N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 15b

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE :

GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Claude NOUGEIN

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

I. UNE STABILITÉ APPARENTE DES PRÉVISIONS DE RECETTES ET DE DÉPENSES

A. UNE STABILITÉ APPARENTE DES RECETTES ET DES DÉPENSES DU CAS QUI MASQUE LA BAISSE TENDANCIELLE DE SES MOYENS

Placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE), le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » vise à financer les opérations de valorisation et la modernisation du parc immobilier de l'État en recourant, prioritairement, à la cession d'actifs. Pour 2025, les prévisions de recettes du CAS, d'un montant total de 340 millions d'euros, se décomposent, comme en LFI 2024, de la manière suivante :

210 millions d'euros au titre des produits des cessions de biens immobiliers de l'État ;

110 millions d'euros au titre du produit des redevances domaniales ou des loyers perçus par l'État ;

20 millions d'euros au titre des fonds de concours et des versements du budget général.

Selon la DIE, la stabilité des prévisions de recettes et de dépenses « est liée à la difficulté de prévoir finement les recettes et les dépenses, pour des opérations immobilières qui s'inscrivent nécessairement dans une échelle pluriannuelle ». Compte tenu de ces difficultés, la DIE présente des valeurs correspondant à des estimations calculées sur moyenne période.

B. DES PRODUITS DE CESSION REPRÉSENTANT UNE PART MAJORITAIRE DES RECETTES DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE, APPELÉS À DIMINUER

Concernant la programmation des cessions pour l'année 2025, la DIE recense au 20 août 2024 la cession de 660 biens pour un montant prévisionnel de 260 millions d'euros. Il convient de relever que la prévision en PLF correspond au montant d'encaissements et non au montant des actes de cession, dont l'encaissement peut être différé. Ainsi, alors que le PLF 2024 prévoyait un montant de produit des cessions évalué à 210 millions d'euros, 140 millions d'euros de produits étaient comptabilisés sur le CAS au 16 septembre 2024, provenant de cessions conclues en 2024 et antérieurement.

C. DES DÉPENSES D'ENTRETIEN DONT LES DÉLAIS D'EXÉCUTION DEVRAIENT ALIMENTER DES REPORTS DE CRÉDITS IMPORTANTS

Pour 2024, les prévisions de dépenses d'entretien du propriétaire étaient établies à hauteur de 200 millions d'euros en AE et en CP. Au 9 septembre 2024, les montants consommés s'élevaient à 85,2 millions d'euros en AE et 89,1 millions d'euros en CP, soit 43 % des AE et 44 % des CP prévus en LFI. Il est donc très probable que la sous-consommation des crédits du CAS se traduise par des reports de crédits sur l'exercice 2025. Dans le cadre du PLF 2025, les prévisions de dépenses reposent, comme en 2024, sur la priorisation de l'entretien du propriétaire des immeubles de bureau et sont reconduites à hauteur de 200 millions d'euros en AE et en CP.

II. ALORS QUE LE CAS REPRÉSENTE UNE PART MINORITAIRE DES DÉPENSES IMMOBILIÈRES DE L'ÉTAT, SON FONCTIONNEMENT POURRAIT ÉVOLUER AVEC LA CRÉATION DE LA FONCIÈRE DE L'ÉTAT

A. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE COUVRE DES MASSES FINANCIÈRES MINIMES AU REGARD DE L'ENSEMBLE DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT

À l'évidence, les moyens du CAS sont très limités au regard de l'étendue du parc immobilier de l'État. Au 31 décembre 2023, l'État et ses établissements publics occupaient un patrimoine immobilier de 96 millions de mètres carrés de surface bâtie et de 31 000 terrains non bâtis, pour une valorisation comptable estimée à 73,7 milliards d'euros.

Rapporté à ce patrimoine très étendu, le CAS « Gestion du patrimoine de l'immobilier de l'État » constitue un instrument marginal pour la politique immobilière de l'État. En effet, il ne porte qu'une part infime des crédits de l'État consacrés à l'immobilier : l'effort d'investissement supporté par le CAS représente seulement en moyenne annuelle 12 % des dépenses d'investissement de l'État sur la période 2014-2023.

Part du CAS dans l'effort d'investissement immobilier de l'État

(en pourcentage)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Proportion du CAS

21 %

19 %

13 %

8 %

10 %

12 %

16 %

9 %

6 %

7 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document de politique transversale « Politique immobilière de l'État »

B. LA CRÉATION DE LA FONCIÈRE DE L'ÉTAT POURRAIT À TERME CONDUIRE À L'EXTINCTION DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE

Présentée par le ministre chargé des comptes publics à l'occasion du conseil de l'immobilier de l'État (CIE) du 29 février 2024, la réforme de la foncière d'État vise à assurer « une gestion immobilière responsable, durable et sobre », à travers notamment la réalisation d'un objectif de réduction des surfaces occupées de 25 % en dix ans. Dans ce cadre, l'incitation des ministères à la rationalisation, à la mutualisation et à la rénovation de leurs bâtiments passerait par le versement de loyers payés par les occupants.

La mise en place du projet de foncière, qui devrait a priori prendre la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) placé sous la tutelle de la DIE, reposera sur un « pilote », qui sera déployé à compter de 2025 dans les régions Grand Est et Normandie. Selon la DIE, cette évolution pourrait à terme aboutir à la suppression du compte d'affectation spéciale.

Le rapporteur spécial soutient résolument la professionnalisation et la rationalisation de la gestion immobilière de l'État que permettra la création de la foncière, avec le versement de loyers par les administrations occupantes.

Réunie le jeudi 7 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

Au 10 octobre, date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, le rapporteur spécial avait reçu 97 % pour le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

I. UNE STABILITÉ APPARENTE DES PRÉVISIONS DE RECETTES ET DE DÉPENSES ENTRE 2024 ET 2025

A. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE A ÉTÉ CONÇU DANS UN OBJECTIF DE RATIONALISATION DE LA GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT

Créé par la loi de finances pour 20061(*), le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » a été conçu pour constituer l'instrument budgétaire de la politique immobilière de l'État.

Placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE), il vise à financer les opérations de valorisation et la modernisation du parc immobilier de l'État en recourant, prioritairement, à la cession d'actifs.

Le compte d'affectation spéciale se compose de deux programmes :

- le programme 721 « Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État » porte la contribution du compte au désendettement de l'État. Cependant, ce programme n'est plus abondé depuis 20182(*) ;

- le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » porte les crédits destinés à financer les dépenses d'entretien à la charge du propriétaire, ainsi que les opérations immobilières structurantes réalisées sur le parc immobilier de l'État.

Régi par des règles spécifiques, notamment en termes d'affectation des recettes, le fonctionnement du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » diffère de celui d'une mission budgétaire classique. En effet, selon le principe de mutualisation des recettes, les produits de cessions des biens immobiliers de l'État sont répartis à égalité entre les anciens ministères occupants et le compte d'affectation spéciale, dont ces produits constituent la principale ressource. Cette répartition, qui connaît néanmoins plusieurs exceptions, vise à assurer une mutualisation minimale des recettes au profit des dépenses d'entretien du propriétaire financées par le CAS, tout en intéressant les ministères à la rationalisation de leurs emprises immobilières.

