EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Sécurités » et donc des programmes 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie nationale, 207 « Sécurité et éducation routières » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 6 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Bruno Belin, rapporteur spécial, sur les programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et sur le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
M. Claude Raynal, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des rapports sur la mission « Sécurités ». Nous entendrons d'abord M. Bruno Belin pour les programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale », « Sécurité et éducation routières » et le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » (CAS « Radars »), puis M. Jean-Pierre Vogel pour le programme « Sécurité civile ».
M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la mission « Sécurités ». - Je ne fais pas planer le suspense : je vous proposerai d'adopter les crédits de la mission « Sécurités ».
Présenter le budget pour 2025 donne l'occasion de revenir sur l'exercice 2024. Celui-ci aura été particulier sous l'angle de la sécurité, tant pour les personnels de la gendarmerie que pour ceux de la police. Nous avons évidemment en tête les jeux Olympiques et Paralympiques. D'autres événements ont également mobilisé nos forces de l'ordre : les quatre-vingtièmes anniversaires des débarquements de Provence et de Normandie et de la libération de Paris.
Arrêtons-nous un instant sur les jeux Olympiques et Paralympiques. Nous n'en connaissions, un temps, pas le coût exact. Nous disposons désormais de chiffres de plus en plus précis, bien qu'encore provisoires.
Pour leur sécurisation, les jeux ont mobilisé jusqu'à 35 000 policiers et gendarmes. Leur réussite tient non seulement à la ferveur populaire qui les a accompagnés et aux résultats sportifs, mais aussi à une sécurité sans faille, toute à l'honneur de l'ensemble des forces de sécurité qu'elle a impliquée.
La gendarmerie avait d'abord annoncé un coût de 60 millions d'euros, pour la part qui lui revenait en 2024. Nous savons aujourd'hui que le coût pour la police nationale est d'environ 814 millions d'euros, sur la période 2020-2024. En ce qui concerne la gendarmerie, en retenant une période de trois années prenant en compte la préparation des jeux, nous aboutissons à environ 327 millions d'euros. Cela nous permet de dire que la sécurité des jeux a représenté un coût total de l'ordre d'un peu plus de 1,1 milliard d'euros, pour ce qui concerne la police et la gendarmerie nationales.
D'autres événements encore ont pesé en 2024 sur les personnels et les budgets de la sécurité. Je pense à ce qui s'est passé et continue de se passer en outre-mer.
Plus de 3 000 personnels sont intervenus en Nouvelle-Calédonie en renfort des effectifs présents sur place, pour un coût de 155 millions d'euros, réparti à hauteur de 125 millions pour la gendarmerie et de 30 millions pour la police. Un seul chiffre surprend quand on le découvre : l'envoi en avion Antonov, de Châteauroux à Nouméa, de deux véhicules d'intervention Centaure de la gendarmerie représente un coût de 3 millions d'euros ; et on en a envoyé seize en tout... La Martinique a également nécessité la mobilisation de moyens. À Mayotte, la situation a, de même, conduit à mobiliser des forces de sécurité importantes.
Un autre fait d'actualité récent concerne les impayés de loyers de la gendarmerie. Nous avons demandé des précisions lors des auditions que nous avons menées. Derrière, des collectivités ont en effet besoin d'obtenir les flux de trésorerie correspondants. Le rattrapage doit s'effectuer d'ici à la fin de l'année 2024 ouverture de crédits est nécessaire dans le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG).
Quant aux primes qui avaient donné lieu à des engagements avant les jeux Olympiques et Paralympiques pour les gendarmes, elles seront payées avec les salaires de décembre prochain, là encore si une ouverture de crédits est prévue à cet effet dans le PLFG.
L'année 2025 se situera dans la continuité de 2024, avec des éléments de continuité. On retrouve dans la mission « Sécurités », portée à un peu plus de 25 milliards d'euros, une progression inscrite dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Pour les forces de sécurité intérieure, la progression bénéficie un peu plus à la gendarmerie qu'à la police.
On y trouve ensuite quelques enjeux bien ciblés. Le Président de la République a annoncé la création de 239 nouvelles brigades de gendarmerie, dont le nombre a ensuite été ramené à 238 . Il va falloir non seulement les monter, mais aussi les doter en effectifs. En 2025, ce sont 57 nouvelles brigades de gendarmerie qui doivent voir le jour. Et ce n'est pas tant la question de l'immobilier qui posera un problème : les collectivités susceptibles d'accueillir ces unités semblent motivées et sollicitent les bailleurs sociaux. La question est davantage celle de la dotation de ces brigades en effectifs.
