculture, le soutien aux revenus des producteurs et une répartition plus équilibrée entre les différents maillons des filières. Ces objectifs doivent contribuer à la souveraineté alimentaire et venir en soutien à l'économie.

Il intervient dans le financement des aides nationales ou européennes en faveur des exploitations agricoles et des opérateurs des filières agroalimentaires, forestières et halieutiques.

La plupart de ces aides relèvent du second pilier de la politique agricole commune (PAC) à travers le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (ou FEADER), telles que l'appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations, le soutien aux investissements du Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE), la dotation aux jeunes agriculteurs, le soutien au secteur de l'élevage dans les zones soumises à des contraintes naturelles principalement via les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN14(*)), les mesures en faveur de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement et de la biodiversité (mesures agro-environnementales et climatiques -MAEC- et soutien à l'agriculture biologique) ainsi que les mesures contre la prédation.

Les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC)

Les mesures agroenvironnementales et climatiques permettent d'accompagner les exploitations agricoles qui s'engagent dans le développement de pratiques combinant performance économique et performance environnementale, ou dans le maintien de telles pratiques lorsqu'elles sont menacées de disparition.

Initialement instaurées dans le cadre de la PAC 2014-2020, elles prennent la forme d'aides ou d'indemnités compensatoires et contribuent à la préservation de la qualité de l'eau, de la biodiversité, des sols ou à la lutte contre le changement climatique. Les paramètres initiaux des MAEC (montant et forme du soutien en fonction du type d'activités) ont été définis en mai 2014 par le Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO). Ces enjeux locaux sont donc très variables d'un territoire à un autre : dans les outre-mer par exemple, les MAEC sont principalement sectorielles (banane, canne à sucre, vergers, etc.)15(*).

Outre le fait qu'elles répondent à des enjeux localisés, les MAEC peuvent aussi s'inscrire dans une logique de système (système herbivore, etc.) ou contribuer à la préservation des ressources génétiques : sont prévus dans ce cadre des financements pour les races animales et végétales menacées ainsi que pour l'apiculture.

Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2023, la gouvernance des aides a été repensée : l'État est désormais l'autorité de gestion des aides surfaciques (MAEC, aides à l'agriculture biologique, etc.) tandis que les régions sont en charge de la gestion des aides non surfaciques, par exemple l'attribution des aides à l'installation versées dans le cadre du FEADER. 

Source : Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 202516(*)

Si l'on s'en tient à une comparaison LFI pour 2024 et PLF pour 2025, le programme 149 subit une contraction de 20,92 % des autorisations d'engagement et de 10,14 % des crédits de paiement, ce qui représente tout de même une réduction de 650 millions d'euros en AE et 280 millions d'euros en CP. C'est davantage que la baisse des crédits pour la mission dans son ensemble. Comme indiqué précédemment, cette forte diminution doit être observée à l'aune de l'augmentation exceptionnelle de plus d'un milliard d'euros que le programme avait connu l'an dernier.

Au sein de ce programme, les moyens alloués aux différentes actions connaissent des sorts très variables.

Pour schématiser, les crédits consacrés à la protection sociale, à la gestion des crises et des aléas et à la prise en charge assurantielle augmentent. L'action 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole » atteint ainsi 304 millions d'euros en AE et 302,8 millions d'euros en CP, soit respectivement + 6,93 % et + 7,34 %. Après plusieurs années de sous-dotation chronique de cette action, l'effort consenti en 2024 se poursuit en 2025, même s'il faut malheureusement craindre, au regard des aléas climatiques, sanitaires et économiques qui s'intensifient, que l'exécution excède de nouveau ce montant et que des mouvements de crédits infra-annuels seront nécessaires.

L'action 25 « Protection sociale », qui comprend des mesures de soutien aux entreprises agricoles, en particulier la prise en charge d'exonération de cotisations et de contributions sociales (pour l'emploi des salariés saisonniers notamment) bénéficie de 12 millions d'euros supplémentaires, en AE comme en CP, pour être dotée de 163,92 millions d'euros.

Il s'agit presque exclusivement de la compensation d'exonérations de charges sociales pour les travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TO-DE) : sont sollicités à ce titre 163,5 millions d'euros en 2025 (contre 155 millions d'euros en LFI pour 2024 après 134 millions d'euros en LFI pour 2023). Cette augmentation vise notamment à anticiper le rehaussement du plateau d'exonération qui a vocation à passer de 1,2 SMIC actuellement à 1,25 SMIC dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Ces crédits au sein du programme 149 sont inscrits en complément des 423 millions d'euros inscrits au programme 381 : comme indiqué plus haut, les allègements du coût du travail en agriculture, qui sont destinés à compenser le manque à gagner lié à cette exonération à la Mutualité Sociale Agricole (MSA), ont été isolés dans le programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture » (cf. infra pour le détail du programme).

L'action 22 du programme 149 comprend les crédits destinés à financer la part étatique de l'assurance récolte. Elle bénéficie de 20 millions d'euros supplémentaires en 2025 afin que soit ré-abondé, comme cela avait été le cas en 2024, le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Créé en 2010, ce fonds a pris le relai du régime de garantie contre les calamités agricoles qui existait depuis 1964. Il est en effet prévu une enveloppe de 295,5 millions d'euros (contre 275,5 millions d'euros en 2024) pour le FNGRA. Les 20 millions d'euros supplémentaires inscrits au PLF pour 2025 correspondent aux arbitrages arrêtés lors de la réforme de l'assurance récolte, qui prévoit une montée en puissance progressive des financements de l'État.

Aux crédits alloués à ce fonds s'ajoute le produit, qui lui est dévolu, de la taxe additionnelle sur les contrats d'assurance agricole, dont le produit devrait rester stable, après la hausse connue en 2024 à la suite d'une revalorisation du taux appliqué et d'une augmentation progressive du taux de couverture, pour s'établir de nouveau, en 2025, à 120 millions d'euros. Il s'agit de contributions additionnelles aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d'assurance couvrant les dommages aux bâtiments, aux véhicules et au cheptel affectés aux exploitations agricoles et les risques de responsabilité civile ainsi qu'une contribution additionnelle applicable aux exploitations conchylicoles.

Le volet assurantiel comprend également une enveloppe de FEADER dévolue aux subventions à l'assurance récolte (184,5 millions d'euros en moyenne par an pour la programmation 2023 à 2027).

Cet effort budgétaire résulte de la réforme de l'assurance récolte en 202217(*). Depuis lors, le système assurantiel du secteur agricole repose sur un partage rééquilibré du risque entre l'État, les agriculteurs et les assureurs afin d'accompagner davantage le secteur qui subit la multiplication des aléas (épisodes climatiques d'ampleur, crises sanitaires, incendies, dégradations commises par des tiers, vol de matériel agricole, impact de la situation internationale sur les cours de matière première, etc.) et alors que les acteurs sont parfois contraints de renoncer à ce type d'assurance pour des motifs économiques. L'année 2025 constituera la troisième année d'application de la réforme qui devrait à terme aboutir à une couverture des risques à « trois étages » :

- une absorption des risques de faible intensité à l'échelle individuelle de l'exploitation agricole ;

- une mutualisation entre les territoires et les filières concernant les risques d'intensité moyenne ;

- une indemnisation directe de l'État contre les risques dits « catastrophiques ».

À l'inverse, les moyens alloués au développement durable et à la planification écologique au sein du programme 149 chutent.

Outre l'action « gestion équilibrée des territoires » qui perd 28 millions d'euros en AE (- 5 %) et 7 millions d'euros en CP (- 1,34 %), les rapporteurs spéciaux relèvent surtout que l'action 29 « Planification écologique » du programme 149 voit ses autorisations d'engagement être amputées de 63,86 % (372 millions d'euros en 2025 contre 1,03 milliard d'euros en 2024) tandis que ses crédits de paiement diminuent de 50 % (296,9 millions d'euros en 2025 contre 594 millions d'euros en 2024).

S'agissant de cette action 29 « Planification écologique » du programme 149, les rapporteurs spéciaux ont été particulièrement surpris d'apprendre qu'une partie des arbitrages n'est toujours pas rendu dans le projet de loi de finances pour 2025.

En conséquence, aussi surprenant que cela puisse paraitre, sept des dix sous-actions de cette action affichent une ligne budgétaire nulle, alors même que cela ne correspondrait pas, pour partie, à l'intention gouvernementale. Dès lors, le cabinet de la ministre, lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, a suggéré d'appréhender, dans l'immédiat, les crédits alloués à l'échelle de l'action dans son ensemble et de ne pas tenir compte des montants affichés pour chacune des sous-actions. Si cette situation est particulièrement regrettable - elle serait même apparue intolérable dans un contexte d'examen habituel du projet de loi de finances - et ne permet pas d'opérer un commentaire aussi fin que souhaité en ce qu'elle rend la comparaison des sous-actions non pertinentes, elle a vocation à être rectifiée par une nouvelle répartition par le Gouvernement. Les rapporteurs spéciaux seront donc particulièrement attentifs à cette nouvelle répartition des crédits à venir. À ce stade, ils ne prennent pas l'initiative de proposer eux-mêmes une nouvelle répartition afin de s'en remettre aux échanges en cours entre le ministère et les professionnels du secteur. Ils appuient néanmoins les remarques formulées par les auditionnés sur cette répartition et considèrent en particulier inconcevable que les sous-actions 09 « Graines et plants, et travaux forestiers » et 10 « Forêt en Outre-mer » ne soient plus dotées d'aucun moyen.

En effet, s'agissant de la sous-action 09, les fortes précipitations au cours de l'année écoulée ont contribué à gorger les arbres d'eau : sans travaux forestiers, c'est-à-dire si on ne coupe pas ce bois pour l'utiliser, il sera tout simplement perdu. Cela signifierait que les crédits engagés en 2024 pour planter de nouveaux arbres auraient été utilisés dans le vide. Le Conseil National de l'Expertise Foncière Agricole et Forestière (CNEFAF)18(*) en particulier, a souligné lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, l'incohérence de prévoir des crédits de 230 millions d'euros pour le renouvellement forestier sans soutenir le secteur des pépinières forestières (graines et plants) et celui des travaux forestiers.

Concernant la sous-action 10, elle a vocation à financer la cartographie forestière en Guyane qui débute à peine en ce second semestre 2024, après des années de report, alors qu'une meilleure connaissance de la forêt est indispensable à sa préservation mais aussi à sa valorisation économique. Mettre un terme à ce projet serait contreproductif à moyen terme et priverait la Guyane d'un atout potentiel.

Bien que l'on ne dispose pas encore de la répartition précise et définitivement arrêtée par le Gouvernement, par sous-action, des crédits de l'action 29, cette diminution des crédits destinés à la planification écologique devrait particulièrement toucher la filière bois, après que celle-ci avait fait l'objet d'un renforcement de ses moyens en 2024. Elle avait en effet bénéficié d'un effort particulier avec 250 millions d'euros consacrés au soutien au renouvellement forestier, 200 millions d'euros pour dynamiser l'aval bois - matériaux et 15 millions d'euros pour la préservation de la forêt en Guyane (à travers le lancement de la cartographie de la forêt guyanaise, la plus importante et la plus dense des forêts françaises mais paradoxalement la moins bien connue de l'Institut national de l'information géographique et forestière). Cette situation pour 2025 est d'autant plus dommageable que le financement public de la filière forêt-bois est loin d'être optimal comme l'avaient longuement détaillé les rapporteurs dans leur rapport d'information consacré au sujet.19(*)

En parallèle, 110 millions d'euros avaient été inscrits en AE pour financer un plan « haies », 80 millions d'euros pour la stratégie de décarbonation, tandis que 65 millions d'euros sont inscrits pour porter un « plan protéine » visant à structurer davantage les recherches sur les protéines végétales et que 20 millions d'euros seront consacrés à la réalisation d'un bilan-carbone au moment de la transmission des exploitations.

