N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 22

PLAN DE RELANCE

Rapporteur spécial : M. Jean-François HUSSON

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Cette mission a été créée par la loi de finances initiale pour 2021 en réponse aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Elle porte la majorité des crédits du budget de l'État consacrés au plan de relance de 100 milliards d'euros et comprend deux programmes : 362 « Écologie » et 363 « Compétitivité ». Le programme 364 « Cohésion » est supprimé à compter de 2025.

L'ensemble des autorisations d'engagement ont été ouvertes en 2021 et, pour une partie minoritaire, en 2022. Le projet de loi de finances pour 2025, comme les lois de finances pour 2023 et 2024, n'ouvre en conséquence que des crédits de paiement.

I. LE PROJET DE LOI DE FINANCES NE DEMANDE QUE DES CRÉDITS RÉSIDUELS POUR LA MISSSION « PLAN DE RELANCE »

Pour 2025, les crédits demandés par le projet de loi de finances sont de 169 millions d'euros, uniquement en crédits de paiement.

Crédits de la mission « Plan de relance »

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

2023 exécution1(*)

2024
LFI

2025
PLF

Évolution PLF 2025 / LFI 2024

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (%)

362 - Écologie

AE

- 1,2

-

-

-

 

CP

2 816,3

1 169,1

100,0

- 1 069,1

- 91,4 %

363 - Compétitivité

AE

98,9

-

-

-

 

CP

678,1

66,0

69,0

+ 3,0

+ 4,6 %

364 - Cohésion

AE

- 79,4

-

-

-

 

CP

632,0

178,9

-

-

-

Total mission

AE

18,3

-

-

-

 

CP

4 126,4

1 414,0

169,0

- 1 245,0

- 88,0 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Selon l'échéancier prévisionnel des paiements fourni par le projet annuel de performances, le montant total des crédits de paiements devrait poursuivre sa diminution au cours des années à venir pour atteindre 100 millions d'euros en 2026 et 2027.

A. LES CRÉDITS OUVERTS SERONT COMPLÉTÉS PAR DES CRÉDITS REPORTÉS

Les montants inscrits en loi de finances ne correspondent pas au montant réel des crédits dépensés chaque année, car la mission « Plan de relance » se caractérise par l'emploi de procédures spécifiques, dont les reports de crédit, qui éloignent la consommation réelle des prévisions retracées par les documents budgétaires et vide de son sens l'autorisation parlementaire annuelle.

- Le programme 362 « Écologie » regroupe les crédits budgétaires relatifs aux mesures de soutien du plan de relance ayant le lien le plus direct avec la transition écologique.

En 2024, il fait l'objet de demandes de crédits à hauteur de 100 millions d'euros en crédits de paiement uniquement, concernant l'investissement dans le recyclage et le réemploi, la modernisation des centres de tri, de recyclage et de valorisation des déchets et l'amélioration des mobilités du quotidien. Toutefois, la plupart des mesures du programme 362 seront financées par reports de crédits non consommés au cours des années précédentes.

- Le programme 363 « Compétitivité » regroupe un ensemble particulièrement hétérogène de mesures.

En 2025, le projet de loi de finances ne demande d'ouvertures de crédit qu'à hauteur de 69 millions d'euros, répartis entre trois dispositifs : relocalisation dans les territoires, projet de facturation électronique inter-entreprises et poursuite du programme d'acquisition de dix hélicoptères par la gendarmerie nationale. Comme pour le programme 362, la plupart des actions seront également financées par des crédits reportés.

- Le programme 364 « Cohésion » est supprimé dans le budget 2025.

Les dispositifs du programme présentant encore des besoins à couvrir feront l'objet, le cas échéant, d'une bascule vers un programme du budget général partageant leur spécialité, sans que les programmes concernés et les montants soient indiqués avec précision dans les documents budgétaires.

B. LA MISSION « PLAN DE RELANCE » A CONSOMMÉ 36,6 MILLIARDS D'EUROS DEPUIS SA CRÉATION, MAIS DES RESTES À PAYER IMPORTANTS DEMEURENT SUR CERTAINS DISPOSITIFS

Depuis son lancement, la mission « Plan de relance » a consommé 36,6 milliards d'euros sur 121 dispositifs différents. Les autorisations d'engagement prises sur certains dispositifs n'ont toutefois pas encore été couvertes intégralement par des crédits de paiement. Une quinzaine de dispositifs devraient encore dépenser plus de 100 millions d'euros pour couvrir toutes les autorisations d'engagement ouvertes.

Dispositifs présentant les restes à payer les plus importants

(en millions d'euros)

AAP : appel à projets. PTHD : plan très haut débit. DRI : dotation régionale d'investissement.

Source : calculs commission des finances, à partir des données transmises en réponse au questionnaire du rapporteur spécial

C. LE REMBOURSEMENT DU CO-FINANCEMENT EUROPÉEN PARTIEL RISQUE DE PESER SUR LE BUDGET NATIONAL À PARTIR DE 2028

Le plan de relance français, d'un montant total de 100 milliards d'euros, y compris la mission « Plan de relance », doit faire l'objet d'un co-financement européen à hauteur de 40,3 milliards d'euros.

Des versements provenant de l'Union européenne ont lieu chaque année. Ce financement ne constitue toutefois pas une subvention classique. Il provient en effet d'un emprunt contracté au niveau européen, qui devra être remboursé.

Ce remboursement était fondé à l'origine sur la mise en place de ressources propres, mais celles-ci demeurent encore incertaines. En l'absence d'accord, le coût pour la France, au titre du prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne, pourrait être de l'ordre de 2,5 milliards d'euros par an à compter de 2028.