Évolution des dépenses et des recettes
du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » entre 2024 et 2025

(en millions d'euros et en %)

   

LFI 2024

PLF 2025

Part de l'action
dans le programme

Évolution 2024/2025

Dépenses

[721] Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État

0

0

 

-

[723] Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État

AE

340

340

 

-

CP

340

340

 

-

11 - Opérations structurantes et cessions

AE

140

140

41,18 %

-

CP

140

140

41,18 %

-

12 - Contrôles règlementaires, audits, expertises et diagnostics

AE

15

15

4,41 %

-

CP

17

15

4,41 %

- 11,76 %

13 - Maintenance à la charge du propriétaire

AE

48

48

14,12 %

-

CP

45

45

13,24 %

-

14 - Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

AE

137

137

40,29 %

-

CP

138

140

41,18 %

+ 1,45 %

Total des dépenses

AE

340

340

 

-

CP

340

340

 

-

 

Recettes

Produits des cessions immobilières

230

230

 

-

Produits de redevances domaniales

110

110

 

-

Total des recettes

340

340

 

-

 

Solde

-

-

 

-

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Pour 2025, les prévisions de recettes du CAS, d'un montant total de 340 millions d'euros, se décomposent, comme en LFI 2024, de la manière suivante :

210 millions d'euros au titre des produits des cessions de biens immobiliers de l'État ainsi que des droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l'État ;

110 millions d'euros au titre du produit des redevances domaniales ou des loyers perçus par l'État, provenant des concessions ou autorisations de toute nature de la compétence du représentant du ministre chargé du budget dans le département, des concessions de logement dont l'État est propriétaire ou locataire et des locations d'immeubles de son domaine privé, ainsi que les redevances et les loyers du domaine public et privé dont le ministre des armées est le gestionnaire ;

20 millions d'euros au titre des fonds de concours et des versements du budget général (confondus avec les produits des cessions immobilières sur la ligne 01 des recettes).

B. UNE STABILITÉ APPARENTE DES RECETTES ET DES DÉPENSES DU CAS À 340 MILLIONS D'EUROS QUI MASQUE LA BAISSE TENDANCIELLE DES MOYENS DU COMPTE

1. Une stabilité apparente reposant sur des estimations de recettes calculées sur moyenne période

De fait, les prévisions de recettes et de dépenses du CAS affichent une stabilité globale entre 2024 et 2025, à 340 millions d'euros au total, avec des montants inchangés par rapport à la LFI 2024 pour toutes les lignes du compte, à l'exception de deux postes de dépenses qui connaîtraient des évolutions mineures :

- d'une part, les dépenses relatives aux contrôles règlementaires, audits, expertises et diagnostics, qui diminueraient de 2 millions d'euros en crédits de paiement (CP) à 15 millions d'euros (- 11,76 % par rapport à la LFI 2024) ;

- d'autre part, les dépenses portant sur le gros entretien, la réhabilitation, la mise en conformité et la remise en état, qui augmenteraient en sens inverse de 2 millions d'euros en CP, à 140 millions d'euros (+ 1,45 % par rapport à la LFI 2024).

Selon la direction de l'immobilier de l'État (DIE), cette stabilité des prévisions de recettes et de dépenses « est liée à la difficulté de prévoir finement les recettes et les dépenses, pour des opérations immobilières qui s'inscrivent nécessairement dans une échelle pluriannuelle »3(*).

D'après la DIE, le montant de 110 millions d'euros au titre des redevances domaniales serait « assez prévisible » chaque année. De même, un « socle de cessions immobilières » serait constaté sur le long terme, pour un montant annuel moyen proche de 160 millions d'euros.

Pour aboutir au montant des autres recettes, constituées des produits de cessions exceptionnelles, des fonds de concours et des versements du budget général, une moyenne annuelle a été calculée, d'une part, pour les cessions exceptionnelles, à hauteur de 50 millions d'euros, et, d'autre part, pour les fonds de concours et versements du budget général, à hauteur de 20 millions d'euros.

S'agissant des prévisions de dépenses, le montant de 340 millions d'euros constitue également une moyenne sur la période 2024-2027, étant précisé que ces dépenses correspondent à des ouvertures de crédits de paiement, découlant elles-mêmes des recettes prévisionnelles, et que le mécanisme propre au compte d'affectation spéciale conduit à reporter les crédits ouverts antérieurement et couvrant en particulier les restes à payer.

2. Des produits de cession représentant une part majoritaire des recettes du compte d'affectation spéciale, appelées à une diminution à terme à mesure de la raréfaction des biens cessibles

Au 20 août 2024, 296 cessions avaient été conclues, représentant des recettes totales de 96 millions d'euros effectives ou à venir. 17 d'entre elles sont unitairement supérieures à 1 million d'euros, cumulant à elles seules près de 69 millions d'euros. 25 % étaient initialement prévues au titre des années précédentes.

Cessions conclues en 2024 pour un prix de vente supérieur
à 10 millions d'euros

Au 20 août 2024, trois cessions avaient été conclues pour un montant supérieur à 10 millions d'euros :

- 1 183 mètres carrés de bureaux d'un opérateur du ministère de l'enseignement supérieur, dans le 16ème arrondissement de Paris, pour 16 millions d'euros ;

- 4 549 mètres carrés de bureaux de l'Insee, à Bordeaux, pour 10,23 millions d'euros ;

- 1 251 mètres carrés de bureaux du ministère des affaires étrangères, à Séoul (Corée du Sud), pour 10,25 millions d'euros.

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial

À la même date, 517 cessions étaient encore envisagées au titre de 2024, représentant près de 186 millions d'euros de produits de cession prévisionnels4(*). Ainsi, l'exécution 2024 pourrait atteindre un cumul de 813 ventes pour un montant de 282 millions d'euros. Selon la DIE, il est cependant probable qu'une partie de ces cessions soit reportée en 2025.

Concernant la programmation des cessions pour l'année 2025, la DIE recense au 20 août 2024 la cession de 660 biens pour un montant prévisionnel de 260 millions d'euros.

Il convient de souligner que ces recettes présentent un caractère prévisionnel, la valorisation des biens lors de leur inscription dans l'application de gestion de la DIE ne correspondant pas à une expertise en valeur vénale mais à une valeur théorique (valeur estimative, généralement la valeur comptable, qui est pondérée par les difficultés de cession envisagées). Ce n'est que lorsque la procédure de cession est engagée que l'on procède à l'évaluation du bien en valeur vénale, évaluation ayant pour objectif d'estimer la valeur du bien selon un ou plusieurs scénarios sans pour autant constituer une garantie de prix de cession minimum.

De surcroît, les fluctuations des paramètres des marchés immobiliers (taux d'intérêt, rapport offre-demande, coûts de construction) observées depuis plusieurs mois ont pour effet de complexifier davantage l'estimation précise des produits de cession.

Enfin, la valorisation ne tient compte ni des éventuelles décotes liées aux biens relevant du comité interministériel pour le développement de l'offre de logements (CIDOL), ni des aléas liés à la vie du site (report de libération, procédure juridique, squat, travaux à réaliser, etc.).

Comme le précise la DIE, la prévision en PLF correspond au montant d'encaissements et non au montant des actes de cession, dont l'encaissement peut être différé. De plus, selon le principe de mutualisation des produits de cession, le CAS est affectataire uniquement de la moitié des produits encaissés5(*).

Ainsi, alors que le PLF 2024 prévoyait un montant de produit des cessions évalué à 210 millions d'euros. 140 millions d'euros de produits étaient comptabilisés sur le CAS au 16 septembre 2024, provenant de cessions conclues en 2024 et antérieurement.

3. Des dépenses d'entretien dont les délais d'exécution devraient alimenter des reports de crédits importants

La stratégie de la DIE en matière d'entretien à la charge du propriétaire s'articule autour de trois axes complémentaires :

développer la maintenance préventive des bâtiments, source d'économies sur le long terme, et assurer la réalisation des contrôles réglementaires ;

financer des travaux lourds et en particulier de remise en état et en conformité, notamment lorsque les exigences de sécurité liées aux bâtiments accueillant des publics ou aux conditions de vie au travail des agents l'imposent ;

contribuer à la transition écologique en finançant des opérations conduisant à une meilleure maîtrise de la consommation énergétique.