Le schéma d'emplois attendu initialement était de 500 nouveaux équivalents temps plein (ETP) pour la gendarmerie et de 356 postes pour la police nationale. Plus rien, désormais, n'est prévu en 2025 de ce point de vue. Ce sera, bien évidemment, une difficulté. Faudra-t-il procéder à des redéploiements ? Je m'en entretiendrai dans les prochains jours avec le nouveau directeur général de la gendarmerie nationale. Mais il ne sera pas possible de faire autant avec moins d'effectifs que prévus.
Les militaires de la gendarmerie sont par ailleurs particulièrement sollicités depuis plusieurs mois pour des transfèrements de détenus, après le double assassinat de deux fonctionnaires de l'administration pénitentiaire survenu à un péage de l'Eure, tandis que trois autres agents ont été grièvement blessés. Nous avons aussi vu, à la fin de la semaine dernière, des départements comme l'Ardèche et la Vienne confrontés à des réalités criminelles terribles.
En ce qui concerne la police aux frontières, la création de nouveaux centres de rétention administrative (CRA) a été décidée par le précédent Gouvernement, puis confirmée par le Gouvernement actuel. Certains verront prochainement le jour. Ils nécessitent des moyens humains. Le nouveau ministre de l'Intérieur a donné, à ce sujet, des directives très claires. On voit que les flux de migrants continuent du sud au nord, depuis les Pyrénées ou les Alpes jusqu'à la Manche. Ils mettent très fortement à contribution la police aux frontières, dont les moyens sont donc appelés à devoir augmenter.
La mission « Sécurités » inclut également des crédits pour la sécurité routière. Dans ce domaine, on peut se réjouir de la légère baisse du nombre des décès sur la route. Métropole et outre-mer confondus, il y a eu un peu moins de 3 400 décès en 2023. Mes échanges avec la déléguée interministérielle à la sécurité routière m'ont laissé l'impression que nous avions atteint un niveau en-dessous duquel il sera difficile de descendre. Nous peinons à obtenir une diminution du nombre des accidents liés à la consommation d'alcool ou de stupéfiants.
Ce qu'on appelle le CAS « Radars » collecte les encaissements de verbalisations et les procès-verbaux électroniques, notamment - mais pas seulement - des 4 700 radars disposés le long de nos routes. Le rendement total des amendes affectées au CAS « Radars » est en progression, et s'établirait à 2,2 milliards d'euros en 2025. Ce montant fait l'objet d'une redistribution, pour un peu moins d'un quart en vue du fonctionnement du système, pour un tiers en direction des aménagements et travaux de sécurité routière des collectivités territoriales, et pour un autre tiers aux fins de contribuer au désendettement de l'État. D'autres affectations, plus marginales, sont également prévues.
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la mission « Sécurités ». - Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit une dotation de 861 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 831 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sur le programme « Sécurité civile », ce qui représente une baisse modérée de 5 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024. Pris dans sa globalité, le budget de la sécurité civile apparaît donc relativement stable.
Passé cette observation, deux éléments sont à retenir dans l'analyse des crédits.
Premièrement, les crédits d'investissement sont en baisse de presque 90 % en AE et de 30 % en CP. Cette diminution est à nuancer pour deux raisons. D'une part, le niveau d'investissement est extrêmement variable d'une année sur l'autre en fonction des commandes d'aéronefs. Or le renouvellement de la flotte d'avions bombardiers d'eau est reporté à l'horizon de 2030. D'autre part, la LFI 2024 avait prévu d'importants crédits d'investissement pour la création d'une nouvelle unité terrestre ainsi que pour la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Cela me permet d'ailleurs de saluer le travail formidable accompli par l'ensemble des acteurs de la sécurité civile, professionnels et bénévoles, lesquels ont démontré l'efficacité et la résilience du modèle français de sécurité en cette année olympique.
Deuxièmement, la baisse modérée des crédits ne remet pas en cause les capacités opérationnelles de la sécurité civile, du moins à court terme. Le PLF 2025 prévoit ainsi des crédits importants pour la location d'aéronefs, pour le financement des pactes capacitaires ou encore pour le renforcement des colonnes de renfort, autant de moyens indispensables à la mise en oeuvre d'une solidarité nationale face à la double extension temporelle et géographique des risques de catastrophes naturelles.
