EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Plan de relance ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 6 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur spécial, sur la mission « Plan de relance ».
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant le rapport spécial de M. Jean-François Husson sur les crédits de la mission « Plan de Relance ».
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - Si la crise sanitaire paraît aujourd'hui bien éloignée, la mission « Plan de relance » existe toujours. Pour rappel, elle a été créée, à juste titre, pour relancer l'économie à l'issue du confinement qui, au printemps 2020, avait interrompu la vie de nombreuses entreprises. Elle représentait 40 % du plan de relance de 100 milliards d'euros.
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ne prévoit que des crédits résiduels pour cette mission, répartis entre deux programmes : 100 millions d'euros pour le programme 362 « Écologie » et 69 millions d'euros pour le programme 363 « Compétitivité ». Le programme 364 « Cohésion » sera, quant à lui, supprimé à partir de 2025.
Ces montants ne reflètent pas la réalité de l'exécution budgétaire de la mission. Celle-ci se caractérise par un recours massif aux reports de crédits, et cette pratique s'est accentuée au fil des années. Chaque année depuis 2022, elle est financée par quelque 6 milliards d'euros de crédits reportés, alors que les crédits ouverts en loi de finances n'étaient plus que de 1,4 milliard d'euros en 2024 et ne seront que de 169 millions d'euros l'an prochain. Les documents budgétaires du PLF pour 2021, au moment de la création de cette mission, n'avaient pourtant pas indiqué au Parlement que les crédits seraient ainsi reportés d'année en année ; ils avaient, au contraire, fixé un objectif de consommation de 100 % des crédits de paiement (CP) ouverts chaque année, et celui-ci ne permettait aucun report.
Le Parlement a donc été contourné, voire trompé, et il en résulte une autorisation parlementaire vide de sens chaque année ainsi qu'une opacité budgétaire préjudiciable au contrôle parlementaire. Les montants inscrits en loi de finances ne correspondent en rien aux crédits effectivement mis à disposition des gestionnaires de programme, qui sont bien supérieurs.
Ce décalage est d'autant plus préoccupant que le financement des actions par report de crédits est d'ores et déjà prévu par l'administration en 2025. Les crédits réduits prévus par le PLF seront complétés par un montant plus important de crédits reportés. Les documents budgétaires le disent explicitement et, après avoir examiné l'état de consommation de la mission, je pense que plusieurs milliards d'euros de crédits seront à nouveau reportés.
Le niveau des restes à payer sur la mission demeure considérable, à hauteur de 7 milliards d'euros sur l'ensemble de trois programmes, dont 945 millions d'euros pour les mesures en faveur des mobilités du quotidien, 777 millions d'euros pour les projets relevant de la stratégie hydrogène, ou encore 723 millions d'euros pour les aides au recrutement. Ces montants sont très supérieurs aux 169 millions d'euros de crédits demandés.
Au-delà de cette pratique des reports de crédits, la mission « Plan de Relance » regroupe des actions hétéroclites qui n'ont plus rien à voir avec l'objectif initial de relance. À titre d'exemple, la mission ouvre des crédits pour financer un portail public de facturation ou l'achat d'hélicoptères par la gendarmerie nationale, des dépenses qui devraient être imputées au budget des ministères concernés.
En outre, la complexité des circuits de financement, par transferts entre programmes budgétaires ou à destination d'opérateurs, rend le suivi des crédits impossible. Par exemple, dans le cas où les crédits sont attribués aux bénéficiaires finaux par des opérateurs ou des entités publiques autres que l'État, c'est le versement des crédits à ces organismes qui est retracé dans le système d'information Chorus, et non le versement effectif aux bénéficiaires.
Le dispositif de performance associé à la mission est également contraire à la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). L'un des objectifs appelle à un taux de consommation des crédits de 100 %, ce qui est contestable dans la mesure où la dépense ne saurait être un objectif en soi. Les autres indicateurs de mission sont marqués comme « sans objet » dans le projet annuel de performances (PAP).
Enfin, je souhaite évoquer le cofinancement européen. Cette question ne relève pas strictement de la mission, et je m'exprime ici également en tant que rapporteur général du budget.
Ce cofinancement devrait être de l'ordre de 40,2 milliards d'euros, dont les trois quarts ont déjà été versés. Toutefois, il ne s'agit pas d'argent gratuit : l'emprunt européen devra être remboursé. Des ressources propres sont censées y pourvoir, mais rien ne le garantit pour l'instant. Si ce n'est pas le cas, la contribution de la France au budget européen pourrait augmenter de 2,5 milliards d'euros chaque année à compter de 2028.