Évolution des crédits destinés à couvrir les dépenses d'entretien du propriétaire sur la période 2023-2025

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

 

LFI

Exécution
(y compris ministère des armées)

LFI

Exécution provisoire au 9 septembre 2024
(y compris ministère des armées)

PLF

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

12 - Contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics

16,0

19,0

11,2

12,0

15,0

17,0

8,7

6,8

15,0

15,0

13 - Maintenance à la charge du propriétaire

51,0

45,0

51,1

51,9

48,0

45,0

47,4

32,3

48,0

45,0

14 - Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

103,0

106,0

82,9

147,0

137,0

138,0

29,1

50,0

137,0

140,0

Total

170,0

170,0

145,1

210,9

200,0

200,0

85,2

89,1

200,0

200,0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Pour 2023, la LFI prévoyait 170 millions d'euros en AE et en CP. En exécution, la consommation de crédits pour ce type de dépenses s'est établie à 145,1 millions d'euros en AE et 210,9 millions d'euros en CP. D'après la DIE, la baisse des engagements constatée en 2023 concernait majoritairement le ministère des armées qui retrouvait une consommation en AE similaire à celle de 2021 et ne représentait plus que 36 % des engagements contre 55,9 % en 2022. À l'inverse, le niveau de consommation en CP était supérieur à celui de l'exercice précédent (+ 7 %) en raison principalement du fort apurement des restes à payer des années antérieures.

Pour 2024, les prévisions de dépenses d'entretien du propriétaire étaient établies à hauteur de 200 millions d'euros en AE et en CP. Au 9 septembre 2024, les montants consommés s'élevaient à 85, millions d'euros en AE et 89,1 millions d'euros en CP, soit 43 % des AE et 44 % des CP prévus en LFI. Il est donc très probable que la sous-consommation des crédits du CAS se traduise par des reports de crédits sur l'exercice 2025.

Dans le cadre du PLF 2025, les prévisions de dépenses reposent, comme en 2024, sur la priorisation de l'entretien du propriétaire des immeubles de bureau et sont reconduites à hauteur de 200 millions d'euros en AE et en CP.

II. ALORS QUE LE CAS REPRÉSENTE UNE PART MINORITAIRE DES DÉPENSES IMMOBILIÈRES DE L'ÉTAT, SON FONCTIONNEMENT POURRAIT ÉVOLUER AVEC LA CRÉATION DE LA FONCIÈRE DE L'ÉTAT

A. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE COUVRE DES MASSES FINANCIÈRES LIMITÉES AU REGARD DE L'ENSEMBLE DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT

1. Une part infime des crédits de l'État consacrés à l'immobilier

À l'évidence, les moyens du CAS pour impulser la politique immobilière de l'État sont très limités au regard de l'étendue du parc immobilier de l'État.

Au 31 décembre 2023, l'État et ses établissements publics occupaient un patrimoine immobilier de 96 millions de mètres carrés de surface bâtie (« surface utile brute »), dont 23 millions de mètres carrés de bureaux, 18 millions de mètres carrés de logements et 20 millions de mètres carrés pour les établissements d'enseignement, ainsi que 31 000 terrains non bâtis.

La valeur comptable de ce patrimoine immobilier est estimée à 73,7 milliards d'euros, soit une hausse notable par rapport à la fin de l'année 2019 (+ 8,0 milliards d'euros, soit + 12 %). Cette augmentation s'explique principalement par des réévaluations du patrimoine, dues à une correction d'évaluations initiales s'expliquant souvent par la prise en compte des travaux effectués sur la valeur des biens.

Valorisation du patrimoine immobilier de l'État

(en millions d'euros)

 

31/12/2019

31/12/2020

31/12/2021

31/12/2022

31/12/2023

Terrains

1 755,7

1 720,2

1 703,4

1 642,1

1 653,1

Constructions et assimilées

63 960,3

66 493,3

68 626,3

71 684,7

72 073,7

Total parc immobilier

65 716,0

68 213,5

70 329,7

73 326,8

73 726, 8

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial

Rapporté à ce patrimoine très étendu, le CAS « Gestion du patrimoine de l'immobilier de l'État » représente un instrument marginal pour la politique immobilière de l'État.

Ainsi, le compte d'affectation spéciale ne représente qu'une part infime des crédits de l'État consacrés à l'immobilier : l'effort d'investissement supporté par le CAS représente seulement en moyenne annuelle 12 % des dépenses d'investissement de l'État sur la période 2014-2023.

Part du CAS dans l'effort d'investissement immobilier de l'État

(en millions d'euros et en pourcentages)

Investissement (décaissements)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

CAS

346

314

212

143

278

233

309

234

180

255

Total investissements de l'État

1 613

1 667

1 669

1 795

1 763

1 886

1 934

2 226

3 119

3 462

Proportion du CAS

21 %

19 %

13 %

8 %

10 %

12 %

16 %

9 %

6 %

7 %

Source : document de politique transversale « Politique immobilière de l'État »

2. Un outil qui demeure contourné par des règles dérogatoires
a) Des règles dérogatoires affectant le niveau des recettes encaissées
(1) Le système des décotes représente un manque à gagner important pour le compte d'affectation spéciale, avec un seul cas de plafonnement mis en oeuvre à ce jour

Les recettes des produits de cession peuvent être minorées par le système de décote qui s'applique sur la cession de certains biens du patrimoine immobilier de l'État en vue de favoriser la construction de logements, notamment sociaux. Entre 2009 et 2023, ce système a représenté, pour l'État, un effort financier de 311 millions d'euros6(*).

Montants totaux et taux moyens de décote des biens

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Montants totaux

27,8

49,9

29,8

29,5

70,7

17,7

5

14

3,1

5,7

Taux moyens

55,8 %

67,4 %

46,3 %

74 %

66,7 %

43,9 %

84,5 %

73 %

67,6 %

70,4 %

Source : réponses de la DIE au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Le système de la décote sur les cessions des biens de l'État

Le système de la décote comprend deux mécanismes :

- aux termes de l'article 95 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, l'État peut céder un terrain de son domaine privé, bâti ou non, pour un prix inférieur à sa valeur vénale afin de favoriser la production de logements. La part de la décote, qui peut atteindre l'intégralité de la valeur vénale du bien, est négociée de gré à gré ;

- à ce principe général s'ajoute une décote « de droit ». En effet, conformément au dispositif dit de « décote Duflot », introduit par la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, des personnes morales peuvent bénéficier de la décote sur certains terrains éligibles, à condition qu'y soient réalisés des programmes de construction de logements sociaux. Cette décote est toutefois plafonnée en fonction du coût moyen du logement social lorsque les personnes publiques disposent de réserves foncières ou de biens susceptibles d'accueillir un programme de logements sociaux, en vertu du décret n° 2019-1460 du 26 décembre 2019.

Source : Cour des comptes, réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Le taux annuel moyen de décote dépend fortement des caractéristiques des opérations réalisées dans l'année. C'est la raison pour laquelle ce taux moyen fluctue de façon importante entre 2014 et 2023. Les taux varient en fonction des projets présentés et acceptés par l'État. Sont notamment pris en compte la valeur du bien, la mixité sociale du projet, les facteurs de renchérissement du coût de construction ou la zone géographique. Pour chaque opération, la décote dépend ainsi, au cas par cas, du projet concret, dans les limites posées par les dispositions législatives et réglementaires qui encadrent le dispositif7(*).

Afin de limiter le coût pour l'État et de prévenir tout risque de détournement du dispositif, le Parlement a voté en 20198(*) un mécanisme de plafonnement de la « décote Duflot », précisé par décret9(*), et soutenu par le rapporteur spécial. Inscrit à l'article R 3211-32-7 au code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), ce mécanisme fixe un plafond du taux de décote en fonction du coût moyen du logement social, lorsqu'une collectivité territoriale, un établissement public ou encore une société dispose de réserves foncières ou de biens susceptibles d'accueillir un programme de logements sociaux, pour une surface de plancher au moins égale à celle du programme prévu par le demandeur.

