IV. DES PROJETS DE MODERNISATION DES OUTILS DE LA SÉCURITÉ CIVILE À DES STADES D'AVANCEMENT VARIABLES

A. NEXSIS 18-112 : UN PROJET ENFIN EN VOIE DE RÉALISATION MAIS FRAGILISÉ PAR DES INCERTITUDES QUANT AUX RESSOURCES ALLOUÉES

1. Après les surcoûts et les dérapages calendaires, un projet enfin en voie de réalisation

Le programme NexSIS est un projet de mutualisation des systèmes d'information des services d'incendie et de secours (SIS). Sa conception, son déploiement et sa maintenance sont assurés par l'agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), créée en 2018, et dont la tutelle est assurée conjointement par la direction du numérique (DINUM) et par la DGSCGC du ministère de l'intérieur.

Sur la période 2018 à 2031 (soit quatre années supplémentaires par rapport à la durée du projet présenté au précédent rapport du fait de la prise en compte du maintien en conditions opérationnelles), le coût global du programme est désormais estimé à hauteur de 300 millions d'euros. Ce coût était initialement évalué à 52 millions d'euros, mais il ne prenait en compte que la phase de développement de la solution informatique, et couvrait donc une période beaucoup plus courte, de 2018 à 2022. Déjà en 2020, le coût du programme avait été revu à la hausse pour un montant total de 237 millions d'euros. Malgré les explications de la DGSCGC justifiant ce surcoût, entre autres, par une montée en gamme technique et fonctionnelle de la solution informatique, le rapporteur spécial ne peut se satisfaire de cette erreur d'appréciation de la budgétisation globale du programme.

Coût détaillé du projet NexSIS 18-112

(en millions d'euros)

 

2022
et années précédentes

2023
Exécution

2024
Prévision

2025
Prévision

2026
et années suivantes

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Hors titre 2

60,39

49,89

25,93

26,86

36,0

34,00

35,50

37,50

118,20

127,77

276,02

276,02

Titre 2

4,49

4,49

1,20

1,20

2,00

2,00

2,80

2,80

13,49

13,49

23,98

23,98

Total

64,88

54,38

27,13

28,06

38,00

36,00

38,30

40,30

131,69

141,26

300,00

300,00

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le déploiement de NexSIS devrait permettre, par la mutualisation des systèmes d'information des SIS, une meilleure coordination de leurs actions, mais aussi, la réalisation d'économies substantielles, estimées dans le projet annuel de performances (PAP) annexé au PLF à 12,4 millions d'euros par an. Outre ce gain financier, le gain qualitatif bénéficiera aux usagers et aux services de traitement de l'alerte des SIS, en facilitant l'accès au secours et le traitement des communications, ainsi qu'à l'État grâce à un pilotage administratif de l'activité des SIS simplifié.

Dans son rapport sur le programme « Sécurité civile » présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial avait mis en lumière un retard important dans le déploiement du programme NexSIS 18-112 au sein des premiers SIS, initialement programmé pour l'année 2021, mais perturbé par plusieurs facteurs, tels que la complexité de certaines opérations de développement, l'impact de la crise du Covid-19 sur l'organisation des travaux, ou les difficultés d'approvisionnement en composants informatiques liées à la persistance de la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine.

L'ANSC avait alors indiqué lors de son audition par le rapporteur spécial que cette accumulation de retards avait fragilisé la crédibilité de l'agence vis-à-vis des SIS, et par conséquent, leur adhésion au projet.

Après une année 2023 annonçant la concrétisation du dispositif, l'année 2024 marque enfin l'entrée dans une « dynamique vertueuse de basculement progressive des SDIS vers la plateforme NexSIS 18-112 » d'après la DGSCGC entendue en audition par le rapporteur spécial.

En tout état de cause, le rapporteur spécial a pu désormais percevoir lors de ses auditions un certain enthousiasme de la part de l'ensemble des acteurs de la sécurité civile pour ce projet, dont l'intérêt opérationnel semble désormais faire l'unanimité.

2. Des incertitudes persistantes sur les ressources de l'ANSC et le rythme de déploiement complet du programme dans les SDIS

En 2024, le coût global du programme sur une période allongée est estimé à hauteur de 300 millions d'euros, soit 150 millions d'euros au titre de la construction des solutions NexSIS 18-112 et SECOURIR et 150 millions d'euros au titre de leurs fonctionnements, devant faire l'objet d'un financement réparti entre les deux partenaires financiers de l'ANSC : l'État pour 100 millions d'euros et les services d'incendie et de secours pour 200 millions d'euros.

Le présent calendrier 2018-2031 (déploiement exhaustif de la solution NexSIS 18-112 à fin 2027 au sein des 100 SIS) est établi selon ce modèle de financement : soit 37 millions d'euros en 2025 en crédits de paiement et 24 millions d'euros en moyenne par an sur la période 2026-2031.

Ce modèle de financement requiert également la participation financière au titre du préfinancement des SIS. Or, celle-ci demeure toujours précaire en raison des engagements pris au cours des exercices précédents et des engagements à venir susceptibles d'être remis en cause du fait des contraintes financières qui pèsent également sur ces établissements.

De ce fait, la programmation des crédits correspondants aux besoins de financement annuels de l'ANSC apparaît nécessaire afin de conserver la dynamique du programme. Tout ralentissement d'activité de développements et de déploiement du programme engendrerait en effet un décalage de recettes (les SIS non pourvus de la solution NexSIS 18-112 ne verseraient pas leur contribution à l'ANSC au titre de l'utilisation de l'outil ; les SIS seraient pour certains tenus de prolonger pour une période leurs équipements auprès de leur actuel prestataire provoquant également une perte de financement potentiel pour l'ANSC) et un accroissement de charges.

Or, le rapporteur se fait l'écho des doutes qui lui ont été partagés quant au réalisme des objectifs d'une première mise à l'épreuve du réel dans 50 SIS et d'un déploiement complet dans une vingtaine de SIS en 2025 fixés par le PAP annexé au PLF. Ces objectifs apparaissent en effet compromis si le plafond d'ETPT de l'ANSC n'est pas relevé et si les fonds alloués par l'État diminuent de 16,6 millions d'euros d'AE et de CP en 2024 à 9,5 millions d'euros en 2025.

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