L'action 21 « Adaptation des filières à l'évolution des marchés » porte des dispositifs destinés à favoriser l'adéquation des filières aux marchés. Elle perd 19 millions d'euros en AE et 18 millions d'euros en crédits de paiement pour atteindre 251 millions d'euros en AE et 252 millions d'euros en CP.

La majeure partie des crédits (143,4 millions d'euros en AE comme en CP) est destinée au soutien de la production de sucre dans les départements et régions d'outre-mer, en particulier pour venir en aide aux planteurs de canne à sucre. Ces crédits sont reconduits à l'identique.

Figure également au sein de l'action 21 une sous-action « Intervention en faveur des filières ultra-marines » qui comprend les crédits du Comité interministériel des Outre-Mer (CIOM), certains crédits de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM) ainsi que les crédits du plan urgence Guyane. Jusqu'en 2023, les crédits du CIOM s'élevaient à 45 millions d'euros par an conformément aux engagements pris par le Président de la République en octobre 2019. Ce montant a dépassé les 60 millions d'euros en 2024 et est porté à 62,3 millions d'euros en AE comme en CP pour 2025.

La baisse des crédits de l'action 21 porte donc sur les autres sous-actions. Est notamment concerné, au sein de cette action, le Fonds Avenir Bio qui perd 5 millions d'euros. Mis en place dans le cadre du programme Ambition Bio 2017, qui vise à soutenir des projets de développement et de consolidation des filières biologiques, il accompagne financièrement les opérateurs économiques ayant des projets collectifs impliquant l'amont et l'aval des filières. Alors qu'il avait bénéficié d'une nouvelle augmentation de ses moyens en 2024 (+ 5 millions d'euros, l'équivalent de ce qui est supprimé en 2025), pour porter son enveloppe annuelle à hauteur de 18 millions d'euros, le budget 2025 lui alloue un montant équivalent à celui de 2022 et 2023 soit 13 millions d'euros.

Le Comité interministériel des outre-mer (CIOM)

Le comité interministériel des outre-mer (CIOM) a pour objectif de fluidifier l'action publique dans les outre-mer et d'assurer le suivi des mesures figurant dans le livre bleu des outre-mer. Plusieurs des actions suivies dans le cadre du CIOM sont donc portées budgétairement par la mission AAFAR.

Ces crédits financent différentes mesures et filières : le régime spécifique d'approvisionnement, les actions en faveur des productions animales (primes animales, importation d'animaux vivants, structuration de l'élevage), les productions végétales de diversification, la filière canne-sucre-rhum, la filière banane, mais aussi la protection de la forêt amazonienne.

Lors du CIOM qui s'était tenu au mois de juillet 2023, la Première ministre avait annoncé un soutien renforcé pour atteindre les objectifs des plans de souveraineté alimentaire élaborés par les territoires ultramarins à hauteur de 15 millions d'euros supplémentaires dès 2024, pour atteindre un montant total de crédits du complément national CIOM de 60 millions d'euros. Plusieurs annonces spécifiques aux outre-mer avaient également été faites à cette occasion, comme le classement de la canne à sucre parmi les « cultures mineures » concernant l'encadrement des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytosanitaires, afin de faciliter les demandes d'extension d'usage de la canne à sucre, par exemple à des produits phytosanitaires.

Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre Michel Barnier a annoncé la tenue d'un nouveau comité interministériel des outre-mer au premier trimestre 2025. À cette occasion, le problème du coût de la vie dans les outre-mer et les récents mouvements sociaux que cette question a entraînés, en particulier dans les Antilles françaises, devraient être abordés.

Source : Site Internet du Ministère de l'Intérieur et des Outre-Mer20(*)

B. LE PROGRAMME 206 « SÉCURITÉ ET QUALITÉ SANITAIRES DE L'ALIMENTATION » ÉGALEMENT TOUCHÉ PAR LA DIMINUTION DES CRÉDITS

Placé sous la responsabilité de la direction générale de l'alimentation (DGAL), le programme 206 est doté, pour 2025, de 926 millions d'euros en AE (contre 1,04 milliard en 2024) et 860 millions d'euros en CP (contre 905 millions d'euros un an auparavant) soit des diminutions respectives de 10,54 % et de 4,99 % par rapport à la LFI 2023.

Il finance les démarches renforçant la durabilité de l'alimentation et prévenant les maladies végétales ou animales, ainsi que leurs effets sur l'homme, via le contrôle de l'utilisation des pesticides et du bien-être animal. Ces dotations sont regroupées au sein de huit actions : santé, qualité et protection des végétaux (action 01), santé et protection des animaux (action 02), sécurité sanitaire de l'alimentation (action 03), actions transversales (action 04), élimination des cadavres et des sous-produits animaux (action 05), mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation (action 06), qualité de l'alimentation et offre alimentaire (action 08) ainsi que l'action 09, créée en 2024, dotée de 160 millions en 2025 contre 250 millions d'euros l'an dernier, consacrée à la planification écologique, et plus spécifiquement dédiée à la stratégie de réduction des produits phytosanitaires.

Outre la diminution de crédits frappant l'action 09, la baisse des crédits du programme touche l'action 06 « mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation » : l'action sera créditée de 359,7 millions d'euros en AE comme en CP, contre 391,3 millions d'euros AE=CP en 2024.

Les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur les conséquences potentielles de ce choix, dans un contexte sanitaire mondial toujours plus incertain. Certes, le contexte budgétaire impose des choix difficiles. Néanmoins, alors qu' en 2022 la France, comme l'a souligné l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA) auprès des rapporteurs spéciaux, s'est classée à la 4e`me place au niveau international selon un indice mondial de la sécurité alimentaire globale récemment publié21(*), ce qui traduirait selon l'ANIA « une nette amélioration (...) puisqu'elle se classait 9ème en 2021 et 17ème en 2020 », il est à craindre que cette baisse des crédits sur le programme 206 puisse à terme avoir un impact sur la qualité et la sécurité de l'alimentation, d'autant qu'il existe une corrélation entre la régularité des contrôles sanitaires opérés par l'administration et la régularité des contrôles internes décidés par les industriels de l'agro-alimentaire. La diminution des contrôles externes risque d'entrainer celle des contrôles internes et la tentation pourrait être grande de rogner sur la sécurité ou sur la qualité dans un secteur dont les marges ont été considérablement réduites22(*).

Toutefois, le ministère, interrogé sur ce point, fait valoir que la baisse des crédits sur l'action ne doit pas masquer la hausse du nombre d'équivalents temps-plein travaillés (ETPT) consacrés à la sécurité sanitaire et alimentaire (SSA) :

« À l'issue de l'année 2023, 2 299 ETPT étaient mobilisés sur la SSA, y compris pour les contrôles d'abattoirs, ce qui représente une hausse de 116 ETPT par rapport à 2022. Avec la finalisation des recrutements 2023 et les recrutements 2024, ce sont environ 2 350 ETPT qui seront consacrés à la SSA. »

Les rapporteurs spéciaux seront néanmoins particulièrement sensibles à cet aspect du programme en cours d'exécution budgétaire en 2025.

Par ailleurs, le cofinancement de certaines activités par l'Union européenne donne lieu à l'encaissement sur le programme 206 de fonds de concours (FDC). Sont ainsi attendus 6,57 millions d'euros en 2025 (contre 8,2 millions d'euros en 2024). Enfin, il faut préciser que le programme 206 ne porte aucune dépense fiscale.

Trois objectifs et six indicateurs sont associés au programme 206. Le premier objectif est de favoriser le changement de pratiques afin de préserver la santé publique et l'environnement.

Le nombre d'autorisations de mise sur le marché (AMM) de produits contenant du glyphosate demeure difficile à anticiper dès lors que le ministère indique que « les évolutions dépendent de la décision de renouvellement ou non de l'approbation du glyphosate qui sera prise par la Commission européenne à l'expiration de l'approbation actuelle ». Le pourcentage de bovins, porcs et oiseaux traités à la colistine23(*) demeure très faible en France : il serait de 3,4 % entre 2023 et 2026, au lieu de 3,7 % dans la prévision antérieure et de 4,7 % en 2019. D'autre part, le soutien massif de la mission « Plan de relance » a conduit la totalité des départements à être couverts par un projet alimentaire territorial (PAT).

Le deuxième objectif vise à évaluer, prévenir et réduire les risques sanitaires à tous les stades de la production.

Le troisième objectif a trait à la réactivité et à l'efficience du système de contrôle sanitaire.

C. LE PROGRAMME 215 « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'AGRICULTURE » GLOBALEMENT PRÉSERVÉ APRÈS PLUSIEURS ANNÉES DE RESTRICTION DE LA VOILURE

Ce programme rassemble les dotations allouées aux moyens en personnel et en fonctionnement de l'administration centrale et de certains services déconcentrés départementaux ou régionaux pour le pilotage et la mise en oeuvre opérationnelle sur tout le territoire des politiques publiques portées par le ministère, hors celles relevant du secteur sanitaire (programme 206) et de l'enseignement (programme 143 « Enseignement technique agricole » relevant de la mission « Enseignement scolaire »).

Ses crédits sont rassemblés dans 4 actions : moyens de l'administration centrale (action 01), évaluation de l'impact des politiques publiques et information économique (action 02), moyens des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, des directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (action 03) et moyens communs (action 04).

Géré par le secrétariat général du ministère, le programme comprend les moyens de personnel et de fonctionnement en matière d'accessibilité pour les usagers, de développement des systèmes d'information, de projets immobiliers, de formation continue, d'action sanitaire et sociale ou encore de communication.

L'enveloppe allouée pour 2025 s'élève à 732,25 millions d'euros en AE et 668,2 millions d'euros en CP, incluant 6,8 millions d'euros de fonds de concours (FDC), soit une hausse de 4,3 % et 7,25 % par rapport à l'exercice 2024.

Cette progression des crédits du programme traduit la volonté de rattraper le retard lié au report, depuis plusieurs années, d'investissements indispensables, en particulier sur le plan informatique afin d'assurer une traçabilité sanitaire des animaux plus efficace. Par ailleurs, les crédits comprennent le lancement des études avant travaux dans la perspective de l'installation à Maisons-Alfort, sur le site de l'école vétérinaire, d'une partie des personnels du MASAF (à une échéance de trois ans environ) : une enveloppe de 72,10 millions d'euros en AE et 550 000 euros en CP est ouverte en vue de l'engagement global du marché de performance.

D. DES EFFORTS IMPORTANTS À DESTINATION DU PROGRAMME 381 « ALLÈGEMENTS DU COÛT DU TRAVAIL EN AGRICULTURE »

Cette action facilite l'embauche de travailleurs occasionnels pour réaliser des activités agricoles à travers une exonération partielle de cotisations patronales, pour un montant qui correspond au différentiel avec le coût des contrats concernés si ces derniers n'avaient bénéficié que des allégements généraux renforcés.

71 000 entreprises, soit près de la moitié des structures du secteur de la production agricole employant des salariés, sont concernées pour un total d'exonérations représentant 31 % du volume global des heures salariées dans le secteur agricole. Compte tenu du désavantage compétitif que pourrait représenter le coût du travail dans un secteur aussi concurrentiel, les rapporteurs soulignent l'importance de ce programme, en particulier en ce qu'il permet de lutter contre le travail non déclaré et la dégradation des conditions de travail qui en résulterait.