Pour la première fois depuis sa création, ce plafonnement, qui vise à éviter pour l'État de subventionner de manière disproportionnée la construction de logements sociaux, a été mis en oeuvre en 2024, dans le cadre du dossier « Boulevard des Tchécoslovaques » à Lyon. Pour le bâtiment concerné, occupé par le ministère de l'intérieur, la décote calculée initialement s'élevait à 8,5 millions d'euros ; après plafonnement, le montant a été réduit à 6,7 millions d'euros, soit 79 % de la décote initiale10(*).

(2) Les dérogations au principe de la mutualisation des produits de cession

Les entités ou ministères occupants ne sont censés pouvoir exercer leurs droits de tirage sur le CAS qu'en contrepartie de la mutualisation de produits de cession. Cependant, des dérogations, décidées en accord avec les ministères concernés et le ministère du budget, peuvent conduire à ne pas mutualiser tous les produits de cession.

La fragmentation de l'action de l'État propriétaire qui résulte de ces dérogations au principe de la mutualisation des produits de cession obère la capacité à mutualiser d'autres financements au profit de la politique immobilière interministérielle. De surcroît, les bénéficiaires des dérogations peuvent s'estimer légitimes à demander des compensations financières pour les biens qu'ils occupaient et qui sont réemployés pour d'autres missions, sans être cédés, ce qui peut ralentir l'avancement de certains projets immobiliers.

Liste des dérogations au principe de la mutualisation des produits de cession

Bénéficient d'un régime dérogatoire avec un taux de retour à 100 %, les produits de cession :

- des immeubles domaniaux occupés par le ministère des armées ;

- des immeubles domaniaux situés à l'étranger et occupés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, jusqu'au 31 décembre 2025 ;

- des biens mis à disposition des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et des établissements publics administratifs mentionnés au II de l'article L. 711-9 du code de l'éducation ayant demandé à bénéficier de la dévolution de leur patrimoine immobilier par une délibération de leur conseil d'administration ;

- des biens immobiliers appartenant à l'État affectés ou mis à disposition d'établissements publics exerçant des missions d'enseignement supérieur ou de recherche, qui contribuent au financement de projets immobiliers situés dans le périmètre de l'opération d'intérêt national d'aménagement du plateau de Saclay ;

- des biens immeubles de l'État et des droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l'État occupés par la direction générale de l'aviation civile ;

- des biens mis à disposition de l'office national des forêts ;

- des biens mis à disposition des voies navigables de France.

Source : réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial

Un autre processus conduisant à contourner les règles du CAS résulte de l'octroi d'avances aux entités ou ministères qui, lors du lancement de certaines opérations immobilières, ne disposeraient pas de ressources suffisantes au titre de leurs droits dans les produits de cession. Le versement de ces avances est ainsi destiné à ne pas retarder le démarrage des opérations envisagées par les entités ou ministères concernés.

Selon la DIE, le niveau atteint par ces avances justifie qu'il n'y soit plus fait recours le temps que les ventes attendues pour le remboursement des principales avances se matérialisent. Ainsi, le montant net des avances consenties par le CAS s'élevait à 297 millions d'euros en juin 2024, en retrait relatif par rapport au montant de 326 millions d'euros constaté en juin 2023.

Montant des avances consenties par le CAS
par budget opérationnel de programme (BOP)

(en millions d'euros)

Périmètre du BOP

Montant initial de l'avance

Montant de l'avance au 31/12/2023

Montant remboursé

Montant net au 30/06/2024

BOP centraux

Ministère des armées

63,4

63,4

0

63,4

Ministère de l'intérieur

131

120,6

0

120,6

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

67,8

39,33

7,69

31,64

Ministère de l'enseignement supérieur

50

50

0

50

Services du Premier ministre

41,72

25,97

0,61

25,36

Total BOP centraux

353,92

299,3

8,3

291

BOP régionaux

Nouvelle-Aquitaine

19,5

9,12

5,36

3,76

Guadeloupe

2,88

2,88

0

2,88

Total général

376,3

311,3

13,66

297,64

Source : réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial

b) Une marginalisation en dépenses persistante avec le recours à d'autres vecteurs budgétaires pour des montants supérieurs, mais qui pourrait disparaître à terme

En l'absence de loyers versés par les administrations occupantes, les recettes du CAS sont largement insuffisantes pour répondre aux besoins d'entretien et de rénovation du parc immobilier de l'État. Aussi, dans la période récente, le Gouvernement a mobilisé d'autres vecteurs budgétaires pour porter des grands projets structurels, notamment le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » et l'action « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie ».

(1) Le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » de la mission « Transformation et fonction publiques »

La direction de l'immobilier de l'État est responsable du programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » de la mission « Transformation et fonction publiques ».

Initialement destiné à financer la rénovation des sites occupés par plusieurs services de l'État et de ses opérateurs (les « cités administratives »)11(*), ce programme a été doté depuis 2023 de financements complémentaires pour mener à bien les opérations du plan de sobriété énergétique, au titre de l'action « Résilience ».

Le programme 348 visait à moderniser les bâtiments publics en réhabilitant le parc existant, notamment pour diminuer les consommations d'énergies et en investissant sur des travaux ciblés sur la performance énergétique et sur l'évolution des modes de travail.

En LFI 2024, le programme 348 a bénéficié de 528 millions d'euros de crédits de paiement, notamment pour accélérer la rénovation énergétique du parc immobilier. Dans le cadre du PLF 2025, les moyens du programme 348 connaissent une réduction marquée, avec une baisse de - 31,7 % en CP, à 360 millions d'euros.

Si la mobilisation d'un programme budgétaire distinct du CAS pouvait s'expliquer par les contraintes spécifiques à la gestion de celui-ci, limitant l'engagement de nouvelles dépenses à hauteur des recettes issues des produits de cession et des redevances domaniales, ce choix a accentué l'éclatement de la politique immobilière de l'État. Aussi, dans le cadre de la nouvelle gestion immobilière qui devrait être initiée par la création de la foncière publique interministérielle (voir infra), une extinction progressive du programme 348 pourrait être envisagée.

(2) La suppression des crédits de l'action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie » dans le cadre du présent projet de loi de finances représente un progrès en vue de la centralisation des vecteurs budgétaires de la politique immobilière de l'État

Dans le cadre du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance », introduite dans le projet de loi de finances pour 2021, une nouvelle action, l'action 01 « Rénovation énergétique », avait été créée pour porter un plan de plus de 6,29 milliards d'euros pour la rénovation énergétique, dont 4 milliards d'euros pour celle des bâtiments publics.

En 2021, l'action « Rénovation énergétique » avait été dotée de 2,86 milliards d'euros de crédits de paiement. Par la suite, les crédits de cette action ont diminué progressivement, tout en demeurant à un niveau élevé jusqu'en 2024 : 1,51 milliard d'euros en 2022, 983 millions d'euros en 2023 et 683 millions d'euros en 2024, soit un cumul de 6,04 milliards d'euros depuis la création de l'action.

Aussi, compte tenu du déploiement du plan initial, le PLF 2025 prévoit de ne pas ouvrir de nouveaux crédits sur l'action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie ».

Le rapporteur spécial considère cette évolution comme un progrès important en vue de la concentration des moyens budgétaires associés à la politique immobilière de l'État, dont le fonctionnement est appelé à évoluer fortement avec la création de la foncière publique interministérielle (voir infra).

B. UNE GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT QUI POURRAIT À TERME SIGNIFICATIVEMENT ÉVOLUER AVEC LA CRÉATION D'UNE FONCIÈRE PUBLIQUE INTERMINISTÉRIELLE, DONT UN PILOTE SERA MIS EN oeUVRE EN 2025

1. La création de la foncière de l'État devrait se traduire par le versement de loyers par les administrations occupantes

Présentée par le ministre chargé des comptes publics à l'occasion du conseil de l'immobilier de l'État (CIE) du 29 février 202412(*), la réforme de la foncière d'État vise à assurer « une gestion immobilière responsable, durable et sobre », à travers notamment la réalisation d'un objectif de réduction des surfaces occupées de 25 % en dix ans. Dans ce cadre, l'incitation des ministères à la rationalisation, à la mutualisation et à la rénovation de leurs bâtiments passerait par le versement de loyers payés par les occupants.

