EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Investir pour la France 2030 ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 31 octobre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de MM. Laurent Somon et Thomas Dossus, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Investir pour la France de 2030 ».

M. Claude Raynal, président. - Nous achevons nos travaux par l'examen des crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 ».

M. Laurent Somon, rapporteur spécial de la mission « Investir pour la France de 2030 ». - La mission « Investir pour la France de 2030 », qui a succédé depuis la loi de finances initiale (LFI) de 2022 à la mission « Investissements d'avenir », est le véhicule budgétaire de financement du plan France 2030.

Ce dernier est un grand plan d'investissement public dans les domaines prioritaires pour la transformation de notre secteur productif. Ses deux objectifs principaux sont l'augmentation de notre croissance potentielle et l'accélération de la transition écologique de l'appareil de production.

Ce plan d'investissement est doté d'une enveloppe pluriannuelle globale de 54 milliards d'euros, un montant qui englobe, d'une part, le quatrième volet du plan d'investissements d'avenir (PIA 4), à hauteur de 20 milliards d'euros qui ont été votés par le Parlement à l'occasion de la loi de finances initiales pour 2021, et, d'autre part, le complément de financement du plan France 2030, à hauteur de 34 milliards d'euros que le Parlement a votés à l'occasion de la loi de finances initiale pour 2022. Par conséquent, depuis 2022, le débat budgétaire au Parlement concerne principalement le déploiement du plan.

L'enveloppe globale de 54 milliards d'euros n'a pas été modifiée et continue de servir de référence au Gouvernement dans la mise en oeuvre du plan. Elle n'a pas été remise en cause par l'exécutif actuel. Le Président de la République et le Gouvernement ont décidé de structurer les investissements du plan en dix-sept objectifs et leviers. Il s'agit de dix-sept secteurs identifiés comme prioritaires pour stimuler notre croissance potentielle et pour accélérer notre transition écologique. Par définition, ces objectifs ont une dimension concrète et ils doivent permettre à notre pays de relever de grands défis technologiques d'avenir comme la construction d'un avion bas-carbone ou encore la production en France d'au moins vingt biomédicaments innovants.

Je profite de la présentation des crédits de la mission pour attirer votre attention sur l'exercice de reprogrammation qui a été organisé par le précédent gouvernement le 23 octobre 2023 afin de modifier le montant des investissements dédiés à chaque objectif et à chaque levier. La nécessité de cette reprogrammation n'est pas en cause, dans la mesure où la programmation initiale faisait apparaître une sur-programmation de plus de 3 milliards d'euros lorsque l'on additionnait les montants de chacune des enveloppes par objectif et par levier. Cependant, le choix du précédent gouvernement de procéder à cette reprogrammation via une réunion technique interministérielle, sans y associer le Parlement, est discutable au regard des montants en jeu. Ainsi, le montant de l'enveloppe dédiée à la décarbonation de l'industrie a été réduit de plus de 1 milliard d'euros sans que le Parlement ne soit consulté ni même informé de ce choix. La reprogrammation a pourtant eu lieu pendant la période budgétaire et le pouvoir législatif aurait pu être informé de la nouvelle répartition des enveloppes.

Le déploiement du plan se poursuit : un peu plus de la moitié des aides ont déjà été attribuées aux bénéficiaires finaux. Par conséquent, l'enjeu des exercices à venir réside dans le versement effectif des aides déjà attribuées.

L'exercice 2024 a par ailleurs été marqué par l'épisode de la dissolution, qui a eu des effets directs sur les attributions d'aides du plan, qui requièrent la signature du Premier ministre lorsqu'elles excèdent 15 millions d'euros. Les dossiers d'attribution d'aides se sont donc accumulés sur le bureau du Premier ministre jusqu'à la nomination de Michel Barnier en septembre dernier. Les services du Premier ministre nous ont toutefois indiqué que ces retards ponctuels étaient en cours de résorption et ne remettaient pas en cause le rythme de déploiement au cours de l'exercice 2024.