En conclusion, la mission « Plan de Relance » est devenue une coquille vide, un outil budgétaire opaque et inadapté. Nous savons que le Gouvernement, sur ce point comme sur d'autres, a repris le projet de budget élaboré par le gouvernement précédent. Je l'invite donc, puisque ce budget a vocation à être transformé pendant les débats parlementaires, à rompre avec les pratiques antérieures. Aussi, je vous propose, comme l'an dernier, de rejeter des ouvertures de crédit qui ne sont pas nécessaires, compte tenu des crédits disponibles.
La suppression de la mission « Plan de Relance » et le transfert de ses actions vers les programmes de droit commun du budget général s'inscrivent dans notre volonté de revenir à une gestion rigoureuse et transparente des finances publiques après des années de « quoi qu'il en coûte ».
M. Arnaud Bazin. - J'aimerais avoir une précision, pour la bonne compréhension et la garantie de la sincérité du budget : les crédits reportés des années antérieures, dont il est prévu qu'ils soient dépensés en 2025, sont-ils bien intégrés en CP sur le budget pour 2025 ? Ne vont-ils pas apparaître, ensuite, ex nihilo ?
M. Victorin Lurel. - Je partage l'analyse du rapporteur spécial. Il s'agit ici de « queues de comète », avec des difficultés déjà pointées par la Cour des comptes. Les recommandations allaient dans le sens d'une disparition du programme 364 « Cohésion ». Vous allez cependant plus loin, en proposant en outre de supprimer les crédits nouveaux, y compris, si je vous ai bien entendu, les CP, en particulier 100 millions d'euros sur le programme 362 et 69 milliards d'euros sur le programme 363. Vous ai-je bien compris ?...
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - Oui.
M. Victorin Lurel. - Je serai d'accord avec vous. L'avis de mon groupe politique penche en faveur d'une réflexion sur un regroupement avec le plan France 2030, afin d'éviter des reports aussi massifs, lesquels ne sont pas conformes à la Lolf.
Mme Christine Lavarde. - Je m'inscris dans la continuité de l'intervention de Victorin Lurel, même si je ne suis pas convaincue de la pertinence du plan France 2030 pour y transférer les crédits ; je pencherai davantage, comme le rapporteur spécial, pour les missions qui existent déjà.
La question a-t-elle été posée de savoir pourquoi ces crédits n'ont pas été rebasculés ? Je prendrai trois exemples. Il y a des crédits pour la stratégie hydrogène sur le programme 345, qui ne seront d'ailleurs pas exécutés en 2025. Ceux qui restent sur la mission « Plan de relance » pourraient être soit annulés, soit basculés sur le programme 345. Pareillement, le fonds Friches représente des crédits de plus de 323 millions d'euros portés, soit par le programme 380, soit par le budget de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Leur présence dans la mission « Plan de relance » atteste d'un émiettement de la politique publique. De même, pourquoi le Gouvernement tient-il tant à rattacher à cette mission le dispositif en faveur de la rénovation énergétique des collectivités locales, également lié au programme 380, alors même qu'il pourrait aisément réaliser des économies en le clôturant et en transférant les actions restant à financer vers les programmes socles de droit commun ?
M. Claude Raynal, président. - Je pense que nous partageons l'idée qu'il faut savoir mettre un terme à cette mission. Nous pressentons la discussion à venir avec le Gouvernement sur la réaffectation des crédits correspondants. Nos échanges de ce jour sont d'une certaine façon un point d'entrée dans la discussion.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - Vous avez apporté la réponse, monsieur le président, c'est un pont entre nous...
L'article 40 de la Constitution limite nos possibilités, mais nos échanges font écho aux propos de plusieurs de nos collègues sur le regroupement et une meilleure lisibilité des dépenses. Non seulement nous interrogerons le Gouvernement en séance, mais il convient également de lui transmettre rapidement le message. La formation récente de ce gouvernement ne doit pas nous empêcher de nous saisir dès maintenant de ce sujet. À l'instar de la mission « flash », cela participe de la nécessité de donner davantage de lisibilité tant aux Français qu'aux parlementaires, en regroupant les crédits disponibles dans le budget général, puis en dotant de nouveau les missions prévues le moment venu.
À mon avis, la création de divers programmes et la dispersion - volontaire ou non - des crédits dénotent une certaine désorganisation d'ensemble, et il est permis de s'interroger sur la qualité de la tenue des comptes.
La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Plan de relance ».
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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.