Cette nouvelle organisation avait été recommandée par un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable13(*) en avril 2022, consacré à la professionnalisation de la gestion de l'immobilier de l'État.

Les recommandations du rapport IGF-CGEDD d'avril 2022

« Confier la mission de représenter l'État propriétaire et d'accompagner les occupants publics sur l'ensemble de la chaine des besoins immobiliers à une entité publique opérationnelle dédiée, placée sous la tutelle de la DIE et dotée d'antennes régionales. Cette agence, bras armé opérationnel de la politique immobilière de l'État, assurerait la gestion du propriétaire, la conduite de projet et la valorisation du patrimoine foncier et de l'immobilier de bureaux de l'ensemble des ministères (hors ministère des armées et biens situés à l'étranger) et, selon des règles à définir, celles des opérateurs de l'État, et elle apporterait son expertise en matière de maîtrise d'ouvrage pour l'ensemble du parc immobilier de l'État. Elle serait soit affectataire, soit propriétaire des biens dont elle assurerait la gestion. »

« Mettre en place des loyers versés par les administrations occupantes à l'agence représentant l'État propriétaire, qui financeraient les dépenses du propriétaire, en prévoyant un dispositif financier incitatif pour les administrations qui rationalisent leur organisation immobilière. »

Source : Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable, « Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser », avril 2022

Pilotée par la DIE, la mise en place du projet de foncière repose sur un « pilote » (c'est-à-dire une première expérimentation sur un champ territorial déterminé) qui sera déployé à compter de 2025.

Le périmètre du pilote porte sur les immeubles de bureaux occupés par les services du ministère des finances et du ministère de l'intérieur (hors police et gendarmerie) et les sites multi-occupants situés dans deux régions, Grand Est et Normandie14(*).

2. Les gains budgétaires attendus devraient principalement résulter de la diminution du montant des investissements nécessaires pour la mise aux normes des biens immobiliers de l'État, les produits de cession présentant des perspectives limitées

À terme, la foncière a vocation à se déployer sur l'ensemble du périmètre des immeubles de bureaux et locaux d'activités de l'État, à l'exception des logements isolés, des biens occupés par le ministère des armées et des biens situés à l'étranger ou des biens trop spécifiques (musées, cathédrales, barrages, etc.), soit environ 20 millions de mètres carrés sur un patrimoine immobilier total de 96 millions de mètres carrés.

Selon le directeur de l'immobilier de l'État15(*), les économies de surfaces occupées attendues de la réduction de 25 % des surfaces supprimées représenteraient 5 millions de mètres carrés, composées pour moitié de libérations de baux et pour moitié de cessions de bâtiments domaniaux. Si la cession des biens domaniaux pourrait constituer une source de recettes, l'essentiel des gains financiers devrait résulter de la diminution du « mur » d'investissements nécessaires pour la mise aux normes des bâtiments.

L'option privilégiée serait de transformer la société anonyme Agile, détenue entièrement par l'État, en un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Dans ce cadre, la transformation de la société Agile en établissement public n'emporterait ni création de personne morale nouvelle, ni cessation d'activité. Les biens, droits, obligations, contrats et autorisations de toute nature de l'établissement public seraient ceux de cette société au moment de la transformation de sa forme juridique. Cependant, la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public nécessiterait une disposition législative expresse. Aussi, la DIE a indiqué au rapporteur spécial que cette décision faisait actuellement l'objet d'un arbitrage par le Gouvernement.

Selon la DIE, la mise en oeuvre de la foncière de l'État pourrait à terme se substituer au compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Ainsi, « le CAS immobilier est supposé s'éteindre avec le déploiement complet de la fonciérisation »16(*).

En effet, dans ce futur cadre, les recettes et dépenses correspondant à la gestion du parc immobilier de l'État transiteraient par le budget de l'EPIC, qui serait un opérateur placé sous la tutelle de la DIE.

Le rapporteur spécial soutient résolument la professionnalisation et la rationalisation de la gestion immobilière de l'État que permettra la création de la foncière, avec le versement de loyers par les administrations occupantes.

De fait, selon les estimations communiquées par le précédent Gouvernement, la réduction de 25 % des surfaces de bureaux d'ici 2032 devrait se traduire par la résiliation de baux pour une économie à terme d'un milliard d'euros en dépenses annuelles d'entretien et de loyers17(*).

Le rapporteur sera ainsi particulièrement attentif aux modalités pratiques de déploiement du pilote de foncière dans les mois à venir.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 7 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Claude Nougein, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Claude Nougein, rapporteur spécial sur les missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonction publiques » et « Crédits non répartis » et sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». - Je commencerai par vous présenter les crédits d'un bloc de trois missions assez différentes et d'ampleur budgétaire inégale, mais que nous avons l'habitude d'examiner ensemble : les missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonction publiques » et « Crédits non répartis ». Je poursuivrai ensuite avec la présentation du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Je commencerai par la mission « Gestion des finances publiques », dotée de 11,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et d'un peu moins de 11 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Elle porte les crédits des deux grandes administrations de réseau du ministère de l'économie et des finances, c'est-à-dire la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Elle porte également les crédits du secrétariat général du ministère.

Les AE de la mission augmentent d'environ 2,3 % et les CP sont en très légère hausse, presque stables, à + 0,66 %. Cette modeste augmentation des CP est surtout due au dynamisme naturel des dépenses de personnel, qui représentent 80 % des crédits de la mission, et plus particulièrement à l'augmentation de la contribution de la mission au CAS « Pensions ». En faisant abstraction de ce facteur, sur lequel les directeurs de programme n'ont pas de prise, les crédits de la mission seraient en réalité en baisse de près de 4,8 %.

La stabilisation des crédits de la mission intervient après deux années de hausse substantielle et s'inscrit dans le contexte de redressement des finances publiques. On constate, en se penchant sur le détail des évolutions de crédits par poste de dépenses, que la mission « Gestion des finances publiques » prend toute sa part dans cet effort budgétaire, sans pour autant remettre en cause les chantiers prioritaires identifiés ces dernières années, ce dont je me félicite.

La contribution de la mission au redressement des comptes publics est mise en lumière par la baisse de 0,8 % des dépenses de fonctionnement. La diminution des dépenses d'investissement est plus substantielle, à hauteur de 7,8 %, et se traduit essentiellement par la suspension du projet de rénovation immobilière du bâtiment Vincent-Auriol du secrétariat général de Bercy, dont la concrétisation a déjà été reportée plusieurs fois ces dernières années. La baisse des dépenses d'investissement ne remet toutefois pas en cause les projets structurants de modernisation des administrations de la mission. Je pense notamment aux dépenses informatiques, sur lesquelles je reviendrai.

J'en viens aux dépenses de personnel, dont l'augmentation d'un peu plus de 2 % doit être nuancée. Sur ce sujet, je tiens à saluer l'effort de rationalisation des effectifs de la mission, qui se poursuivra et s'intensifiera en 2025, avec 505 suppressions d'emplois prévues, contre seulement 44 en 2024. Cette diminution des effectifs est essentiellement portée par la DGFiP, pour laquelle une suppression de 550 équivalents temps plein (ETP) est prévue.

Je précise par ailleurs que le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale visant à minorer les crédits de la mission de 104,2 millions d'euros dans le cadre des mesures d'économies transversales qu'il a annoncées devant notre commission lors de la présentation du projet de loi de finances (PLF).

Tels sont les grands équilibres de la mission. J'en viens maintenant aux trois axes sur lesquels je me suis plus particulièrement penché dans le cadre de mon rapport.

Premier axe, il s'agit de la rationalisation du réseau de la DGFiP, entamée de longue date. Vous le savez, il y a eu un changement de méthode en 2019 avec le lancement du « nouveau réseau de proximité », qui est aujourd'hui quasiment finalisé. Par ailleurs, la délocalisation de certains services de l'administration fiscale de Paris vers les villes moyennes et les territoires périurbains suit son cours : l'ensemble des services concernés seront relocalisés avant la fin 2024 et les derniers transferts de personnels interviendront en 2026.