Je conclus en rappelant les données structurantes du plan et de son état d'avancement au 30 juin 2024 : le montant total des aides attribuées atteint 33 milliards d'euros soit 61 % de l'enveloppe pluriannuelle totale ; sur ce montant, le volume des aides qui ont été décaissées au profit des bénéficiaires finaux est de 9 milliards d'euros, soit 17 % de l'enveloppe. Par conséquent, il reste encore des montants importants d'aides à verser, ce qui justifie les 5,8 milliards d'euros inscrits dans le projet de loi de finances.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial de la mission « Investir pour la France de 2030 »- La mission « Investir pour la France de 2030 » subit en apparence une baisse massive de ses crédits avec une réduction de 1,9 milliard d'euros, soit 25 % des crédits de paiement, entre la loi de finances initiale pour 2024 et le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Pour autant, cette évolution ne correspond pas à une inflexion du plan France 2030 qui ne sera pas affecté par l'évolution du montant des crédits de la mission.

Pour expliquer cet effet d'optique d'une diminution apparente des crédits sans conséquence concrète sur les bénéficiaires, je rappellerai le cadre de gestion non conventionnel des investissements d'avenir.

Le plan d'investissements d'avenir, qui a précédé le plan France 2030, a été créé par le Parlement à l'occasion de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010. Son objectif était de sanctuariser des financements fléchés vers les domaines d'avenir pour s'extraire, selon l'expression d'Alain Juppé et Michel Rocard, de la « tyrannie du court terme ».

Sur le plan juridique, cette volonté de ne pas soumettre les aides du plan France 2030 à l'arbitrage du Parlement et du Gouvernement dans le cadre du budget annuel de l'État s'est traduite par la création d'un cadre de gestion extrabudgétaire avec des aménagements au principe d'annualité budgétaire.

Sur le plan opérationnel, les aides des investissements d'avenir, puis de France 2030, ne sont pas distribuées directement par l'État, mais par l'intermédiaire de quatre opérateurs : la Banque publique d'investissement (Bpifrance), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l'Agence nationale de la recherche (ANR) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

L'atténuation du principe d'annualité pour les investissements d'avenir repose sur la coexistence de deux cycles de ces dépenses publiques.

D'une part, le cycle opérationnel de la dépense prévoit que les opérateurs disposent dès la première année de l'intégralité des enveloppes de mise en oeuvre du plan. Ainsi, toutes les autorisations d'engagement qui ont été ouvertes sur le périmètre de France 2030 ont rapidement été consommées au moment de la signature des conventions entre l'État et les opérateurs du plan.

Le reste du cycle opérationnel est organisé par l'opérateur qui va successivement identifier les bénéficiaires finaux par l'organisation d'appels d'offres, puis signer avec eux un contrat précisant les conditions de versement de l'aide, et enfin procéder au versement des aides en assurant un suivi souvent échelonné sur plusieurs années, le décaissement étant progressif.

D'autre part, parallèlement à ce cycle opérationnel de la dépense, la mission « Investir pour la France de 2030 » sert de support à un second cycle, qui est le cycle budgétaire des aides du plan France 2030.

Le budget général intègre chaque année une enveloppe de crédits de paiement de plusieurs milliards d'euros qui correspondent à la nécessité d'abonder les comptes des opérateurs du plan pour leur permettre de décaisser les aides au profit des bénéficiaires finaux. Par conséquent, les crédits votés dans ce PLF serviront à financer des aides qui ont souvent été attribuées il y a déjà plusieurs années et pour lesquelles l'État s'est déjà engagé à verser les fonds sous réserve d'atteindre certains jalons contractuels.

J'en viens désormais à l'opération réalisée par le Gouvernement pour réduire les crédits de la mission sans réduire les aides.

Depuis plusieurs années, les crédits de paiement de la mission ont abondé les comptes dédiés des opérateurs pour la mise en oeuvre du plan. Du fait de l'imprécision des prévisions de décaissement, les besoins en crédits de paiement ont été surestimés, d'où une trésorerie cumulée dédiée à France 2030 qui devrait atteindre 5,3 milliards d'euros à la fin de l'année 2024.

Par conséquent, le Gouvernement a fait le choix, pour l'exercice 2025, d'opérer une ponction substantielle de trésorerie sur les opérateurs concernés pour ramener cette trésorerie à 1,4 milliard d'euros à la fin de l'année 2025. Ce schéma de financement aboutit à une situation dans laquelle la moitié des aides qui seront décaissées par les opérateurs en 2025, soit 3,9 milliards d'euros, seront financées non pas par des crédits de la mission « Investir pour la France 2030 », mais par le prélèvement sur trésorerie que le Gouvernement a décidé de réaliser. Cette gestion optimisée de la trésorerie dédiée constitue une mesure de bonne gestion dont nous prenons acte. Elle permet de réduire les crédits du budget général pour l'exercice 2025 tout en préservant le déploiement du plan. En effet, du fait du double cycle des dépenses que je vous ai présenté, cette réduction ponctuelle des crédits de la mission par ponction sur la trésorerie des opérateurs n'a pas d'effet opérationnel sur le versement des aides aux bénéficiaires finaux.