Le coût net d'ensemble du plan de relance pour la France reste donc incertain et le co-financement européen pourrait, a posteriori, être très limité.

II. LE FONCTIONNEMENT CONTRAIRE À LA LOLF DE LA MISSION « PLAN DE RELANCE » DOIT POUSSER À SA MISE EN EXTINCTION

La mission « Plan de relance » se caractérise par des modalités de gestion très dérogatoires aux procédures budgétaires habituelles, qui permettent aux gestionnaires des crédits de s'affranchir très largement des principes budgétaires afin de gérer et réallouer les crédits dans une perspective pluriannuelle, rendant l'autorisation parlementaire caduque et le suivi et l'évaluation particulièrement difficiles.

A. LA MISSION REPOSE SUR DES CRÉDITS REPORTÉS ET NON SUR L'AUTORISATION ANNUELLE EN LOI DE FINANCES

Alors que la loi de finances pour 2024 a autorisé l'ouverture de 1,4 milliard d'euros de crédits sur la mission « Plan de relance », celle-ci a disposé, en exécution, de 6,8 milliards d'euros en raison des reports de crédits non consommés au cours des années précédentes.

Crédits initiaux et crédits totaux disponibles en 2024
sur la mission « Plan de relance »

Crédits ouverts en loi de finances

Crédits réellement disponibles

 

1,4 milliard d'euros

6,8 milliards d'euros

Source : commission des finances, à partir des données extraites du système d'information Chorus

Alors que les crédits reportés devraient rester « frictionnels », ils sont utilisés de manière massive sur cette mission, ce qui porte atteinte à la portée de l'autorisation parlementaire et empêche de suivre réellement l'exécution des crédits.

Alors que les crédits non consommés devraient être annulés en fin d'exercice, ils sont systématiquement reportés à l'exercice suivant pour la mission « Plan de relance ».

Les documents budgétaires indiquent de manière répétée que les actions du plan de relance seront financées par reports de crédits non consommés, ce qui permet de conclure qu'il est d'ores et déjà décidé de pratiquer, une fois encore, des reports de crédits à hauteur de plusieurs milliards d'euros sur la mission « Plan de relance », alors que moins de 200 millions d'euros seront ouverts en loi de finances initiale.

B.  LA MISSION REGROUPE DES ACTIONS HÉTÉROCLITES QUI N'ONT PLUS RIEN À VOIR AVEC L'OBJECTIF INITIAL DE RELANCE

Le regroupement des crédits dans des programmes de grande taille favorise une gestion peu transparente, les gestionnaires de programme étant libres de déplacer les lignes de crédit d'un dispositif à un autre.

En outre, la complexité des circuits de financement, par transferts entre programmes budgétaires ou à destination d'opérateurs, rend un suivi complet des crédits pratiquement impossible, de sorte que, comme le fait observer la Cour des comptes, aucune vision globale et consolidée de l'exécution réelle des crédits de la mission n'est disponible.

Or la mission « Plan de relance », qui devait porter des mesures temporaires de relance, finance des mesures qui devraient être imputées au budget des ministères, comme le montre la liste de celles qui font l'objet d'ouvertures de crédits dans le projet de loi de finances pour 2025 : portail public de facturation piloté par la direction générale des finances publiques et achat d'hélicoptères.

C. IL EST PROPOSÉ DE SUPPRIMER LES OUVERTURES DE CRÉDIT DEMANDÉES, CAR ELLES NE RÉPONDENT PAS À UNE VÉRITABLE NÉCESSITÉ

Compte tenu des crédits toujours disponibles et de la décision, explicite dans les documents budgétaires et implicite dans la demande de crédits nouveaux extrêmement faibles, de les reporter à 2025, pour un montant de plusieurs milliards d'euros, l'ouverture de crédits de 100 millions d'euros sur le programme 362 et de 69 milliards d'euros sur le programme 363 n'est pas nécessaire pour assurer le financement des restes à payer.

Il est proposé en conséquence d'annuler les ouvertures de crédit demandées, qui ne sont pas suffisamment motivées dans les documents budgétaires. La taille très étendue de ces deux programmes permettra aux gestionnaires de programme de financer les actions avec les crédits reportés.

Par-delà cette annulation, il suggère, dans un esprit de clarification de l'exécution budgétaire, de regrouper le financement des restes à payer sur la mission « Plan de relance » vers les programmes de droit commun du budget général pour les programmes 362 et 363, comme le prévoit déjà le projet de loi de finances pour le programme 364.

Réunie le 6 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 89 % des réponses étaient parvenues pour la mission Plan de relance.

PREMIÈRE PARTIE
LES CRÉDITS DE LA MISSION « PLAN DE RELANCE »

La mission « Plan de relance » a été créée par la loi de finances initiale pour 20212(*) afin de porter la majeure partie des crédits du budget de l'État consacrés au plan de relance, dont le montant a été chiffré à 100 milliards d'euros par le Gouvernement.

Dans le présent projet de loi de finances, elle comprend deux programmes, 362 « Écologie » et 363 « Compétitivité », le programme 364 « Cohésion » étant supprimé à compter de 2025.

I. LE PROJET DE LOI DE FINANCES NE DEMANDE QUE DES CRÉDITS RÉSIDUELS POUR LA MISSION « PLAN DE RELANCE »

La mission « Plan de relance » a reçu la totalité de ses autorisations d'engagement au cours de ses deux premières années d'existence en 2021 et 2022. Le montant des crédits de paiement demandés au cours des années suivantes tend à couvrir le montant de ces autorisations d'engagement.