À côté de cette évolution, qui touche surtout les contribuables, il y a aussi, pour les collectivités territoriales, le déploiement des conseillers aux décideurs locaux (CDL). Aujourd'hui, 913 conseillers sont en poste, alors que la cible initiale était fixée à 1 200. Celle-ci a été revue à la baisse et est désormais fixée à un peu moins de 1 000 conseillers. Comme je l'avais souligné lors de la remise du rapport de la Cour des comptes sur l'action territoriale de la DGFiP à notre commission en décembre dernier, il est regrettable que le Gouvernement soit revenu sur son engagement initial, alors même que la qualité du travail des conseillers aux décideurs locaux est saluée par les collectivités - j'en ai parlé avec des maires de mon département et ils tirent eux-mêmes ce bilan.

Deuxième axe, les dépenses informatiques. Ces dernières ont trop longtemps servi de variable d'ajustement et ne sont sanctuarisées que depuis quelques années. En 2025, le budget qui leur est réservé est proche de celui de 2024 et atteint 584 millions d'euros à l'échelle de la mission. Ces dépenses sont essentielles pour résorber la dette technique des administrations et développer de nouvelles applications, à même de générer des gains de productivité à moyen terme.

Toutefois, la gestion des chantiers informatiques souffre encore d'un problème majeur. Chaque année, lors de l'examen du projet de loi de finances, je constate que les coûts des projets ont été réévalués à la hausse et que leur période de mise en oeuvre a été étendue. Au fil du temps, certains budgets doublent, voire triplent. Il est grand temps que des indicateurs soient mis en place pour mieux suivre la mise en oeuvre de ces projets.

Troisième axe, la lutte contre la fraude et contre les flux illicites de toute nature. Concernant le contrôle fiscal, les montants encaissés sont stables depuis trois ans et ont à peu près retrouvé leur niveau de 2019. En matière de lutte contre les trafics de toute nature, l'augmentation du budget de la douane est à signaler. Cette hausse permettra notamment de poursuivre la modernisation des équipements et je pense notamment à l'acquisition de nouveaux scanners, utiles dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.

De plus, les moyens du service de renseignement de la douane, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), sont renforcés. Ils bénéficient notamment du transfert de 23 ETP depuis la DGFiP, pour constituer une nouvelle unité de renseignement fiscal, dont la création a été annoncée dans le cadre du plan « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », au printemps 2023.

Par ailleurs, lors de l'examen de la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, nous avions approuvé la création d'une réserve opérationnelle douanière. Celle-ci n'est toujours pas en service, car les textes d'application n'ont pas été publiés, alors même que cette création était en partie justifiée par l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. On ne peut que le regretter. Cependant, d'après les informations recueillies lors de mes auditions, la réserve opérationnelle devrait être mise en service d'ici à l'été 2025.

Enfin, je présenterai deux amendements, déjà adoptés par le Sénat l'an dernier. Ils visent, d'une part, à augmenter le nombre de jours de carence appliqués aux arrêts maladie dans la fonction publique de l'État et, d'autre part, à réduire les emplois des opérateurs. Ces amendements sont imputés par convention sur la mission « Gestion des finances publiques ». Je proposerai d'adopter les crédits de la mission tels que modifiés par mes deux amendements.

J'en viens à la mission « Crédits non répartis », dont les dotations liées aux deux programmes, « Provision relative aux rémunérations publiques » et « Dépenses accidentelles et imprévisibles », sont prévues par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).

La provision relative aux rémunérations publiques fait de nouveau l'objet d'une ouverture de crédits, à hauteur de 70 millions d'euros. Cette dotation a vocation à financer la mise en place d'un référentiel d'emploi pour les agents contractuels de la fonction publique, ainsi que des mesures de convergence indiciaire et de revalorisation indemnitaire pour les administrateurs de l'État. Toutefois, j'attire votre attention sur le fait que le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale, visant à supprimer l'ensemble de cette enveloppe, ce qui pose évidemment question quant au sort réservé à ces mesures.

La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles s'élève à 125 millions d'euros. Depuis 2021, le Gouvernement propose des ouvertures de crédits excessives pour ce programme, en s'appuyant sur des justifications insuffisantes. Notre commission s'y est systématiquement opposée et la faiblesse des montants exécutés sur les différents exercices nous donne raison. L'an dernier, l'enveloppe demandée était plus raisonnable, mais notre commission avait proposé, sans succès, de restaurer le montant conventionnel fixé avant la crise sanitaire. Il semble que le Gouvernement ait enfin suivi notre position et je m'en félicite.

Je vous propose d'adopter les crédits de cette mission.

Concernant la mission « Transformation et fonction publiques », je développerai deux éléments principaux.

En premier lieu, il faut souligner la baisse marquée des moyens de la mission dans le cadre de l'effort de redressement des finances publiques. En effet, si l'enveloppe allouée avait connu une première diminution de 5,6 % en CP en loi de finances initiale (LFI) pour 2024, le projet de loi de finances pour 2025 acte une baisse significative de 26,9 % en CP, à périmètre courant, à 801 millions d'euros.

Certes, une partie de cette évolution résulte d'une mesure de périmètre : la suppression du programme 352 « Innovation et transformation numériques », dont l'enveloppe s'élevait à 74,1 millions d'euros en LFI pour 2024. Il a été intégré au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Je me félicite de cette centralisation des crédits relatifs à la coordination de la politique numérique, que je recommandais depuis plusieurs années.

À périmètre constant, les crédits de la mission baissent de 21,6 % en CP, soit une diminution de plus de 220 millions d'euros, et de 8,3 % en AE, avec une dotation en AE de 1,081 milliard d'euros. Cette dernière diminution, moins importante que la première, n'en demeure pas moins substantielle.

Cette baisse des moyens de la mission s'explique par la rationalisation des crédits des deux programmes fonctionnant par appels à projets, qui diminuent d'environ un tiers en CP. Il s'agit du programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs », qui finance la rénovation des cités administratives, et du programme 349 « Transformation publique », constitué pour l'essentiel par le fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP). De fait, ces programmes connaissaient une sous-consommation chronique de leurs crédits et d'importants retards en matière de décaissement.

En second lieu, je souhaiterais mettre en avant la finalisation prochaine du programme de rénovation des cités administratives, qui couvre 36 sites et dont 15 projets ont déjà été réceptionnés au 30 août dernier. Je rappelle que le programme avait été créé en loi de finances initiale pour 2018, mais que les travaux n'avaient débuté qu'en 2022.

Alors que 39 sites avaient d'abord été sélectionnés, trois projets ont dû être abandonnés sur décision du préfet ou de la direction de l'immobilier de l'État : ceux de Melun, Brest et Tours. Les crédits ont été réalloués aux autres projets, dans un contexte de forte inflation des coûts de construction, qui a contraint les moyens du programme.

Je me félicite aussi de la mise en oeuvre du projet de foncière de l'État, annoncée par le ministre chargé du budget et des comptes publics en février dernier. Une expérimentation territoriale devrait être déployée en 2025, dans les régions Grand Est et Normandie. Ce projet de foncière interministérielle publique, qui prévoit le versement de loyers par les administrations occupantes, devrait se traduire par une « gestion immobilière responsable, durable et sobre ».

La foncière devrait prendre la forme d'un établissement public industriel et commercial (Épic), placé sous la tutelle de la direction de l'immobilier de l'État. Elle aurait vocation, à terme, à couvrir la majorité des immeubles de bureaux et des locaux d'activités de l'État, soit environ 20 millions de mètres carrés sur un patrimoine immobilier total de 96 millions de mètres carrés.

La réduction de 25 % des surfaces de bureaux devrait aboutir à des gains estimés à 1 milliard d'euros, résultant principalement de la diminution des investissements nécessaires pour la mise aux normes des bâtiments.