M. Laurent Somon, rapporteur spécial. - L'amendement II-14 (FINC.1) que je propose à la commission des finances tend à une ponction complémentaire de 144 millions d'euros sur la trésorerie des opérateurs pour atteindre, sur le périmètre des aides d'État du programme 424, une trésorerie globale de 1,2 milliard d'euros.

L'idée est simple : il s'agit de permettre au Gouvernement de compléter la ponction de trésorerie programmée pour l'exercice 2025. En effet, la moitié des aides du plan France 2030 seront financées par une ponction de trésorerie des opérateurs en 2025. Si je salue cette mesure de saine gestion, les informations que nous avons recueillies pendant les auditions montrent que le Gouvernement n'est pas allé au bout des marges offertes par la trésorerie excédentaire des opérateurs.

Le niveau de ponction complémentaire a été calculé pour permettre de préserver, pour chacun des opérateurs, une marge de trésorerie dédiée d'au moins 200 millions d'euros. Cette marge me semble suffisante pour ne pas perturber le déploiement du plan dès lors que rien ne fait obstacle à ce que la trésorerie soit gérée globalement à l'échelle du programme dans le cadre du dialogue de gestion entre le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et les opérateurs. Si des projets accélèrent, ils seront compensés par ceux qui ralentissent.

On constate une tendance à la surévaluation des besoins de décaissement qui s'explique par la nature des projets dont certains sont mis en oeuvre avec retard par rapport au calendrier initial. Cette économie de 144 millions d'euros permet donc d'optimiser la gestion de la trésorerie des opérateurs sans conséquence opérationnelle sur le plan France 2030.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Vous avez souligné le choix du Gouvernement de mobiliser la trésorerie des opérateurs qui ont accumulé un excédent depuis plusieurs années qui peut aujourd'hui servir au décaissement des aides.

Je ne peux que saluer cette initiative, dont je signale qu'elle prend la suite des amendements de la commission des finances qui visaient déjà la trésorerie de certains opérateurs l'année dernière.

Je soutiens à cet égard l'amendement du rapporteur spécial Laurent Somon pour compléter la ponction de trésorerie à hauteur de 144 millions d'euros.

Ma question est la suivante : est-ce que certains opérateurs auraient une trésorerie excédentaire mais qui ne pourrait pas être prélevée par réduction des crédits qui lui sont alloués parce que ceux-ci seraient insuffisants ?

M. Michel Canévet. - Cette mission est cruciale : l'investissement doit être plus important et le fonctionnement mieux maîtrisé.

Vous avez évoqué la cartographie des territoires accompagnés. L'équilibre territorial est-il pertinent ?

La répartition entre avances remboursables et subventions est-elle optimale ? Ne devrait-on pas augmenter la part relative des avances remboursables afin d'éviter de financer à crédit ?

Mme Christine Lavarde. - Le Président de la République a demandé que France 2030 finance 2 milliards d'euros d'investissements supplémentaires sur l'intelligence artificielle (IA). Cela crée un biais de sélection ubuesque qui est sans lien avec les objectifs du plan.

M. Victorin Lurel. - Notre groupe votera ces crédits, mais nous avons quelques remarques, récurrentes depuis quelques années, sur les retards de décaissement. Le pilotage et l'efficacité du secrétariat général pour l'investissement (SGPI) n'ont pas été améliorés depuis l'arrivée de M. Bonnell...

La gestion de ce programme important doit être moins opaque et nous souhaitons être mieux informés, au-delà des bleus budgétaires, des jaunes budgétaires et des rapports du SGPI, car aucun de ces documents ne nous donne de vision transversale consolidée sur les investissements réalisés ou en cours. Faisons front commun avec l'Assemblée nationale pour que les prérogatives parlementaires soient mieux respectées et pour demander plus de transparence, avec la mise en libre accès de la liste des bénéficiaires, des montants, des répartitions des financements, de l'état d'avancement des projets, des encaissements et décaissements, etc.