Crédits de la mission « Plan de relance »

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

2023 exécution3(*)

2024
LFI

2025
PLF

Évolution PLF 2025 / LFI 2024

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (%)

362 - Écologie

AE

- 1,2

-

-

-

 

CP

2 816,3

1 169,1

100,0

- 1 069,1

- 91,4 %

363 - Compétitivité

AE

98,9

-

-

-

 

CP

678,1

66,0

69,0

+ 3,0

+ 4,6 %

364 - Cohésion

AE

- 79,4

-

-

-

 

CP

632,0

178,9

-

-

-

Total mission

AE

18,3

-

-

-

 

CP

4 126,4

1 414,0

169,0

- 1 245,0

- 88,0 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les lois et projets de lois de finances

Selon l'échéancier prévisionnel des paiements fourni par le projet annuel de performances, le montant total des crédits de paiements serait de 238 millions d'euros en 2025 et 100 millions d'euros en 2026 et 2027, dernière année pour laquelle des crédits seraient demandés. Des crédits de paiement ne sont prévus que sur le programme 362 « Écologie » à partir de 2026.

A. LE PROGRAMME 362 « ÉCOLOGIE » : DES OUVERTURES DE CRÉDIT DE 100 MILLIONS D'EUROS, QUI NE COUVRIRONT QU'UNE FRACTION DES DÉPENSES

Le programme 362 « Écologie » regroupe les crédits budgétaires relatifs aux mesures de soutien du plan de relance ayant le lien le plus direct avec la transition écologique.

En 2024, il fait l'objet de demandes de crédits à hauteur de 100 millions d'euros de crédits de paiement, sans ouverture d'autorisations d'engagement nouvelles, concernant deux actions.

50 millions d'euros sont demandés sur l'action 04 « Économie circulaire et circuits courts ». Le projet annuel de performances indique que la prévision de consommation est de 30,6 millions d'euros en faveur de l'investissement dans le recyclage et le réemploi (dont l'accompagnement de la filière plastique) et de 57,7 millions d'euros pour la modernisation des centres de tri, de recyclage et de valorisation des déchets, soit 88,3 millions d'euros au total. En conséquence, des crédits reportés devraient compléter les crédits ouverts par la loi de finances.

S'agissant de l'action 07 « Infrastructures et mobilité vertes », l'ouverture de crédits est également de 50 millions d'euros et devrait être consacrée à l'amélioration des mobilités du quotidien, pour laquelle il est toutefois prévu de dépenser 250 millions d'euros en 2025, grâce aux reports de crédits.

D'une manière générale, la plupart des mesures du programme 362 seront financées par reports de crédits, s'agissant notamment de la rénovation énergétique des bâtiments publics, des logements sociaux et des bâtiments des TPE et PME, de l'action en faveur de la biodiversité et de la lutte contre l'artificialisation, des mesures de décarbonation de l'industrie, des dispositifs favorisant l'économie circulaire et les circuits courts, de ceux relatifs à la transition agricole et à la mer, aux infrastructures, aux mobilités, à l'énergie et aux technologies « vertes » ou encore des actions locales financées par la dotation régionale d'investissement.

B. LE PROGRAMME 363 « COMPÉTITIVITÉ » : DES OUVERTURES DE CRÉDIT DE 69 MILLIONS D'EUROS, QUI SERONT ÉGALEMENT COMPLÉTÉES PAR DES CRÉDITS REPORTÉS

Dans une mission pourtant caractérisée par sa diversité, le programme 363 « Compétitivité » est sans doute le plus hétérogène.

Il finançait, dans son périmètre d'origine et pour un montant total de 6,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement, aussi bien des aides aux entreprises pour renforcer leurs fonds propres, favoriser la relocalisation d'activités et soutenir leur activité à l'export que des investissements dans des équipements culturels ou des commandes militaires lancées avant le démarrage du plan de relance, auxquels ont été ajoutées de très nombreuses dépenses d'équipement ou d'entretien des ministères dont le lien avec la relance de l'économie était dans l'ensemble inexistant.

En 2025, le projet de loi de finances ne demande d'ouvertures de crédits qu'à hauteur de 69 millions d'euros, répartis entre trois dispositifs : 13,5 millions d'euros pour le dispositif de relocalisation dans les territoires, 15,7 millions d'euros pour le projet de facturation électronique inter-entreprises et 39,7 millions d'euros pour la poursuite du programme d'acquisition de dix hélicoptères par la gendarmerie nationale.

Les observations déjà formulées pour le programme 362 s'appliquent également au présent programme : la plupart des actions seront également financées par des crédits reportés, selon les termes même du projet annuel de performances.

C. LA SUPPRESSION DU PROGRAMME 364 « COHÉSION » 

Le programme 364 « Cohésion » est supprimé à compter de l'exercice 2025, comme l'avait recommandé la Cour des comptes4(*).

Le projet annuel de performances indique que les dispositifs du programme présentant encore des besoins à couvrir feront l'objet, le cas échéant, d'une bascule vers un programme du budget général partageant leur spécialité.

Les missions et programmes concernés ne sont pas indiqués, pas plus que les montants de crédits. Or les restes à payer étaient encore de 1,5 milliard d'euros à la fin 20235(*) et de 1,4 milliard d'euros au 31 août 20246(*).