Dans ce cadre, je vous présenterai un troisième amendement, visant à tirer la conséquence budgétaire de la mise en oeuvre, dès 2025, de cette trajectoire de réduction des surfaces occupées.

Je vous proposerai d'adopter les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques » ainsi modifiés.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je partage l'avis du rapporteur spécial quant à l'adoption des crédits des missions, modifiés par les amendements qu'il a proposés.

Concernant les cités administratives, celle de Nancy est ouverte. Il pourrait être intéressant de mener une mission sur les contraintes que peut rencontrer l'État dans la transformation de ses bâtiments, notamment en matière de normes et de surcoûts éventuels. Nous pourrions en tirer quelques enseignements. On se concentre souvent sur ce qui ne fonctionne pas. Cependant, quand certaines réformes produisent des satisfactions, il faut savoir s'en réjouir. Je pense aussi aux conseillers aux décideurs locaux, qui semblent très appréciés sur le territoire parce qu'ils répondent à des besoins réels et allègent les difficultés, surtout dans les petites communes.

Mme Nathalie Goulet. - D'abord, la fermeture du bureau de douane de l'aviation privée du Bourget ne me semble pas opportune dans cette période de lutte contre le narcotrafic et le blanchiment ; qu'en pensez-vous ?

Ensuite, compte tenu de l'excellence des résultats obtenus après la réforme du « verrou de Bercy », il semblerait possible de diminuer le nombre de membres de la commission des infractions fiscales.

Par ailleurs, la diminution du nombre d'agents me semble incompatible avec les mesures que souhaite prendre le ministre de l'intérieur en matière de lutte contre le narcotrafic. Il faudra ajuster.

Enfin, je voudrais évoquer la question de la formation des agents. Ceux de la DGFiP en ont notamment besoin, sur des questions comme celles du blanchiment et des cryptoactifs. Avez-vous des informations à ce sujet ?

M. Marc Laménie. - Depuis plusieurs années, la mission « Gestion des finances publiques » est très impactée par une baisse des effectifs, notamment en raison de la rationalisation des moyens et des fermetures de trésoreries dans nos territoires. Que sait-on de la répartition de ces effectifs entre l'administration centrale et les directions des finances publiques dans les territoires ?

Connaissez-vous le nombre de centres d'appels mis en place ?

Je partage l'avis du rapporteur général : les CDL sont très importants, notamment pour les élus dans les villages. Prévoit-on d'en augmenter le nombre l'année prochaine ?

Enfin, qu'en est-il des effectifs de l'administration des douanes ? Sont-ils stables ou en baisse ?

M. Thierry Cozic. - En ce qui concerne la lutte contre la fraude, les montants encaissés ont été à peu près stables entre 2019 et 2023. Les moyens humains alloués au recouvrement sont-ils adéquats ? Ont-ils évolué ces dernières années ?

Notre groupe ne votera pas les crédits proposés, pour l'ensemble des missions.

La mission « Gestion des finances publiques » connaît une importante baisse d'effectifs ; quels sont les services impactés ?

J'en viens à l'amendement sur les trois jours de carence, qui reflète la volonté de la droite d'aligner les conditions de travail de la fonction publique sur celles du privé. Néanmoins, je voudrais citer un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), qui souligne que deux tiers des salariés du privé sont protégés contre la perte de revenu induite par le délai de carence, par le biais des conventions collectives. En fait, vous souhaitez aligner les conditions de travail des fonctionnaires, qui sont déjà de plus en plus difficiles, non pas sur celles de l'ensemble des salariés du privé, mais bien sur celles des salariés des entreprises les moins-disantes.

M. Michel Canévet. - La transformation des services des finances publiques sur les territoires s'est plutôt bien passée et les moyens ont été réduits et optimisés. À cet égard, le Gouvernement avait annoncé un mouvement de déconcentration des services ; avez-vous des informations sur ce qui a été fait en la matière ? Une nouvelle tranche de déconcentration pourrait-elle être envisagée, afin de mieux irriguer les territoires ?

En ce qui concerne les bâtiments, je partage l'opinion du rapporteur général : il nous faut savoir comment se passe la transformation du bâti de l'État. Ce dernier doit avoir des obligations en matière de transition écologique et adapter ses bâtiments en répondant à des exigences similaires à celles qui s'imposent dans le secteur privé. De plus, il faut maintenir l'objectif d'optimisation des mètres carrés.

Selon les annonces du Gouvernement, la baisse des dépenses liées aux arrêts maladie s'élève à 444 millions d'euros. Or, dans l'amendement que vous proposez, vous évaluez à 112 millions d'euros l'économie effectuée. Comment expliquer cet écart ? De plus, pourquoi se limiter aux fonctionnaires et ne pas inclure les opérateurs de l'État ?

M. Victorin Lurel. - Depuis 2020, les efforts demandés à la mission « Gestion des finances publiques » se sont traduits par la disparition d'environ 6 000 emplois. A-t-on un bilan global ?

En ce qui concerne la lutte contre la fraude, nous avons procédé à un arbitrage en faveur de l'intelligence artificielle et du data mining. Cependant, il est essentiel de maintenir une expertise humaine qui soit en nombre suffisant et de qualité. Pourrait-on avoir une idée de ce qui se passera en 2026 et en 2027 pour les crédits et le schéma d'emploi dans le projet annuel de performance ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Sur la question des CDL, la Cour des comptes a procédé à une évaluation dans les départements. Le ministre Gérald Darmanin avait fait un tour de France pour présenter son programme aux maires : la fermeture des trésoreries et le déploiement de 1 200 CDL. Aujourd'hui, ils sont 917. Lorsque j'ai entendu la directrice de la DGFiP dans le cadre de mes auditions, elle m'a fait comprendre qu'il n'était peut-être pas utile d'atteindre le chiffre de 1 200, même s'il s'agissait d'une promesse du ministre. Il est difficile de recruter des secrétaires de mairie et de trouver des maires, qui bien souvent ne savent pas faire un budget. Les CDL sont indispensables dans les petites communes.

Les maires sont très satisfaits de la qualité du travail des CDL, mais ceux-ci prennent parfois des congés, ou tombent malades, et certains besoins forts ne sont pas satisfaits. Est-ce que 1 000 CDL suffiront ? C'est un sujet à suivre en fonction des remontées dont nous serons destinataires.

Madame Goulet, je ne sais pas pourquoi le bureau des marchandises de l'aéroport du Bourget ferme, nous n'avons pas interrogé le directeur général à ce sujet, mais nous allons le faire.

La formation des agents de la DGFiP est assurée et fonctionne plutôt bien, comme je peux le constater dans mon département. Il s'agit d'une administration performante, ce dont nous nous réjouissons pour les recettes de l'État. Certains contribuables préféreraient sans doute que la santé soit plus performante, mais nous souhaitons que tout le monde soit efficace ! Les redressements sont à peu près stables, même si, dans un monde idéal, ceux-ci ne seraient pas nécessaires... Plus les contrôles sont efficaces, moins il y en a, d'ailleurs. Les grosses affaires viennent surtout de l'international, de la fraude à la TVA et des entreprises multinationales. Pour autant, ne confondons pas fraude fiscale et évasion fiscale. S'agissant de la première, certains chiffres circulent dont personne ne connaît vraiment la source.

Monsieur Laménie, en effet, les effectifs de la DGFiP baissent fortement depuis une dizaine d'années, malgré un épisode de stagnation puis deux années de progression en 2023 et 2024, durant lesquelles on a dépensé sans compter. Cette baisse est normale, pour deux raisons essentielles. La première est que le prélèvement à la source est très efficace et la fraude concernant les contribuables ayant des revenus fixes est ainsi mieux connue ; la seconde est que la majorité des contribuables ne bénéficiant que de leur salaire ou de leur retraite, le contrôle est rapide. Davantage de postes seront sans doute supprimés avec la facturation électronique qui arrive en 2026 : la fraude à la TVA deviendra pratiquement impossible, sauf via un schéma frauduleux, et les contrôles seront encore facilités. Il ne sera alors plus nécessaire de mobiliser des petites mains pour faire des contrôles sur des bouts de papier.