Alors qu'entre 2019 et 2022, le dispositif était financé par une fraction de la TVA et par crédits budgétaires du ministère chargé de l'agriculture, il l'est depuis intégralement, comme avant 2019, sur crédits budgétaires du ministère chargé de l'agriculture. Ainsi, la part des exonérations correspondant aux allégements généraux n'est plus compensée par une fraction de TVA mais par les crédits ouverts sur ce programme budgétaire 381. Le surplus d'exonération lié au maintien d'un plateau d'exonération totale à 1,2 SMIC24(*) par rapport aux allègements généraux, reste compensé sur les crédits du programme budgétaire 149. Les estimations ont été réalisées en tenant compte des prévisions d'évolution du SMIC, en raison de la forte élasticité des rémunérations des travailleurs saisonniers à ce salaire minimum, ce qui en fait le principal facteur d'évolution du coût du dispositif TO-DE.

Enfin, il faut souligner qu'une partie de la compensation versée à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole provient, par ailleurs, du programme 149 (cf. supra).

E. LA DISPARITION DU PROGRAMME 382 « SOUTIEN AUX ASSOCIATIONS DE PROTECTION ANIMALE ET AUX REFUGES » MAIS LE MAINTIEN DES POLITIQUES PUBLIQUES CONCERNÉES DANS LA MISSION

Le programme 382, qui comportait une seule action « Protection animale », a été créé par la LFI pour 2023 à la faveur de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, et disparait de l'architecture du PLF pour 2025.

Dans la continuité de réformes prises sur le fondement de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, le programme finançait ainsi le retrait d'animaux maltraités 25(*) (transport, soins vétérinaires, hébergement, etc.) en collaboration avec les associations comme la Société protectrice des animaux, la Fondation Brigitte Bardot et l'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoir.

Les actes de cruauté peuvent conduire, suivant les cas, le procureur de la République, le juge d'instruction ou le président du tribunal judiciaire, par ordonnance motivée prise sur les réquisitions du premier et après avis d'un vétérinaire, à prononcer un placement ou une cession dans les conditions prévues à l'article 99-1 du code de procédure pénale.

Malgré la suppression du programme, la mission AAFAR poursuivra les politiques publiques afférentes, dont la nécessité est malheureusement toujours plus prégnante. Cette suppression du programme est donc purement technique : il n'apparaissait pas opportun de leur consacrer un programme spécifique alors même que des crédits ayant le même objet figurent en parallèle dans le programme 206 qui absorbe donc le financement de toutes les missions de ce type et maintient, au global, le montant des crédits alloués.

III. LE RÔLE CLÉ DES DIX OPÉRATEURS, GLOBALEMENT PRÉSERVÉS SUR LE PLAN BUDGÉTAIRE

La mission compte dix opérateurs qui lui sont budgétairement rattachés, parmi lesquels huit relèvent du programme 149 : l'Agence de services et de paiement, le Centre national de la propriété forestière, FranceAgriMer, l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, l'Institut français du cheval et de l'équitation, l'Institut national de l'origine et de la qualité, l'Office de développement de l'économie agricole d'Outre-mer et l'Office national des forêts. Les deux autres opérateurs sont rattachés, pour l'un au programme 206 (l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail) et l'autre au programme 215 (l'Institut national de formation des personnels du ministère de l'agriculture).

Parmi les dix opérateurs, deux sont frappés d'une diminution des crédits alloués via le programme 149 (ce qui ne signifie pas nécessairement que le total des fonds publics diminue pour ces mêmes opérateurs puisque plusieurs d'entre eux bénéficient de financements croisés).

L'Agence de services et de paiement (ASP) - établissement public à caractère administratif sous la tutelle des ministres chargés de l'agriculture et de l'emploi qui contribue à la gestion administrative et financière d'aides publiques et assure un suivi et une évaluation des politiques publiques - perdra au global un peu plus de 500 000 euros en AE et 800 000 euros en CP en 2025. Sur le champ des politiques agricoles, l'ASP est le principal organisme payeur du Fonds européen agricole de garantie et du Fonds européen agricole pour le développement rural.

Toutefois, ce sont plus de neuf programmes répartis dans plusieurs missions qui assurent le financement de l'ASP, via des subventions pour charges de service public, des subventions pour charges d'investissement, des transferts de crédits et des dotations.

Sur le programme 149, les crédits alloués à l'ASP augmentent de plus de 120 000 euros, en AE comme en CP, pour atteindre environ 935 000 euros en AE et 920 000 euros en CP. Cette augmentation des crédits, même si elle n'est pas révélatrice du sort de l'opérateur au global, apparait justifiée du point de vue des rapporteurs spéciaux. Plusieurs organismes auditionnés ont en effet eu l'occasion d'alerter les rapporteurs spéciaux sur un nombre important de « défaillances », ou en tout cas d'actions perçues comme telles, de l'ASP dans le paiement d'aides agricoles en particulier. Les délais de traitement, les lourdeurs administratives et les difficultés liées au système informatique de l'ASP ont notamment été mises en avant s'agissant des missions de l'ASP en lien avec l'agriculture. La refonte des systèmes d'information, le suivi des surfaces en temps réel et la revalorisation des moyens pour mieux suivre la nouvelle PAC constituent l'essentiel de la revalorisation des financements de l'agence sur le programme 149.

Une partie de ces difficultés peut s'expliquer par la montée en puissance des tâches conférées à l'opérateur (le nombre de dispositif suivi a plus que doublé en sept ans, passant de 35 en 2019 à 85 en 2023). Les rapporteurs spéciaux, à l'issue de ces remontées de terrain, prendront l'initiative en début d'année 2025 d'entendre l'ASP en audition. Ces échanges pourraient également être l'occasion d'aborder le sujet de la trésorerie de l'opérateur en forte diminution (27,5 millions d'euros fin 2024 contre 63,4 millions d'euros deux ans plus tôt) afin d'en déterminer les facteurs (compte tenu des tâches de l'ASP qui vont bien au-delà de la question agricole, les rapporteurs spéciaux n'établissement aucune corrélation à ce stade entre cette diminution et les difficultés évoquées).

L'institut français du cheval et de l'équitation, opérateur unique de l'État pour la filière équine, verra ses crédits passer de 45,2 millions d'euros à 44,7 millions d'euros (du fait d'une baisse de transferts issus du programme 149 alors qu'en parallèle la subvention pour charges de service public issue du programme 219 « Sport », qui ne relève pas de la présente mission, augmente légèrement).

Parmi les huit autres opérateurs, trois bénéficient d'une consolidation de leurs moyens, entre autres afin de faire face à la densification progressive de leurs missions :

- FranceAgriMer verra ses AE passer de 185,5 millions d'euros à 311,2 millions d'euros et ses CP passer de 180 à 277 millions d'euros. Cette forte augmentation des crédits permettra notamment de financer le développement de la plateforme « Expadon » qui permet d'accéder aux informations sanitaires et phytosanitaires d'un produit importé ou exporté ;

- l'Office de développement de l'économie agricole d'Outre-mer (de 109,5 millions d'euros à 204 millions d'euros en AE comme en CP) ;

- le Centre national de la propriété forestière (17,04 millions d'euros en AE et en CP contre 16,07 millions en LFI 2024).

L'Office de développement de l'économie agricole (ODEADOM)

Établissement public administratif (EPA) fondé en 1984, placé sous la tutelle du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, d'une part, et du ministère des outre-mer, d'autre part, l'Office de développement de l'économie agricole (ODEADOM) est chargé d'accompagner cinq départements et régions d'outre-mer au sens de l'article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion) et de trois collectivités d'outre-mer26(*) régies par l'article 74 (Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon) dans leur politique de développement durable de l'économie agricole. Une convention avec Wallis-et-Futuna est par ailleurs en cours de rédaction.

Financé à hauteur de 90 % sur les crédits du programme 149, l'ODEADOM perçoit le reliquat - 6 millions d'euros - du programme 123 de la mission outre-mer qui permet aux directions de l'alimentation, de l'agriculture et des forêts (DAAL) d'apporter une contribution à des projets contribuant aux objectifs de l'ODEADOM. 

L'ODEADOM est également l'organisme payeur du régime spécifique d'approvisionnement (RSA)  : le RSA vise à « garantir l'approvisionnement des régions ultrapériphériques en produits agricoles essentiels et à pallier les surcoûts induits par l'ultrapériphéricité de ces régions27(*)« Prenant le relais de mesures spécifiques d'approvisionnement des outre-mer qu'avait initié le POSEIDOM28(*), devenu le POSEI29(*), le RSA peut prendre la forme d'exonérations de droits d'importation ou d'aides pour l'approvisionnement. Les collectivités éligibles (La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Mayotte) ont un recours très contrasté au dispositif : très prisé à La Réunion où le tissu économique facilite l'accès au dispositif, il est à l'inverse fréquent que Mayotte ou la Guyane n'utilisent pas des crédits pourtant destinés à lutter contre la vie chère.

Source : réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

Les cinq derniers opérateurs voient leurs moyens se stabiliser ou évoluer très légèrement pour des raisons conjoncturelles. C'est le cas de :

- l'Office national des forêts (256,8 millions d'euros contre 255,2 millions d'euros en 2024 dont environ 228 millions d'euros au titre du programme 149 dont la contribution à l'opérateur n'évolue pas) dont la légère revalorisation des crédits s'explique principalement par la monté en puissance des actions au titre du renouvellement forestier ;

- l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail - ANSES - (120,9 millions d'euros en AE et 121,1 millions d'euros en CP en 2025 contre 121,3 millions d'euros en AE et 121,6 millions d'euros en CP en 2024). Cet unique opérateur du programme 206 est placé sous la responsabilité de six directions d'administration centrale, ce qui témoigne de la transversalité de ses missions ;

- l'Institut national de formation des personnels du ministère de l'agriculture qui assure la formation des corps techniciens supérieurs du ministère, voit ses crédits passer de 1,19 à 1,18 million d'euros ;

l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique dont le financement étatique est stabilisé à 25,9 millions d'euros ;

- et enfin l'Institut national de l'origine et de la qualité qui bénéficiera du même montant de subvention pour charges de service public (18,2 millions d'euros en 2025 comme en 2024).

SECONDE PARTIE
ANALYSE DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL » (CAS-DAR)

I. UN COMPTE DÉDIÉ À L'INNOVATION EN MATIÈRE AGRICOLE DONT LES CRÉDITS, MALGRÉ LEUR SOUS-CONSOMMATION RÉCURRENTE, SONT RECONDUITS POUR 2025

Le Compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CAS-DAR) a pour objet d'accompagner la transformation des systèmes agricoles et de favoriser la transition des filières. Il retrace en recettes le produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts et en dépenses, les opérations relatives au développement agricole et rural.

La taxe « développement agricole et rural » est assise sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles. Elle comprend une part forfaitaire, d'un montant de 90 euros par exploitant imposable30(*), et une part proportionnelle au chiffre d'affaires des exploitations agricoles de l'année n-1 (ou du dernier exercice clos), c'est-à-dire du chiffre d'affaires 2024 pour l'exercice budgétaire 2025. La partie proportionnelle s'établit à 0,19 % du chiffre d'affaires - hors TVA- jusqu'à 370 000 euros de chiffre d'affaires auxquels s'ajoutent 0,05 % du chiffre d'affaires au-delà de 370 000 euros.

Ce CAS a été conçu pour soutenir la mise en oeuvre d'actions de recherche appliquée, d'études et d'expérimentations et de développement, pour détecter les innovations de terrain, permettre leur analyse et faciliter leur diffusion, notamment dans le cadre du Programme national de développement agricole et rural (PNDAR).

A. LE PROGRAMME NATIONAL DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL (PNDAR) 2022-2027

Le compte est étroitement lié au PNDAR car il en finance les objectifs. Le PNDAR 2014-2020, prolongé en 2021, visait à soutenir l'orientation de l'agriculture française vers la triple performance économique, environnementale et sociale.