Il ressort par exemple du projet annuel de performances de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » que les crédits ouverts en projet de loi de finances pour 2025 intègreraient 62,0 millions d'euros en crédits de paiement au titre des restes à payer des pactes régionaux d'investissement dans les compétences pour leur volet « 1 jeune 1 solution » engagés depuis le plan de relance.

II. LA MISSION « PLAN DE RELANCE » A CONSOMMÉ 36,6 MILLIARDS D'EUROS DEPUIS SA CRÉATION, MAIS DES RESTES À PAYER IMPORTANTS DEMEURENT SUR CERTAINS DISPOSITIFS

Depuis son lancement, la mission « Plan de relance » a consommé 36,6 milliards d'euros sur 121 dispositifs différents.

Principaux dispositifs financés par la mission « Plan de relance »
depuis sa création

(en milliards d'euros)

Crédits de paiement consommés entre 2021 et le 31 août 2024.

Source : commission des finances, à partir des données transmises en réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les autorisations d'engagement prises sur certains dispositifs n'ont pas encore été couvertes intégralement par des crédits de paiement.

Le montant total des restes à payer était donc, au 31 août 2024, de 6,9 milliards d'euros, dont 4,8 milliards d'euros sur le programme 362 « Écologie », 0,7 milliard d'euros sur le programme 363 « Compétitivité » et 1,4 milliard d'euros sur le programme 364 « Cohésion ».

Une quinzaine de dispositifs devraient encore dépenser plus de 100 millions d'euros pour couvrir toutes les autorisations d'engagement ouvertes.

Dispositifs présentant les restes à payer les plus importants

(en millions d'euros)

AAP : appel à projets. PTHD : plan très haut débit. DRI : dotation régionale d'investissement.

Source : calculs commission des finances, à partir des données transmises en réponse au questionnaire du rapporteur spécial

III. LE PLAN DE RELANCE FAIT L'OBJET D'UN FINANCEMENT EUROPÉEN PARTIEL, DONT LE REMBOURSEMENT RISQUE DE PESER SUR LE BUDGET NATIONAL À PARTIR DE 2028

Le plan national de relance et de résilience (PNRR) a été présenté par le Gouvernement le 29 avril 2021 afin de placer les actions du plan de relance français dans la perspective des priorités fixées au niveau européen.

Il prévoit un co-financement européen à hauteur de 41 milliards d'euros, qui s'impute sur l'enveloppe totale de 100 milliards d'euros du plan de relance français. Si le PNRR ne précise pas explicitement la proportion de ce co-financement qui correspond aux dépenses de la mission « Plan de relance », celle-ci porte une grande partie des priorités européennes. Les noms des trois programmes de la mission reprennent d'ailleurs les intitulés des trois piliers du plan de relance européen.

La rapidité avec laquelle la reprise économique est arrivée après la crise sanitaire entraîne, par application des règles de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), une réduction à 37,5 milliards d'euros du montant de subvention que pourra recevoir la France.

Toutefois, le PNRR a fait l'objet d'une mise à jour en avril 2023, qui donne droit à la France à 2,8 milliards d'euros supplémentaires au titre du nouvel instrument REPowerEU, mis en place après l'invasion de l'Ukraine afin de renforcer l'indépendance et la sécurité de l'approvisionnement énergétique de l'Union.

Des versements ont lieu chaque année, soit à titre de préfinancement, soit en application de demandes de paiement formulées par la France et fondées sur l'atteinte de cibles et d'objectifs.

Calendrier de versement passé et prévisionnel
au titre du PNRR

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de la Cour des comptes7(*)

Ce financement ne constitue toutefois pas une subvention classique. Il provient en effet d'un emprunt contracté au niveau européen, qui devra être remboursé.

Ce remboursement était fondé à l'origine sur la mise en place de ressources propres en application de l'accord interinstitutionnel du 16 décembre 20208(*). Parmi ces ressources propres devait figurer une taxe carbone instaurée aux frontières de l'Union européenne, dont le rendement n'est pas certain. En outre, la hausse des taux d'intérêt va nécessairement renchérir le coût des emprunts réalisés par la Commission européenne.

Aujourd'hui, les modalités de remboursement demeurent incertaines. La Cour des comptes note ainsi que, en l'absence d'accord, la hausse de la contribution de la France, au titre du prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne, serait de l'ordre de + 2,5 milliards d'euros par an à compter de 2028.

Si cette incertitude ne remet pas en cause l'exécution des mesures de la mission « Plan de relance », qui sont financées sur le budget national, le coût net d'ensemble du plan de relance pour la France reste incertain et le co-financement européen pourrait, a posteriori, être très limité.

DEUXIÈME PARTIE
LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Les montants inscrits en loi de finances ne correspondent en rien au montant des crédits effectivement dépensés chaque année, car la mission « Plan de relance » se caractérise par l'emploi de procédures spécifiques, dont les reports de crédit, qui éloignent la consommation réelle des prévisions retracées par les documents budgétaires.

I. LA MISSION « PLAN DE RELANCE » REPOSE SUR DES CRÉDITS REPORTÉS BIEN PLUS QUE SUR L'AUTORISATION ANNUELLE EN LOI DE FINANCES

La mission « Plan de relance » se caractérise par des modalités de gestion très dérogatoires des procédures budgétaires prévues par la loi organique relative aux lois de finances9(*).

Ces procédures permettent en effet aux gestionnaires des crédits de s'affranchir très largement des principes budgétaires afin de gérer et réallouer les crédits dans une perspective pluriannuelle, rendant l'autorisation parlementaire annuelle caduque et le suivi et l'évaluation particulièrement difficiles.