J'en viens aux enjeux thématiques du programme.
Le sujet des capacités opérationnelles m'amène à évoquer la situation de la flotte d'aéronefs de la sécurité civile.
Si la saison des feux de forêt de l'année 2024 a été sous contrôle, je tiens ici à souligner le caractère heureux de cette réussite. En effet, l'hypermobilisation des agents par les jeux Olympiques, doublée d'un taux de disponibilité anormalement bas des appareils bombardiers d'eau, aurait pu mener à des scénarios bien plus malheureux en cas de fortes chaleurs, avec un risque de rupture capacitaire.
Dans ce contexte, trois points retiennent l'attention quant aux moyens aériens.
Tout d'abord, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères se poursuit au rythme prévu, avec la livraison des trois premiers modèles H145 avant la fin de 2024. Le calendrier de livraison de 36 appareils d'ici à 2029 devrait donc être respecté.
Ensuite, le budget 2025 consacre la pérennisation de crédits dédiés à la location d'aéronefs. Dans le PLF 2025, 30 millions d'euros d'AE et de CP permettront la location de dix hélicoptères et de six avions. Dans l'attente de la livraison d'appareils neufs, et face à des saisons de feux d'intensité variable, la location offre une solution viable d'un double point de vue budgétaire et opérationnel.
Enfin, je ne vous cache pas une certaine inquiétude sur l'entretien et le renouvellement de la flotte française de douze canadairs. Ce renouvellement continue d'être repoussé dans le temps, après avoir été promis à l'échéance de 2027. Un contrat avec un industriel canadien a finalement été conclu via la Commission européenne cet été, mais les deux premiers appareils destinés à la France ne devraient être livrés qu'en 2030. Il faut donc composer avec la flotte existante pendant encore au moins cinq à dix ans. Or cette flotte est vieillissante, ce qui contraint à ménager les appareils et conduit à complexifier leur entretien, voire impose de faire évoluer la doctrine française de lutte contre les incendies.
Cependant, les moyens de la sécurité civile ne se résument pas aux aéronefs. Un deuxième sujet thématique est celui des pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) par l'acquisition de matériels, notamment des véhicules, cofinancés par l'État. À la suite des incendies de 2022, une enveloppe additionnelle de 150 millions d'euros en AE avait été inscrite dans le PLF pour 2023, afin de faire face aux feux de forêt.
La promesse semble aujourd'hui tenue : 37 millions d'euros de CP ont été consommés en 2023, 29 millions d'euros devraient l'être en 2024, et 45 millions d'euros de CP sont prévus pour 2025, tandis que les premiers véhicules ont été livrés le mois dernier.
Malgré des retards et certaines critiques, ces pactes sont source de satisfaction. Dans un contexte de contrainte budgétaire, la mutualisation des commandes au niveau national a permis de peser sur les industriels et de faire baisser le prix des équipements d'environ 30 %.
Je souligne que les pactes capacitaires, aujourd'hui essentiellement dédiés à la lutte contre les feux de forêt, constituent un dispositif de financement exceptionnel dont l'entièreté des crédits devrait être consommée d'ici à 2027.
Or d'autres défis capacitaires s'imposent à nous, et les travaux du Sénat l'ont démontré.
Les conclusions de la très récente mission de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et en 2024, menée par nos collègues Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, soulignent le fait que le changement climatique conduira à une hausse de la fréquence des inondations. Or, face à des inondations sans précédent, les services de secours ont été confrontés à leurs limites, nécessitant l'intervention de renforts européens bienvenus, mais avec des délais trop longs au regard de l'urgence des situations. Il paraît donc légitime de réfléchir à la mise en place de dispositifs de financement consacrés au renforcement des moyens de prévention et de lutte contre ce risque, par la voie de pactes capacitaires « inondations » ou par l'achat de moyens mutualisés directement par l'État.
Le sujet des inondations m'amène à celui de la modernisation des dispositifs des systèmes d'information, de communication et d'alerte de la sécurité civile.
De fait, les inondations dramatiques qui ont touché la région de Valence en Espagne la semaine dernière montrent l'impératif de disposer d'outils de communication et d'alerte à la population pleinement fonctionnels. Je reste donc attentif à l'évolution des projets de modernisation comme NexSIS, FR-Alert, ou encore de mise en place d'un numéro unique d'urgence, qui nécessitent financements publics, mise à l'épreuve du réel et volonté politique.