Le PNDAR 2022-2027 met l'accent sur la transition agro-écologique afin de prendre en compte la dimension environnementale et la création de valeur économique. Il tend à favoriser une diffusion plus large des connaissances et des méthodes en agro-écologie, notamment s'agissant des « innovations de rupture »31(*).

Ayant réduit les 21 objectifs du précédent PNDAR à 9, le PNDAR 2022-2027 cible d'avantage son périmètre d'action : il comprend un volet de mobilisation en faveur de l'économie, de l'emploi et des territoires, un volet d'autonomie vis-à-vis des ressources fossiles et d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, un volet d'amélioration de la résilience de l'agriculture et des systèmes alimentaires face aux changements globaux et aux aléas biotiques, climatiques et économiques, et un volet de bien-être animal. Ces objectifs n'ont pas vocation à être modifiés pour 2025, ainsi que l'a confirmé la direction générale de l'enseignement et de la recherche du MASAF aux rapporteurs spéciaux.

Le CAS-DAR finance les démarches entreprises au titre de 9 objectifs, dans le cadre des programmes 775 et 776.

Les neuf objectifs du PNDAR

1) La création des chaînes de valeur équitables favorisant une relocalisation des productions agricoles et la compétitivité des filières et des entreprises ;

2) Le renouvellement des générations en agriculture par l'accompagnement de l'installation et la transmission, ainsi que l'amélioration de la qualité de vie au travail et les démarches de réflexion sur le sens des métiers en agriculture ;

3) La réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture, et le développement des techniques permettant de stocker du carbone et sa valorisation ;

4) L'autonomie protéique et azotée de l'agriculture française et des territoires ;

5) La valorisation et préservation de l'agro-biodiversité ;

6) L'adaptation des systèmes de production animale et végétale face aux aléas et au changement climatique, en s'appuyant notamment sur une gestion économe et efficiente de l'eau ;

7) La gestion intégrée de la santé animale et végétale ;

8) L'amélioration du bien-être animal ainsi que la poursuite des transitions pour rester acteur des marchés et générer de la valeur au sein des filières ;

9) La mobilisation du levier du numérique pour soutenir la conception, le pilotage, le déploiement et la valorisation de systèmes de production agricole innovants et performants.

À cet effet, le programme mobilise le réseau des chambres d'agriculture, les organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), les organismes de sélection animale (OS), les dynamiques de groupes, les démarches territorialisées et les approches inter-filières agricoles.

Source : réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

B. DES PROGRAMMES TOURNÉS VERS LE DÉVELOPPEMENT ET LA RECHERCHE DONT LES CRÉDITS SONT RECONDUITS À L'IDENTIQUE EN 2025

1. Le programme 775 « Développement et transfert en agriculture »

Ce programme tend à financer le renouvellement par les agriculteurs de la conception des systèmes agricoles plus innovants et performants d'un point de vue économique, environnemental et social, en mettant en oeuvre des principes agro-écologiques32(*).

Il comprend deux actions, une action principale consacrée au « Développement et transfert », mobilisant 62,93 millions d'euros, soit 99,9 % des crédits de la mission (cf. infra pour le détail des interventions conduites) et une action regroupant les fonctions supports pour 74 400 euros.33(*) Ces montants sont identiques à ceux votés en loi de finances initiale pour 2024. Les dix premiers bénéficiaires de crédits du CASDAR au titre du programme 775 sont détaillés dans le tableau ci-après.

Les dix principaux bénéficiaires du programme 775

Chambre régionale d'agriculture (CRA) bénéficiaire

Montant d'AE perçues (en 2023, euros)

Part perçue du total des AE
du programme 775*

CRA Nouvelle-Aquitaine

5 411 937

8,29 %

CRA Occitanie

4 869 898

7,46 %

CRA Auvergne Rhône Alpes

4 467 416

6,84 %

CRA Grand Est

3 233 607

4,95 %

CRA Bretagne

2 832 704

4,34 %

CRA Pays de la Loire

2 683 182

4,11 %

CRA Bourgogne Franche Comté

2 319 120

3,55 %

CRA Hauts de France

2 147 710

3,29 %

CRA Normandie

2 129 180

3,26 %

CRA Provence Alpes Côte d'Azur

2 010 545

3,08 %

Note : Pour les projets collaboratifs, le chef de file reçoit l'ensemble de la subvention, dont il reverse une quote-part à ses partenaires. Ainsi, une partie des subventions listées a pu être reversée.

Source : direction générale de l'enseignement et de la recherche du MASAF

Le financement des actions de développement des nouvelles pratiques dans les exploitations agricoles s'effectue principalement au travers du réseau des chambres d'agriculture. Sont aussi subventionnées des actions via les organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR) ainsi qu'un programme d'appui à la génétique animale.

Pour le programme 775, l'objectif assigné, assis sur deux indicateurs, demeure le même qu' en 2024 : « Orienter l'action des structures chargées du conseil aux agriculteurs et de l'accompagnement des démarches collectives de développement, en cohérence avec les objectifs principaux du PNDAR : accompagner les transitions des exploitations agricoles vers des systèmes plus résilients et sobres en intrants, tenant compte des besoins des agriculteurs, des consommateurs et des attentes des citoyens, par le conseil dans le cadre de démarches collectives, le transfert de connaissances, de méthodes et d'outils actionnables par les agriculteurs, le développement des compétences ».

Il vise à transmettre aux agriculteurs les éléments à caractère scientifique, organisationnel et technique nécessaires à l'évolution de leur activité vers une agriculture performante, du point de vue économique, environnemental et social.

2. Le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture »

Le programme 776 vise à soutenir le cercle vertueux de l'innovation dès l'émergence des projets, notamment dans le domaine de la transition agro-écologique, tout en favorisant une dynamique de capitalisation, de diffusion massive, impliquant notamment le conseil et la formation agricoles34(*). Il comporte deux actions consacrées à la « Recherche appliquée et [à l'] innovation » (77, 57 millions d'euros en 2025 en AE comme en CP) et aux « Fonctions supports » (aucun crédit ni en AE ni en CP en 2025). L'enveloppe budgétaire du programme est reconduite à l'identique de ce qui avait été adopté en loi de finances initiale pour 2024. Les dix premiers bénéficiaires de crédits du CASDAR au titre du programme 776 sont détaillés dans le tableau ci-après.

Les dix principaux bénéficiaires du programme 776

Bénéficiaire

Montant d'AE perçues

Part perçue du total des AE du programme 776*

Institut de l'élevage (IDEL)

14 200 328

19,02 %

Institut du végétal ARVALIS -

10 725 666

14,37 %

Institut français de la vigne (IFV)

8 205 910

10,99 %

Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL)

5 926 805

7,94 %

Réseau des instituts techniques agricoles (ACTA)

5 142 524

6,89 %

Institut français des industries du porc (IFIP)

4 891 002

6,55 %

ITAVI - Institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole

3 681 010

4,93 %

CRA BRETAGNE

1 643 532

2,20 %

TERRES INOVIA

1 455 644

1,95 %

ITEIPMAI

1 340 330

1,80 %

Note : Pour les projets collaboratifs, le chef de file reçoit l'ensemble de la subvention, dont il reverse une quote-part à ses partenaires. Ainsi, une partie des subventions listées a pu être reversée.

Source : direction générale de l'enseignement et de la recherche du MASAF

Piloté par la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l'Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt, le programme s'est vu assigné l'objectif, qui ne change pas en 2025, de « renforcer le continuum entre recherche et innovation agricole pour accélérer l'émergence et l'appropriation d'innovations répondant aux enjeux d'une quadruple performance sociale, économique, sanitaire et environnementale. »

Pour cette raison, figurent parmi les indicateurs de performance du programme la capacité des acteurs à développer des partenariats multi-acteurs au niveau européen, la capacité à diffuser les résultats des recherches menées (quantifiable par le nombre d'articles publiés) et l'audience des actions de formations.

Chaque année, le tiers de l'enveloppe environ est dédié aux appels à projets dans la maquette prévisionnelle. Rappelons que ces projets de recherche appliquée et de développement agricole ainsi que les programmes annuels des instituts techniques agricoles financés par le CASDAR doivent produire des résultats utilisables par les agriculteurs car les recettes du CAS-DAR proviennent de la taxe sur les exploitations agricoles. En conséquence, la plupart des projets sont réalisés sous le mode innovation non protégée.

C. UNE SOUS-CONSOMMATION CHRONIQUE DES CRÉDITS

1. Depuis 2018, des recettes régulièrement supérieures au plafond de dépenses malgré la revalorisation de celui-ci en 2024

Le plafond de dépenses du CAS-DAR a été rehaussé, dans la loi de finances pour 2024, de 20 millions d'euros pour atteindre 146 millions d'euros, après plusieurs années de stabilité à 126 millions d'euros. Cette hausse s'est opérée en cours de navette parlementaire, par le vote de deux amendements successifs (de 5 millions d'euros puis 15 millions d'euros supplémentaires, dans les deux cas à l'Assemblée nationale) afin de réduire le différentiel entre les recettes et les dépenses.

Les rapporteurs spéciaux se réjouissent donc de ce rehaussement du plafond qu'ils ont encouragé et considèrent qu'il faut aller au bout de la démarche en fixant désormais un plafond de dépenses aligné sur le prévisionnel de recettes globalement fiable chaque année. Toutefois, les services du ministère de l'Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt ont fait savoir aux rapporteur spéciaux qu'une nouvelle augmentation du plafond de dépenses n'était pas envisagée par le Gouvernement pour 2025.

À défaut, une réflexion sur la pertinence du périmètre et du niveau de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles est aussi envisageable dès lors que son produit est exclusivement affecté à une politique publique dont le besoin de financement serait inférieur au produit collecté. Toutefois, cette option n'a pas la faveur des rapporteurs spéciaux puisque le montant de la taxe n'a pas été revu depuis la création du CAS DAR. Sa part dans le chiffre d'affaires des exploitations diminue donc sous l'effet de l'inflation. L'hypothèse privilégiée par les rapporteurs spéciaux consiste donc à jouer de nouveau sur le plafond de dépenses d'autant que celui-ci a été diminué à partir de 2015 et n'a pas retrouvé, malgré la revalorisation en 2024, son niveau d'alors.

Il n'est en effet pas durablement justifiable de constater un différentiel important entre les recettes et les dépenses d'un compte d'affectation spéciale, justement fait pour contourner le principe de non-affectation et mettre en regard recettes et dépenses liées à une même politique publique. Pour l'année 2024, le différentiel constaté devrait donc atteindre entre 6 et 8 millions d'euros.

Exécution des recettes et des dépenses du CAS-DAR

(en millions d'euros)

Année

Recettes

Dépenses

Plafond

Solde cumulé

2009

113,50

110,55

113,5 en AE et 118,5 en CP

53,02

2010

105,06

108,50

114,5 en AE et 119,5 en CP

46,7

2011

110,45

108,38

110,5

48,72

2012

116,75

114,35

110,5

51,13

2013

120,47

106,98

110,5

64,73

2014

117,10

132,40

125,5

49,43

2015

137,10

131,20

147,5

55,23

2016

130,80

129,20

147,5

56,83

2017

133,4

128, 9

147,5

62,13

2018

136,5

131,2

136

67,6

2019

142,9

130,5

136

80

2020

140,3

127,1

136

93,2

2021

138,4

113,7

126

118

2022

136

132

126

121,09

2023

154,9

141

126

134,24

2O24 (estimatif)

Entre 152 et 154(1)

154(2)

146

Non connu

Notes : (1) La prévision de recette pour 2024 s'appuie sur la publication, en décembre 2023, du compte prévisionnel de l'agriculture pour 2023 par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Cette publication fait état d'un compte prévisionnel 2023 en baisse de 0,8 % par rapport à celui de 2022. Dans sa publication de juillet 2024, l'INSEE porte cette baisse à 1,5 %. Sur cette base, et au vu de l'évolution du taux de rendement de la taxe ces dernières années, la prévision de recettes pour 2024 sur le CAS-DAR est estimée entre 152 et 154 millions d'euros.