A. LA MISSION « PLAN DE RELANCE » DISPOSE D'UN IMPORTANT STOCK DE CRÉDITS DE PAIEMENT NON CONSOMMÉS ET REPORTÉS D'ANNÉE EN ANNÉE

Au 20 octobre 2024, la mission « Plan de relance », pour laquelle 1,4 milliard d'euros de crédits de paiement seulement ont été ouverts en loi de finances initiale, disposait de 5,3 milliards d'euros de crédits disponibles.

Elle a en effet bénéficié de reports de 2023 d'un montant de 5,7 milliards d'euros, mais n'a consommé que 1,5 milliard d'euros, auxquels il convient d'ajouter 0,3 milliard d'euros transférés à d'autres programmes du budget général.

Chacun des trois programmes de la mission disposait ainsi, à cette période avancée de l'année, de crédits très supérieurs à ceux ayant fait l'objet de l'autorisation parlementaire en loi de finances initiale.

Le niveau de consommation de ces crédits est très faible, puisque 78,2 % des crédits de paiement mis à disposition des gestionnaires de programme en 2024 n'ont pas encore été consommés, et jusqu'à 93,6 % sur le programme 364 « Cohésion ».

Exécution budgétaire des programmes de la mission
« Plan de relance » au 20 octobre 2024

(en milliards d'euros)

LFI : loi de finances initiale. CP : crédits de paiement.

Source : commission des finances, à partir des données du système d'information Chorus

Pour mémoire, le montant des crédits de paiements issus de crédits reportés avait été de 0,3 milliard d'euros en 202110(*), puis d'environ 6 milliards d'euros chacune des années suivantes : cette stabilité des reports contraste avec la très forte réduction des ouvertures de crédits en loi de finances initiale, illustrant l'écart grandissant entre l'autorisation parlementaire et les montants de crédits réellement mis à disposition des gestionnaires de programmes.

Crédits issus de l'autorisation de loi de finances initiale
et crédits issus de reports de l'année précédente

(en milliards d'euros)

CP : crédits de paiement.

Source : commission des finances, à partir des lois de finances initiale et des arrêtés de report

Si la même pratique était suivie l'an prochain, compte tenu de la très forte sous-consommation des crédits sur l'année en cours, 4 à 5 milliards d'euros de crédits pourraient encore être issus de crédits reportés de 2024 vers 2025.

Or, c'est bien ce qui semble ressortir des documents annexés au présent projet de loi de finances.

B. LE FINANCEMENT DES ACTIONS PAR REPORT DE CRÉDITS EST D'ORES ET DÉJÀ PRÉVU PAR L'ADMINISTRATION

Il ressort des documents budgétaires que le report à 2025 des crédits non consommés au cours de l'année 2024, qui résultent souvent de crédits déjà reportés depuis les années précédentes, est d'ores et déjà décidé.

La circulaire relative aux reports de crédits diffusée le 29 octobre 2024 par la direction du budget11(*), qui prend acte des recommandations réitérées du Parlement et de la Cour des comptes et cherche à limiter les demandes de reports aux « stricts besoins nécessaires », ne s'appliquerait donc pas à la mission « Plan de relance ».

Le projet annuel de performances de la mission « Plan de relance » indique ainsi que les besoins d'ouverture de crédits exprimés reposent « sur l'hypothèse d'une mobilisation prioritaire des crédits déjà ouverts et qui seraient reportés sur 2025, dans la continuité des modalités de fonctionnement spécifiques exposées au Parlement à la création de la mission ». Les documents budgétaires du projet de loi de finances pour 2021, qui a créé la mission « Plan de relance », n'avaient pourtant pas indiqué au Parlement que les crédits seraient ainsi reportés d'année en année ; ils avaient au contraire fixé un objectif de consommation de 100 % des crédits de paiement ouverts chaque année, qui ne permet aucun report12(*).

S'agissant du programme 362 « Écologie », les crédits demandés sont de 100 millions d'euros seulement, mais « ces ouvertures seront complétées par des reports de crédits 2024 sur 2025, qui permettront de couvrir les besoins de décaissements associés aux engagements déjà réalisés, par essence pluriannuels ». Le programme 363 « Compétitivité », pour sa part, présente des ouvertures de crédits pour la seule année 2025 et, par la suite, « fonctionnera majoritairement par reports de crédits jusqu'à son extinction définitive ».

La formulation utilisée pour le programme 362 résulte d'une interprétation erronée de la définition des autorisations d'engagement et des crédits de paiement prévue par la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

La pluriannualité des engagements a vocation à se traduire non par des reports de crédits, mais par la consommation des autorisations d'engagement l'année où un projet est lancé, puis, dans chacun des budgets ultérieurs, par l'ouverture et la consommation des crédits de paiement nécessaires dans chaque exercice.

Les reports de crédits, comme le suggère leur limitation, sauf dérogation, à 3 % des crédits initiaux13(*), devraient demeurer « frictionnels », par exemple dans les cas où une dépense prévue en fin d'exercice doit finalement être reportée au début de l'année suivante. Dans les autres cas, les crédits de paiement non consommés dans l'année devraient être annulés dans le projet de loi de finances de fin de gestion, les crédits nécessaires étant ouverts dans la loi de finances initiale de l'année suivante.