En ce qui concerne FR-Alert, une remarque sur les dysfonctionnements relevés le 17 octobre dernier en Ardèche avec l'un des opérateurs téléphoniques, Free. Avec cet opérateur, l'alerte n'a pas toujours été lancée, ou l'a été avec plusieurs jours de retard, ou l'a été auprès de populations qui n'étaient pas concernées par le secteur du sinistre. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) semble n'y être pour rien ; seul l'opérateur téléphonique paraît avoir été défaillant. Une enquête est en cours ; nous en saurons plus dans les semaines à venir.
Je conclurai sur la question de la volonté politique, en relevant que le Beauvau de la sécurité civile, engagé par le Gouvernement précédent, puis interrompu à la suite de la dissolution, reprendra finalement à la fin du mois. Ce cycle de concertation nationale s'achèvera au printemps 2025, avec à terme un projet de loi ambitieux qui devra « poser les bases d'un modèle renouvelé », près de trente ans après la loi de 1996 de départementalisation des services d'incendie.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter les crédits du programme « Sécurité civile ».
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Pour résumer la situation de la gendarmerie nationale dans le PLF 2025, je dirai qu'elle n'est ni terrible ni exceptionnelle et qu'elle aurait pu être pire, vu le contexte contraint en matière de finances.
La gestion du budget de 2024 s'est avérée assez compliquée pour la gendarmerie. Deux raisons à cela : le problème de loyers non honorés et la survenue des événements de Nouvelle-Calédonie, qui a conduit à projeter sur place des moyens humains et matériels, pour un coût global évalué entre 130 et 150 millions d'euros.
J'évoquerai devant vous cinq points.
Premièrement, comme chaque année, l'immobilier apparaît comme une difficulté majeure pour nos armées, quelles qu'elles soient, et pour nos gendarmes en particulier. Nous avions chiffré à un montant de 300 à 400 millions d'euros le budget annuel nécessaire afin d'entretenir les bâtiments et de créer des brigades neuves. À cet égard, 2024 a été une année catastrophique. Nous observons une augmentation des crédits pour 2025, mais nous resterons loin de l'objectif, avec des CP de l'ordre de 175 millions d'euros pour ce qui concerne l'investissement.
Deuxièmement - et c'est un point qui revient également tous les ans -, l'achat des véhicules légers, indispensables à l'exercice par les gendarmes de leurs missions. Le besoin annuel de renouvellement de leur parc avait été estimé à 3 750 véhicules. Année décidément noire pour la gendarmerie, après une année 2023 elle-même assez médiocre, 2024 a vu l'acquisition de seulement 180 véhicules. En 2025, on pourrait apparemment acquérir 1 780 véhicules. Cette augmentation ne permettra cependant pas de rattraper le retard pris au cours des deux exercices antérieurs.
Troisièmement, et il faut y être extrêmement vigilant, on observe dans toutes les armes, notamment dans la gendarmerie, de petites difficultés de recrutement - quoique dans une moindre mesure qu'en 2023 - et surtout un problème de fidélisation des effectifs. Depuis environ trois ans, les gendarmes quittent de plus en plus leurs fonctions avant les dix-sept ans requis pour toucher une demi-pension. Ce phénomène s'amplifie d'une année sur l'autre.
Quatrièmement, la réserve opérationnelle se révèle indispensable au bon fonctionnement de la gendarmerie, particulièrement en période estivale. Or, en 2025, une réduction de 15 millions d'euros s'annonce dans les crédits qui doivent lui être alloués.
Cinquièmement, il faudra surveiller de très près la création de nouvelles brigades, annoncée à grand renfort de communication. Apparemment, le mouvement se ralentit. En ce qui concerne les brigades fixes, la gendarmerie se repose sur les collectivités territoriales pour obtenir des bâtiments. Compte tenu notamment de ce qui vient de se passer, avec l'absence de versement de loyers, ces dernières semblent moins promptes à s'engager. En outre, la question se pose de l'effectif des nouvelles brigades.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ma première question concerne les nouvelles brigades de gendarmerie. J'entends qu'il existe un certain nombre de difficultés, tant en matière de recrutement que sous l'angle de l'immobilier. Le rapporteur spécial peut-il nous faire le point de la situation ?