(2) La dépense exécutée est supérieure au plafond annuel autorisé en raison de reports de dépenses de 2023 sur 2024 

Source : Commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

Paradoxalement, ce différentiel conduit le CAS-DAR à présenter un solde comptable largement excédentaire, qui dépassera probablement fin 2024 l'équivalent d'une année de recettes, alors même qu'il est principalement financé par les agriculteurs. Les recettes du compte d'affectation spéciale proviennent, en effet, depuis 201535(*) (cf. supra) de la taxe « développement agricole et rural » qui lui est intégralement affectée. Elle est calculée sur le chiffre d'affaires total des exploitations agricoles36(*), sans distinction du type ou du mode de production.

2. Une gestion financière complexe

La gestion budgétaire et comptable du CAS-DAR est soumise aux règles suivantes quant aux reports.

a) Règles relatives aux crédits budgétaires

Les crédits budgétaires (AE et CP) sont ouverts à hauteur des montants prévus en loi de finances initiale qui se fondent sur une estimation du montant de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles.

Les AE et les CP budgétaires non consommés en fin d'année donnent lieu un arrêté de report sur l'année suivante. Les raisons en sont multiples. Un porteur de projet peut, à titre d'illustration, demander une prolongation de son projet ce qui diffère les décaissements prévus.

En outre, il convient de relever qu'une partie des crédits ouverts sont en réalité gagés sur des projets déjà engagés. Le niveau élevé des reports de crédits de paiement37(*) résulte des crédits non consommés qui proviennent principalement des restes à payer. Un programme financé par le CAS-DAR fait généralement l'objet de paiements répartis sur plusieurs années.

Les restes à payer sur autorisations d'engagement à la fin de chaque exercice, les désengagements d'autorisations d'engagement réalisés chaque année ainsi que les reports de crédits de paiement depuis cinq ans sont présentés dans le tableau ci-après.

CAS DAR : Restes à payer sur AE, désengagements sur AE et reports de CP

 

Restes à payer au 31 décembre
de l'année n-1

Désengagements sur AE de l'année n

Reports CP
de l'année n-1
sur l'année n

2019

59 052 452 

1 842 869 

59 740 860 

2020

68 047 721 

1 938 712

65 260 344 

2021

76 358 003

2 655 974 

76 113 614 

2022

89 041 943

2 731 583

98 396 979 

2023

80 273 383

2 985 557

101 223 683

2024

79 581 128

Non connu 

113 842 925

Source : Réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

b) Règles relatives aux recettes

Si la recette est supérieure au montant ouvert en LFI, cette ressource supplémentaire ne peut être engagée à moins d'une ouverture de crédits.

Cette dernière prend deux formes, celle d'un arrêté conjoint d'ouverture en gestion de l'excédent de recettes constaté, entre le ministre chargé de l'agriculture et celui chargé des comptes publics, ou celle d'une autorisation en loi de finances rectificative des excédents de recettes, y compris pour les années antérieures. Ces ouvertures de crédits supplémentaires apportent une souplesse de gestion malgré la fixation d'un plafond.

Toutefois, elle n'est en rien obligatoire et, dans les faits, le différentiel entre les ressources et les dépenses contribue au solde comptable du CAS DAR, en application du II de l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)38(*).

Ce solde comptable cumulé constaté sur le CAS au 31 décembre 2023 s'établissait à 134,24 millions d'euros contre 121,09 millions d'euros un an auparavant, soit une nouvelle augmentation de 10,9 %.

c) Une sous-consommation du CAS constatée ces dernières années

S'agissant de l'évolution des crédits du CAS-DAR, le tableau ci-dessous, en lecture combinée avec le tableau supra, met en évidence, trois tendances :

une ouverture de crédits annuelle structurellement supérieure aux montants disponibles, en raison des restes à payer et du caractère pluriannuel des dépenses ;

une sous-consommation des crédits par rapport aux recettes. Comme constaté depuis plusieurs exercices par la Cour des comptes39(*), ce faible taux d'exécution s'explique par des « prévisions de recettes extrêmement prudentes [qui] conduisent à des ouvertures de crédits en fin d'année qui ne peuvent, de fait, être consommées ». Cela reste vrai malgré le rehaussement du plafond de dépenses en 2024 ;

une dynamique des recettes qui dépasse le plafond depuis sept ans, et qui justifiait d'autant plus que ce dernier soit relevé.

Évolution de 2015 à 2025 des AE et CP du CAS-DAR

(en euros)

 

Crédits inscrits (1)

Exécution (2)

Solde

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2015

138 958 426

180 206 929

137 346 485

131 320 500

1 611 941

48 886 429

2016

132 423 401

179 697 888

126 045 839

129 207 058

6 377 562

50 490 830

2017

139 797 774

183 911 042

131 669 045

128 949 787

8 128 729

54 961 255

2018

139 694 988

190 961 255

131 655 785

131 220 395

8 039 203

59 740 860

2019

144 411 404

195 740 860

139 475 784

130 480 516

4 935 620

65 260 344

2020

141 091 317

203 260 344

135 457 011

127 146 729

5 634 306

76 113 615

2021

139 695 593

212 113 614

126 400 574

113 716 634

13 295 019

98 396 979

2022 

136 639 043

224 396 979

132 732 712

141 501 272

19 502 723

82 895 707

2023

145 502 723

227 223 683

141 061 426

141 753 681

4 441 297

85 470 002

2024(1)

175 828 663

259 842 925

158 210 456

154 407 195

17 618 207

105 435 730

2025(2)

146 000 000

251 435 730

146 000 000

146 000 000

-

-

Notes : (1) Les crédits en AE et CP correspondent aux crédits ouverts en LFI, dans la limite de la recette du CAS-DAR, majorés des reports de crédits de l'année N-1 sur l'année N et des éventuelles ouvertures de crédits en gestion (décret de virement, arrêté, loi de finances rectificative).

(2) L'exécution en AE est minorée des retraits sur engagements des années antérieures (données Chorus).

Source : Commission des finances du Sénat, d'après les données recueillies dans les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

II. UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE DONT L'EXISTENCE MÊME QUESTIONNE TOUJOURS AUTANT LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

De nouvelles modalités de gestion ont été définies dans le cadre du Programme national pour le développement agricole et rural (PNDAR) 2022-2027. Parmi les 9 priorités du PNDAR (cf. supra) figure notamment une rationalisation de la gestion des appels à projets et des modalités d'évaluation des programmes.

Les rapporteurs spéciaux espèrent que ces priorités tiendront enfin compte des améliorations déjà formulées par le passé et attendues, en particulier la mise en place d'une évaluation effective des activités, une juste estimation de leur impact environnemental et un recours accru aux procédures d'appel à projets.

Ils seront donc attentifs à l'évaluation de la performance associée à ce programme. Il importe que le ministère s'attache à restituer les résultats des recherches appliquées financées par les exploitations agricoles, qui, de leur côté, ont droit à cette information.

De manière plus globale, les rapporteurs spéciaux réitèrent le point de vue exprimé à plusieurs reprises, et partagé par la Cour des comptes, sur le caractère visiblement inadapté d'un compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ». Parmi les comptes spéciaux, les comptes d'affectation spéciale doivent, conformément à la LOLF, présenter une « relation directe, par nature, entre la recette et la dépense ». Le différentiel, année après année, entre les dépenses et les recettes dans le CAS DAR illustre le fait que cette relation directe n'est pas avérée. Ce différentiel demeure, malgré la revalorisation du plafond de dépenses opéré l'an dernier qui va dans le bon sens. Par ailleurs, le CAS DAR déroge en tous points aux principes d'annualité et d'universalité budgétaire auxquels il est en théorie soumis, d'une part par la pratique systématique et massive des reports de crédits, d'autre part en isolant du budget général des politiques qui devraient en relever.

Il n'y a par exemple aucune cohérence à maintenir, via le programme 776 du compte d'affectation spéciale, une mission d'appui à la « souveraineté alimentaire », alors même que c'est une politique publique d'autant plus générale qu'elle figure depuis 2022 dans l'intitulé même du ministère.

Le principal intérêt attaché à l'existence de ce CAS est de garantir l'affectation du produit des recettes aux politiques publiques qu'il finance mais il semble que même cet avantage soit contourné par un plafonnement des dépenses volontairement inférieur aux recettes.

Outre leurs objections théoriques, les rapporteurs spéciaux partagent aussi les inquiétudes de la Cour sur le coût élevé de gestion du CAS DAR, même si le montant reste modeste au regard du budget global de l'État, ainsi que sur la porosité avec le budget général et sur la récurrence des subventions versées à certaines structures, malgré la mise en oeuvre du nouveau PNDAR.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et ceux du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 5 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de MM. Christian Klinger et Victorin Lurel, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec le rapport de MM. Christian Klinger et Victorin Lurel sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar). Nous accueillons pour ce point à l'ordre du jour M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Nous le savons tous, la situation des agriculteurs français n'est pas réjouissante : réchauffement climatique, pluies massives depuis un an, possible concurrence économique déloyale du fait de l'ouverture potentielle au Mercosur, droits de douane chinois sur nos spiritueux, conséquences de l'élection présidentielle américaine sur les exportations de nos fromages et de nos vins, poids du conflit ukrainien sur le cours de notre blé et de nos volailles, manque d'attractivité d'une partie des professions agricoles, crises sanitaires successives, handicaps propres à la ruralité, vols de matériels, recul de notre souveraineté alimentaire, faiblesse de notre innovation dans ce secteur, défi assurantiel... J'en passe ! Je dois bien avouer que même l'optimisme alsacien pourrait en prendre un coup.

Il est difficile, dans ces conditions, de ne pas donner raison aux exploitants agricoles qui ont manifesté en début d'année. Leur situation est d'autant plus difficile du fait d'un contexte budgétaire particulièrement morose. L'endettement abyssal dont nous héritons et l'absence de marge de manoeuvre qui en résulte doivent, à mon sens, nous astreindre à une forme de modestie. Répondre aux attentes du secteur agricole dans un tel contexte est un véritable défi. Si une personne autour de la table a une solution miracle pour concilier les contraintes économiques, écologiques, sociales, concurrentielles et budgétaires, qu'elle n'hésite pas à la partager !

Je tiens néanmoins à mettre en avant un point de satisfaction, car il s'agit bel et bien d'une satisfaction que de voir le total des concours publics consacrés à l'agriculture être maintenu en 2025. Si l'on ajoute les crédits européens de la politique agricole commune (PAC), les dépenses sociales figurant au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les mesures fiscales, les dépenses budgétaires que nous sommes en train de présenter, le compte d'affectation spéciale dont nous parlerons, les crédits, comme l'enseignement technique agricole, qui figurent sur d'autres missions, nous consacrerons en tout 25,6 milliards d'euros en 2025 à l'agriculture et à la forêt. Ce montant est très proche du total des concours publics de 2024, ce qui constitue un effort colossal au vu du contexte budgétaire

Notons toutefois que la répartition des sommes varie. Des crédits qui figuraient l'an dernier dans la mission sont déplacés et prennent une autre forme, pour soutenir d'autres priorités. Ces changements s'expliquent par les revendications des agriculteurs, qui se sont traduites par plus de 3 000 demandes lors du mouvement social du début d'année et ont abouti à soixante-dix engagements gouvernementaux.