Concernant les douanes, le droit de visite rénové par la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces donne de bons résultats, à la satisfaction générale., La Douane devrait voir ses effectifs augmenter de 50 ETP en 2025 et continuera d'investir dans ses moyens matériels : scanners, hélicoptères aux Antilles, ou encore motos. Il s'agit également d'une administration qui fonctionne plutôt bien..

Monsieur Cozic, il est vrai que les redressements sont stables depuis plusieurs années, mais beaucoup de contrôles fiscaux sur pièces sont mis en oeuvre, ainsi que des processus de data mining qui semblent très efficaces. Il est logique que, au fur et à mesure que l'administration de la DGFiP s'informatise et se modernise, ses effectifs baissent. Ce n'est peut-être pas terminé.

S'agissant du délai de carence, vous avez raison, mais cette année, la différence est que le Gouvernement lui-même propose cette mesure, que nous soutenons, car nous l'avions déjà votée l'année dernière en commission des finances. Le nombre d'arrêts médicaux a en effet explosé depuis le covid. Le Gouvernement estime qu'une telle mesure est susceptible de faire diminuer le nombre d'arrêts de courte durée.

Monsieur Canévet, l'État possède clairement trop de bâtiments : les administrations publiques occupent environ 300 millions de mètres carrés, soit 100 millions pour l'État et 200 millions pour les collectivités. Un point stupéfiant : entre 8 heures et 18 heures, c'est-à-dire aux heures ouvrables, ces mètres carrés sont vides 60 % du temps. Avec trois jours de télétravail dans la fonction publique aujourd'hui, ce qui n'existait pas avant, un jour de RTT et un jour de formation, on ne voit pas le fonctionnaire de la semaine ! C'est un exemple caricatural, évidemment, mais c'est pourquoi nous avons déposé un amendement à ce sujet. Par ailleurs, cette foncière de l'État me semble être une bonne idée.

Article 42 (état B)

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. L'amendement II-16 (FINC.1) vise une diminution de 2,5 % des emplois des opérateurs de l'État, représentant 10 000 équivalents temps plein (ETP), sur un total d'environ 400 000 ETP, emportant une économie de 150 millions d'euros sur une demi-année, donc de 300 millions d'euros sur l'année. La cible de cet amendement est les agences de l'État.

L'amendement II-16 (FINC.1) est adopté.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. L'amendement II-17 (FINC.2) tend à porter à trois jours le délai de carence dans la fonction publique d'État (couvrant l'État et ses opérateurs). L'administration estime que cette mesure permettra d'économiser 112 millions d'euros, mais selon moi, le chiffre sera encore plus important.

L'amendement II-17 (FINC.2) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Gestion des finances publiques », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

M. Claude Raynal, président. Nous passons à l'examen des crédits de la mission « Crédits non répartis ».

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Je suis favorable à l'adoption des crédits de cette mission sans modification.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Crédits non répartis ».

M. Claude Raynal, président. Nous examinons maintenant les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », sur lesquels un amendement a été déposé.

Article 42

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. L'amendement II-8 (FINC.1) vise à diminuer les crédits de la mission de 125 millions d'euros, correspondant à la mise en oeuvre du début de la trajectoire de réduction de 25 % des surfaces de bureau de l'État d'ici 2032.

Mme Christine Lavarde. Avez-vous des éléments sur la mise en oeuvre de la foncière de l'État ? Cela relève-t-il du projet de loi de finances ? Qu'en est-il, sinon, du calendrier du véhicule législatif ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. C'est prévu pour 2025. M. Cazenave hésitait entre une société anonyme (SA) à capitaux publics (avec une détention à 100 % par l'État) ou un Épic. Rien n'est encore décidé, à ce stade. Si l'option de la création d'un Épic devait être retenue par le Gouvernement, une telle option nécessiterait effectivement une disposition législative dédiée, car il s'agirait d'une nouvelle catégorie d'établissement public.

Mme Christine Lavarde. Soyons un aiguillon sur ce sujet, afin que le Gouvernement agisse rapidement.

L'amendement II-8 (FINC.1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », sous réserve de l'adoption de son amendement.

M. Claude Raynal, président. Nous terminons par le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État, ce CAS vise à financer les opérations de valorisation et la modernisation du parc immobilier de l'État en recourant, prioritairement, à la cession d'actifs.

Pour 2025, les prévisions de recettes du CAS, d'un montant total de 340 millions d'euros, se décomposent, comme en LFI 2024, de la manière suivante : 210 millions d'euros au titre des produits des cessions de biens immobiliers de l'État ; 110 millions d'euros au titre du produit des redevances domaniales ou des loyers perçus par l'État ; 20 millions d'euros au titre des fonds de concours et des versements du budget général.

Dans le cadre du PLF 2025, les prévisions de dépenses d'entretien du propriétaire reposent, comme en 2024, sur la priorisation de l'entretien du propriétaire des immeubles de bureaux et sont reconduites à hauteur de 200 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

De toute évidence, les moyens du CAS sont très limités au regard de l'étendue du parc immobilier de l'État. Au 31 décembre 2023, l'État et ses établissements publics occupaient un patrimoine immobilier de 96 millions de mètres carrés de surface bâtie et de 31 000 terrains non bâtis, pour une valorisation comptable estimée à 73,7 milliards d'euros.

Rapporté à ce patrimoine très étendu, le CAS « Gestion du patrimoine de l'immobilier de l'État » constitue un instrument marginal pour la politique immobilière de l'État. De fait, l'effort d'investissement supporté par le CAS représente seulement en moyenne annuelle 12 % des dépenses d'investissement immobilier de l'État sur la décennie 2014 à 2023. Dans la période récente, le Gouvernement a ainsi mobilisé d'autres vecteurs budgétaires pour porter des grands projets structurels, notamment le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » et l'action n° 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie ». Aussi, selon la direction de l'immobilier de l'État, la création de la foncière de l'État pourrait à terme aboutir à la suppression de ce compte d'affectation spéciale.

Je vous propose donc d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » sans modification.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction de l'immobilier de l'État (DIE)

- M. Alain RESPLANDY-BERNARD, directeur.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 2 Il ne peut pas être supprimé, car l'article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) impose qu'un compte d'affectation spéciale comporte au moins deux programmes.

* 3 Réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur général.

* 4 Valorisation pondérée par les difficultés de cession.

* 5 Et en tenant compte de nombreuses exceptions, qui diminuent d'autant la part affectée au compte.

* 6 Réponses de la DIE au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

* 7 Il est donc possible que deux opérations a priori similaires donnent lieu à un taux de décote différent.

* 8 Article 274 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 9 Décret n° 2019-1460 du 26 décembre 2019 relatif au plafonnement de la décote prévue à l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 10 Réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial.

* 11 L'État compte 56 cités administratives dans son réseau déconcentré dont 36 bénéficiaires du programme de rénovation. La livraison des dernières cités administratives encore en travaux devrait intervenir en 2025.

* 12 Communiqué de presse du 1er mars 2024, « Lancement des travaux du Conseil de l'immobilier de l'État sur le projet de foncière de l'État pour une gestion immobilière responsable, durable et sobre ».

* 13 Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable, « Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser », avril 2022.

* 14 De façon ponctuelle, certains biens en Auvergne Rhône-Alpes et en Île-de-France pourraient également être concernés pour concrétiser des opérations prioritaires.

* 15 Interrogé en audition par le rapporteur spécial.

* 16 Réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial.

* 17 Communiqué de presse du 8 avril 2024, « Bilan 2023 et perspectives 2024 de l'immobilier de l'État : un parc mieux valorisé, plus sobre et plus durable ».

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