Je reste très attaché à ce que, sur ce sujet, l'État assume la mission régalienne qui est la sienne. Il convient de ne pas demander trop systématiquement aux collectivités de porter des projets qui ne ressortissent pas véritablement à leur compétence. D'une part, cela remet en cause le modèle d'une fonction régalienne ; d'autre part, les collectivités se retrouvent en porte-à-faux, quand on leur demande, dans le même temps, des efforts budgétaires supplémentaires.
Ma seconde question porte sur le CAS « Radars ». Il me semble qu'il est prévu, à compter de 2025, une source de financement complémentaire en direction de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai). Qu'est-ce qui la motive ? Est-elle temporaire ?
M. Éric Jeansannetas. - Monsieur Belin, votre présentation des crédits de la mission « Sécurités » n'est-elle pas déjà caduque ? On nous annonce pour vendredi prochain, à Marseille, celle du plan de lutte contre le narcotrafic, un plan issu des travaux de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier dont nos collègues Étienne Blanc et Jérôme Durain étaient respectivement rapporteur et président... Avec quels moyens luttera-t-on ? Vous nous dites que le schéma d'emplois équivaut à zéro et vous posez la question d'un éventuel redéploiement. Quels crédits complémentaires affectera-t-on à la police judiciaire, l'acteur principal des enquêtes sur le narcotrafic ? Nous constatons plutôt une inscription en baisse de plus de 8 %.
Nous connaissons la force et la vigueur des propos du ministre Bruno Retailleau ; mais ne va-t-il finalement pas combattre avec peu de moyens supplémentaires, alors que la situation en requiert beaucoup ? Les maires confrontés à de très grosses difficultés demandent davantage d'effectifs de policiers et le renforcement des commissariats dans leurs villes.
En 2020, un travail a abouti à la publication d'un Livre blanc sur la sécurité intérieure. Nous n'étions pas tous d'accord sur ses propositions, mais il proposait une redéfinition des zones de compétence, à la fois de la gendarmerie et de la police nationale. N'est-il pas temps de regarder comment tout cela peut fonctionner, en renforçant nos structures de sécurité intérieure ?
M. Marc Laménie. - Merci à nos deux rapporteurs spéciaux ainsi qu'au rapporteur pour avis, qui a en partie répondu à mes interrogations sur les recrutements de jeunes gendarmes ou de jeunes policiers et sur la difficulté à fidéliser les effectifs. Avons-nous une idée du nombre de postes vacants ?
Mme Nathalie Goulet. - Ma question concerne le moral des troupes. Le Sénat a commis un rapport sur l'état psychologique, notamment, des gendarmes. Dans l'Orne, nous déplorons le suicide récent d'un jeune gendarme. Quels moyens ont été dédiés au soutien psychologique de nos gendarmes, qui sont mis à rude épreuve ?
M. Laurent Somon. - Je me réjouis d'abord de l'augmentation des CP prévus pour 2025 à destination de la gendarmerie. C'est nécessaire à l'attractivité de ces métiers, notamment en milieu rural.
En revanche, je m'inquiète au sujet de la police, puisque les annulations de crédits de février 2024, à hauteur de 134 millions d'euros, posent des problèmes pour les nouvelles constructions programmées et provoquent des retards de paiement. Il semble que les entreprises construisant actuellement des commissariats soient confrontées à des difficultés de trésorerie, qui empêchent l'État d'honorer les factures dues et les échéances prévues.
Sur la sécurité routière, le décret du 8 mars 2024, pris à la suite de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), précise les conditions dans lesquelles les collectivités locales peuvent installer ou demander l'installation de radars automatiques. Des installations sont-elles intervenues ? A-t-on une idée de ce que souhaitent les collectivités face à une sécurité routière qui se dégrade ?
M. Stéphane Sautarel. - En matière d'immobilier de la gendarmerie, le rattrapage des loyers dus a été évoqué. Je n'ai cependant pas bien compris si un espoir existe que la situation se rétablisse dès la fin de 2024, ou s'il faudra attendre 2025.
En second lieu, j'insiste beaucoup pour que le programme annoncé sur la création de nouvelles brigades de gendarmerie puisse être déployé. Les crédits relatifs au personnel ne sont pas toujours immédiatement nécessaires ; il faut en effet parfois construire avant de doter les brigades en moyens humains. Il importe en revanche que de telles opérations immobilières, qui souvent reposent sur des bailleurs sociaux, soient confirmées et engagées dans les délais prévus, afin que les brigades puissent rapidement voir le jour sur les territoires.