Ces engagements débouchent sur des crédits d'urgence engagés sur l'exercice 2024, des mesures fiscales figurant dans la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (PLF), des mesures sociales dans le PLFSS et, enfin, des dispositifs présents dans le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, qui reviendra en janvier prochain devant le Parlement. S'y ajoutent quelques actions contenues dans la mission que nous examinons.

Dès lors, deux choix s'offraient à nous, en tant que rapporteurs spéciaux.

D'une part, nous pouvions nous restreindre aux crédits de la mission et comparer les seules années 2024 et 2025, comme pour tendre une loupe et nous focaliser ainsi sur une toute petite partie de la réalité. Cette option n'est pas celle que nous avons retenue.

D'autre part, nous pouvions prendre tous les critères en compte et nous poser la question sous un angle autre qu'une simple analyse comptable, en nous demandant si les crédits pour l'agriculture, dans leur ensemble, permettront de répondre aux principales attentes des professionnels du secteur, tout en ne dégradant pas notre souveraineté alimentaire. Nous avons adopté cette démarche, que nous considérons comme la plus honnête intellectuellement.

Ainsi, nous avons décidé de comparer le projet pour 2025 et les années 2023 - dernière année entièrement exécutée - et 2024.

Les pouvoirs publics, je l'ai dit, accomplissent un effort budgétaire réel en maintenant la somme totale des concours publics agricoles. Poser un tel constat pourrait sembler paradoxal parce que les autorisations d'engagement (AE) de la mission diminuent de 13,46 % et les crédits de paiement (CP) de 6,56 %. Le paradoxe n'est qu'apparent : le rapport retranscrit notre volonté de photographier l'ensemble de l'effort accompli envers le monde agricole, et non les seuls crédits transitant par la mission.

Le document qui vous a été distribué fait apparaître un graphique comparant les crédits de la mission pour 2025 avec ceux de l'exercice 2023 - ce rapprochement nous est apparu comme le plus révélateur. Ce graphique montre un effort globalement soutenu. Bien sûr, nous aimerions faire plus et je partage certaines des pistes d'amélioration que Victorin Lurel mettra en avant. Néanmoins, je considère que nous devons voter en faveur de ces crédits : ils répondent à l'essentiel des attentes des professionnels, dans un contexte objectivement difficile.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Comme M. Klinger, je reconnais l'effort consenti par les pouvoirs publics. Nous percevons bien toute la difficulté de concilier le nécessaire redressement des finances publiques et le soutien à des politiques publiques aussi transversales que celles dont nous parlons. Le montant global des moyens alloués en 2025 me semble satisfaisant, à condition de prendre tous les paramètres en compte, au travers des articles 18, 19 et 20 de la première partie du PLF.

En revanche, il me semble difficile de faire abstraction de plusieurs caractéristiques de cette mission pour 2025. Il y a encore, selon moi, une marge de progression.

L'effort consenti en 2024 sur le plan écologique n'est pas reconduit. Certes, reconnaissons-le, la fibre en la matière du gouvernement Attal était largement fictive - proposer des crédits sans les avoir est une démarche spécieuse -, mais ce budget 2025 voit les moyens pour la planification écologique fondre de deux tiers... C'est encore plus rapide que la fonte des glaces !

Cette diminution, d'environ 600 millions d'euros en autorisations d'engagement, affecte les actions considérées comme pilotables, c'est-à-dire principalement la planification. L'action n° 29 « Planification écologique » du programme 149 perd 650 millions d'euros en AE et 300 millions d'euros en CP ; l'action n° 09 « Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires » du programme 206 voit son enveloppe réduite de 90 millions d'euros en AE et 45 millions d'euros en CP.

Cette importante diminution est à nuancer. Effectivement, par rapport à ce qui a été réellement dépensé en 2023, les crédits pour une agriculture écologique augmentent, ce pourquoi la répartition des crédits au sein du programme 149 me pose davantage problème que leur montant.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, sept des dix sous-actions de l'action n° 29 affichent une ligne budgétaire nulle, alors même que cet état de fait ne correspondrait pas, pour partie, à l'intention gouvernementale. Le cabinet de la ministre nous a suggéré d'appréhender les crédits alloués à l'échelle de l'action n° 29 dans son ensemble, sans tenir compte des montants affichés dans le détail... Cette situation est particulièrement regrettable. Elle serait même intolérable dans un contexte d'examen plus classique, rendant la comparaison des sous-actions non pertinente. Certes, cette répartition a vocation à être rectifiée prochainement, mais nous attendons depuis des semaines...

J'insiste donc : à ce stade, c'est surtout la répartition qui est problématique. Un seul exemple, les fortes précipitations au cours de l'année écoulée ont contribué à gorger les arbres d'eau ; sans travaux forestiers, c'est-à-dire sans coupe de ce bois, celui-ci sera perdu ; une telle perte signifierait que les crédits engagés en 2024 pour planter de nouveaux arbres auraient été dépensés en vain. Par conséquent, investir 230 millions d'euros en 2025 pour le renouvellement forestier sans prévoir de crédits pour les travaux et sans soutenir le secteur des pépinières forestières afin d'envisager une replantation rapide n'a véritablement aucun sens.

Que dire, aussi, de la baisse des crédits de la politique consacrée à la sécurité et à la qualité sanitaires de l'alimentation au sein du programme 206 ? Leur réduction de 30 millions d'euros dans un contexte sanitaire pourtant loin d'être optimal n'a rien de rassurant. Nous avons donc demandé des garanties sur ce point. L'essentiel m'apparaît préservé dès lors que le nombre d'agents travaillant sur la sécurité alimentaire et sanitaire augmente : il passe de 2 299 équivalents temps-plein travaillés à la fin de 2023 à 2 351  au début de 2025. Une fois encore, il faut prendre tous les paramètres en compte.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial. - Permettez-moi de signaler d'autres points très positifs dans ce budget.

En premier lieu, les crédits budgétaires consacrés au renouvellement des générations sont sanctuarisés. L'action n° 23 du programme 149 passe de 123 millions à 126 millions d'euros. Ces crédits viennent compléter ceux du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), lesquels passent par les régions.

En ajoutant à cela l'effort réalisé à travers l'article 19 de la première partie du PLF, que le rapporteur général nous présentera en commission le 13 novembre prochain, nous nous donnons enfin les moyens d'inverser la tendance en matière de transmission d'exploitations et de renouvellement des générations. Le fait que le montant du programme d'accompagnement à l'installation et la transmission en agriculture (AITA) pour 2025 reste en discussion, puisque 13 millions d'euros sont proposés à ce stade, alors que 20 millions d'euros seraient nécessaires en année pleine pour tenir l'engagement, n'efface pas toutes les avancées.

En second lieu, certains dispositifs favorables aux travailleurs se voient consolidés. L'agriculture est un secteur très concurrentiel. Sans adaptation de nos règles, nous favorisons une certaine précarisation. L'exonération de plusieurs charges ou cotisations dont bénéficient environ 71 000 entreprises, soit à peu près la moitié des structures agricoles employant un salarié, assure le maintien de 31 % du volume global des heures salariées dans le secteur agricole tout en donnant lieu à compensation par la Mutualité sociale agricole (MSA). C'est un des moyens de lutter contre le travail illégal et les conséquences de ce dernier, en particulier sur les emplois à faible valeur ajoutée.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Je prête également une attention particulière à ce sujet, en raison de la situation dans les outre-mer, où le salariat agricole joue un rôle central. Je vois donc des avancées dans l'augmentation des crédits de protection sociale du programme 149, mais également dans celle des crédits consacrés aux fameux travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE) au sein du programme 381. Cette évolution vise à anticiper les conséquences de deux mesures du PLFSS très attendues par les agriculteurs : la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul des pensions de retraite et le rehaussement de 1,2 à 1,25 Smic du seuil de dégressivité du dispositif TO-DE.

Nous évoquons aussi, dans le rapport, le rôle crucial des dix opérateurs rattachés à la mission, qui, pour la plupart, voient leurs moyens pérennisés ou renforcés. Au-delà de la question des crédits budgétaires, nous veillerons néanmoins au maintien du plafond d'emploi des opérateurs forestiers, en particulier de l'Office national des forêts (ONF). Celui-ci verrait son schéma d'emplois diminuer de 95 équivalents temps-plein (ETP) en 2025.

Je signale, au passage, que nous aurons un échange avec l'Agence de services et de paiement (ASP) en début d'année prochaine, afin de vérifier les capacités de l'organisme à accélérer les versements d'aides. Malgré les progrès, de nombreux retards nous sont encore signalés.

Vous l'aurez compris, je considère que ce budget retranscrit un effort réel de l'État. Dès lors, voter contre ces crédits n'aurait pas de sens. Toutefois, le Gouvernement doit revoir sa copie sur plusieurs points, notamment sur la répartition des crédits entre les sous-actions du programme 149. Je pense aussi à un aspect que nous développons dans le rapport, mais que nous vous épargnons en raison de sa technicité, à savoir la question du différentiel entre recettes et dépenses au sein du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », le solde comptable s'établit à 134,24 millions d'euros à la fin de 2023 et devrait atteindre environ 141 millions d'euros à la fin de l`année.

Je m'abstiendrai donc, à ce stade, sur le vote des crédits de cette mission essentielle, avec l'espoir que des améliorations interviendront d'ici à la séance publique. Je ne suis pas totalement rassuré sur ces améliorations puisque nous avons appris hier soir que le Gouvernement était sur le point de déposer à l'Assemblée nationale des amendements visant à réduire le déficit à 5 % du PIB en 2025, ce qui se traduirait, pour notre mission, par une réduction de 98,3 millions d'euros des autorisations d'engagement et de 97,3 millions d'euros de crédits de paiement

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - J'irai dans le sens des conclusions des deux rapporteurs spéciaux. De nombreuses mesures correspondent à des engagements précis, visant à ne pas détériorer - contrairement à nos malheureuses habitudes - la compétitivité de la ferme France, engagements que le gouvernement précédent avait pris à la suite des manifestations des agriculteurs.

La suppression de la hausse de la fiscalité appliquée au gazole non routier (GNR) et l'exonération de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) sont des bonnes nouvelles.

Nous pourrions par ailleurs nous pencher sur l'ouverture de la déduction pour épargne de précaution (DEP) aux aléas économiques, en plus des aléas climatiques et sanitaires. Cette ouverture en ferait un véritable instrument financier permettant aux agriculteurs d'affronter les différentes crises.

Trois mesures du PLFSS me paraissent essentielles.

La première mesure est la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul des retraites agricoles, même si le problème de la durée de mise en place de la réforme se pose. De fait, seuls 10 % des agriculteurs, c'est-à-dire ceux qui disposent d'une carrière complète à ce titre, seront alignés sur ce mode de calcul. Les 90 % restants sont les multipensionnés, lesquels devront attendre jusqu'à 2028 pour voir l'amélioration de leur régime de retraite devenir réalité. Au moins, nous n'aurons pas la surprise de voir des retraités agricoles victimes d'une diminution de leur pension, étant donné le travail que le Sénat a fourni en ce sens.

La deuxième mesure dont je me félicite touche aux TO-DE. Il faut toutefois faire attention : l'article 8 améliore et pérennise le dispositif, tandis que l'article 6 plafonne les exonérations. Si les discussions budgétaires à l'Assemblée nationale n'allaient pas à leur terme, comme il semble que ce soit le cas, nous devrions nous pencher sur ce paradoxe et reprendre les éléments de l'amendement proposé aux députés par le Gouvernement pour résoudre le problème. Un article ne peut pas doucher les espoirs suscités par un autre !