Comme la Cour des comptes, nous recommandons le renforcement urgent du pilotage de la rentabilité des investissements d'avenir pour garantir les intérêts financiers de l'État, car quel est le retour financier sur ces investissements ?

Nous avons appris récemment que l'enveloppe France 2030 était régionalisée, avec un financement paritaire entre l'État et les régions. Or la Cour des comptes nous apprend que la Guyane et La Réunion ne peuvent pas financer à hauteur de la dotation de l'État. Une autre modalité de partage doit-elle être recherchée ?

Nous avions évoqué l'an dernier l'idée d'une mission d'information, car, par souci de souplesse, l'État n'identifie pas avec suffisamment de précision les secteurs soutenus, ce qui aboutit à une dilution de l'autorisation parlementaire et à un manque de sérieux dans le portage des politiques publiques. Les informations contenues dans le projet annuel de performance ne sont pas sérieuses. Pourquoi ne pas lancer une telle mission d'information ?

M. Grégory Blanc. - Des crédits pour la rénovation du patrimoine de l'État sont-ils prévus pour 2025 dans la mission ?

La ponction sur la trésorerie résulterait de gels ou de reports récurrents de crédits : est-ce bien cela ?

M. Jean-Marie Mizzon. - Si nous étions véritablement ambitieux, nous confierions la tâche d'investir pour la France aux acteurs qui s'en chargent le plus : les collectivités territoriales, notamment les régions, qui connaissent les acteurs de leur territoire et qui sont compétentes en matière d'économie et de recherche, alors que les agences ont besoin de moyens importants pour fonctionner. Pourquoi ne pas confier la mission d'investir pour la France aux régions ? Cela réglerait la question de l'égalité territoriale de la répartition des aides du plan.

M. Laurent Somon, rapporteur spécial. - Monsieur Canévet, le SGPI veille à un déploiement territorial équilibré, mais il s'agit d'appels à projets, il faut donc que des propositions remontent des différents territoires.

Bien sûr, il vaut mieux des avances remboursables, mais les start-up ont souvent besoin d'un effet de levier pour lever les fonds privés via une subvention de l'État. L'État prend aussi des participations au travers de ses opérateurs.

Monsieur Lurel, il est encore un peu tôt pour calculer un retour sur investissement. Après un premier versement de démarrage, les contrats conditionnent les fonds à l'atteinte de certains objectifs, d'où des retards de décaissement, car les entreprises sont plus souvent en retard qu'en avance. On peut donc jouer sur la trésorerie, ce qui donne de la souplesse.

L'information du Parlement pourrait être améliorée, comme nous l'avions souligné dans notre rapport d'information de mai dernier. Le conseil de surveillance des investissements d'avenir a été long à s'installer, mais désormais son président a la volonté de mettre en place un calendrier de suivi précis. Le cas échéant, pourquoi pas une mission d'information ?

Oui, les régions sont les mieux placées pour conseiller le SGPI sur les appels à projets. Encore faut-il que les contrats régionaux entre le SGPI et les régions sur le volet régionalisé du plan France 2030 aient été signées, ce qui n'est pas le cas en Nouvelle-Aquitaine. En revanche, La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane l'ont fait.

Madame Lavarde, les crédits fléchés sur l'intelligence artificielle passent de 2 à 4 milliards d'euros à l'échelle du plan France 2030. Cela crée en effet un risque de biais de sélection dès lors que le montant global de l'enveloppe n'a pas été révisé.

Monsieur le rapporteur général, les trésoreries excédentaires ne peuvent pas toutes être mobilisées par amendement de crédit. Je pense notamment à la CDC, dont le niveau de trésorerie dédiée au programme 424 sera de 844 millions d'euros fin 2024 et de 421 millions d'euros fin 2025, en tenant compte de l'amendement de la commission. Si l'on veut ramener ce niveau à un niveau comparable aux autres opérateurs, il faudrait déposer un amendement dans le cadre de la première partie du PLF pour opérer une ponction complémentaire à hauteur de 200 millions d'euros.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial. - Nous manquons encore de transparence, notamment sur les bilans financiers trimestriels. S'agissant de la régionalisation, je suis partisan d'un pilotage national pour éviter des doublons de financement.

Article 42

L'amendement II-14 (FINC.1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », sous réserve de l'adoption de son amendement.

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

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