II. LA MISSION REGROUPE DES ACTIONS HÉTÉROCLITES QUI N'ONT QUE PEU À VOIR AVEC L'OBJECTIF INITIAL DE RELANCE

A. LE REGROUPEMENT DES CRÉDITS DANS DES MISSIONS DE GRANDE TAILLE FAVORISE UNE GESTION PEU TRANSPARENTE

Dès l'origine, la mission « Plan de relance » a été fondée sur trois programmes de grande taille : lors de la première année d'exécution en 2021, 6,6 milliards d'euros de crédits de paiement ont été ouverts pour le programme 362 « Écologie », 3,9 milliards d'euros pour le programme 363 « Compétitivité » et 11,4 milliards d'euros pour le programme 364 « Cohésion ». Ce mode de gestion était présenté comme une manière de permettre une réallocation souple des crédits au profit des dispositifs dont la mise en oeuvre était la plus rapide.

Cette pratique était contestable au regard de la définition même d'un programme budgétaire qui, aux termes de l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances, « regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère ».

Elle a permis de contourner largement le principe de spécialité budgétaire, les gestionnaires de programme pouvant faire varier librement les lignes de crédit entre un dispositif et un autre.

En outre, la complexité des circuits de financement, par transferts entre programmes budgétaires ou à destination d'opérateurs, rend le suivi des crédits très difficile. Dans le cas où les crédits sont attribués aux bénéficiaires finaux par des opérateurs ou des entités publiques autres que l'État, par exemple, c'est le versement des crédits aux tiers qui est retracé dans le système d'information Chorus, et non le versement effectif aux bénéficiaires.

Au total, le constat d'un suivi budgétaire « partiel » fait en 2022 par la Cour des comptes dans un rapport remis à la commission des finances du Sénat sur la mise en oeuvre des crédits du plan de relance14(*), reste largement d'actualité et la Cour constatait encore au printemps dernier qu'aucune vision globale et consolidée de l'exécution réelle des crédits de la mission n'est disponible15(*).

B. LES DISPOSITIFS FINANCÉS N'ONT PLUS DE CARACTÈRE DE RELANCE

La mission « Plan de relance », qui devait porter des mesures temporaires de relance, finance des mesures qui devraient être imputées au budget des ministères.

On a vu supra que des crédits sont encore demandés en 2025 pour financer un projet de portail public de facturation piloté par la direction générale des finances publiques (18,6 millions d'euros) ou l'acquisition d'hélicoptères par la gendarmerie nationale (10 millions d'euros). Cette dernière mesure, portée en crédits de paiement par la mission « Plan de relance », résulte d'ailleurs d'autorisations d'engagements ouvertes dès l'été 2020 non pas sur cette mission, qui n'existait pas encore, mais sur la mission « Sécurités » et reportées en 2021 sur la mission « Plan de relance ».

La mission sert également à financer des politiques telles que le soutien à la rénovation énergétique, qui ne présentent pas le caractère temporaire qui, en principe, devait justifier leur inscription dans une mission dédiée.

En tout état de cause, l'objectif de relance de l'économie a été atteint dès l'année 2021, le rythme antérieur de croissance étant atteint au troisième trimestre de cette année-là, et ne peut donc plus être invoqué comme raison pour justifier le maintien d'une mission budgétaire.

C. LA MISSION NE DISPOSE PAS D'UN DISPOSITIF DE PERFORMANCE À LA HAUTEUR DES EXIGENCES DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

L'article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances précise qu'à chaque programme sont associés des objectifs et des indicateurs précis permettant de mesures les résultats obtenus et attendus pour les années à venir.

Ce dispositif de performances, largement défaillant dès la création de la mission « Plan de relance »16(*), est de plus en plus obsolète.

Il met par exemple en avant un objectif de taux de consommation des crédits de 100 % qui, contestable en son principe car la dépense ne peut être un objectif en soi, est d'autant moins souhaitable que les reports de crédit placent le niveau des crédits disponibles à un niveau très supérieur aux besoins de l'année.

Les autres indicateurs associés à la mission17(*) sont marqués comme « sans objet » alors même qu'ils sont présentés comme « les plus représentatifs de la mission » par le projet annuel de performances : c'est le cas du nombre de créations d'emploi liés aux mesures, qui est particulièrement difficile à mesurer, et de l'impact sur la réduction des émissions de CO2, toujours dépourvu de toute mesure.

III. EN CONCLUSION, LA MISSION « PLAN DE RELANCE » DEVRAIT ÊTRE SUPPRIMÉE ET SES ACTIONS REPORTÉES SUR LES MISSIONS DE DROIT COMMUN

Compte tenu des crédits toujours disponibles et de la décision, explicite dans les documents budgétaires et implicite dans la demande de crédits nouveaux extrêmement faibles, de les reporter à 2025, pour un montant de plusieurs milliards d'euros, l'ouverture de crédits de 100 millions d'euros sur le programme 362 et de 69 milliards d'euros sur le programme 363 n'est pas nécessaire pour assurer le financement des restes à payer.

Le rapporteur général propose en conséquence d'annuler les ouvertures de crédit demandées, qui sont insuffisamment motivées dans les documents budgétaires. La taille très étendue de ces deux programmes permettra aux gestionnaires de programme de financer les actions avec les crédits reportés.

Par-delà cette annulation, il suggère, dans un esprit de clarification de l'exécution budgétaire, de regrouper le financement des restes à payer sur la mission « Plan de relance » vers les programmes de droit commun du budget général pour les programmes 362 et 363, comme le prévoit déjà le projet de loi de finances pour le programme 364.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Plan de relance ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 6 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur spécial, sur la mission « Plan de relance ».

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant le rapport spécial de M. Jean-François Husson sur les crédits de la mission « Plan de Relance ».