La troisième mesure, enfin, concerne l'exonération sur les cotisations maladie et famille en faveur des jeunes agriculteurs. Cet amendement, que je porte depuis sept ans au Sénat, trouve enfin sa traduction dans le PLFSS. Il permettra de corriger une injustice flagrante, à savoir le fait que sur certaines exploitations, par exemple sur les groupements agricoles d'exploitation en commun (Gaec), les jeunes agriculteurs paient plus de charges sociales que les agriculteurs ayant vingt ou trente ans d'expérience dans la profession, et ce malgré les exonérations.

Je rejoins le rapporteur spécial Christian Klinger sur la question de l'AITA, sur lequel un problème demeure. Nous attendions 20 millions d'euros ; on en annonce 13 millions... Nous aurons donc des propositions à formuler.

Ma vision est également très claire sur l'ONF. Si, au départ, je n'étais pas totalement opposé à la diminution de 95  ETP, cette évolution m'apparaît à présent comme un mauvais signal.

Cet organisme, passé de plus de 12 000 à 7 500 salariés, a consenti à un effort colossal, bien que nécessaire, sur sa structure. Depuis deux ou trois ans, il se retrouve, grâce à une gestion bien plus rigoureuse, à déclarer un bénéfice de plus de 60 millions d'euros par an, induisant un surcroît d'impôt de plus de 5 millions d'euros. En outre, ces nouveaux bénéfices - ils auraient pu être partagés avec les salariés, mais ceux-ci l'ont refusé - ont été intégralement mis à contribution pour le désendettement de l'ONF, dont la dette est passée de plus de 400 millions d'euros à 270 millions d'euros environ. Compte tenu de l'ensemble de ces réalisations, ne vaudrait-il pas mieux, plutôt que des coupes budgétaires transversales, maintenir les effectifs et encourager l'État à suivre ce modèle ?

Le signal serait tout aussi mauvais pour le Centre national de la propriété forestière (CNPF). Celui-ci ne dispose que de 374 ETP. Aurions-nous accepté, l'an dernier, une augmentation de 21 ETP pour mieux décider, cette année, d'une diminution de 13 ? Quel est le sens d'une telle politique, si ce n'est faire deux pas en avant, puis trois pas en arrière ?

Je termine par une proposition sur le plan sanitaire. La France s'est peu à peu habituée à un moindre nombre de crises sanitaires - souvenons-nous des problématiques de prophylaxie qu'ont connues nos prédécesseurs du fait de maladies comme la fièvre aphteuse ou la tuberculose. Nous nous sommes pensés un petit paradis. Or les maladies endémiques touchant les troupeaux reviennent : fièvre catarrhale ovine (FCO), maladie hémorragique épizootique (MHE), etc. Il nous faut donc refondre entièrement le système sanitaire, en repensant cette politique et les capacités financières mises au profit de la profession vétérinaire. Sans action de notre part, la population des vétérinaires ruraux, seules sentinelles de notre pays, ne fera que baisser, et nous n'aurons plus aucune possibilité de faire de la prévention face aux pandémies. À titre d'exemple, la France et le Royaume-Uni ont connu en l'an 2000 des cas de fièvre aphteuse : par son système sanitaire fondé, encore à cette époque, sur une répartition harmonieuse des vétérinaires, la France a limité le nombre de cas à trois, quand le Royaume-Uni en a connu des dizaines de milliers !

Même si cela fera grincer des dents, j'écrirai une proposition pour appeler à une fusion des groupements de défense sanitaire (GDS) avec les chambres d'agriculture. L'objectif sera d'avoir, à la fois, des opérateurs capables d'une veille sanitaire plus précise et un lien direct avec les vétérinaires, notamment par l'intermédiaire d'un véritable financement. Je proposerai même une contribution volontaire obligatoire, peut-être cofinancée par l'État, pour atteindre un budget de 60 millions d'euros environ et avoir ainsi les moyens de faire évoluer positivement le nombre de vétérinaires ruraux. Si nous n'y prenons pas garde, les crises que nous connaissons ne feront qu'empirer et leur traitement nécessitera de plus en plus d'argent.

M. Michel Canévet. - Je ne suis pas de ceux qui apprécient la valeur d'une mission à l'aune de l'augmentation de ses crédits. Il ne faudrait pas que la situation financière de l'ONF s'inverse en réintroduisant des effectifs.

Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture offrira-t-il les moyens d'accompagner la transmission des exploitations agricoles ? Des procédures de simplification, sources d'économies, y figurent-elles ?

Par ailleurs, de nombreux agriculteurs ont dénoncé la lenteur de l'ASP. Peut-on améliorer les délais en termes de paiements, notamment pour accompagner les personnes qui se sont engagées de manière pluriannuelle dans des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) ?

Les rapporteurs spéciaux voient-ils des possibilités de regroupements au sein des dix opérateurs ?

M. Éric Jeansannetas. - Concernant le programme 206 et l'action n° 09, l'appel à projets du ministère de l'agriculture pour financer la recherche et la mise en oeuvre de solutions de substitution à l'utilisation des pesticides - ceux-ci sont un danger pour la santé publique et pour la santé des agriculteurs eux-mêmes - serait-il affecté par la diminution importante des crédits ?

M. Jean Pierre Vogel. - À la lecture du rapport spécial, j'ai été assez rassuré par la préservation sur le plan budgétaire des dix opérateurs - ils jouent un rôle clé - malgré la diminution de crédits qui frappe deux d'entre eux. Je suis notamment inquiet pour l'Institut français du cheval et de l'équitation, organisme incontournable pour la filière hippique. Quel est le montant exact des crédits supprimés, en montant et en pourcentage ? Le périmètre des actions de cet organisme sera-t-il revu pour lui permettre de réaliser des économies ? Les conséquences d'une telle diminution ont-elles été évaluées ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le sujet des opérateurs est récurrent dans notre assemblée : nombre, efficacité non optimale...

Concernant l'ASP, la situation s'améliore-t-elle ? Le cas échéant, de quelle manière ?

Même si le Casdar est moins critiqué que par le passé, bénéficie-t-il d'une attention suffisante ? Faudrait-il réorienter ses moyens, par exemple vers le budget du ministère ?

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Comme cela a été dit, nous avons tâché de faire une revue générale de la politique agricole, sans nous limiter à la mission présente : les promesses qui avaient été faites aux agriculteurs ont, pour beaucoup, été respectées.

D'abord, grâce à des simplifications administratives figurant à l'article 20 du projet de loi de finances, les agriculteurs paieront moins cher le GNR en n'avançant pas les fonds susceptibles d'être remboursés.

Ensuite, des exonérations et déductions de charges s'appliqueront au secteur agricole, comme la DEP. La déduction pour les stocks de vaches laitières se transformera en provision comptable dans une limite de 15 000 euros. La reprise de cette provision sera exonérée si le cheptel augmente en valeur au cours des six dernières années. Par ailleurs, le taux relevé d'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties passera de 20 % à 30 %. Les pertes de recettes des communes et intercommunalités à la suite de prises à bail seront compensées.

Enfin, l'article 19 vise à faciliter les transmissions. Des mesures sont prises concernant les plus-values de cession d'une exploitation à un jeune. Ainsi, le seuil d'exonération totale connaîtra une augmentation de 100 000 euros, pour s'établir à 450 000 euros, tandis que l'exonération partielle passera de 450 000 à 550 000 euros. Les plus-values de cession en cas de départ à la retraite bénéficieront d'un étalement sur soixante-douze mois tout en donnant droit à une exonération sur l'impôt sur le revenu. Le chiffre d'affaires des Gaec éligible à ce dispositif passera de 500 000 à 600 000 euros.

Reste à savoir si ces mesures seront pérennisées. Par ailleurs, je ne peux pas vous répondre sur la prise en compte des aléas économiques dans le cadre de la DEP, ne disposant de l'impact budgétaire de cette proposition qui ne peut pas être formulée sans qu'on dispose d'un chiffrage.

Nous attendons tous le vote, dans le PLFSS, de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul de la retraite. Nous cherchons une égalité de traitement au sein du secteur privé. Il faut éviter qu'une part importante d'agriculteurs n'ait pas une carrière complète et s'assurer que ces derniers disposent du nombre d'annuités suffisantes pour obtenir une pension minimale, en nous penchant sur les 90 % d'entre eux qui pourraient être affectés très sévèrement par la réforme.

Ce problème prend une acuité considérable dans les outre-mer. Les personnes que nous avons auditionnées nous ont assuré clairement ne pas être techniquement prêtes pour cette réforme au regard de spécificités locales  : bénéfices imposés à l'hectare, retraites forfaitaires, exonérations... Une refonte pourrait passer par ordonnance. Je suis inquiet que la représentation parlementaire puisse être écartée.

Plusieurs améliorations concernent les TO-DE. Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture permettra d'améliorer les transmissions non seulement en individuel, mais aussi en société, comme dans le cas des Gaec.

Les mesures concernant l'AITA suscitent la déception. Je suis partisan de trouver un juste milieu entre les 13 millions d'euros proposés en PLF et les 20 millions d'euros nécessaires en année pleine. Nous en débattrons au travers d'amendements en séance publique.

L'ONF a fait savoir qu'elle pourrait prendre en charge les 95 ETP sur ses fonds propres, il faut donc s'interroger sur la nécessité de toucher au plafond d'emplois.

Quant au CNPF je n'apprécie pas vraiment les fluctuations d'effectifs contradictoires qu'il connaît d'un exercice sur l'autre et je partage la position du rapporteur pour avis sur ce point.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial. - Le plafond d'emploi de l'ONF pour 2025 prend en compte un transfert d'effectifs de 154 ETP vers une filiale créée au sein de l'établissement en 2023, ainsi qu'un transfert de 43 ETP, correspondant à des emplois vacants, vers l'ASP au sein du même programme. Il est vrai que l'ONF propose de prendre en charge les 95 ETP susceptibles d'être supprimés pour 2025. Nous en débattrons en séance.

Les crédits de l'Institut français du cheval et de l'équitation figurent sur le programme 149. La baisse de 600 000 euros émanant du programme 149 est partiellement compensée par 150 000 euros supplémentaires alloués au travers du programme 219 « Sport ». Au total, le financement public apporté à l'opérateur passe donc de 45,2 millions d'euros à 44,7 millions d'euros.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Face à la diminution des crédits relatifs aux questions sanitaires, des réorientations doivent être réalisées, notamment à l'égard des vétérinaires.

Concernant les transmissions agricoles, je le répète, les mesures qui figurent dans le projet de loi de finances me paraissent aller dans le bon sens.

L'ASP a suscité des critiques puisqu'on nous signale que, dans certains départements, 30 % des agriculteurs ont touché des aides pourtant débloquées avec un retard conséquent : la lenteur des processus crée des problèmes de trésorerie grave. Certains professionnels et la plupart des syndicats ont reconnu des améliorations sur les délais de paiement, mais il reste beaucoup à faire.

Faut-il regrouper les opérateurs ? La question est récurrente. Dans l'absolu, e un rapprochement entre l'ONF et le CNPF semblerait possible, mais un tel rapprochement reste politiquement compliqué et je ne suis pas sûr qu'il se fera. Quant à rapprocher FranceAgriMer et l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odéadom), on ne l'a jamais voulu dans les outre-mer, pour des raisons d'autonomie et de liberté, et cela serait également complexe à réaliser.

Le budget de l'action n° 09 du programme 206 passe, par rapport à la loi de finances pour 2024, de 250 à 161 millions d'euros en AE, soit une baisse de 35,73 %, et de 150 à 105 millions d'euros en CP, soit une diminution de 29,42 %. Peut-être la chute de ces autorisations et crédits est-elle davantage lissée par rapport à 2023, mais elle demeure forte.

