B. LA VIGILANCE CONTINUE DU RAPPORTEUR SPÉCIAL À L'ÉGARD DE CERTAINS PROJETS DE MODERNISATION NON FINANCÉS PAR LE PROGRAMME 161

1. Le projet FR-Alert, nouveau volet mobile d'alerte et d'information des populations : des défaillances constatées, des responsabilités à assumer

Le système FR-Alert, dont la création a été annoncée par le ministre de l'intérieur en septembre 2020, vise à doter les services intervenant dans le champ de la sécurité publique et de la sécurité civile d'un système de diffusion d'alerte via la téléphonie mobile. Il doit ainsi permettre de compléter le système d'alerte et d'information des populations (SAIP) et son volet « sirènes ».

Ce projet a également vocation à mettre la France en conformité avec la directive européenne du 11 décembre 201811(*), qui prévoit l'obligation pour les États de l'Union européenne de se doter d'un système d'alerte par téléphone d'ici juin 2022.

Le dispositif FR-Alert comprend :

- pour les autorités publiques, un portail numérique de diffusion des alertes, à vocation multicanale ;

- pour les opérateurs de communication électronique, la mise en oeuvre dans leur réseau respectif de deux technologies de diffusion des messages d'alerte : la diffusion cellulaire (Cell Broadcast) et la diffusion de SMS géolocalisés (LB SMS), avec le remboursement par l'État des investissements effectués à ce titre.

Le coût total du programme FR-Alert a été évalué à 50 millions d'euros. Au titre de l'exercice 2024, un budget (hors T2) de 3 millions d'euros est inscrit au financement de la poursuite du produit FR-Alert. L'essentiel est consacré au principe de « juste rémunération » des opérateurs pour les investissements nécessaires dans leurs infrastructures au bénéfice du système d'alerte.

À compter de 2025, un budget annuel socle de 2,5 millions d'euros est nécessaire et permettra de progressivement compléter, puis de finaliser la sécurisation et la résilience du dispositif, principalement dans les régions ultra-périphériques en premier lieu, puis dans les pays et territoires d'Outre-mer en second lieu. Il s'agira ensuite d'engager une diversification des canaux de diffusion afin de répondre aux besoins de certains évènements ou pour étendre fonctionnellement le dispositif par le service européen EWSS (Emergency Warning Satellite Service) de Galileo dont le ministère de l'intérieur a participé à la préfiguration en juin 2023.

Le rapporteur spécial s'inquiète des graves dysfonctionnements constatés récemment. Le 17 octobre 2024, un épisode cévenol d'une grande intensité a frappé différentes régions françaises entrainant des inondations, notamment en Ardèche. Face à cette situation, les autorités ont déclenché le dispositif FR-Alert. Le message envoyé aux smartphones des habitants via le dispositif leur demandait de rentrer chez eux avant 18 heures, de couper l'eau, le gaz et l'électricité par sécurité. Cependant, de nombreux destinataires, abonnés de l'opérateur mobile Free, ont témoigné ne pas avoir reçu les notifications, ou alors plusieurs jours plus tard. D'autres utilisateurs en ont été destinataires alors qu'ils n'étaient pas dans la zone concernée. L'opérateur Free avait déjà rencontré des carences en janvier dernier, lors d'un test d'alerte au tsunami. Alors que la responsabilité de l'opérateur Free semble certaine, la cause exacte de ce dysfonctionnement, qui reste aujourd'hui inconnue, devra être identifiée. En effet, le récent épisode de « goutte froide » qui a touché la région de Valence en Espagne a montré les conséquences de messages d'alerte envoyés trop tardivement aux populations.

2. L'expérimentation du numéro unique d'appel d'urgence face à des blocages politiques

Les acteurs de la sécurité civile préconisaient depuis plusieurs années de façon unanime un développement de plateformes communes d'appels d'urgence, adossées à un numéro unique pour la réception de ces appels.

L'article 46 de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels a concrétisé cette demande en prévoyant l'expérimentation pour deux ans d'un numéro unique d'appel d'urgence, et qui pourrait conduire à sa généralisation sur l'ensemble du territoire à l'issue de ce délai.

Cependant, deux ans après une première alerte du rapporteur spécial, et malgré des retours positifs dans les départements où des dispositifs de numéro d'urgence commun préexistent, les textes d'application pour la mise en oeuvre de l'expérimentation se font attendre. Le rapporteur constate une inertie règlementaire à contrecourant des moyens budgétaires et humains consacrés à la mise en oeuvre d'un dispositif qui a démontré ses preuves chez plusieurs pays voisins.


* 11 Directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen (refonte).

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