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - Si la crise sanitaire paraît aujourd'hui bien éloignée, la mission « Plan de relance » existe toujours. Pour rappel, elle a été créée, à juste titre, pour relancer l'économie à l'issue du confinement qui, au printemps 2020, avait interrompu la vie de nombreuses entreprises. Elle représentait 40 % du plan de relance de 100 milliards d'euros.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ne prévoit que des crédits résiduels pour cette mission, répartis entre deux programmes : 100 millions d'euros pour le programme 362 « Écologie » et 69 millions d'euros pour le programme 363 « Compétitivité ». Le programme 364 « Cohésion » sera, quant à lui, supprimé à partir de 2025.

Ces montants ne reflètent pas la réalité de l'exécution budgétaire de la mission. Celle-ci se caractérise par un recours massif aux reports de crédits, et cette pratique s'est accentuée au fil des années. Chaque année depuis 2022, elle est financée par quelque 6 milliards d'euros de crédits reportés, alors que les crédits ouverts en loi de finances n'étaient plus que de 1,4 milliard d'euros en 2024 et ne seront que de 169 millions d'euros l'an prochain. Les documents budgétaires du PLF pour 2021, au moment de la création de cette mission, n'avaient pourtant pas indiqué au Parlement que les crédits seraient ainsi reportés d'année en année ; ils avaient, au contraire, fixé un objectif de consommation de 100 % des crédits de paiement (CP) ouverts chaque année, et celui-ci ne permettait aucun report.

Le Parlement a donc été contourné, voire trompé, et il en résulte une autorisation parlementaire vide de sens chaque année ainsi qu'une opacité budgétaire préjudiciable au contrôle parlementaire. Les montants inscrits en loi de finances ne correspondent en rien aux crédits effectivement mis à disposition des gestionnaires de programme, qui sont bien supérieurs.

Ce décalage est d'autant plus préoccupant que le financement des actions par report de crédits est d'ores et déjà prévu par l'administration en 2025. Les crédits réduits prévus par le PLF seront complétés par un montant plus important de crédits reportés. Les documents budgétaires le disent explicitement et, après avoir examiné l'état de consommation de la mission, je pense que plusieurs milliards d'euros de crédits seront à nouveau reportés.

Le niveau des restes à payer sur la mission demeure considérable, à hauteur de 7 milliards d'euros sur l'ensemble de trois programmes, dont 945 millions d'euros pour les mesures en faveur des mobilités du quotidien, 777 millions d'euros pour les projets relevant de la stratégie hydrogène, ou encore 723 millions d'euros pour les aides au recrutement. Ces montants sont très supérieurs aux 169 millions d'euros de crédits demandés.

Au-delà de cette pratique des reports de crédits, la mission « Plan de Relance » regroupe des actions hétéroclites qui n'ont plus rien à voir avec l'objectif initial de relance. À titre d'exemple, la mission ouvre des crédits pour financer un portail public de facturation ou l'achat d'hélicoptères par la gendarmerie nationale, des dépenses qui devraient être imputées au budget des ministères concernés.

En outre, la complexité des circuits de financement, par transferts entre programmes budgétaires ou à destination d'opérateurs, rend le suivi des crédits impossible. Par exemple, dans le cas où les crédits sont attribués aux bénéficiaires finaux par des opérateurs ou des entités publiques autres que l'État, c'est le versement des crédits à ces organismes qui est retracé dans le système d'information Chorus, et non le versement effectif aux bénéficiaires.

Le dispositif de performance associé à la mission est également contraire à la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). L'un des objectifs appelle à un taux de consommation des crédits de 100 %, ce qui est contestable dans la mesure où la dépense ne saurait être un objectif en soi. Les autres indicateurs de mission sont marqués comme « sans objet » dans le projet annuel de performances (PAP).

Enfin, je souhaite évoquer le cofinancement européen. Cette question ne relève pas strictement de la mission, et je m'exprime ici également en tant que rapporteur général du budget.

Ce cofinancement devrait être de l'ordre de 40,2 milliards d'euros, dont les trois quarts ont déjà été versés. Toutefois, il ne s'agit pas d'argent gratuit : l'emprunt européen devra être remboursé. Des ressources propres sont censées y pourvoir, mais rien ne le garantit pour l'instant. Si ce n'est pas le cas, la contribution de la France au budget européen pourrait augmenter de 2,5 milliards d'euros chaque année à compter de 2028.

En conclusion, la mission « Plan de Relance » est devenue une coquille vide, un outil budgétaire opaque et inadapté. Nous savons que le Gouvernement, sur ce point comme sur d'autres, a repris le projet de budget élaboré par le gouvernement précédent. Je l'invite donc, puisque ce budget a vocation à être transformé pendant les débats parlementaires, à rompre avec les pratiques antérieures. Aussi, je vous propose, comme l'an dernier, de rejeter des ouvertures de crédit qui ne sont pas nécessaires, compte tenu des crédits disponibles.

La suppression de la mission « Plan de Relance » et le transfert de ses actions vers les programmes de droit commun du budget général s'inscrivent dans notre volonté de revenir à une gestion rigoureuse et transparente des finances publiques après des années de « quoi qu'il en coûte ».

M. Arnaud Bazin. - J'aimerais avoir une précision, pour la bonne compréhension et la garantie de la sincérité du budget : les crédits reportés des années antérieures, dont il est prévu qu'ils soient dépensés en 2025, sont-ils bien intégrés en CP sur le budget pour 2025 ? Ne vont-ils pas apparaître, ensuite, ex nihilo ?