S'agissant du Casdar, son solde pose effectivement un problème. Il faut à mon sens augmenter le plafond de dépenses du compte, qui a enfin été augmenté l'an dernier. Il s'établit dorénavant à 146 millions d'euros, contre 126 millions d'euros précédemment.

Faut-il rebudgétiser le compte ? Les professionnels n'y sont pas favorables et il s'agit de l'argent des agriculteurs. Sans y être clairement opposé, je suis plutôt sceptique quant à une rebudgétisation dont les modalités leur échapperaient.

M. Christian Klinger, rapporteur. - Les groupements départementaux sanitaires évoqués par M. Duplomb relèvent indirectement de la présente mission ; c'est un débat que nous aurons plutôt lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole. Il convient peut-être aussi d'attendre le renouvellement des chambres d'agriculture en janvier prochain, pour voir si les prochains organismes consulaires y seront ouverts.

Au sujet du Casdar, je comprends le point de vue du rapporteur général en faveur d'une rebudgétisation, au vu du solde comptable de quelque 140 millions d'euros. Mais il existe une volonté et un attachement de la profession agricole à laisser l'affectation des recettes dans ce compte et à essayer d'en relever le plafond des dépenses.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet de Mme Annie GENEVARD, ministre de l'Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt

- M. Tom MICHON, conseiller budgétaire ;

- M. Aurélien de La NOUE, conseiller outre-mer ;

- M. Louis de REDON, conseiller forêt-bois.

Ministère de l'Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt (MASA)

- Mme Cécile BIGOT-DEKEYZER, secrétaire générale, haute fonctionnaire de défense et de sécurité ;

- M. Thomas ROCHE, sous-directeur des affaires budgétaires et comptables ;

- M. Sébastien COLLIAT, chef du service des affaires financières, sociales et logistiques

Chambres d'agriculture France (APCA)

- M. Sébastien WINDSOR, président ;

- Mme Louise VERRIER, chargée de missions affaires publiques.

Table ronde Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA) / Jeunes agriculteurs :

Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA) :

- M. Luc SMESSAERT, vice-président ;

- M. Jean-Louis CHANDELLIER, directeur général adjoint, directeur du département entreprise et territoires ;

- M. Xavier JAMET, directeur des affaires publiques.

Jeunes agriculteurs :

- M. Simon MARTIN, secrétaire général adjoint ;

- M. Thomas DEBRIX D'AIETTI, responsable du service communication et affaires Publiques.

Office national des forêts (ONF) :

- M. Jean-Yves CAULLET, président du conseil d'administration ;

- Mme Valérie METRICH-HECQUET, directrice générale ;

- Mme Claire THOLANCE, adjointe à la directrice des relations institutionnelles.

Centre national de la propriété forestière (CNPF) :

- M. Roland de LARY, directeur général.

Table-ronde : Confédération paysanne, Coordination rurale :

Confédération paysanne :

- Mme Véronique MARCHESSEAU, secrétaire générale.

Coordination rurale :

- Mme Véronique LE FLOC'H, présidente.

Conseil National de l'Expertise Foncière Agricole et Forestière (CNEFAF)

- M. Thierry POPOT, président et expert foncier agricole ;

- M. Jean-Luc BARTMANN, vice-président et expert forestier ;

- Mme Célia HOUVER, cabinet Euralia.

Fédération française des spiritueux (FFS)

- M. Thomas GAUTHIER, directeur général ;

- M. Géraud de la NOUE, vice-président.

Contributions écrites

Association nationale des industries alimentaires (ANIA)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Le projet de loi de finances ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 portent des dispositifs très attendus par le secteur agricole comme la prise en compte des 25 meilleures années dans le calcul des pensions de retraite, la non-imposition sous condition de 30 % des reprises de dotation pour épargne de précaution, la transformation de la dotation pour stock de vaches en une provision comptable ainsi que des avantages fiscaux destinés à favoriser la transmission de patrimoine vers les jeunes agriculteurs.

* 2 La Fédération française des spiritueux a fait valoir, lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, le fait que « l'instauration de droits supplémentaires sur les eaux de vie de vin en Chine et le retour possible de droits supplémentaires aux Etats-Unis met en péril les deux-tiers de la valeur exportée ».

* 3 En moins de soixante-dix ans, le nombre d'exploitants a été divisé par cinq : de plus de 2,5 millions en 1955, le nombre d'exploitants est passé à 764 000 en 2000 puis à 496 000 en 2020. Corollaire de cette évolution, le nombre d'exploitations agricoles diminue fortement pour se situer en France métropolitaine à 389 000 en 2020.

* 4 43 % des exploitants sont à l'heure actuelle âgés de 55 ans ou plus, et susceptibles de partir à la retraite d'ici à 2033. L'âge moyen des agriculteurs français est ainsi passé de 50,2 ans en 2010 à 51,4 ans en 2020, année du dernier recensement agricole.

* 5 Cour des comptes, La politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, communication à la commission des finances du Sénat, avril 2023.

* 6 Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a abouti à l'annulation, en AE comme en CP de 60 011 065 euros sur le programme 215 et de 10 512 570 euros sur le programme 206.

* 7 Réponse apportée par le cabinet de la ministre à la suite d'un questionnaire complémentaire des rapporteurs spéciaux postérieur à l'audition.

* 8 Rapport n° 34, tome II, annexe 3 (2024-2025) de MM. Christian KLINGER et Victorin LUREL, déposé le 16 octobre 2024 : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », annexé au rapport du Rapporteur général sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des Comptes de l'État pour 2023.

* 9 Sur ces deux points, on se reportera utilement au rapport d'information « On ne naît pas agriculteur, on le devient », de MM. Vincent SEGOUIN et Patrice JOLY, fait au nom de la commission des finances, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur la politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles.

* 10 Cour des comptes, La politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, communication à la commission des finances du Sénat, avril 2023.

* 11 Sur le contexte défavorable à l'accès au foncier agricole, on se reportera utilement au rapport n° 61 (2023-2024), déposé le 25 octobre 2023, de M. Christian Klinger sur la proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises.

* 12 Ces financements européens comprennent des aides du premier pilier de la PAC : l'aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs (ACJA) qui a pris la suite à partir de 2023 du paiement en faveur des jeunes agriculteurs (PJA) de la programmation 2015-2022, ainsi que des aides du second pilier de la PAC comme la dotation jeunes agriculteurs (DJA) - et les prêts bonifiés jusqu'en 2017)- auxquelles s'ajoutent des majorations des aides à l'investissement prévues dans le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE).

* 13 À la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes a établi, en avril 2023, une synthèse de ces divers dispositifs dans son enquête consacrée à « La politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles ».

* 14 L'ICHN est une aide en faveur des agriculteurs exerçant leur activité dans des zones défavorisées par l'altitude, de fortes pentes ou d'autres caractéristiques physiques pénalisantes du territoire.

* 15 Le Préfet de Région a compétence pour publier, par voie d'arrêté, les MAEC ouvertes sur le territoire de la Région concernée : voir pour exemple l'arrêté du 5 octobre 2023 du Préfet de la région Guadeloupe.

* 16  https://agriculture.gouv.fr/maec-les-nouvelles-mesures-agro-environnementales-et-climatiques-de-la-pac.

* 17 Loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

* 18 Le CNEFAF, créé par le décret n° 2006-1345 du 6 novembre 2006 est une structure de type ordinal représentant deux professions réglementées, encadrées à l' article L. 171-1 du code rural et de la pêche maritime : les experts fonciers et agricoles et les experts forestiers. Avant la création du CNEFAF, c'est le ministère de l'agriculture lui-même qui était en charge du contrôle annuel de la liste des experts, et ce depuis 1975.

* 19 Rapport d'information n° 636 (2023-2024), déposé le 29 mai 2024 au nom de la commission des finances du Sénat, de MM. Christian Klinger et Victorin Lurel, consacré au « Financement public de la filière forêt-bois ».

* 20 Consulté le vendredi 1er novembre 2024.

* 21 Le Global Food Security Index (GSFI) est un indice qui prend en compte l'accessibilité financière, la disponibilité des ressources, la qualité et la sécurité sanitaire des aliments, ainsi que la durabilité et la résilience dans 113 pays.

* 22 L'ANIA fait valoir des marges comprises entre 2,2 et 3,2 % d'après une analyse économique réalisée par la Banque de France sur la base des bilans comptables des industriels alimentaires sur la période 2018-2023.

* 23 Il s'agit d'un médicament, surveillé dans le cadre du plan « Écoantibio », dont la DGAL a souligné l'efficacité.

* 24 Ce plateau d'exonération a vocation à passer à 1,25 SMIC dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

* 25 Frais de capture au sens de l'article L. 214-24 du code rural et de la pêche maritime.

* 26 Une convention avec Wallis-et-Futuna est par ailleurs en cours d'adoption.

* 27 Considérant 6 du Règlement (UE) n° 228/2013 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2013 portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union et abrogeant le règlement (CE) n o 247/2006 du Conseil.

* 28 Article 229 paragrahe 2, entré en vigueur le 1er mai 1999, devenu l'article 349 du TFUE et décision du Conseil du 22 décembre 1989 instituant un programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer (Poséidom) (89/687/CEE).

* 29 En raison de son élargissement à des régions ultra périphériques de trois États de l'Union européenne, le POSEI a pris cette appellation car il ne concerne plus seulement les DOM français.

* 30 Ce montant est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé du budget dans les limites fixées au III de l'article 302 bis MB précité du code général des impôts, c'est-à-dire entre 76 et 92 euros.

* 31 Ce terme, théorisé par le Professeur Clayton Christensen vise les innovations qui révolutionnent radicalement les habitudes d'un marché et qui peuvent altérer substantiellement le poids économique d'entreprises bien implantées qui n'auraient pas anticipé l'évolution.

* 32 À cet effet, le programme mobilise le réseau des chambres d'agriculture, les organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), les organismes de sélection animale (OS), les dynamiques de groupes, les démarches territorialisées et les approches inter-filières agricoles (source : réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux).

* 33 Ces 74 400 euros couvrent des frais de fonctionnement (déplacements, réunion, jury, stages, formations) ainsi que les frais engagés pour des travaux d'évaluation des programmes et des projets (comités scientifiques, évaluation externe...) ou de contrôle de l'utilisation des crédits par les corps de contrôle de l'État.

* 34 Ce programme fait appel au réseau des instituts techniques agricoles (ITA) ainsi qu'à l'ensemble des acteurs de la recherche, de l'enseignement et du développement dans le cadre de partenariats (source : réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux).

* 35 Avant 2014, le CAS-DAR ne recevait que 85 % des recettes collectées.

* 36 Forfait de 90 euros auquel s'ajoute 0,19 % du chiffre d'affaires jusqu'à 370 000 euros et 0,05 % au-delà.

* 37 Le projet annuel de performances, annexé au projet de loi de finances pour 2024, fait état d'un montant global de crédits ouverts en 2023 qui seront réglés en 2024, 2025 et 2026, en raison de reports, de 11 391 939 euros.

* 38 « II. - Sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances, aucun versement au profit du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial ne peut être effectué à partir d'un compte d'affectation spéciale. [...]

Si, en cours d'année, les recettes effectives sont supérieures aux évaluations des lois de finances, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts, par arrêté du ministre chargé des finances, dans la limite de cet excédent. Au préalable, le ministre chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des raisons de cet excédent, de l'emploi prévu pour les crédits ainsi ouverts et des perspectives d'exécution du compte jusqu'à la fin de l'année. »

« Les autorisations d'engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d'année sont reportés sur l'année suivante, dans les conditions prévues aux II et IV de l'article 15, pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte. »

* 39 Cf. la note d'exécution budgétaire du Compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », pour l'exercice 2023.

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