B. UNE GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT QUI POURRAIT À TERME SIGNIFICATIVEMENT ÉVOLUER AVEC LA CRÉATION D'UNE FONCIÈRE PUBLIQUE INTERMINISTÉRIELLE, DONT UN PILOTE SERA MIS EN oeUVRE EN 2025
1. La création de la foncière de l'État devrait se traduire par le versement de loyers par les administrations occupantes
Présentée par le ministre chargé des comptes publics à l'occasion du conseil de l'immobilier de l'État (CIE) du 29 février 202412(*), la réforme de la foncière d'État vise à assurer « une gestion immobilière responsable, durable et sobre », à travers notamment la réalisation d'un objectif de réduction des surfaces occupées de 25 % en dix ans. Dans ce cadre, l'incitation des ministères à la rationalisation, à la mutualisation et à la rénovation de leurs bâtiments passerait par le versement de loyers payés par les occupants.
Cette nouvelle organisation avait été recommandée par un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable13(*) en avril 2022, consacré à la professionnalisation de la gestion de l'immobilier de l'État.
Les recommandations du rapport IGF-CGEDD d'avril 2022
« Confier la mission de représenter l'État propriétaire et d'accompagner les occupants publics sur l'ensemble de la chaine des besoins immobiliers à une entité publique opérationnelle dédiée, placée sous la tutelle de la DIE et dotée d'antennes régionales. Cette agence, bras armé opérationnel de la politique immobilière de l'État, assurerait la gestion du propriétaire, la conduite de projet et la valorisation du patrimoine foncier et de l'immobilier de bureaux de l'ensemble des ministères (hors ministère des armées et biens situés à l'étranger) et, selon des règles à définir, celles des opérateurs de l'État, et elle apporterait son expertise en matière de maîtrise d'ouvrage pour l'ensemble du parc immobilier de l'État. Elle serait soit affectataire, soit propriétaire des biens dont elle assurerait la gestion. »
« Mettre en place des loyers versés par les administrations occupantes à l'agence représentant l'État propriétaire, qui financeraient les dépenses du propriétaire, en prévoyant un dispositif financier incitatif pour les administrations qui rationalisent leur organisation immobilière. »
Source : Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable, « Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser », avril 2022
Pilotée par la DIE, la mise en place du projet de foncière repose sur un « pilote » (c'est-à-dire une première expérimentation sur un champ territorial déterminé) qui sera déployé à compter de 2025.
Le périmètre du pilote porte sur les immeubles de bureaux occupés par les services du ministère des finances et du ministère de l'intérieur (hors police et gendarmerie) et les sites multi-occupants situés dans deux régions, Grand Est et Normandie14(*).
2. Les gains budgétaires attendus devraient principalement résulter de la diminution du montant des investissements nécessaires pour la mise aux normes des biens immobiliers de l'État, les produits de cession présentant des perspectives limitées
À terme, la foncière a vocation à se déployer sur l'ensemble du périmètre des immeubles de bureaux et locaux d'activités de l'État, à l'exception des logements isolés, des biens occupés par le ministère des armées et des biens situés à l'étranger ou des biens trop spécifiques (musées, cathédrales, barrages, etc.), soit environ 20 millions de mètres carrés sur un patrimoine immobilier total de 96 millions de mètres carrés.
Selon le directeur de l'immobilier de l'État15(*), les économies de surfaces occupées attendues de la réduction de 25 % des surfaces supprimées représenteraient 5 millions de mètres carrés, composées pour moitié de libérations de baux et pour moitié de cessions de bâtiments domaniaux. Si la cession des biens domaniaux pourrait constituer une source de recettes, l'essentiel des gains financiers devrait résulter de la diminution du « mur » d'investissements nécessaires pour la mise aux normes des bâtiments.
L'option privilégiée serait de transformer la société anonyme Agile, détenue entièrement par l'État, en un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Dans ce cadre, la transformation de la société Agile en établissement public n'emporterait ni création de personne morale nouvelle, ni cessation d'activité. Les biens, droits, obligations, contrats et autorisations de toute nature de l'établissement public seraient ceux de cette société au moment de la transformation de sa forme juridique. Cependant, la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public nécessiterait une disposition législative expresse. Aussi, la DIE a indiqué au rapporteur spécial que cette décision faisait actuellement l'objet d'un arbitrage par le Gouvernement.
Selon la DIE, la mise en oeuvre de la foncière de l'État pourrait à terme se substituer au compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Ainsi, « le CAS immobilier est supposé s'éteindre avec le déploiement complet de la fonciérisation »16(*).
En effet, dans ce futur cadre, les recettes et dépenses correspondant à la gestion du parc immobilier de l'État transiteraient par le budget de l'EPIC, qui serait un opérateur placé sous la tutelle de la DIE.
Le rapporteur spécial soutient résolument la professionnalisation et la rationalisation de la gestion immobilière de l'État que permettra la création de la foncière, avec le versement de loyers par les administrations occupantes.
De fait, selon les estimations communiquées par le précédent Gouvernement, la réduction de 25 % des surfaces de bureaux d'ici 2032 devrait se traduire par la résiliation de baux pour une économie à terme d'un milliard d'euros en dépenses annuelles d'entretien et de loyers17(*).
Le rapporteur sera ainsi particulièrement attentif aux modalités pratiques de déploiement du pilote de foncière dans les mois à venir.
* 12 Communiqué de presse du 1er mars 2024, « Lancement des travaux du Conseil de l'immobilier de l'État sur le projet de foncière de l'État pour une gestion immobilière responsable, durable et sobre ».
* 13 Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable, « Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser », avril 2022.
* 14 De façon ponctuelle, certains biens en Auvergne Rhône-Alpes et en Île-de-France pourraient également être concernés pour concrétiser des opérations prioritaires.
* 15 Interrogé en audition par le rapporteur spécial.
* 16 Réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial.
* 17 Communiqué de presse du 8 avril 2024, « Bilan 2023 et perspectives 2024 de l'immobilier de l'État : un parc mieux valorisé, plus sobre et plus durable ».