M. Vincent Delahaye. - Deux questions adressées à nos rapporteurs, que je remercie pour leur travail.
La première porte sur l'augmentation de 4,2 %, soit près de 1 milliard d'euros, du budget de la police et de la gendarmerie nationales. J'imagine qu'elle intègre les dépenses exceptionnelles en lien avec l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques qui ont dû être réalisées en 2024, c'est-à-dire que la hausse atteindrait en réalité 2,1 milliards d'euros en 2025. À quoi cette somme est-elle consacrée ?
La seconde a trait aux amendes. Je note une augmentation de leurs produits de 12,3 %. À quoi est-elle due ? Les recettes attendues ne sont-elles pas l'expression d'une prévision plutôt optimiste ?
M. Grégory Blanc. - Si l'on voit bien une augmentation des crédits du volet sécurité sous l'angle des outils de répression, on relève leur diminution sous celui des secours à la personne. C'est assez symptomatique. Quelques millions d'euros manqueront aux pompiers.
Je partage les alertes du rapporteur spécial Vogel, mais évidemment pas sa conclusion quand il nous invite à voter le budget de la mission, qui plus est à l'aube d'évolutions climatiques et alors qu'on demande aux collectivités de supporter près de la moitié des 25 milliards d'euros de l'effort attendu. Un double problème de financement et d'organisation tant humaine que matérielle des Sdis va se poser. Alors que le Beauvau de la sécurité civile est sur le point de s'ouvrir, comment renouvellera-t-on leurs équipements et investira-t-on dans les nouvelles technologies, en particulier l'intelligence artificielle (IA) ?
Si l'État baisse ses crédits, comment soutiendra-t-on l'effort supplémentaire ? Cela signifie-t-il qu'il faille augmenter ou revoir l'assiette de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) ?
M. Olivier Paccaud. - Je reviens sur la problématique des nouvelles brigades fixes et mobiles de gendarmerie. M. Paul a parlé à leur sujet d'une annonce à grand renfort de communication.
Des chiffres précis les concernent : 239 unités, 80 dès 2024, seize dans les Hauts-de-France, dont sept mobiles. Or il me semble que, dans cette région, une seule est actuellement en place. Dans l'Oise, il devait y en avoir trois, dont une mobile ; on ne l'y trouve pas. Confirmez-vous ce chiffre de 80 ?
M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - 80 nouvelles brigades de gendarmerie seront opérationnelles à fin 2024. Ces brigades sont soit fixes, soit mobiles, c'est-à-dire itinérantes. Sur la feuille de route de 2025, 57 autres sont prévues, mais il y a le problème des effectifs dont je parlais précédemment.
La question des loyers nous est évidemment posée. Formellement, la réponse consiste à dire qu'elle devrait être réglée avec le PLFG, si l'ouverture de crédits est suffisante. Je viens d'apprendre qu'il a été présenté ce matin en conseil des ministres.
La difficulté de paiement touche tout de même 5 079 emprises. Le règlement des loyers restaurera la confiance, ce qui est indispensable, car on ne saurait maintenir pendant des mois une dette de la gendarmerie à l'égard des collectivités. La première y perdrait sa crédibilité.
Or, nous avons préconisé des recours aux partenariats public-privé sur de très grosses opérations. Évidemment, les investisseurs privés craindront eux-mêmes de n'être pas payés si on ne règle pas ce problème. Je pense à des opérations indispensables, reportées depuis des années, et qu'il est grand temps d'engager, si l'on veut aussi fidéliser les effectifs de la gendarmerie.
En définitive, c'est notre crédibilité collective qui est en jeu. Nécessaire à la réalisation de ces opérations, elle passe par un apurement des impayés de loyers.
S'agissant du moral des troupes, il s'accommode mal d'immeubles des années 1970 mal entretenus. Je l'ai constaté à Dijon, au cours d'un déplacement, où un code de bonne conduite très exigeant a dû être instauré dans ce type d'immeubles en raison de l'absence de toute isolation phonique qui y prévaut.
La notion de fidélisation des effectifs se situe bien notamment à ce niveau des logements. Rappelons que les gendarmes ont une obligation de vivre sur leur lieu de travail. On peut certes toujours leur dire que la résilience est la première vertu du gendarme, mais derrière se pose la question de la situation des conjoints et des familles.
