III. LA CONTRIBUTION DE L'ÉTAT AU FINANCEMENT DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS
Il convient en premier lieu de souligner que le financement de la sécurité civile repose essentiellement sur les dépenses locales. Ainsi, le budget consolidé des services d'incendie et de secours (SIS) s'élève en 2022 à 5,6 milliards d'euros7(*), et il est donc près de 7 fois supérieur aux crédits de paiement inscrits sur le programme 161 dans le PLF pour 2025. Les SIS sont en effet financés en très grande partie par les collectivités territoriales, et pour une part prépondérante par les départements (58 %).
Dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, se poursuivra le travail de concertation que la DGSCGC, en lien avec la direction générale des collectivités locales (DGCL), avait engagé avec Départements de France et l'Association des maires de France (AMF), sur le financement des SIS, et plus particulièrement, sur une éventuelle réforme de la part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) qui leur est affectée en application de l'article 53 de la loi de finances initiale pour 20058(*). Le rapporteur spécial sera particulièrement attentif aux suites données à ces travaux, dont la traduction législative pourrait avoir un impact significatif sur l'équilibre financier des SIS.
A. LA POURSUITE DES « PACTES CAPACITAIRES » ENTRE L'ÉTAT, LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LES SIS
1. La concrétisation des pactes capacitaires prévus par la LOPMI et ceux consacrés à la lutte contre les feux de forêt
L'année 2023 a été marquée par la mise en oeuvre de pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des SIS par l'acquisition de matériels cofinancés par l'État.
Annoncés dans le cadre de la LOPMI, les pactes capacitaires devaient initialement être dotés d'une enveloppe totale de 30 millions d'euros sur cinq ans, par l'intermédiaire de la DSIS². La budgétisation initiale du programme 161 pour l'année 2023 prévoyait un montant de 8 millions d'euros en AE et d'1 million d'euros en CP au titre de ces pactes capacitaires.
Pour faire face aux feux de forêts, une enveloppe de 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions d'euros en CP a ensuite été ajoutée à cette ligne budgétaire en cours de discussion9(*), à l'initiative du Gouvernement, afin de traduire les annonces du Président de la République du 28 octobre 2022, au lendemain des incendies qui ont frappé le pays au cours de l'été 2022. Ces crédits supplémentaires dédiés aux pactes capacitaires « feux de forêts », doivent permettre aux SIS d'acquérir d'ici à 2027, plus de 1 000 engins et matériels au profit d'une centaine de services métropolitains et ultra-marins. Les premiers véhicules ont été livrés à l'occasion du congrès national des sapeurs-pompiers fin septembre 2024.
La signature de conventions spécifiques entre l'État et les 101 SIS ou établissements publics porteurs de projets a permis d'engager l'intégralité des 150 millions d'euros d'AE en 2023, dont la consommation en CP devait ensuite s'étaler sur 4 ans, de 2023 à 2026. 37,5 millions d'euros de CP ont été consommés en 2023 et versés aux SIS au titre des avances prévues dans le cadre de ce cofinancement. 29 millions d'euros devraient l'être en 2024, et 45,0 millions d'euros de CP sont prévus dans le cadre du PLF 2025, complétés par 3,6 millions d'euros destinés à l'acquisition d'équipements visant à couvrir des risques complexes ou émergents prévus dans le cadre de la LOPMI.
Trajectoire prévisionnelle des
crédits de paiement
afférents aux pactes
capacitaires
(en millions d'euros)
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
CP |
32 |
29 |
49 |
26 |
22 |
Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
Il ressort des auditions du rapporteur spécial certains regrets concernant les modalités de mise en oeuvre des pactes capacitaires : effets d'annonce, commandes uniformisées trop contraignantes, concertation de qualité variable entre élus et préfets de zone, incertitudes sur les délais de livraison, enveloppe relativement faible une fois rapportée au nombre de SIS (1,5 million d'euros) au regard des coûts induits par les interventions lors d'une catastrophe naturelle.
Néanmoins, le rapporteur spécial considère que le principe d'une commande massive d'appareils uniformisés représente en tout état de cause un intérêt opérationnel certain, compte tenu de l'extension géographique du risque incendie et de la multiplication des besoins de colonnes de renfort qui en résulte. Cette uniformisation permettra en effet une appropriation beaucoup plus rapide des matériels par les sapeurs-pompiers lorsque ces-derniers seront amenés à prêter mains fortes à leurs voisins d'autres départements pour faire face à une crise d'ampleur. En outre, cette massification aura permis un double gain par la réduction des délais de production et une négociation à la baisse du prix d'achat des équipements.
2. Le besoin de moyens supplémentaires pour faire face au risque inondation
Outre le danger qu'elles font peser sur les vies humaines, les conséquences des inondations sont multiples et représentent des coûts significatifs pour les particuliers et la collectivité : inaccessibilités des routes, suspension des lignes de transport ferroviaires, destruction d'habitations, fermeture des écoles et des lieux recevant du public, perturbation des activités économiques et chômage technique, pertes sur le secteur agricole et de l'élevage...
Les conclusions de la très récente mission de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024 menée par le Sénat soulignent qu'il existe un consensus scientifique sur le fait que l'augmentation des températures ainsi que l'élévation du niveau de la mer conduiront à une hausse de la fréquence des inondations et des submersions marines dans l'avenir. Sur l'ensemble du territoire français, la sinistralité relative aux inondations pourrait connaître une progression située entre 6 % et 19 % à l'horizon 205010(*).
Or, face aux inondations sans précédent, spécifiquement dans le Nord et le Pas-de-Calais, les services de secours ont été confrontés à leurs limites, nécessitant l'intervention de renforts européens. Le manque d'équipements de pompage lourds et de capacités héliportées a révélé l'impératif d'un renforcement capacitaire (recommandation n° 12 du rapport), qui ne trouve pour l'instant pas de traduction budgétaire dans le PLF 2025.
Les pactes capacitaires, aujourd'hui essentiellement dédiés à la lutte contre les feux de forêt, constituent un dispositif de financement exceptionnel dont l'entièreté des crédits devrait être consommée d'ici 2027.
Cependant, au regard des importantes inondations vécues par notre pays fin 2023 et en 2024, il paraît légitime de réfléchir à la mise en place de dispositifs de financement dédiés au renforcement des moyens de prévention et de lutte contre ce risque, par la voie de pactes capacitaires « inondations » ou par l'achat de moyens mutualisés directement par l'État. En ce sens, la DGSCGC est actuellement en réflexion pour doubler la capacité nationale de pompage haut débit pour faire face aux épisodes climatiques de pluies intenses. En cas d'événement majeur, ces équipements lourds seraient utilisables dans le cadre de la solidarité nationale, afin de pallier les délais inhérents au recours à la solidarité européenne. Cette réflexion sera intégrée dans le Beauvau de la sécurité civile dont le rapporteur spécial suivra avec attention les débats et les conclusions.
* 7 Réponses au questionnaire budgétaire.
* 8 Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.
* 9Ce qui a in fine porté les crédits consacrés aux pactes capacitaires en 2023 à un montant total de 158 millions d'euros en AE et 38,5 millions d'euros en CP.
* 10 Rapport d'information n° 775 (2023-2024), déposé le 25 septembre 2024 par MM. Jean-François RAPIN et Jean-Yves ROUX, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) et de la commission des finances (2) par la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024.