B. UNE STABILITÉ APPARENTE DES RECETTES ET DES DÉPENSES DU CAS À 340 MILLIONS D'EUROS QUI MASQUE LA BAISSE TENDANCIELLE DES MOYENS DU COMPTE

1. Une stabilité apparente reposant sur des estimations de recettes calculées sur moyenne période

De fait, les prévisions de recettes et de dépenses du CAS affichent une stabilité globale entre 2024 et 2025, à 340 millions d'euros au total, avec des montants inchangés par rapport à la LFI 2024 pour toutes les lignes du compte, à l'exception de deux postes de dépenses qui connaîtraient des évolutions mineures :

- d'une part, les dépenses relatives aux contrôles règlementaires, audits, expertises et diagnostics, qui diminueraient de 2 millions d'euros en crédits de paiement (CP) à 15 millions d'euros (- 11,76 % par rapport à la LFI 2024) ;

- d'autre part, les dépenses portant sur le gros entretien, la réhabilitation, la mise en conformité et la remise en état, qui augmenteraient en sens inverse de 2 millions d'euros en CP, à 140 millions d'euros (+ 1,45 % par rapport à la LFI 2024).

Selon la direction de l'immobilier de l'État (DIE), cette stabilité des prévisions de recettes et de dépenses « est liée à la difficulté de prévoir finement les recettes et les dépenses, pour des opérations immobilières qui s'inscrivent nécessairement dans une échelle pluriannuelle »3(*).

D'après la DIE, le montant de 110 millions d'euros au titre des redevances domaniales serait « assez prévisible » chaque année. De même, un « socle de cessions immobilières » serait constaté sur le long terme, pour un montant annuel moyen proche de 160 millions d'euros.

Pour aboutir au montant des autres recettes, constituées des produits de cessions exceptionnelles, des fonds de concours et des versements du budget général, une moyenne annuelle a été calculée, d'une part, pour les cessions exceptionnelles, à hauteur de 50 millions d'euros, et, d'autre part, pour les fonds de concours et versements du budget général, à hauteur de 20 millions d'euros.

S'agissant des prévisions de dépenses, le montant de 340 millions d'euros constitue également une moyenne sur la période 2024-2027, étant précisé que ces dépenses correspondent à des ouvertures de crédits de paiement, découlant elles-mêmes des recettes prévisionnelles, et que le mécanisme propre au compte d'affectation spéciale conduit à reporter les crédits ouverts antérieurement et couvrant en particulier les restes à payer.

2. Des produits de cession représentant une part majoritaire des recettes du compte d'affectation spéciale, appelées à une diminution à terme à mesure de la raréfaction des biens cessibles

Au 20 août 2024, 296 cessions avaient été conclues, représentant des recettes totales de 96 millions d'euros effectives ou à venir. 17 d'entre elles sont unitairement supérieures à 1 million d'euros, cumulant à elles seules près de 69 millions d'euros. 25 % étaient initialement prévues au titre des années précédentes.

Cessions conclues en 2024 pour un prix de vente supérieur
à 10 millions d'euros

Au 20 août 2024, trois cessions avaient été conclues pour un montant supérieur à 10 millions d'euros :

- 1 183 mètres carrés de bureaux d'un opérateur du ministère de l'enseignement supérieur, dans le 16ème arrondissement de Paris, pour 16 millions d'euros ;

- 4 549 mètres carrés de bureaux de l'Insee, à Bordeaux, pour 10,23 millions d'euros ;

- 1 251 mètres carrés de bureaux du ministère des affaires étrangères, à Séoul (Corée du Sud), pour 10,25 millions d'euros.

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial

À la même date, 517 cessions étaient encore envisagées au titre de 2024, représentant près de 186 millions d'euros de produits de cession prévisionnels4(*). Ainsi, l'exécution 2024 pourrait atteindre un cumul de 813 ventes pour un montant de 282 millions d'euros. Selon la DIE, il est cependant probable qu'une partie de ces cessions soit reportée en 2025.

Concernant la programmation des cessions pour l'année 2025, la DIE recense au 20 août 2024 la cession de 660 biens pour un montant prévisionnel de 260 millions d'euros.