Plus largement, sur le sujet de l'état psychologique des gendarmes, il faut savoir par exemple que les unités de gendarmerie mobile ont été engagées loin des familles pendant plus de 200 jours en 2024. Des cellules psychologiques les accompagnent lors de ces déplacements. En Nouvelle-Calédonie, les gendarmes ont été confrontés à des scènes de guerre. Plus de 500 gendarmes ont été blessés et deux sont morts.
Comme vous, j'ai entendu qu'un projet de texte de loi sur le narcotrafic, issu du travail de nos collègues, pourrait être mis à l'ordre du jour du Parlement en début d'année 2025. Nous verrons ce qu'il contiendra et nous y serons vigilants, car il s'agit d'un véritable sujet, et pas seulement à Marseille, qui nécessite des moyens humains.
Les collectivités ont désormais la possibilité d'installer des radars routiers. Cela se traduit par l'affectation de 13 millions d'euros supplémentaires en faveur de l'Antai, que le rapporteur général a évoquée, afin de couvrir les frais de gestion associés pour elle. Ce dispositif n'est pas temporaire. À ma connaissance, le déploiement de radars par les collectivités territoriales - hors radars pédagogiques - n'est pas encore effectif. Mais cela ne va plus tarder : elles vont commencer à les installer.
Certains équipements des forces de sécurité intérieure sont particulièrement onéreux. Un véhicule Centaure coûte ainsi environ 1 million d'euros. De même, les nouvelles technologies - drones, cybersécurité - nécessitent qu'on y consacre des moyens importants. Il faudra en évaluer, le moment venu, l'effectivité.
La prévision d'un rendement de 2,2 milliards d'euros des recettes des amendes ne tient pas aux seuls radars, dont le nombre reste stable. Elle inclut également les verbalisations hors radars. La plupart du temps, l'estimation est en réalité dépassée en cours d'année.
Enfin, la gendarmerie explique qu'il existe toujours un taux de vacance des postes de l'ordre de 2 %, par le jeu des rotations entre les départs et les arrivées à la sortie des écoles de formation. Dans tous les cas, il est nécessaire d'augmenter les effectifs.
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - Le problème du financement de la sécurité civile constitue un véritable sujet. Le financement de la sécurité civile repose essentiellement sur les dépenses locales. Le budget consolidé des services d'incendie et de secours s'élève en 2022 à 5,6 milliards d'euros. Il est donc près de 7 fois supérieur aux crédits de paiement inscrits sur le programme 161 dans le PLF pour 2025.
Le Beauvau de la sécurité devra apporter des réponses à ce problème, notamment sous l'angle de la TSCA. Nous avons interrogé les acteurs de la sécurité civile sur la possibilité de valoriser les actes de sauvegarde des biens. Une hausse des primes d'assurance pourrait ainsi prendre en compte une partie du financement des SDIS. La question du montant de la taxe de séjour se pose également dans des régions qui accueillent un nombre très élevé de touristes à certaines périodes de l'année et doivent consacrer des moyens importants pour garantir leur sécurité.
Aucune baisse significative n'intervient à proprement parler. Des crédits complémentaires avaient été mis en oeuvre en 2024 à l'occasion de l'organisation des jeux Olympiques, notamment en considération des risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) ; nous ne les retrouvons simplement pas dans le PLF pour 2025.
Néanmoins, si les pactes capacitaires ont permis d'acquérir des camions-citernes feux de forêt (CCF), on s'interroge à présent sur le financement de matériels de lutte contre les inondations, en l'occurrence des pompes à très grande capacité, qui coûtent extrêmement cher et qu'il faudrait déployer sur l'ensemble du territoire national. Leur coût suppose l'engagement de moyens nationaux.
Il ne peut en effet être supporté par les SDIS, dont le financement présente la particularité que l'évolution de la contribution communale ou intercommunale, pour les communautés de communes disposant de la compétence incendie, se limite à celle de l'inflation au cours de l'année précédente. Toutes les dépenses nouvelles reviennent donc à la charge des départements. Les contraintes budgétaires particulièrement sévères qui pèsent sur ces derniers les empêchent de faire face au développement des risques, spécialement du secours aux personnes, qui connaît une croissance régulière.
Il conviendrait d'imaginer des pactes capacitaires pour le risque d'inondation, tels qu'ils existent pour les feux de forêt.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.