M. Victorin Lurel. - Je partage l'analyse du rapporteur spécial. Il s'agit ici de « queues de comète », avec des difficultés déjà pointées par la Cour des comptes. Les recommandations allaient dans le sens d'une disparition du programme 364 « Cohésion ». Vous allez cependant plus loin, en proposant en outre de supprimer les crédits nouveaux, y compris, si je vous ai bien entendu, les CP, en particulier 100 millions d'euros sur le programme 362 et 69 milliards d'euros sur le programme 363. Vous ai-je bien compris ?...

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - Oui.

M. Victorin Lurel. - Je serai d'accord avec vous. L'avis de mon groupe politique penche en faveur d'une réflexion sur un regroupement avec le plan France 2030, afin d'éviter des reports aussi massifs, lesquels ne sont pas conformes à la Lolf.

Mme Christine Lavarde. - Je m'inscris dans la continuité de l'intervention de Victorin Lurel, même si je ne suis pas convaincue de la pertinence du plan France 2030 pour y transférer les crédits ; je pencherai davantage, comme le rapporteur spécial, pour les missions qui existent déjà.

La question a-t-elle été posée de savoir pourquoi ces crédits n'ont pas été rebasculés ? Je prendrai trois exemples. Il y a des crédits pour la stratégie hydrogène sur le programme 345, qui ne seront d'ailleurs pas exécutés en 2025. Ceux qui restent sur la mission « Plan de relance » pourraient être soit annulés, soit basculés sur le programme 345. Pareillement, le fonds Friches représente des crédits de plus de 323 millions d'euros portés, soit par le programme 380, soit par le budget de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Leur présence dans la mission « Plan de relance » atteste d'un émiettement de la politique publique. De même, pourquoi le Gouvernement tient-il tant à rattacher à cette mission le dispositif en faveur de la rénovation énergétique des collectivités locales, également lié au programme 380, alors même qu'il pourrait aisément réaliser des économies en le clôturant et en transférant les actions restant à financer vers les programmes socles de droit commun ?

M. Claude Raynal, président. - Je pense que nous partageons l'idée qu'il faut savoir mettre un terme à cette mission. Nous pressentons la discussion à venir avec le Gouvernement sur la réaffectation des crédits correspondants. Nos échanges de ce jour sont d'une certaine façon un point d'entrée dans la discussion.

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - Vous avez apporté la réponse, monsieur le président, c'est un pont entre nous...

L'article 40 de la Constitution limite nos possibilités, mais nos échanges font écho aux propos de plusieurs de nos collègues sur le regroupement et une meilleure lisibilité des dépenses. Non seulement nous interrogerons le Gouvernement en séance, mais il convient également de lui transmettre rapidement le message. La formation récente de ce gouvernement ne doit pas nous empêcher de nous saisir dès maintenant de ce sujet. À l'instar de la mission « flash », cela participe de la nécessité de donner davantage de lisibilité tant aux Français qu'aux parlementaires, en regroupant les crédits disponibles dans le budget général, puis en dotant de nouveau les missions prévues le moment venu.

À mon avis, la création de divers programmes et la dispersion - volontaire ou non - des crédits dénotent une certaine désorganisation d'ensemble, et il est permis de s'interroger sur la qualité de la tenue des comptes.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Plan de relance ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Le retrait de certaines autorisations d'engagement consommées au cours des exercices précédents a conduit à une consommation d'autorisations d'engagement négative en 2023 sur les programmes 362 et 364.

* 2  Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 3 Le retrait de certaines autorisations d'engagement consommées au cours des exercices précédents a conduit à une consommation d'autorisations d'engagement négative en 2023 sur les programmes 362 et 364.

* 4 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire de la mission « Plan de relance » en 2023, avril 2024.

* 5 Rapport annuel de performances de la mission « Plan de relance » annexé au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour 2023.

* 6 Calculs commission des finances, à partir des données transmises en réponse au questionnaire du rapporteur général.

* 7 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire de la mission « Plan de relance » en 2023, avril 2024.

* 8 Accord interinstitutionnel du 16 décembre 2020 entre le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière, ainsi que sur de nouvelles ressources propres, comportant une feuille de route en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres.

* 9 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 10 Alors même que la mission « Plan de relance » n'existait pas pendant l'exercice budgétaire 2020, elle a bénéficié, dès sa première année d'exécution en 2021, de crédits reportés à partir de crédits non consommés en 2020 sur des programmes de droit commun du budget général.

* 11 Direction du budget, Reports de crédits 2024 vers 2025, circulaire du 29 octobre 2024.

* 12 Voir le projet annuel de performances de la mission « Plan de relance » annexé au projet de loi de finances pour 2021.

* 13 Article 15 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 14 Cour des comptes, La préparation et la mise en oeuvre du plan de relance, rapport remis à la commission des finances du Sénat en application de l'alinéa 2 de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, annexé au rapport d'information n° 571 (2021 2022) de Jean François Husson, fait au nom de la commission des finances et déposé le 9 mars 2022.

* 15 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire de la mission « Plan de relance » en 2023, avril 2024.

* 16 Voir la présentation des crédits de la mission « Plan de relance » devant la commission des finances du Sénat lors de sa création dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, par Albéric de Montgolfier, rapport général n° 138 (2020-2021), tome III, annexe 22, déposé le 19 novembre 2020.

* 17 Si chaque programme budgétaire dispose d'objectifs de performance mesurés par des indicateurs chiffrés, certains de ces objectifs et indicateurs sont associés à la mission elle-même.

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