Il convient de souligner que ces recettes présentent un caractère prévisionnel, la valorisation des biens lors de leur inscription dans l'application de gestion de la DIE ne correspondant pas à une expertise en valeur vénale mais à une valeur théorique (valeur estimative, généralement la valeur comptable, qui est pondérée par les difficultés de cession envisagées). Ce n'est que lorsque la procédure de cession est engagée que l'on procède à l'évaluation du bien en valeur vénale, évaluation ayant pour objectif d'estimer la valeur du bien selon un ou plusieurs scénarios sans pour autant constituer une garantie de prix de cession minimum.

De surcroît, les fluctuations des paramètres des marchés immobiliers (taux d'intérêt, rapport offre-demande, coûts de construction) observées depuis plusieurs mois ont pour effet de complexifier davantage l'estimation précise des produits de cession.

Enfin, la valorisation ne tient compte ni des éventuelles décotes liées aux biens relevant du comité interministériel pour le développement de l'offre de logements (CIDOL), ni des aléas liés à la vie du site (report de libération, procédure juridique, squat, travaux à réaliser, etc.).

Comme le précise la DIE, la prévision en PLF correspond au montant d'encaissements et non au montant des actes de cession, dont l'encaissement peut être différé. De plus, selon le principe de mutualisation des produits de cession, le CAS est affectataire uniquement de la moitié des produits encaissés5(*).

Ainsi, alors que le PLF 2024 prévoyait un montant de produit des cessions évalué à 210 millions d'euros. 140 millions d'euros de produits étaient comptabilisés sur le CAS au 16 septembre 2024, provenant de cessions conclues en 2024 et antérieurement.

3. Des dépenses d'entretien dont les délais d'exécution devraient alimenter des reports de crédits importants

La stratégie de la DIE en matière d'entretien à la charge du propriétaire s'articule autour de trois axes complémentaires :

développer la maintenance préventive des bâtiments, source d'économies sur le long terme, et assurer la réalisation des contrôles réglementaires ;

financer des travaux lourds et en particulier de remise en état et en conformité, notamment lorsque les exigences de sécurité liées aux bâtiments accueillant des publics ou aux conditions de vie au travail des agents l'imposent ;

contribuer à la transition écologique en finançant des opérations conduisant à une meilleure maîtrise de la consommation énergétique.

Évolution des crédits destinés à couvrir les dépenses d'entretien du propriétaire sur la période 2023-2025

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

 

LFI

Exécution
(y compris ministère des armées)

LFI

Exécution provisoire au 9 septembre 2024
(y compris ministère des armées)

PLF

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

12 - Contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics

16,0

19,0

11,2

12,0

15,0

17,0

8,7

6,8

15,0

15,0

13 - Maintenance à la charge du propriétaire

51,0

45,0

51,1

51,9

48,0

45,0

47,4

32,3

48,0

45,0

14 - Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

103,0

106,0

82,9

147,0

137,0

138,0

29,1

50,0

137,0

140,0

Total

170,0

170,0

145,1

210,9

200,0

200,0

85,2

89,1

200,0

200,0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Pour 2023, la LFI prévoyait 170 millions d'euros en AE et en CP. En exécution, la consommation de crédits pour ce type de dépenses s'est établie à 145,1 millions d'euros en AE et 210,9 millions d'euros en CP. D'après la DIE, la baisse des engagements constatée en 2023 concernait majoritairement le ministère des armées qui retrouvait une consommation en AE similaire à celle de 2021 et ne représentait plus que 36 % des engagements contre 55,9 % en 2022. À l'inverse, le niveau de consommation en CP était supérieur à celui de l'exercice précédent (+ 7 %) en raison principalement du fort apurement des restes à payer des années antérieures.

Pour 2024, les prévisions de dépenses d'entretien du propriétaire étaient établies à hauteur de 200 millions d'euros en AE et en CP. Au 9 septembre 2024, les montants consommés s'élevaient à 85, millions d'euros en AE et 89,1 millions d'euros en CP, soit 43 % des AE et 44 % des CP prévus en LFI. Il est donc très probable que la sous-consommation des crédits du CAS se traduise par des reports de crédits sur l'exercice 2025.

Dans le cadre du PLF 2025, les prévisions de dépenses reposent, comme en 2024, sur la priorisation de l'entretien du propriétaire des immeubles de bureau et sont reconduites à hauteur de 200 millions d'euros en AE et en CP.


* 3 Réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur général.

* 4 Valorisation pondérée par les difficultés de cession.

* 5 Et en tenant compte de nombreuses exceptions, qui diminuent d'autant la part affectée au compte.

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